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07/10/2015 | LUXEMBOURG | N°34710

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 octobre 2015, 34710


Tribunal administratif N° 34710 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 juin 2014 1re chambre Audience publique du 7 octobre 2015 Recours formé Monsieur …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Mondercange, en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34710 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2014 par Maître Roy REDING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sino

n à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Mondercange du 31 mars...

Tribunal administratif N° 34710 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 juin 2014 1re chambre Audience publique du 7 octobre 2015 Recours formé Monsieur …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de Mondercange, en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34710 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2014 par Maître Roy REDING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Mondercange du 31 mars 2014 lui ayant refusé l’installation d’une clôture sur un terrain portant le n° cadastral …, situé à l’adresse pré-indiquée, ladite décision étant intervenue suite au recours gracieux introduit en date du 11 octobre 2013 à l’encontre d’une autorisation de construire partielle, référencée sous le n° 72/2013, lui délivrée le 9 août 2013 par le même bourgmestre ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 20 juin 2014, portant signification de ce recours en annulation à l’administration communale de Mondercange ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juin 2014 par Maître Claude PAULY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Mondercange ;

Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 novembre 2014 par Maître Claude PAULY, au nom de l’administration communale de Mondercange ;

Vu le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 décembre 2014 par Maître Roy REDING au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 décembre 2014 par Maître Claude PAULY, au nom de l’administration communale de Mondercange ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Audrey BEHA, en remplacement de Maître Roy REDING, et Maître Jessica PACHECO, en remplacement de Maître Claude PAULY, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 septembre 2015.

___________________________________________________________________________

En date du 29 avril 2013, Monsieur … adressa une demande au bourgmestre de la commune de Mondercange, ci-après « le bourgmestre », tendant à l’obtention d’une autorisation en vue de l’installation d’un portillon sur un terrain lui appartenant et situé à L-

….

Par décision du 10 juin 2013, le bourgmestre opposa un refus à la prédite demande.

Monsieur … ayant fait introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus par courrier du 19 juin 2013, le bourgmestre réitéra son refus par décision confirmative du 12 août 2013.

Monsieur … ayant parallèlement à son recours gracieux introduit une nouvelle demande par courrier du 12 juin 2013, tendant cette fois-ci à l’obtention de l’autorisation de clôturer partiellement la voie d’accès à son domicile, à savoir l’autorisation d’installer une clôture de part et d’autre du chemin permettant d’accéder à sa maison, le bourgmestre lui accorda en date du 9 août 2013 une autorisation partielle de construire, référencée sous le n° 72/2013, lui permettant l’installation d’une clôture, excepté dans la zone définie dans le Plan d’Aménagement Général comme « zone de circulation », l’autorisation de bâtir en question précisant en effet « de ne voir dans la présente autorisation de construire aucune autorisation pour ériger une clôture ou autre fermeture sur la zone définie dans le plan d’aménagement général comme "zone de circulation ».

Monsieur … fit encore introduire à l’encontre de cette autorisation partielle un recours gracieux daté du 11 octobre 2013, auquel le bourgmestre répondit par décision de refus du 31 mars 2014, libellée comme suit :

« J’accuse bonne réception de votre lettre du 11 octobre 2013, reçue le 23 octobre 2013, par laquelle vous formez un recours gracieux contre l’autorisation de construire N°72/2013 du 9 août 2013.

En effet, cette autorisation de construire précise au point 80 de ses conditions générales, qu’elle ne permet pas d’ériger une clôture sur la zone définie dans le plan d’aménagement général comme « zone de circulation ».

A titre d’information je que vous rappelle la demande similaire (W 53-2013) introduite par Monsieur … le 29 avril 2013 pour la réalisation d’un portillon dans cette zone de circulation. L’ancien bourgmestre avait délivré un refus le 10 juin 2013 et un refus du recours gracieux le 12 août 2013.

Je vous informe que je maintiens la position de mon prédécesseur et prends position comme suit :

La partie du terrain concernée par la clôture refusée (point A) se situe dans une zone de circulation, eu égard à la partie graphique du Plan d’Aménagement Général.

Conformément au Plan d’Aménagement Général voté définitivement par le conseil communal en date du 19 novembre 1998 et approuvé tant par le Ministre de l’Intérieur en date du 18 janvier 2000 que par le Ministre de l’Environnement en date du 12 octobre 2000, le terrain faisant l’objet de la demande en autorisation de construire fait partie d’une zone de circulation laquelle ne peut être clôturée ou fermée.

Effectivement, le Plan d’Aménagement Général prévoit en son article 21 que: «les zones de circulation englobent certains fonds faisant partie du domaine public et destinés aux différentes formes de circulation. ».

Force est de constater que cet article ne vise pas exclusivement les terrains faisant partie du domaine public. En effet, les zones de circulation englobent certains fonds faisant partie aussi bien du domaine public que du domaine privé.

L’article 21 du Plan d’Aménagement Général n’exclut partant pas les terrains privés, de sorte que l’article 21 est applicable en l’espèce et, par conséquent, la zone en question ne peut être clôturée ou fermée.

Au vu de tout ce qui précède, je confirme mon refus de délivrer l’autorisation de construire pour la partie de la clôture sise sur la zone de circulation sollicitée par Monsieur ….

Conformément à l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, je tiens à vous informer qu’un recours contre la présente décision peut être introduit auprès du Tribunal Administratif du Grand-Duché de Luxembourg par un avocat à la Cour. Ce recours doit être introduit sous peine de déchéance dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente décision ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2014, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la prédite décision de refus du bourgmestre de la commune de Mondercange du 31 mars 2014 lui ayant refusé l’installation de la clôture sollicitée sur le terrain en question.

Quant à la recevabilité Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière de permis de construire, de sorte que le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision de refus litigieuse.

Le recours subsidiaire en annulation, pour sa part, est recevable pour avoir été déposé dans les formes de la loi.

Quant au fond Le demandeur, à l’appui de son recours, soutient que la disposition du plan d’aménagement général (« PAG ») de la commune de Mondercange, telle qui lui opposée par le bourgmestre, ne s’appliquerait qu’au domaine public, de sorte à ne pas englober son terrain privé où il désirerait installer « un portillon ». Par ailleurs, si ce terrain serait affecté d’une servitude de passage, l’installation d’un portillon serait envisageable à la condition expresse qu’elle n’occasionne aucune gêne à l’exercice du droit de passage : or, il aurait souhaité installer une clôture afin de sécuriser le périmètre et de jouir ainsi de son terrain en toute tranquillité, tout en ayant prévu d’en remettre les clés à son voisin, bénéficiaire du droit de passage.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur précise son argumentation en soutenant à présent que la commune n’aurait pas été en droit de classer son terrain privé sans violer l’article 16 de la Constitution ainsi que l’article 545 du Code civil, le demandeur concluant en effet à ce que ce reclassement serait constitutif d’une atteinte à son droit de propriété sans indemnisation et sans motif valable.

Il donne encore à considérer que le PAG, en ce qu’il limiterait le droit de propriété, serait d’interprétation stricte, de sorte à ne pas être susceptible d’être interprété comme entraînant l’impossibilité de clôturer son terrain.

Dès lors, il affirme principalement que le PAG n’autoriserait pas le classement des terrains privés en zone de circulation ou de stationnement, l’article 21 afférent étant limité au domaine public.

Subsidiairement, même à supposer que le PAG inclurait les terrains privés dans les zones de circulation, le demandeur estime que le PAG constituerait alors, au même titre que le refus de délivrance de l’autorisation de bâtir, une violation caractérisée du droit de propriété prévu par la Constitution, la loi et les règlements, équivalente à une expropriation cachée sans indemnité.

Il conteste par ailleurs tout problème de sécurité qui justifierait le refus de l’installation d’une clôture.

Plus subsidiairement encore, il estime que le refus d’autorisation de bâtir constituerait une violation du principe d’égalité de traitement des citoyens devant la loi tel que prévu par l’article 10bis de la Constitution, au motif que des voisins se seraient vus autoriser l’installation de clôtures ou de portails sur des terrains prétendument en zone de circulation et de stationnement, respectivement que de telles installations auraient été tolérées par la commune.

L’administration communale, de son côté, expose que la partie du terrain concernée par le refus d’y installer une clôture se situerait dans une zone de circulation suivant la partie graphique du PAG ; elle soutient par ailleurs que le demandeur aurait manifestement l’intention de fermer ultérieurement l’accès entre les deux parties de clôture moyennant une autre clôture, une chaîne ou tout autre moyen de fermeture.

Or, le terrain faisant l’objet de la demande en autorisation de construire ferait partie d’une zone de circulation, raison pour laquelle il serait impossible de fermer ladite zone, la disposition afférente ne visant pas exclusivement les terrains faisant partie du domaine public alors que les zones de circulation engloberaient certains fonds faisant aussi bien partie du domaine public que du domaine privé, sans que le classement ainsi opéré en zone de circulation, excluant toute clôture, ne soit constitutive d’une quelconque expropriation ou privation de propriété.

Elle affirme encore ne pouvoir en tout état de cause autoriser une telle clôture, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité, alors que cela bloquerait toute circulation, respectivement l’accès de véhicules d’urgence vers d’autres habitations, ce qui serait contraire à l’article 65 du PAG.

L’administration communale enfin conteste avoir autorisé, sur le même accès, la construction d’un portillon en faveur des voisins du demandeur, tout en affirmant que l’existence d’une servitude de passage exclurait l’installation d’un portillon.

Il appartient de prime abord au tribunal de préciser l’objet du refus litigieux, et ce au vu de l’imprécision des parties en cause, lesquelles mentionnent tantôt un portillon, tantôt une clôture, tantôt une fermeture de la chaussée.

Il est constant en cause que le demandeur a sollicité en date du 12 juin 2013 l’autorisation d’installer une clôture de part et d’autre du chemin permettant d’accéder à sa maison, sans toutefois en fermer l’accès, ladite demande sollicitant l’autorisation « pour l’installation d’une simple clôture le long de la limite de la face principale » de sa propriété, tout en précisant que la clôture en question ne toucherait pas à la voie publique, le demandeur ayant veillé à préciser que l’installation projetée ne viserait qu’« à démarquer clairement la limite de propriété privée pour que toute voiture « éclaireur » de cambrioleurs potentiels soit déjà visiblement en infraction en dépassant l’entrée encadrée par la clôture ».

Il résulte par conséquent de cette demande que son objet n’était pas de fermer la voie, mais bien d’encadrer celle-ci par des éléments de clôture à installer sur ses deux côtés, de sorte à identifier visuellement la limite de la propriété privée du demandeur, sans en fermer l’accès.

Par décision du 9 août 2013, le bourgmestre a accordé une autorisation pour l’installation d’une clôture, avec la réserve « de ne voir dans la présente autorisation de construire aucune autorisation pour ériger une clôture ou autre fermeture sur la zone définie dans le plan d’aménagement général comme « zone de circulation » ». Un jeu de photographies apparemment annexé à ladite autorisation identifie la clôture autorisée comme allant d’un bord de la voirie à la façade de l’habitation du demandeur (allant des points B à C), tout en excluant un bout de clôture, allant de l’autre bord de la voirie à une haie jouxtant cette même voie, définie comme relevant de la partie A.

Le recours gracieux introduit par le mandataire du demandeur en date du 11 octobre 2013 porte quant à lui sur l’installation d’un « portillon » au point A, destiné à fermer la zone de circulation.

Enfin, sur question spéciale du tribunal, les deux mandataires des parties en cause se sont accordés pour déterminer l’objet du litige comme se limitant à la seule partie de la clôture devant être installée à gauche de la voirie, de sorte, à l’instar de la demande du 12 juin 2013, à encadrer la chaussée, et non, comme manifestement erronément réclamé dans le recours gracieux - lequel serait alors à considérer comme nouvelle et itérative demande, ayant d’ores et déjà fait l’objet de plusieurs refus coulés en autorité de chose décidée - comme portant sur l’installation d’un « portillon », c’est-à-dire sur un élément mobile permettant de fermer la trouée sise entre les deux parties de la clôture.

L’objet matériel du litige étant ainsi factuellement identifié, le tribunal se doit de rejeter les reproches adressés par l’administration communale au demandeur, l’administration communale reprochant en effet à celui-ci en substance de ne pas avoir l’intention de respecter l’autorisation sollicitée, mais de vouloir ultérieurement fermer tout accès entre les points A et B, c’est-à-dire, en d’autres termes, de fermer purement et simplement la voie devant sa maison. Outre qu’une telle hypothèse relèverait le cas échéant d’une question d’exécution de l’autorisation, de sorte à échapper à la compétence du juge administratif pour relever de la compétence du juge pénal, le tribunal ne saurait en tout état de cause, au vu des explications formelles du litismandataire du demandeur, vouloir suivre la commune dans ce qui n’apparaît finalement qu’être un procès d’intention fait au demandeur.

En ce qui concerne le seul objet refusé, à savoir l’installation d’un élément de clôture sur le bord gauche de la voie, il est constant en cause, d’une part, que la partie de terrain devant accueillir ce bout de clôture ne relève pas du domaine public, en ce qu’il s’agit d’un terrain appartenant privativement au demandeur - la commune ayant explicitement admis qu’il s’agit de la propriété privée de Monsieur … -, et, d’autre part, que cette partie de terrain est identifiée par la partie graphique du PAG comme sise en « zone de circulation », définie par l’article 21 du PAG comme englobant « certains fonds faisant partie du domaine public et destinés aux différentes formes de circulation ainsi qu’au stationnement de véhicules ».

Or, contrairement à l’interprétation extensive en effectuée par l’administration communale, cette disposition précise explicitement ne s’appliquer qu’à « certains fonds faisant partie du domaine public », l’adjectif « certains », à implication restrictive et non extensive, n’étant pas de nature à étendre le champ d’application de ladite disposition au-delà des seuls terrains relevant du domaine public, mais au contraire destiné à limiter son application aux seuls terrains du domaine public « destinés aux différentes formes de circulation ainsi qu’au stationnement de véhicules », pareille restriction étant d’ailleurs évidente, alors que tout terrain quelconque du domaine public - par exemple accueillant des bâtiments publics - n’étant pas classifiable en « zone de circulation ».

Force est dès lors de retenir que le refus opposé au demandeur résulte d’abord d’une lecture erronée par l’administration communale de la disposition afférente, laquelle ne s’applique qu’à certains terrains déterminés du domaine public, destinés à accueillir la circulation, de sorte à exclure tout terrain privé, le tribunal rappelant à ce sujet, outre qu’une réglementation d’urbanisme, en ce qu’elle tend à encadrer l’usage du droit de propriété, lequel droit non seulement se trouve constitutionnellement garanti par l’article 16 de la Constitution, mais jouit encore de la protection conférée par l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est d’interprétation stricte1, que l’Etat de droit n’existe que si le citoyen peut se fier à la lettre du texte de loi, dans la mesure où celui-ci est comme en l’espèce clair et précis.

S’il est vrai que la partie graphique du PAG identifie graphiquement le terrain privé du demandeur comme « zone de circulation », partant en tant que terrain relevant du domaine public, de sorte à s’inscrire en contradiction avec la prescription limitative de l’article 21 de la partie écrite du PAG, il n’en demeure pas moins qu’en cas de contradiction entre le texte écrit de la règlementation urbanistique et des éléments graphiques intercalés, la mention écrite l’emporte2.

Il en résulte que comme le terrain devant accueillir l’élément gauche de la clôture ne relève pas du domaine public, le bourgmestre ne pouvait pas asseoir son refus sur l’article 21 du PAG.

1 Cour adm. 26 janvier 2006, n° 20285C, Pas. adm. 2015, V° Urbanisme, n° 21.

2 Trib. adm. 7 juillet 2003, n° 15963, Pas. adm. 2015, V° Urbanisme, n° 31.

Quant à l’article 65 du PAG, invoqué en cours de procédure contentieuse, s’il est admis qu’une autorité complète la motivation de sa décision en cours d’instance au-delà de la motivation expressément fournie par l’administration à la base de la décision déférée, cette disposition, habilitant en son point b) le bourgmestre à exiger l’adaptation d’un accès existant ou la modification de la construction d’un accès carrossable ou d’un garage projeté à une voie publique ou privée dont la disposition ou l’envergure présente un danger manifeste pour la sécurité de la circulation, n’est toutefois pas applicable au cas d’espèce.

En effet, le seul élément de motivation mis en avant par le bourgmestre, à savoir la volonté d’empêcher le demandeur de bloquer la circulation et par conséquent d’entraver l’accès de véhicules d’urgence vers d’autres habitations, ne repose pas sur une volonté avérée du demandeur, mais sur une simple supposition de la part du bourgmestre, la demande de Monsieur …, telle que circonscrite par les mandataires des parties lors de l’audience publique, ne portant pas sur une telle fermeture totale : par conséquent, le demandeur n’a sollicité que l’autorisation de pouvoir encadrer la voie devant son habitation avec des éléments de clôture, de sorte à démarquer visuellement sa propriété privée, et non pas de fermer complétement la voie en question, une telle fermeture, ni sollicitée, ni autorisée, exposant le cas échéant le contrevenant à des poursuites pénales.

Quant à l’invocation d’une servitude de passage et des dispositions afférentes du Code civil par le bourgmestre, il convient de rappeler à celui-ci qu’il est tenu, aux termes de l’article 67 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, de veiller à l’exécution des lois et règlements de police.

Il y a encore lieu de rappeler qu’une autorisation de construire consiste en substance en la constatation officielle par l’autorité compétente - en l’espèce le bourgmestre - de la conformité d’un projet de construction aux dispositions réglementaires (plan d’aménagement et règlement sur les bâtisses) applicables3.

Il s’ensuit que le bourgmestre, à l’occasion de la délivrance d’une autorisation de construire, ne doit prendre en considération que les prescriptions administratives4 alors qu’il ne lui appartient pas de prendre en compte des considérations d’intérêt privé de voisins5 sans commettre un excès de pouvoir6.

Le bourgmestre dès lors permet de bâtir en se prononçant uniquement du point de vue administratif, la conception et la réception de l’immeuble, les responsabilités pénale et civile, les litiges sur le droit de propriété restant l’affaire des constructeurs7.

Cette conclusion se dégage encore du fait que le permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers : les droits généralement quelconques des tiers étant réservés, il leur appartient de les faire valoir devant le juge compétent, à savoir les juridictions civiles8.

3 Voir trib. adm. 2 février 2004, n° 14800 et 16729, confirmé par arrêt du 23 septembre 2004, n° 17704C ; trib.

adm. 15 décembre 2004, n° 17971 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Urbanisme, n° 610.

4 CE 14 décembre 1972, Bull. doc. comm. n° 13, p.79.

5 CE 14 mars 1928, Pas. 11, 481, CE 27 avril 1932, Pas. 12, p. 458.

6 Voir trib. adm. 14 avril 2005, n° 17935 du rôle, www.ja.etat.lu 7 Wilkin R., Voirie et alignement - urbanisme et constructions, Bruylant, 1964, n° 135, p.283 8 Voir trib. adm. 18 février 2004, n° 16832, ainsi que trib. adm. 10 juin 2009, n° 25016. www.ja.etat.lu Dès lors, la question de savoir si la construction projetée empiète ou non sur la servitude ou le droit de passage allégué est sans pertinence, étant donné que cette circonstance ne saurait conditionner la décision administrative déférée.

La décision de refus déférée n’étant dès lors valablement justifiée ni en fait, ni en droit, elle encourt l’annulation.

Monsieur … réclame encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000.- euros Au vu des circonstances particulières du présent litige et notamment en raison de son issue, du fait que le demandeur a été obligé de se pourvoir en justice sous l’assistance d’un avocat après avoir itérativement tenté d’obtenir satisfaction sans recourir à la procédure contentieuse, il serait inéquitable de laisser à charge du demandeur l’intégralité des frais et honoraires non compris dans les dépens.

Compte tenu des éléments d’appréciation en possession du tribunal, des devoirs et degré de difficulté de l’affaire ainsi que du montant réclamé, et au vu de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il y a lieu d’évaluer ex æquo et bono l’indemnité à allouer au demandeur à un montant de 1.500.- euros.

L’administration communale sollicite également de son côté la condamnation de Monsieur … à une indemnité d’un montant de 3.000.- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, demande qu’il convient de rejeter au vu de l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond le déclare justifié ;

partant annule la décision de refus datée du 31 mars 2014 et renvoie le dossier en prosécution de cause au bourgmestre de la commune de Mondercange ;

rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure telle que formulée par la la commune de Mondercange ;

la condamne toutefois à payer au demandeur une indemnité de procédure de 1.500.-

euros ;

condamne encore la commune de Mondercange aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 octobre 2015 par :

Marc Sünnen, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, juge, Hélène Steichen, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Hoffmann s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 octobre 2015 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 34710
Date de la décision : 07/10/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-10-07;34710 ?

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