Tribunal administratif N° 34975 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juillet 2014 2e chambre Audience publique du 1er octobre 2015 Recours formé par Monsieur ….., ….. (Belgique) contre une décision du ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche en matière d’homologation de diplômes
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 34975 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juillet 2014 par Maître Esbelta de Freitas, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., demeurant à B-……, …., Belgique), …., tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche du 25 avril 2014 portant refus d’homologation de son diplôme de « master Droit, Économie, Gestion, à finalité professionnelle, mention Droit privé, spécialité Juriste linguiste », lui décerné le 22 novembre 2010 par l’université de Poitiers au titre de l’année académique 2009-2010 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé le 9 décembre 2014 au greffe du tribunal administratif ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 janvier 2015 par Maître Lydie Lorang, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg pour le compte du demandeur ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé le 6 février 2015 au greffe du tribunal administratif ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Lydie Lorang et Madame le délégué du gouvernement Marie-Anne Ketter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 mai 2015.
En date du 9 septembre 2013, Monsieur ….. introduisit auprès du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche une demande tendant à l’homologation de son diplôme de « master Droit, Économie, Gestion, à finalité professionnelle, Mention Droit privé, spécialité Juriste Linguiste », lui décerné le 22 novembre 2010 par l’université de Poitiers au titre de l’année académique 2009-2010. Cette demande fut libellée comme suit : « (…) J’ai 1l’honneur de vous demander, conformément à la Directive 2005/36/CE instaurant notamment au chapitre I de son titre III un régime général de reconnaissance des titres de formation, en particulier ses articles 11 à 14, l’homologation de mon titre d’études de MASTER 2 en droit français (…), eu égard à mes qualifications professionnelles attestées par mes différentes formations et expériences professionnelles, ainsi que le prévoit ladite Directive 2005/36/CE, lesquelles qualifications vous sont transmises sous forme de plusieurs copies ci-après.
Actuellement juriste linguiste attaché au service de la concordance des textes auprès de la Cour de cassation de Belgique, je vous demande cette homologation luxembourgeoise du diplôme universitaire de juriste afin d’accéder au barreau luxembourgeois (en suivant vos cours complémentaires) et de réorienter ma carrière au Grand-Duché depuis que mon fils y est né le 14 juillet 2013. (…) ».
Par courrier du 8 octobre 2013, les autorités luxembourgeoises demandèrent à Monsieur ….. de leur transmettre une copie du relevé des notes et des matières se rapportant audit diplôme.
Par courrier du 15 octobre 2013, Monsieur ….. informa lesdites autorités qu’il serait dans l’impossibilité de leur fournir les pièces demandées, étant donné qu’il aurait obtenu son diplôme de « master Droit, Économie, Gestion, à finalité professionnelle, Mention Droit privé, spécialité Juriste Linguiste » par le biais du système de la validation des acquis de l’expérience. Par ailleurs, en se prévalant de ses qualifications professionnelles et des règles du droit primaire et du droit dérivé de l’Union européenne applicables en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles, il insista sur le fait que l’homologation sollicitée devrait lui être accordée.
Le 4 avril 2014, la commission d’homologation pour le droit, désignée conformément à l’article 13 du règlement grand-ducal du 18 décembre 1970 pris en exécution de l’article 3 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur, ci-après désignée par « la commission », émit un avis négatif quant à la demande de Monsieur ….., laquelle fut rejetée par le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, ci-après désigné par « le ministre », aux termes d’un arrêté du 25 avril 2014, libellé comme suit :
« (…) Vu la loi du 18 juin 1969 sur l'enseignement supérieur et l'homologation des titres et grades étrangers d'enseignement supérieur, telle qu'elle a été modifiée par les lois des 20 avril 1977 et 4 septembre 1990 ;
Vu le règlement grand-ducal du 18 décembre 1970 pris en exécution de l'article 3 de la loi du 18 juin 1969 susdite, et concernant la composition des commissions d'homologation, leurs attributions et la procédure à suivre, tel qu'il a été modifié par les règlements grand-ducaux des 9 décembre 1971 et 28 avril 1977 ;
Vu le règlement grand-ducal du 10 septembre 2004 fixant les critères d'homologation des titres et grades étrangers en droit, médecine, médecine dentaire, médecine vétérinaire, et en pharmacie et, en vue de l'admission au stage pour le professorat de l'enseignement secondaire, en sciences humaines et en philosophie, ainsi qu'en sciences naturelles et en sciences physiques et mathématiques, notamment les article[s] 4 et 12 ;
2 Vu la demande en homologation présentée par Monsieur ….. ;
Vu les pièces produites à l’appui de la demande en homologation, notamment le diplôme d’études spécialisées en droits de l’homme, délivré le 1er juillet 2006 par les facultés universitaires Saint-Louis à Bruxelles et le diplôme de Master Droit, Economie, Gestion, à finalité professionnelle, mention droit privé, spécialité juriste linguiste, délivré le 22 novembre 2010 par l’Université de Poitiers ;
Vu l'avis du 4 avril 2014 de la Commission d’Homologation pour le droit ;
Attendu que Monsieur ….. n’a pas établi que ses diplômes et notamment le diplôme d’études spécialisées en droits de l’homme et le diplôme de Master Droit, Economie, Gestion, à finalité professionnelle, Mention Droit Privé, spécialité Juriste Linguiste remplissent les exigences relatives à l’étude du droit civil et du droit commercial ;
En effet, selon les dispositions de l’article 4 alinéa 3 du règlement grand-ducal précité du 10 septembre 2004, l’enseignement du droit civil doit avoir été au moins de deux ans, soit quatre semestres ou six trimestres. Or, ainsi que cela résulte des pièces versées par Monsieur ….., et en particulier des relevés de notes de l’intéressé relatifs au diplôme de Master, Droit, Economie, Gestion, à finalité professionnelle, Mention Droit Privé, spécialité Juriste Linguiste, Monsieur ….. n’a pas suivi un cours de droit civil d’une durée de deux ans, soit quatre semestres ou six trimestres. Dès lors, la condition de la durée minimale des études de droit civil n’est pas remplie ;
Selon l’article 4 alinéa 3 du règlement grand-ducal précité du 10 septembre 2004, l’enseignement du droit commercial doit avoir été au moins d’un an, soit deux semestres ou trois trimestres. Or, ainsi que cela résulte des pièces versées par Monsieur ….., et en particulier des relevés de notes de l’intéressé relatifs au diplôme de Master, Droit, Economie, Gestion, à finalité professionnelle, Mention Droit Privé, spécialité Juriste Linguiste, Monsieur ….. n’a pas suivi un cours de droit commercial d’une durée totale d’un an, soit deux semestres ou trois semestres.
Dès lors, la condition de la durée minimale des études de droit commercial n’est pas remplie ;
Arrête :
Art. 1er.- L’homologation du diplôme de Master Droit, Economie, Gestion, à finalité professionnelle, mention droit privé, décerné au titre de l’année universitaire 2009/2010 par l’Université de Poitiers à Monsieur ….., né le 5 avril 1964 à Ath (Belgique), est refusée.
Art. 2.- Le présent arrêté sera transmis à l’intéressé ; copie pour information en sera adressée à la commission d’homologation pour le droit. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juillet 2014, Monsieur ….. a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle, précitée, du 25 avril 2014.
3I) Quant à la compétence du tribunal et quant à la recevabilité Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond en matière d’homologation de diplômes, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision litigieuse. Il s’ensuit que le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours. A cet égard, il soutient que l’affirmation contenue dans le mémoire en réplique du demandeur et selon laquelle il « (…) [n’aurait] jamais eu la moindre prétention de s’installer directement comme avocat au Luxembourg, mais simplement, sur la base du régime général prévu au chapitre III du titre I de la directive 2005/36/CE, d’être, à tout le moins, admis aux cours complémentaires en droit luxembourgeois et idéalement autorisé à se présenter aux épreuves de recrutement de juriste dans la fonction publique luxembourgeoise (…) » serait contradictoire et équivaudrait à une demande nouvelle, de sorte que l’argumentation afférente serait à écarter des débats, étant donné, d’une part, que la décision déférée serait basée exclusivement sur la demande initiale de Monsieur ….., qui aurait visé à obtenir « (…) l’homologation de son diplôme universitaire de juriste afin d’accéder au barreau luxembourgeois en suivant [les] cours complémentaires (…) » et, d’autre part, que le tribunal serait uniquement saisi des « (…) faits développés (…) » dans la requête introductive d’instance.
Il ajoute que la confusion opérée par le demandeur entre, d’une part, le système de l’homologation des diplômes et, d’autre part, le système général de reconnaissance des qualifications professionnelles instaurée par « (…) la loi [modifiée] du 13 novembre 2002 [portant transposition en droit luxembourgeois de la Directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise et portant: 1. modification de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat; 2. modification de la loi du 31 mai 1999 régissant la domiciliation des sociétés, ci-après désignée par « la loi du 13 novembre 2002 »] (…) », serait telle qu’il « (…) serait très difficile de comprendre ce qu’il [chercherait] à démontrer à travers les 48 pages de son mémoire en réplique au point de s’approcher d’un libellé obscur (…) ».
Pour autant que la partie étatique ait entendu soulever l’irrecevabilité du recours pour libellé obscur, le tribunal est amené à relever qu’aux termes de l’article 1er, alinéa 2, de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », la requête introductive d’instance doit contenir notamment l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués, ainsi que l’objet de la demande.
Il appartient au tribunal saisi d’apprécier in concreto si l’exposé sommaire des faits et des moyens, ensemble les conclusions s’en dégageant, est suffisamment explicite ou non.
L’exception obscuri libelli, qui est d’application en matière de contentieux administratif, sanctionne d’une nullité l’acte y contrevenant, étant entendu que son but est de permettre au défendeur de savoir quelle est la décision critiquée et quels sont les moyens à la base de la demande, afin de lui permettre d’organiser utilement sa défense1.
1 Trib. adm. 30 avril 2003, n° 15482 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 401 et les autres références y citées.
4S’il suffit que cet exposé soit sommaire, la requête introductive d’un recours ne doit cependant pas rester muette sur les moyens à son appui, elle ne doit pas être dépourvue des indications indispensables et elle doit contenir des conclusions.
En l’espèce, la requête introductive contient l’indication de l’objet de la demande, à savoir la réformation, sinon l’annulation de la décision ministérielle du 25 avril 2014, un exposé sommaire des faits, en l’occurrence des explications ayant trait, d’une part, au parcours et aux qualifications professionnels du demandeur et, d’autre part, à son intention de réorienter sa carrière professionnelle en s’inscrivant aux cours complémentaires en droit luxembourgeois, ci-
après désignés par « les CCDL », ainsi qu’un exposé des moyens en droit invoqués à l’appui du recours. Ces moyens ont trait, premièrement, au non-respect de la procédure prévue par l’article 31 de la loi du 19 juin 2009 1) ayant pour objet la transposition de la directive 2005/36/CE pour ce qui est a) du régime général de reconnaissance des titres de formation et des qualifications professionnelles b) de la prestation temporaire de service 2) modifiant la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres de l’enseignement supérieur 3) abrogeant la loi du 13 juin 1992 portant a) transposition de la directive du Conseil (89/48/CEE) relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans b) création d’un service de coordination pour la reconnaissance de diplômes à des fins professionnelles, ci-après désignée par « la loi du 19 juin 2009 », deuxièmement, à un empiètement, par le ministre, sur les compétences des autorités françaises, au motif que la décision déférée, en ce qu’elle refuserait de lui accorder l’homologation sollicitée en raison du fait qu’il n’aurait pas rapporté la preuve d’avoir suivi des cours de droit civil et de droit commercial d’une durée de quatre, respectivement de deux semestres, reviendrait à vider de ses effets le système français de la délivrance de diplômes par validation des acquis de l’expérience, troisièmement, à la circonstance selon laquelle la décision déférée serait basée sur des faits erronées, pour se référer aux relevés de notes que le demandeur aurait versés à l’appui de sa demande, alors que Monsieur ….. aurait informé le ministre du fait qu’il serait dans l’impossibilité de fournir de tels relevés, étant donné que le diplôme litigieux aurait été obtenu par le biais de la validation des acquis de l’expérience et, quatrièmement, à la violation tant de la loi du 19 juin 2009 que des articles 45 et 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ci-après désigné par « le TFUE », au motif, en substance, que le ministre n’aurait pas pris en compte son expérience professionnelle.
Il s’ensuit que la requête introductive d’instance répond aux exigences de l’article 1er de la loi du 21 juin 1999, précitée, de sorte que le moyen d’irrecevabilité afférent est à rejeter comme étant non fondé.
Par ailleurs, le tribunal est amené à retenir que si la prétendue confusion que le demandeur aurait opérée, à travers son argumentation contenue dans son mémoire en réplique, entre, d’une part, le régime d’homologation des diplômes et, d’autre part, le régime général de reconnaissance des qualifications professionnelles instauré « (…) par la loi du 13 novembre 2002 (…) », était, à la supposer établie, susceptible d’avoir une incidence sur le bien-fondé de l’argumentation en question, elle serait sans pertinence par rapport à la recevabilité du recours, la seule conséquence en étant que les moyens ayant trait à la législation non applicable en l’espèce seraient à écarter pour défaut de pertinence.
5Cette conclusion s’impose également en ce qui concerne la prétendue contradiction entre les explications figurant, d’une part, dans la demande adressée le 9 septembre 2013 au ministre et, d’autre part, dans le mémoire en réplique, en ce qui concerne le but poursuivi par la demande de Monsieur ….. tendant à l’homologation de son diplôme de « master Droit, Économie, Gestion, à finalité professionnelle, Mention Droit privé, spécialité Juriste Linguiste », étant donné que pareille contradiction, à la supposer établie, est, le cas échéant, susceptible d’affecter la pertinence des développements afférents du demandeurs, tels que contenus dans son mémoire en réplique, par rapport à l’objet du litige, sans avoir pour autant d’incidence sur la recevabilité du recours.
Par ailleurs, force est au tribunal de constater que, dans le dispositif de son mémoire en réplique, Monsieur ….. demande de voir « (…) statuer conformément au recours en réformation, sinon en annulation (…) », de sorte qu’aucune demande nouvelle n’a été formulée dans ledit mémoire et que le moyen afférent du délégué du gouvernement est à écarter.
À défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le tribunal conclut que le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
II) Quant au fond A) Exposé des moyens des parties À l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes de la décision déférée. Plus particulièrement, il explique occuper actuellement la fonction de premier attaché au Service de la documentation et de la concordance des textes près la Cour de cassation de Belgique, ce qui constituerait une fonction jurilinguistique de haut niveau, ouverte aux linguistes et aux juristes. Par ailleurs, outre le fait d’être diplômé de l'enseignement secondaire belge, il serait candidat traducteur-interprète, licencié en traduction, candidat en droit belge et détenteur d’un diplôme de 3e cycle d'études spécialisées en droits de l'Homme, ces dernières formation étant respectivement de niveau dit « bac + 2 », « bac + 4 », « bac + 2 » et « bac + 5 ». Depuis le 22 novembre 2010, il serait encore titulaire d’un Master 2 Droit, économie, gestion, mention droit privé, spécialité juriste linguiste décerné par l'Université de Poitiers par validation des acquis de l’expérience.
En droit, il conclut à la violation de l’article 31, alinéa 1er de la loi du 19 juin 2009, en ce que les autorités luxembourgeoises seraient restées en défaut d’accuser réception de son dossier dans un délai d’un mois à compter de sa réception, sa demande étant datée du 9 septembre 2013, tandis que la commission ne lui aurait répondu que par courrier du 19 décembre 2013, soit plus de trois mois à compter de l’introduction de sa demande.
Par ailleurs, le ministre aurait violé l’article 31, alinéa 2 de la loi du 19 juin 2009, aux termes duquel « (…) l’autorité compétente luxembourgeoise prend une décision concernant la demande dans un délai de trois mois après avoir constaté que le dossier de demande est complet (…) ». A l’appui de ce moyen, il fait valoir qu’en application de la disposition légale précitée, la décision ministérielle aurait dû intervenir au plus tard le 15 janvier 2014, soit trois mois après l’envoi de son courrier, précité, du 15 octobre 2013 dans lequel il aurait informé le ministre des 6raisons pour lesquelles il aurait été dans l’impossibilité de transmettre le moindre relevé de notes en rapport avec le diplôme litigieux, respectivement le 19 mars 2014, soit trois mois après la date du courrier, précité, de la commission du 19 décembre 2013. Dans la mesure où la décision déférée n’aurait été prise que le 25 avril 2014, le délai de trois mois imposé par la disposition légale susmentionnée n’aurait pas été respecté.
Le demandeur fait encore valoir que le ministre aurait outrepassé ses compétences en empiétant sur celles des autorités françaises, en ce que le fait, pour l’autorité ministérielle, de refuser l’homologation du diplôme litigieux, au seul motif qu’il n’aurait pas rapporté la preuve d’avoir suivi des cours de droit civil et de droit commercial pendant quatre, respectivement deux semestres, reviendrait à « (…) nier l’objet et la raison d’être (…) » du système français de la validation des acquis de l’expérience, en application duquel ledit diplôme lui aurait été délivré, cette circonstance l’ayant placé dans l’impossibilité matérielle de joindre à sa demande d’homologation tant un relevé de notes qu’un relevé des matières suivies, étant donné que ledit système, mis en place par les articles L.613-3 et L.613-4 du Code de l’éducation nationale français, permettrait précisément aux salariés de faire reconnaître leur expérience professionnelle, ainsi que leur savoir-faire afin d’acquérir tout ou partie d’un diplôme, sans devoir suivre la formation afférente.
En outre, Monsieur ….., en se prévalant de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », soutient que la décision déférée devrait encourir l’annulation, au motif qu’elle se baserait sur des faits erronés, voire inexistants, en ce qu’elle ferait référence à des relevés de notes versés à l’appui de sa demande, alors que, dans son courrier, précité, du 15 octobre 2013, il aurait expliqué au ministre qu’il serait dans l’impossibilité de lui fournir de tels relevés de notes, étant donné que le diplôme litigieux aurait été obtenu par le biais du système de la validation des acquis de l’expérience.
Le demandeur conclut encore à une violation des articles 2 et 4 de la loi du 19 juin 2009, dont il se dégagerait que les autorités luxembourgeoises devraient tenir compte, non seulement des diplômes de l’intéressé, mais aussi de ses qualifications et de son expérience professionnelles. Or, il disposerait d’une expérience professionnelle considérable, établie et reconnue en Belgique, dont le ministre aurait dû tenir compte. Dans ce contexte, il explique qu’il aurait travaillé pendant dix années auprès de la Cour de cassation de Belgique en qualité d'attaché, puis de 1er attaché au Service de la documentation et de la concordance des textes. Par ailleurs, il insiste sur le fait qu’il aurait réussi le concours de recrutement afférent, qui serait ouvert tant aux juristes qu'aux linguistes et qui consisterait dans un entretien de vérification des connaissances juridiques et linguistiques des candidats, ainsi que dans la traduction d'un texte de nature juridique et des motifs d’arrêts de la Cour de cassation rendus en matières civile, pénale, fiscale et sociale.
Dans le même ordre d’idées, il soutient qu’il aurait, le cas échéant, appartenu au ministre de l’obliger à se soumettre à des mesures compensatoires, sous la forme d’un stage d’adaptation ou d’une épreuve d’aptitude, tels que prévus par l’article 9 de la loi du 19 juin 2009, notamment dans le cas où la formation de l’intéressé porterait sur des matières substantiellement différentes de celles couvertes par le titre de formation requis au Grand-Duché de Luxembourg.
7 En outre, en se prévalant de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par « la CJUE », le demandeur soutient que le refus de l’homologation sollicitée de son diplôme de « master Droit, Économie, Gestion, à finalité professionnelle, Mention Droit privé, spécialité Juriste Linguiste » porterait atteinte aux principes de libre circulation et de libre établissement consacrés respectivement par les articles 45 et 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ci-après désigné par « le TFUE », en ce que le ministre aurait, à tort, fait abstraction de son expérience professionnelle.
Par ailleurs, il soutient que le mode de sélection à l'admission aux CCDL, sur la base d'une homologation, sans prise en compte de l'ensemble des qualifications professionnelles spécifiques de l’intéressé, en sus de son diplôme, aurait, dans le cas d’espèce, « (…) manifestement violé les normes communautaires applicables en la matière, et notamment les articles 45 et 49 [TFUE] (…) ».
Dans ce contexte, le demandeur précise que s'agissant des professions juridiques, l'Etat membre d'accueil aurait non seulement le droit, mais aussi l'obligation de procéder au contrôle des différences éventuelles de formation, contrôle qui ne saurait cependant revêtir un aspect exclusivement académique. Si elles constataient une différence substantielle, les autorités compétentes de l'Etat membre d'accueil pourraient soumettre l’intéressé à une épreuve d'aptitude.
En l’espèce, le demandeur détiendrait non seulement le titre de formation qui lui aurait permis d’accéder à l’examen d’entrée au barreau en France, en l’occurrence le diplôme de « master Droit, Économie, Gestion, à finalité professionnelle, mention droit privé », mais il disposerait aussi d’une « (…) expérience professionnelle de haut niveau dans l’organisation judiciaire belge (…) ». Le demandeur, en se prévalant d’une communication de la Commission européenne, ajoute que les règles relatives à la libre circulation des personnes s’appliqueraient également aux fonctionnaires et aux agents du secteur public, s’agissant de travailleurs au sens de l’article 45 du TFUE. Par ailleurs, il soutient qu’en cas d’inapplicabilité des règles du droit dérivé de l’Union européenne régissant les libertés de circulation et d’établissement, le droit primaire pertinent serait applicable et qu’en pareille hypothèse, la prise en compte de la qualification professionnelle de la personne concernée, afin d’accéder à une profession réglementée, devrait se baser non seulement sur ses diplômes, mais aussi sur son expérience professionnelle. Le demandeur en conclut que la décision déférée, en ce qu’elle refuserait l’homologation du diplôme litigieux au motif qu’il n’aurait pas suivi des cours de droit civil et commercial pendant quatre, respectivement deux semestres, ne serait pas légalement justifiée, de sorte qu’elle devrait encourir l’annulation.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Il réfute le moyen du demandeur tiré de la violation de l’article 31 de la loi du 19 juin 2009. En se prévalant de l’article 4 de ladite loi, il fait valoir que la loi applicable au présent litige serait celle du 10 août 1991 déterminant, pour la profession d’avocat, le système général de reconnaissance des qualifications professionnelles, ci-après désignée par « la loi du 10 août 1991 », dans laquelle les dispositions de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, ci-
après dénommée « la directive 2005/36/CE », auraient été transposées, en ce qui concerne la 8profession d’avocat, par la loi du 18 décembre 2008 transposant, pour la profession d’avocat, les dispositions de la Directive 2005/36/CE (…) et de la Directive 2006/100/CE du Conseil du 20 novembre 2006 portant adaptation de certaines directives dans le domaine de la libre circulation des personnes, en raison de l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, et modifiant: 1. la loi du 10 août 1991 déterminant, pour la profession d’avocat, le système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans; 2. la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat; 3. la loi modifiée du 13 novembre 2002 portant transposition en droit luxembourgeois de la Directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise et portant: 1. modification de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat;
2. modification de la loi du 31 mai 1999 régissant la domiciliation des sociétés; 4. la loi modifiée du 29 avril 1980 réglant l’activité en prestations de service, au Grand-Duché de Luxembourg, des avocats habilités à exercer leurs activités dans un autre Etat membre des Communautés Européennes relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2008 ».
En citant l’article 5 de la loi du 10 août 1991, il soutient que cette dernière loi prévoirait un système précis de reconnaissance des qualifications professionnelles applicable à la profession d’avocat. Or, au lieu d’une demande en reconnaissance de ses qualifications professionnelles sur base de cette loi, le demandeur aurait introduit une simple demande d’homologation de son diplôme, qui relèverait d’une procédure différente, mise en place, d’une part, par la loi du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur, ci-après désignée par « la loi du 18 juin 1969 » et, d’autre part, par le règlement grand-ducal modifié du 10 septembre 2004 fixant les critères d’homologation des titres et grades étrangers en droit, médecine, médecine dentaire, médecine vétérinaire et en pharmacie et, en vue de l’admission au stage pour le professorat de l’enseignement secondaire, en sciences humaines et en philosophie et lettres, ainsi qu’en sciences naturelles et en sciences physiques et mathématiques, ci-après désigné par « le règlement grand-
ducal du 10 septembre 2004 ».
Par ailleurs, le délégué du gouvernement insiste sur le fait que le ministre aurait accusé réception de la demande de Monsieur ….. par courrier du 8 octobre 2013, soit dans un délai d’un mois.
En outre, il conclut au rejet du moyen ayant trait à un empiètement, par le ministre, sur les compétences des autorités françaises, en soutenant qu’il ne saurait être reproché aux autorités luxembourgeoises d’avoir violé la législation française relative à la validation des acquis de l’expérience, au motif que cette législation ne serait pas applicable au Luxembourg. A titre subsidiaire, il conteste que le fait, pour Monsieur ….., d’avoir eu recours au système de la validation des acquis de l’expérience l’aurait empêché de suivre des cours de droit civil et de droit commercial. Le délégué du gouvernement insiste à ce sujet sur le fait que le demandeur aurait eu la possibilité de suivre de tels cours tout au long de son parcours académique, d’une durée totale de huit ans. Dans ce contexte, il explique que l’homologation aurait également été refusée à un candidat ayant suivi un cursus universitaire ordinaire, sans validation des acquis de l’expérience, mais qui n’aurait pas suivi de cours de droit civil et/ou de droit commercial, voire, 9de manière générale, l’un des cours requis par les dispositions du règlement grand-ducal du 10 septembre 2004.
Par ailleurs, il conclut au rejet du moyen du demandeur, selon lequel la décision déférée serait basée sur des faits erronés, voire inexistants, en faisant valoir que s’il est exact que Monsieur ….. n’aurait pas fourni de relevés de notes se rapportant directement à son diplôme de « master Droit, Économie, Gestion, à finalité professionnelle, Mention Droit privé, spécialité Juriste Linguiste », acquis par le biais du système de la validation des acquis de l’expérience, il n’en resterait pas moins qu’il aurait versé des relevés de notes en relation avec son cursus universitaire préalable à l’obtention dudit diplôme et portant notamment sur le droit pénal et la procédure pénale, sur le droit international public, le droit international privé, le droit constitutionnel et le droit administratif, l’ensemble de ces relevés de notes ayant été dûment pris en compte par le ministre. Il en conclut que « (…) la base légale et les motifs de refus [seraient] clairement indiqués dans l’arrêté ministériel du 25 avril 2014 basé, à bon droit, sur la loi (…) du 18 juin 1969 (…) ».
Par rapport aux moyens du demandeur ayant trait à la violation de la législation nationale en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles et des articles 45 et 49 du TFUE, la partie étatique insiste sur le fait que la profession visée par le demandeur serait la profession d’avocat. Il fait valoir que l’article 3 f) de la directive 2005/36/CE définirait la notion d’expérience professionnelle comme l’exercice effectif et licite, à temps plein ou à temps partiel, de la profession concernée dans un autre Etat membre. Or, le demandeur n’aurait jamais exercé la profession d’avocat, avec laquelle ni sa qualification, ni son expérience professionnelles présenteraient un lien, de sorte que la jurisprudence de la CJUE citée dans la requête introductive d’instance ne s’appliquerait pas en l’espèce. Dans ce contexte, le délégué du gouvernement soutient encore que le demandeur serait resté en défaut de rapporter la preuve qu’au vu de ses diplômes et de son expérience professionnelle, il aurait accédé ou pourrait accéder sans stage, ni examen à la profession réglementée d’avocat en Belgique.
En outre, le délégué du gouvernement conteste que la décision déférée viole la loi du 19 juin 2009, dans la mesure où la procédure de reconnaissance à laquelle le demandeur se référerait serait couverte au Luxembourg, en ce qui concerne les professions juridiques, par les lois des 10 août 1991 et 13 novembre 2002. D'après cette procédure spécifique, propre à la profession d'avocat, chaque avocat issu d'un Etat membre de l’Union européenne pourrait s'inscrire aux barreaux luxembourgeois sans passer par l'homologation du diplôme et les CCDL, le cas échéant en se soumettant soit à une épreuve d'aptitude, soit en exerçant la profession d’avocat sous son titre d'origine. Cependant, la condition sine qua non serait celle que l’intéressé exercerait la profession d’avocat dans son pays d’origine ou qu’il pourrait l’exercer sans être obligé d’effectuer des stages ou de passer des examens. Or, le demandeur serait certes juriste, titre non protégé qu'il lui serait loisible d’utiliser, mais il ne serait pas avocat et il n'aurait suivi aucune formation dans ce domaine en Belgique, qui lui permettrait de s'inscrire en tant qu’avocat aux barreaux belges.
S’agissant plus spécifiquement du moyen du demandeur tiré de la violation des articles 45 et 49 du TFUE, le délégué du gouvernement fait valoir que le refus de l'homologation sollicitée ne saurait être assimilé ni à une discrimination fondée sur la nationalité, ni à une 10entrave aux droits de se déplacer librement sur le territoire des Etats membres, de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux et de demeurer sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi, ni à une restriction de la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne sur le territoire d’un autre Etat membre.
Le délégué du gouvernement ajoute que le demandeur se serait « (…) trompé de procédure (…) » pour prétendre à l’exercice de la profession d’avocat au Luxembourg. Il explique que le droit primaire de l’Union européenne, notamment le TFUE, prévoirait les grands principes des libertés de circulation et d’établissement, qui seraient explicités et encadrés par le droit dérivé, plus particulièrement, s’agissant de la profession réglementée d’avocat, par la directive 77/249/CEE du Conseil du 22 mars 1977 tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats, par la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, ci-après dénommée « la directive 98/5/CE », et par la directive 2005/36/CE, transposées en droit luxembourgeois respectivement par la loi modifiée du 29 avril 1980 réglant l'activité en prestations de service, au Grand-Duché de Luxembourg, des avocats habilités à exercer leurs activités dans un autre Etat membre des Communautés Européennes, par la loi du 13 novembre 2002 et par la loi du 18 décembre 2008. Cette dernière loi aurait mis en place une procédure précise de reconnaissance des qualifications professionnelles, dans le cadre de laquelle l’homologation du diplôme en droit des personnes intéressées ne serait pas requise. Dès lors, le refus d’homologation du diplôme litigieux de Monsieur ….. ne saurait être assimilé à une violation ni du droit communautaire primaire, ni de la directive 2005/36/CE, ni encore de la loi du 10 août 1991.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur réfute l’argumentation du délégué du gouvernement selon laquelle la loi applicable au présent litige serait celle du 10 août 1991 et non pas celle du 19 juin 2009. Il souligne que sa demande aurait bien été basée sur cette dernière loi.
En effet, il aurait sollicité « (…) l’application du régime général de la directive 2005/36/CE (…) », compte tenu de l’ensemble de ses diplômes et de son expérience professionnelle « (…) pour soit, idéalement, lui donner accès à la profession de juriste dans la fonction publique luxembourgeoise, soit, à tout le moins, l’autoriser à s’inscrire aux CCDL (…) », respectivement pour être admis aux CCDL « (…) et, idéalement, [être] autorisé à se présenter aux épreuves de recrutement de juriste dans la fonction publique luxembourgeoise (…) » et non pas pour se voir reconnaître un « (…) titre d’avocat (…) ». Dans ce contexte, il dresse l’historique de la réglementation communautaire relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et il reprend en détail les conditions et modalités d’application du système général de reconnaissance des qualifications professionnelles mis en place par la directive 2005/36/CE, en insistant notamment, sur le fait, d’une part, que ledit système s’appliquerait également aux emplois publics non couverts par l’exclusion prévue par l’article 45 (4) du TFUE, laquelle ne concernerait que les fonctions régaliennes et, d’autre part, que l’Etat d’accueil devrait, à défaut d’existence, dans le chef de l’intéressé, d’une expérience professionnelle conforme à la définition de cette notion inscrite à la directive, précitée, prendre en considération toute expérience pratique dans le cadre d’activités connexes susceptibles d’augmenter les connaissances de l’intéressé, le 11demandeur se prévalant, dans ce contexte, de l’arrêt Vandarou de la CJUE2. Il conclut que le diplôme litigieux tomberait dans le champ d’application de la directive 2005/36/CE, étant donné que, seul ou en combinaison avec d’autres titres, il lui donnerait accès à une profession réglementée au sens de ladite directive. A cet égard, il affirme être un juriste pleinement qualifié comme tel en France et il précise que le diplôme litigieux lui permettrait de participer à « (…) toutes sortes de concours dans la fonction publique française au sens large (…) ». Dès lors, il serait en droit de revendiquer l’accès aux concours de recrutement de juristes au sein de la fonction publique luxembourgeoise.
Le demandeur insiste sur le fait que la décision déférée reposerait sur une motivation erronée. A cet égard, il reproche à la partie étatique de n’avoir pris en compte que les relevés de notes versés à l’appui de sa demande et qui seraient étrangers au diplôme litigieux, alors qu’il aurait signalé aux autorités luxembourgeoises que ledit diplôme, du fait d’avoir été obtenu par le biais du mécanisme de la validation des acquis de l’expérience, ne serait, de par sa nature, pas accompagné de relevés de notes. Par ailleurs, il fait valoir que la circonstance selon laquelle ledit diplôme serait un diplôme de « master », mention droit privé, impliquerait qu’il aurait les connaissances nécessaires en droit civil et en droit commercial – d’ailleurs renforcées par son expérience acquise au sein du service de la documentation de la Cour de cassation de Belgique – dans la mesure où le droit privé engloberait, par définition, ces deux matières. Par ailleurs, il soutient que le délégué du gouvernement, en affirmant que la décision déférée serait basée sur la loi du 18 juin 1969, aurait commis une erreur de droit, dans la mesure où le terme « homologation » contenu dans l’intitulé de cette loi « (…) [inciterait] erronément à penser qu’en la matière, il [s’agirait] d’obtenir une équivalence académique, ce qui [violerait] la législation européenne en matière de régime général de reconnaissances des qualifications professionnelles (…) ».
Par ailleurs, il insiste sur le fait que la décision déférée violerait les normes européennes régissant la reconnaissance des qualifications professionnelles en soutenant, dans ce contexte, que la réglementation nationale luxembourgeoise, « (…) tant dans ses conditions d’accès à une profession déterminée que dans ses conditions d’octroi d’une reconnaissance professionnelle requise pour pouvoir postuler [à] une certaine catégorie d’emplois (…) » constituerait une entrave à l’exercice de la liberté de circulation professionnelle, en ce qu’elle serait susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice de cette liberté. Il soutient encore qu’en ne transposant ni effectivement, ni en tous les points, le régime général de reconnaissance des diplômes prévu par le chapitre I du titre III de la directive 2005/36/CE notamment pour les diplômes de juriste, c'est-à-dire en ne mettant pas en place une procédure de reconnaissance mutuelle des diplômes répondant aux exigences de cette directive, de même qu'en laissant subsister une pratique administrative ne prévoyant pas la prise en compte de l'expérience professionnelle, sans même instaurer de commissions de reconnaissance des diplômes européens à des fins professionnelles pour accéder à une profession réglementée dans la fonction publique luxembourgeoise au sens large, l'État luxembourgeois aurait manqué aux obligations lui incombant en vertu non seulement du droit dérivé de l'Union européenne, plus précisément de la directive 2005/36/CE, mais aussi du droit primaire, en l’occurrence l'article 45 du TFUE. Dans la mesure où les autorités luxembourgeoises n’auraient ainsi pas respecté leurs obligations découlant de la directive 2005/36/CE, elles ne seraient pas en droit de lui imposer l’exécution 2 CJUE, 2 décembre 2010, Vandarou, C-422/09, Rec. p. I-12413.
12d’une quelconque obligation prévue par cette directive, dont notamment l’obligation de se soumettre à une épreuve d’aptitude ou celle de suivre un stage d’adaptation. Dès lors, il devrait être directement admis aux épreuves de recrutement de juristes dans la fonction publique luxembourgeoise et ses qualifications professionnelles de juriste devraient lui être reconnues afin de suivre les CCDL.
Dans ce contexte, il soutient qu’il se dégagerait de l’arrêt « Morgenbesser » de la CJUE3 – concernant une personne non pleinement qualifiée pour l’exercice de la profession d'avocat en Italie, dans lequel la Cour aurait conclu à l’inapplicabilité tant de la directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans que de la directive 98/5/CE et à l’applicabilité des articles 39 et 43 du traité instituant la Communauté européenne, devenus les articles 45 et 49 TFUE –, d’une part, que, dans le cadre de l’accès à un concours de la fonction publique « (…) au sens large relatif à une profession réglementée ou non (…) », respectivement à une formation d’avocat ou de notaire, telle que les CCDL, les exigences nationales en matière de diplômes ne pourraient pas constituer un « (…) barrage a priori (…) » et, d’autre part, qu’en matière de reconnaissance des diplômes à des fins professionnelles, « (…) les motivations s’appuyant exclusivement sur une logique de type « reconnaissance académique » ne sauraient été acceptées (…) ». En effet, il ressortirait de cette jurisprudence qu’un État d'accueil, saisi d'une demande de reconnaissance, devrait prendre en considération la qualification professionnelle de l'intéressé en procédant à une comparaison entre, d'une part, la qualification attestée par ses diplômes, certificats et autres titres, ainsi que par son expérience professionnelle pertinente et, d'autre part, la qualification professionnelle exigée par la législation nationale pour l'exercice de la profession en cause, le demandeur précisant que la prise en compte du diplôme de l’intéressé ne s’inscrirait pas dans le cadre d’une reconnaissance de titres académiques obéissant aux règles régissant celle-ci, mais devrait être effectuée dans le cadre de l'appréciation de l'ensemble de la formation, académique et professionnelle, de la personne concernée. En citant les conclusions de l’avocat général relatives à l’affaire « Morgenbesser », il soutient qu’une maîtrise en droit constituerait un diplôme « (…) au sens des directives du système général de reconnaissance des qualifications professionnelles (…) » et qu’il en irait a fortiori ainsi s’agissant de son diplôme de « master Droit, Économie, Gestion, à finalité professionnelle, mention Droit privé, spécialité Juriste linguiste », qui poursuivrait une finalité professionnelle et qui constituerait, en France, un 3e cycle d’études universitaires, considéré comme « titre professionnalisant » aux termes de l’arrêt Kraus de la CJUE du 31 mars 19934. Il donne encore à considérer que son diplôme de master en droit, délivré par un Etat membre de l'Union européenne, assorti de surcroît d'autres titres et d'une expérience professionnelle d'attaché au service de la documentation de la Cour de cassation de Belgique, soit une activité connexe à celle d'un référendaire de ladite Cour de cassation, pourrait, en vertu tant du droit primaire de l'Union européenne, notamment de l’article 45 du TFUE, que du droit communautaire dérivé, en ce compris le régime général de la reconnaissance des qualifications professionnelles, tel que prévu au chapitre III de la directive 2005/36/CE, faire l'objet d'une reconnaissance à des fins professionnelles afin de pouvoir être admis aux CCDL ou être admis à concourir à des épreuves de recrutement de juriste dans la fonction publique au sens large du Grand-Duché de Luxembourg.
3 CJUE, 13 novembre 2003, Morgenbesser, C-313/01, Rec. p. I-13493.
4 CJUE, 31 mars 1993, Kraus c. Land Baden-Württemberg, affaire C-19/92.
13 Monsieur ….. ajoute que même si l’arrêt « Morgenbesser » anticiperait la directive 2005/36/CE, les principes s’en dégageant demeureraient pertinents dans les cas où ladite directive ne serait pas applicable, ce qui serait le cas essentiellement soit lorsque l’intéressé ne disposerait pas d’un titre de formation pour une profession déterminée, soit lorsqu’une profession ne serait pas réglementée dans l’Etat membre d’accueil. Il en conclut, d’une part, qu’il serait « (…) non seulement absurde, mais illégal, en vertu du droit de l'Union européenne, d'encore réclamer du travailleur migrant qu'il (…) fasse la preuve de tels ou tels trimestres d'études en droit civil et en droit commercial lorsqu'il invoque l'application du régime général de la directive 2005/36/CE (…) » et, d’autre part, que tant l'article 45 du TFUE que la directive 2005/36/CE – qui serait applicable à la reconnaissance de diplômes de juriste – s'opposeraient à ce que les autorités luxembourgeoises subordonnent, en vertu de l'article 8 du règlement grand-
ducal du 10 juin 2009 portant organisation du stage judiciaire et règlementant l’accès au notariat, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 10 juin 2009 », l'accès aux CCDL et, a fortiori, l'accès à un emploi de juriste dans l'administration publique luxembourgeoise à la possession d'un diplôme de master en droit octroyé par l'université de Luxembourg ou à une équivalence académique, appelée homologation, du master en droit délivré par une université d'un autre Etat membre. Dès lors, ce serait à tort que le ministre aurait rejeté « (…) sa demande d’accès, à tout le moins, (…) [aux CCDL] et/ou idéalement, aux épreuves de recrutement de juristes dans la fonction publique, du seul chef d’absence de mention de cours de droit civil et de droit commercial sur [son] diplôme de master en droit français (…) ».
Dans ce contexte, le demandeur réitère son argument selon lequel qu’il n’aurait jamais prétendu vouloir exercer la profession d’avocat, mais qu’il souhaiterait être reconnu professionnellement comme juriste auprès des autorités luxembourgeoises, afin de pouvoir se présenter directement aux épreuves de recrutement de juristes dans la fonction publique ou d’être admis aux CCDL. Or, lorsqu'un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, tel que lui-même, demanderait à être admis aux épreuves de recrutement d'une profession réglementée dans un État membre d'accueil sur le fondement de ses qualifications professionnelles lui permettant d'accéder à une profession réglementée correspondante dans l'État membre de provenance de ses qualifications professionnelles, le droit européen prévoirait que l'autorité compétente de l'État membre d'accueil, en l’occurrence le Luxembourg, après avoir vérifié si et dans quelle mesure les connaissances attestées par les qualifications professionnelles obtenues par l’intéressé dans l'État membre de provenance de son diplôme ensemble avec l'expérience professionnelle obtenue dans un Etat membre autre que l’Etat membre d'accueil pouvaient satisfaire, même partiellement, aux conditions nécessaires à l'accès aux épreuves de recrutement de la profession réglementée en cause, devrait décider, le cas échéant, de soumettre la personne concernée à des mesures de compensation sous la forme d'un stage d'adaptation ou d'une épreuve d'aptitude. A défaut d’expérience professionnelle au sens de l’article 3, alinéa 1er, point f) de la directive 2005/36/CE, définie comme « l’exercice effectif et licite de la profession concernée dans un Etat membre », l’Etat d’accueil devrait prendre en considération toute expérience pratique dans le cadre d’activités connexes susceptibles d’augmenter les connaissances de l’intéressé, en déterminant la valeur précise à attacher à cette expérience, ce que le ministre serait resté en défaut de faire, en l’espèce.
14A cet égard, le demandeur insiste sur le fait qu’il aurait obtenu le diplôme litigieux dans un autre Etat membre de l'Union européenne, en l'occurrence la France, dont le système juridique serait tout à fait similaire au système luxembourgeois, tout en ayant acquis, par ailleurs, une expérience pratique certaine dans le cadre d'activités connexes à celles d'un référendaire près la Cour de cassation de Belgique, à savoir celles d'un attaché au service de la documentation et de la concordance des textes auprès de la Cour de cassation, qui auraient consisté, notamment, dans la prestation de travaux de « (…) jurilinguistique (…) » en rapport étroit avec le champ de compétence d'un juriste. A l’appui de cette argumentation, il se prévaut d’un certain nombre d’ouvrages doctrinaux et de textes normatifs belges qui seraient de nature à démontrer la connexité alléguée entre les fonctions de référendaire auprès de la Cour de cassation de Belgique et celles d’un attaché au service de la documentation et de la concordance des textes auprès de la même juridiction, le demandeur précisant qu’à force d’être confronté à la traduction d’arrêts « (…) portant [sur] l’interprétation uniforme du droit (…) », un tel attaché finirait par jouir d’une certaine maîtrise du droit – a fortiori lorsqu’il serait titulaire de plusieurs diplômes tant en droit français qu’en droit belge, ce qui serait le cas en l’espèce – la traduction étant « (…) elle-
même déjà une manière de penser le droit (…) ».
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement insiste sur le fait que la décision déférée ne violerait pas les dispositions de la loi du 19 juin 2009, étant donné que cette dernière loi ne serait pas applicable en l’espèce, le ministre ne pouvant statuer que sur la demande dont il serait saisi, en l’occurrence une demande d’homologation basée sur la loi du 18 juin 1969.
A titre subsidiaire, en citant l’article 1er de la directive 2005/36/CE, il soutient que les seules professions réglementées dont le demandeur ferait état seraient, d’une part, celle d’avocat et, d’autre part, celle de juriste linguiste et premier attaché au Service de documentation et de la concordance des textes de la Cour de cassation belge. S’agissant de la profession d’avocat, la reconnaissance des qualifications professionnelles prévue par la directive susmentionnée serait effectuée conformément aux dispositions de la loi du 10 août 1991. Or, le demandeur, en affirmant que son seul but serait d’être « (…) admis aux [CCDL] et idéalement [d’être] autorisé à se présenter aux épreuves de recrutement de juriste[s] dans la fonction publique luxembourgeoise (…) », aurait explicitement rejeté la possibilité d’une reconnaissance de ses qualifications professionnelles sur cette base légale. Dans ce contexte, le délégué du gouvernement soutient que l’affirmation du demandeur, selon laquelle la détention du certificat de formation complémentaire en droit luxembourgeois serait une condition pour pouvoir postuler à un poste de juriste au sein de la fonction publique luxembourgeoise, serait erronée, dans la mesure où les CCDL ne seraient rien d’autre que la première étape du stage judiciaire, en ce qu’ils conditionneraient l’accès à la profession réglementée d’avocat, que le demandeur affirmerait néanmoins ne pas briguer. La même conclusion s’imposerait s’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle l’ensemble des postes de juristes au sein de l’administration publique équivaudraient à une seule et unique profession réglementée. En réalité, la seule profession à laquelle Monsieur ….. pourrait prétendre postuler au sein de la fonction publique luxembourgeoise en invoquant ses qualifications professionnelles serait celle qu’il exercerait dans son Etat d’origine, en l’occurrence celle d’attaché au service de documentation et de concordance des textes, le délégué du gouvernement ajoutant que l’affirmation du demandeur, selon laquelle son diplôme lui donnerait également accès à un poste 15similaire en France, serait non seulement dépourvue de pertinence, mais laisserait aussi d’être démontrée. Or, la directive 2005/36/CE ne serait pas applicable à la profession du demandeur au sein de la magistrature belge, s’agissant d’un emploi comportant une participation directe ou indirecte à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions ayant pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat, partant d’un emploi exclu du champ d’application de l’article 45 du TFUE, sur lequel se baserait l’article 46 du TFUE, qui constituerait la base légale de ladite directive.
A titre plus subsidiaire, le délégué du gouvernement donne à considérer que la profession exercée par le demandeur au sein des autorités judiciaires belges n’existerait pas au Luxembourg et n’y aurait pas de raison d’être, étant donné qu’elle serait directement liée à la circonstance selon laquelle les arrêts de la Cour de cassation belge, de même que les textes normatifs belges seraient publiés dans deux langues différentes, ce qui ne serait pas le cas au Luxembourg. Dans ce contexte, le délégué du gouvernement donne encore à considérer qu’au Luxembourg, la profession la plus proche de celle du demandeur serait celle des greffiers, qui assisteraient éventuellement les magistrats dans leurs recherches. Or, le niveau d’études requis pour cette profession, sous réserve des dispositions de l’article 45 TFUE équivaudrait au diplôme de fin d’études secondaires.
B) Appréciation du tribunal Face aux positions divergentes des parties quant à la législation applicable, le tribunal est, en premier lieu, amené à préciser le contexte tant factuel que légal dans lequel se situe la décision déférée, afin de déterminer l’objet du litige.
A cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de la demande initiale du 9 septembre 2013, dont le libellé a été cité in extenso ci-avant, que Monsieur ….. a sollicité l’homologation de son diplôme « (…) afin d’accéder au barreau luxembourgeois (en suivant [les] cours complémentaires) », en se référant à la directive 2005/36/CE, ainsi qu’à ces qualifications et expérience professionnelles. Par ailleurs, dans son courrier, précité, du 15 octobre 2013, il a précisé qu’il aurait sollicité ladite homologation « (…) afin d’accéder [à la fonction publique luxembourgeoise comme juriste et/ou] au barreau luxembourgeois (en suivant [les] cours complémentaires). (…) »5, après avoir souligné que « (…) le demandeur de ladite homologation requise par [la] réglementation [luxembourgeoise] pour pouvoir suivre les CCDL (…) pour pouvoir devenir un juriste professionnel au Grand-Duché (que ce soit dans la fonction publique ou comme avocat), étant par ailleurs déjà Attaché à la Cour de cassation, avec son diplôme de master en droit doit être admis sans encombre aux épreuves de formation et de recrutement des stagiaires judiciaires (qui (…) ne doivent pas mener obligatoirement à la profession d’avocat, mais également [à celle] de juriste dans la fonction publique luxembourgeoise) (…) »6.
Dans ces circonstances, le tribunal est amené à retenir que s’il est exact que le demandeur s’est référé, dans sa demande du 9 septembre 2013, à la directive 2005/36/CE, ainsi qu’à ces qualifications et expérience professionnelles, il n’en reste pas moins qu’il a expressément 5 Voir la retranscription de la demande du 9 septembre 2013, figurant au post-scriptum du courrier du courrier du 15 octobre 2013.
6 Courrier de Monsieur ….. du 15 octobre 2013, p. 4.
16sollicité l’homologation de son diplôme, dans le but de suivre les CCDL, afin d’accéder, dans une étape ultérieure, à la fonction publique luxembourgeoise et/ou à la profession d’avocat, contrairement aux développements contenus dans son mémoire en réplique selon lesquels il aurait demandé l’homologation litigieuse « (…) pour soit, idéalement, lui donner accès à la profession de juriste dans la fonction publique luxembourgeoise, soit, à tout le moins, l’autoriser à s’inscrire aux CCDL (…) », respectivement pour être admis aux CCDL « (…) et, idéalement, autorisé à se présenter aux épreuves de recrutement de juriste dans la fonction publique luxembourgeoise (…) ».
Par ailleurs, il ressort clairement du libellé de la décision déférée, reproduite in extenso ci-avant, que le ministre ne s’est prononcé que sur l’homologation du diplôme de Monsieur ….., au sens de la loi la loi du 18 juin 1969, et non pas sur une éventuelle reconnaissance de ses qualifications professionnelles, au sens de la directive 2005/36/CE, transposée en droit luxembourgeois par la loi du 19 juin 2009 et, s’agissant de la profession d’avocat – que le demandeur a manifestement briguée, au vu du libellé de sa demande du 9 septembre 2013 –, par la par la loi du 18 décembre 2008, ni, par ailleurs, sur une demande d’admission aux CCDL, ni sur une demande d’admission à un concours de recrutement pour un poste de juriste au sein de la fonction publique luxembourgeoise, contrairement à ce que le demandeur suggère dans son mémoire en réplique.
Le tribunal est ensuite amené à relever qu’aux termes de l’article 1er de la directive 2005/36/CE, cette dernière a pour objet d’établir « (…) les règles selon lesquelles un État membre qui subordonne l'accès à une profession réglementée ou son exercice, sur son territoire, à la possession de qualifications professionnelles déterminées (…) reconnaît, pour l'accès à cette profession et son exercice, les qualifications professionnelles acquises dans un ou plusieurs autres États membres (…) et qui permettent au titulaire desdites qualifications d'y exercer la même profession. », l’article 4 de la loi du 19 juin 2009 disposant que « (1) Lorsque les autorités compétentes luxembourgeoises subordonnent l’accès à une profession réglementée ou son exercice à la possession de qualifications professionnelles déterminées, la présente loi établit les règles générales selon lesquelles, en application de la directive, elles reconnaissent, pour l’accès à cette profession et son exercice, les qualifications professionnelles acquises dans un ou plusieurs autres Etats membres et qui permettent au titulaire desdites qualifications d’y exercer la même profession.
(2) La reconnaissance des qualifications professionnelles permet au bénéficiaire d’accéder au Grand-Duché de Luxembourg à la même profession que celle pour laquelle il est qualifié dans l’Etat membre d’origine et de l’exercer dans les mêmes conditions que les ressortissants luxembourgeois suivant les règles établies par la présente loi.
(3) Aux fins de la présente loi, la profession que veut exercer le demandeur est la même que celle pour laquelle il est qualifié dans son Etat membre d’origine si les activités couvertes sont comparables. » Par ailleurs, aux termes de l’article 1er de la loi du 10 août 1991, dans laquelle les dispositions de la directive 2005/36/CE furent intégrées par la loi, précitée, du 18 décembre 2008, en ce qui concerne la profession d’avocat, « Sans préjudice des autres conditions requises 17pour être inscrit au tableau des avocats, un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne qui est détenteur d’un titre de formation dont il résulte qu’il remplit les conditions pour exercer la profession d’avocat dans un Etat membre est admis à exercer au Luxembourg la profession d’avocat à la Cour. (…) ».
Il s’ensuit que le système de reconnaissance des qualifications professionnelles au sens de la directive 2005/36/CE et de ses lois de transposition constitue un ensemble de règles selon lesquelles un État membre, en l’occurrence le Luxembourg, qui subordonne l'accès à une profession réglementée ou son exercice, sur son territoire, à la possession de qualifications professionnelles déterminées reconnaît, pour l'accès à cette profession et son exercice, les qualifications professionnelles acquises dans un ou plusieurs autres États membres et qui permettent au titulaire desdites qualifications d'y exercer la même profession, la notion de qualifications professionnelles étant définie par l’article 2, point 4° de la loi du 19 juin 2009, qui reprend le libellé de l’article 3 (1) b) de la directive 2005/36/CE, comme « les qualifications attestées par un titre de formation, une attestation de compétence (…) et/ou une expérience professionnelle ». Ce système vise donc le professionnel pleinement qualifié pour exercer une profession réglementée déterminée dans un Etat membre qui demande la reconnaissance de ses qualifications professionnelles pour l’accès et l’exercice de cette même profession réglementée dans un autre Etat membre7. S’agissant de la profession d’avocat, la loi du 10 juin 1991 permet à un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne qui est détenteur d’un titre de formation dont il résulte qu’il remplit les conditions pour exercer la profession d’avocat dans un Etat membre d’être admis à exercer au Luxembourg la profession d’avocat à la Cour, sans devoir suivre les CCDL et le stage judiciaire.
Ensuite, l’article 1er de la loi du 18 juin 1969 prévoit ce qui suit :
« Le régime de la collation des grades et titres par des jurys luxembourgeois, tel qu’il a été institué par la loi du 5 août 1939 sur la collation des grades, en philosophie et lettres, en sciences physiques et mathématiques, en sciences naturelles, en droit, en notariat, en médecine, en médecine dentaire, en médecine vétérinaire et en pharmacie, est aboli et remplacé, en vue de l’accès à certaines fonctions et professions conformément aux lois et règlements les gouvernant, par un système d’homologation des grades et titres étrangers correspondants.
Le système d’homologation concerne les domaines disciplinaires énumérés ci avant à l’exception du notariat. Sont ajoutées aux domaines disciplinaires les sciences humaines. Un règlement grand-ducal peut déterminer des disciplines spécifiques situées dans les domaines tels que visés. » L’article 2 de la même loi dispose qu’ « Aux fins visées à l’article 1er les examens de fin d’études passés aux universités, écoles et établissements d’enseignement supérieur étrangers, les grades de l’enseignement supérieur que ces examens confèrent et les diplômes et titres d’examen qui constatent que le candidat a été reçu, sont reconnus moyennant homologation par le Ministre de l’Éducation Nationale sur avis de commissions ad hoc.
7 En ce sens, voir, par exemple : Commission européenne, « Livre vert : Moderniser la directive sur les qualifications professionnelles », 22 juin 2011, COM(2011) 367 final.
18Nul ne peut être admis à une fonction ou profession des disciplines énumérées à l’article 1er, s’il ne justifie avoir obtenu l’homologation prévue à l’alinéa qui précède, sans préjudice des autres conditions édictées par les lois et règlements sur la matière. ».
Aux termes de l’article 4 (2) de la loi du 18 juin 1969, « L’homologation ne pourra être accordée que si les études supérieures des postulants et leurs diplômes ou titres d’examens finals étrangers répondent aux critères généraux définis comme suit:
– la durée minimale des études supérieures, qui pour chacune des disciplines est fixée par règlement grand-ducal;
– la nature et l’étendue des enseignements théoriques et/ou pratiques, dont les spécificités sont définies par règlement grand-ducal pour chaque discipline.
(…) Le diplôme final sanctionnant des études en droit doit être obtenu dans un pays dont le système juridique correspond dans ses conceptions fondamentales aux principes généraux du système juridique luxembourgeois.
Les diplômes présentés à l’homologation doivent, sans dérogation possible, conférer un grade d’enseignement supérieur, reconnu par le pays d’origine, ou y donner accès à certaines fonctions et professions conformément aux lois et règlements les gouvernant ainsi qu’aux stages correspondants, sans qu’une discrimination puisse être faite entre titres légaux et titres scientifiques, entre titres d’Etat et titres d’Université. ».
L’article 5 de la même loi prévoit ce qui suit : « La procédure d’homologation comportera la vérification de l’existence des conditions légales sur la base des pièces produites, et portera sur la régularité formelle des titres d’examen ou diplômes étrangers présentés à l’homologation, ainsi que sur la conformité de l’enseignement qu’ils sanctionnent, aux critères à fixer. (…) », l’article 6 de ladite loi étant libellé comme suit : « La décision portant octroi d’homologation sera transcrite sur un registre spécial tenu à cet effet au Ministère de l’Éducation nationale, et elle sera portée sur le titre ou diplôme présenté à l’homologation, si le titulaire le demande, indépendamment de l’inscription d’office prévue à l’article 2 de la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur. », tandis que l’article 7 de la même loi prévoit qu’ « A partir de la transcription prévue à l’alinéa 1er de l’article qui précède, l’homologation accordée implique pleine reconnaissance des examens, grades et diplômes étrangers dans les disciplines visées à l’alinéa 1er de l’article 1er.
Elle habilite son titulaire soit à l’admission au stage professionnel, soit à l’exercice des fonctions et professions réglementées et aux conditions prévues par les lois et règlements afférents. (…) ».
Il suit des articles précités de la loi du 18 juin 1969 que le mécanisme d’homologation des diplômes constitue un système de reconnaissance dont l’objet est limité aux examens de fin d’études passés aux universités, écoles et établissements d’enseignement supérieur étrangers, aux grades de l’enseignement supérieur que ces examens confèrent et aux diplômes et titres d’examen qui constatent que le candidat a été reçu et qui ne concerne que certaines matières 19limitativement énumérées, parmi lesquelles figure le droit, ladite reconnaissance – qui ne peut être accordée, à l’issue d’un examen portant, premièrement, sur la vérification de l’existence des conditions légales sur la base des pièces produites, deuxièmement, sur la régularité formelle des titres d’examen ou diplômes étrangers présentés à l’homologation et, troisièmement, sur la conformité de l’enseignement qu’ils sanctionnent aux critères légaux, que si les études supérieures des postulants et leurs diplômes ou titres d’examens finals étrangers répondent aux critères ayant trait à la durée minimale desdites études et à la nature et à l’étendue des enseignements théoriques et/ou pratiques, tels que fixés par règlement grand-ducal – habilitant, à partir de sa transcription sur un registre spécial, son bénéficiaire soit à l’admission au stage professionnel, soit à l’exercice des fonctions et professions réglementées et ce aux conditions prévues par les lois et règlements afférents. Il s’ensuit que l’homologation des diplômes a une portée plus restreinte que le système de reconnaissance des qualifications professionnelles mis en place par la directive 2005/36/CE et par ses lois de transposition, en ce qui concerne tant l’objet de la reconnaissance, qui ne porte que sur des qualifications académiques et non pas sur l’éventuelle expérience professionnelle de l’intéressé, que les matières visées.
S’agissant plus précisément de la question de l’homologation des diplômes en droit, dans le contexte de l’admission aux CCDL, le tribunal relève que l’article 1er (1) du règlement grand-
ducal du 10 juin 2009 dispose que « Pour être admis à la profession d’avocat l’accomplissement d’un stage professionnel, tel que prévu par le présent règlement, est une des conditions auxquelles les stagiaires et candidats doivent se soumettre sans préjudice des conditions prévues dans d’autres dispositions légales ou règlementaires. », l’article 2 du même règlement grand-
ducal précisant que « Le stage professionnel comprend:
1° une période de cours complémentaires pour tous les stagiaires, 2° le stage judiciaire pour l’accès au barreau (…) ».
L’article 7 du même règlement grand-ducal précise encore que « Les cours complémentaires sont enseignés intégralement avant le stage judiciaire et comprennent des cours théoriques portant essentiellement sur les particularités du droit luxembourgeois. (…) », tandis que l’article 8 dudit règlement grand-ducal prévoit que « Pour accéder aux cours complémentaires, il faut:
• soit avoir obtenu l’homologation du diplôme étranger en droit conformément au règlement grand-ducal du 10 septembre 2004 fixant les critères d’homologation des titres et grades étrangers en droit;
• soit être détenteur d’un grade de master en droit émis par l’Université du Luxembourg. ». Aux termes de l’article 12 du même règlement grand-ducal « Le stage judiciaire a pour but de préparer à l’exercice de la profession d’avocat.
Pour être admis au stage judiciaire, le candidat doit présenter le certificat de formation complémentaire en droit luxembourgeois. ».
Il suit des dispositions règlementaires précitées que l’homologation des diplômes en droit en vue de l’admission aux CCDL ne se situe pas dans le contexte de l’accès direct, par un professionnel pleinement qualifié, à une profession juridique réglementée, tel que prévu par la directive 2005/36/CE et par ses lois de transposition, mais dans un stade préliminaire, les CCDL – qui constituent la première étape du stage professionnel dont l’accomplissement avec succès 20conditionne l’accès, notamment, à la profession d’avocat – devant être qualifiés de formation postuniversitaire de nature à conférer aux personnes intéressées, en complément des connaissances acquises au cours de leur cursus universitaire, des connaissances théoriques portant sur les spécificités du droit luxembourgeois, en vue de l’admission ultérieure au stage judiciaire, qui constitue la deuxième étape du stage professionnel susmentionné.
Au vu des développements qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que l’homologation des diplômes en droit prévue par la loi du 18 juin 1969 et par le règlement grand-
ducal du 10 juin 2009 en vue de l’admission aux CCDL, d’un côté, et la reconnaissance des qualifications professionnelles au sens de la directive 2005/36/CE et des lois des 19 juin 2009 et 18 décembre 2008, de l’autre côté, sont des instruments juridiques coexistant, qui répondent à des finalités différentes et qui sont soumis à des régimes juridiques distincts.
Dès lors, dans la mesure où le tribunal vient de relever que le demandeur a expressément sollicité l’homologation de son diplôme dans le but de suivre les CCDL et que le ministre s’est exclusivement prononcé sur cette question, l’objet du litige est limité à cette même question, de sorte que le tribunal n’est pas valablement saisi d’un litige portant sur une éventuelle reconnaissance des qualifications professionnelles du demandeur au sens de la directive 2005/36/CE et de ses lois de transposition, dont notamment les lois des 10 août 1991 et 19 juin 2009, que ce soit pour exercer la profession d’avocat ou pour accéder à une profession réglementée au sein de la fonction publique luxembourgeoise, de sorte que les moyens et les arguments afférents des parties, en ce compris les moyens du demandeur tirés de la violation des articles 2, 4 et 31 de la loi du 19 juin 2009, sont à écarter dans leur ensemble, pour défaut de pertinence. Pour les mêmes motifs, il en est de même en ce qui concerne les développements du délégué du gouvernement portant sur la loi du 13 novembre 2002, laquelle a, aux termes de son article 1er, pour objet « (…) l’exercice permanent au Grand-Duché de Luxembourg de la profession d’avocat de toute personne, ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, qui a acquis la qualification professionnelle et est habilitée à exercer ses activités professionnelles dans un autre Etat membre de l’Union européenne (…) sous [son titre professionnel d’origine] ».
Cette précision étant faite, s’agissant du moyen du demandeur selon lequel le ministre aurait outrepassé ses compétences en empiétant sur celles des autorités françaises, en ce qu’il lui aurait refusé l’homologation sollicitée, au motif qu’il n’aurait pas rapporté la preuve d’avoir suivi des cours de droit civil et de droit commercial portant respectivement sur quatre et sur deux semestres, alors que le diplôme litigieux aurait été acquis par le biais du système français de la validation des acquis de l’expérience, de sorte qu’il aurait été dans l’impossibilité matérielle de joindre à sa demande d’homologation tant un relevé de notes qu’un relevé des matières suivies, le tribunal retient, de concert avec le délégué du gouvernement, qu’il ne saurait être reproché au ministre d’avoir empiété sur les compétences des autorités françaises en matière de validation des acquis de l’expérience, étant donné que les dispositions normatives afférentes, dont notamment les articles L.613-3 et L.613-4 du Code de l’éducation nationale français auxquels se réfère le demandeur, ne sont manifestement pas applicables au Luxembourg. Il s’ensuit que le moyen sous examen laisse d’être fondé.
21En ce qui concerne le moyen de Monsieur ….., selon lequel la décision déférée devrait encourir l’annulation, au motif qu’elle se baserait sur des faits erronés, voire inexistants, en ce qu’elle ferait référence à des relevés de notes versés à l’appui de sa demande, alors que, dans son courrier, précité, du 15 octobre 2013, il aurait expliqué au ministre qu’il serait dans l’impossibilité de fournir de tels relevés de notes, étant donné que le diplôme litigieux aurait été obtenu par le biais de la validation des acquis de l’expérience, le tribunal est amené à relever que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, auquel le demandeur se réfère dans ce contexte, est libellé comme suit :
« Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.
La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle :
- refuse de faire droit à la demande de l’intéressé. (…) ».
Il s’ensuit que toute décision administrative doit se baser sur des motifs légaux et que le ministre a l’obligation d’indiquer ces motifs, notamment, dans les décisions refusant de faire droit à la demande de l’intéressé. Cependant, cette disposition n’impose pas au ministre de motiver la décision de façon exhaustive, une motivation sommaire étant suffisante.
En l’espèce, la décision déférée indique clairement les motifs à sa base, à savoir la considération selon laquelle le demandeur n’aurait pas rapporté la preuve d’avoir suivi des cours de droit civil et de droit commercial portant sur quatre, respectivement deux semestres, tel qu’exigé par l’article 4, alinéa 3 du règlement grand-ducal du 10 septembre 2004, de sorte qu’elle répond à l’exigence d’indication formelle des motifs, telle que prévue par l’article 6, précité, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Par ailleurs, en ce qui concerne le bien-fondé de la motivation de la décision litigieuse, s’il est exact que le demandeur n’a pas été en mesure de fournir des relevés de notes relatifs à son diplôme de « master Droit, Économie, Gestion, à finalité professionnelle, Mention Droit privé, spécialité Juriste Linguiste », compte tenu du fait que ledit diplôme lui a été délivré dans le cadre du système de la validation des acquis de l’expérience, il ressort des explications de la partie étatique, corroborées par les pièces du dossier administratif, que le demandeur a versé de tels relevés se rapportant à son cursus universitaire préalable à l’obtention du diplôme litigieux, lesquels ont été pris en compte par le ministre dans le cadre de l’examen de la question de savoir si, dans sa globalité, la formation universitaire du demandeur répond aux exigences minimales de contenu visées par l’article 4 (2), précité, de la loi du 18 juin 1969, telles que précisées par l’article 4 du règlement grand-ducal du 10 septembre 2004, s’agissant des diplômes en droit.
Dans ces circonstances, le tribunal ne saurait déduire de la seule référence, contenu dans l’arrêté ministériel déféré, aux relevés de notes versés par Monsieur ….., que ledit arrêté reposerait sur des faits erronés ou inexistants, de sorte que l’argumentation afférente est à écarter pour ne pas être fondée.
Par ailleurs, étant donné, d’une part, qu’aux termes de l’article 4, précité, du règlement grand-ducal du 10 septembre 2004 « (…) L'enseignement du droit doit avoir porté au moins sur 22les matières d'études suivantes: le droit civil, le droit commercial, le droit pénal ou la procédure pénale, le droit international privé ou public, le droit constitutionnel ou administratif. Le droit civil doit avoir été enseigné pendant au moins deux années, quatre semestres ou six trimestres.
Les autres matières doivent avoir été enseignées pendant au moins une année, deux semestres ou trois trimestres. (…) » et, d’autre part, que le demandeur n’a pas rapporté la preuve d’avoir suivi des cours de droit civil et de droit commercial pendant quatre, respectivement deux semestres – la seule circonstance selon laquelle le diplôme litigieux constitue un diplôme de mention « droit privé », telle que relevée par le demandeur dans son mémoire en réplique, n’étant pas suffisante à cet égard –, le tribunal est amené à conclure que c’est a priori à bon droit que le ministre a refusé l’homologation sollicitée.
S’agissant ensuite du moyen du demandeur selon lequel le refus de l’homologation sollicitée de son diplôme de « master Droit, Économie, Gestion, à finalité professionnelle, Mention Droit privé, spécialité Juriste Linguiste » porterait atteinte aux principes de libre circulation et de libre établissement consacrés respectivement par les articles 45 et 49 du TFUE, en ce que le ministre aurait, à tort, fait abstraction de son expérience professionnelle, le tribunal est amené à relever que l’article 45 TFUE est libellé comme suit : « 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union. 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. (…) », tandis que l’article 49 TFUE prévoit ce qui suit : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre.
La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux. ».
S’il est exact qu’en vertu de la jurisprudence de la CJUE, ces dispositions, qui continuent de régir les cas non couverts par les directives adoptées en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles8 – par exemple, celui des personnes ayant terminé leurs études, qui ne sont pas encore pleinement qualifiées pour exercer leur profession de façon indépendante et qui souhaitent tirer parti du marché intérieur pour effectuer un stage rémunéré à l'étranger9, cette hypothèse faisant l’objet de l’arrêt « Morgenbesser »10 dont se prévaut le demandeur – obligent les autorités d’un Etat membre, lorsqu'elles examinent la demande d'un ressortissant d'un autre État membre tendant à obtenir l'autorisation d'exercer une profession réglementée, à prendre en considération la qualification professionnelle de l'intéressé en procédant à une comparaison entre, d'une part, la qualification attestée par ses diplômes, certificats et autres titres 8 JurisClasseur Europe Traité – Fasc. 720 : Reconnaissance des diplômes organisée par des directives - Directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 - Équivalence des autorisations nationales d'exercice, n° 37.
9 Commission européenne, « Livre vert : Moderniser la directive sur les qualifications professionnelles », 22 juin 2011, COM(2011) 367 final.
10 CJUE, 13 novembre 2003, Morgenbesser, C-313/01, Rec. p. I-13493.
23ainsi que par son expérience professionnelle pertinente et, d'autre part, la qualification professionnelle exigée par la législation nationale pour l'exercice de la profession en cause11, il n’en reste pas moins que la décision déférée et, par conséquent, le présent litige, ont pour seul objet le refus de l’homologation du diplôme du demandeur, au sens de la loi du 18 juin 1969, et non pas un éventuel rejet, par les autorités luxembourgeoises, d’une demande de ce dernier tendant à l’obtention de l’autorisation d’exercer une profession déterminée, que ce soit la profession d’avocat (stagiaire) ou celle de juriste dans la fonction publique luxembourgeoise. Or, contrairement à une décision de refus de l’autorisation d’exercer une activité professionnelle réglementée, qui serait exclusivement motivée par un défaut d’équivalence académique entre le diplôme de l’intéressé et celui à la possession duquel l’accès à la profession en question est subordonné, en faisant abstraction de l’expérience professionnelle pertinente de la personne concernée, le seul refus de l’homologation du diplôme de l’intéressé n’est, en tant que tel, pas susceptible de se heurter aux libertés de circulation et d’établissement prévues respectivement par les articles 45 et 49 TFUE, de sorte que l’argumentation afférente est à écarter.
Par ailleurs, dans la mesure où le tribunal vient de relever que la décision déférée n’a pour objet ni le refus d’une demande d’admission aux CCDL, ni celui d’une demande d’accès à un emploi de juriste au sein de la fonction publique luxembourgeoise, le moyen du demandeur selon lequel, outre la directive 2005/36/CE, l’article 45 TFUE s’opposerait à ce que les autorités luxembourgeoises subordonnent, en vertu de l'article 8 du règlement grand-ducal du 10 juin 2009, l'accès aux CCDL et, a fortiori, l'accès à un emploi de juriste dans l'administration publique luxembourgeoise, à la possession d'un diplôme homologué est à écarter pour défaut de pertinence. Pour les mêmes motifs, il en est également ainsi en ce qui concerne l’argumentation du demandeur selon laquelle le mode de sélection à l'admission aux CCDL, sur la base d'une homologation, sans prise en compte de l'ensemble des qualifications professionnelles spécifiques des ressortissants communautaires, en sus de leur diplôme, aurait, dans le cas d’espèce, « (…) manifestement violé les normes communautaires applicables en la matière, et notamment les articles 45 et 49 [TFUE] (…) ».
Il se dégage de ces développements que le moyen tiré de la violation des articles 45 et 49 du TFUE est à écarter pour n’être fondé dans aucune de ses branches.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.
Compte tenu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros formulée par le demandeur sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
11 Voir par exemple : CJUE, 7 mai 1991, Vlassopoulou, C-340/89, Rec. p. I-2379 ; CJUE, 13 novembre 2003, Morgenbesser, C-313/01, Rec. p. I-13493.
24se déclare incompétent pour statuer sur le recours principal en réformation ;
reçoit en la forme le recours subsidiaire en annulation ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
déclare non fondée la demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, Daniel Weber, juge et lu à l’audience publique du 1er octobre 2015 par le premier juge, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er octobre 2015 Le greffier du tribunal administratif 25