Tribunal administratif N° 35156 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2014 3e chambre Audience publique du 30 septembre 2015 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 35156 du rôle et déposée le 5 septembre 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Luc Schaus, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, Monsieur …, demeurant à L-…, et la société anonyme de droit luxembourgeois …, ayant son siège social à, L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation du bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés émis en date du 31 juillet 2013 et contre une décision de refus implicite, ainsi qualifiée, résultant du silence de l’administration, suite à une réclamation introduite le 29 octobre 2013 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 décembre 2014 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin déféré ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean-Luc Schaus et Madame le délégué du gouvernement Betty Sandt en leurs plaidoiries à l’audience publique du 16 septembre 2015.
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Par un courrier du 11 décembre 2012, la …., agissant pour le compte de l’association momentanée …, formée par Monsieur …, Monsieur … et par la société anonyme … S.A., ci-
après désignée par « la société … », s’adressa au préposé du bureau d’imposition …, pour solliciter, entre autres, à ce que le bénéfice provenant de la location d’un immeuble soit, à partir de l’année d’imposition 2012, qualifié de revenu provenant de la location de biens au lieu de bénéfice commercial, en faisant valoir que l’association momentanée n’aurait pas d’activité commerciale et que ses seuls revenus proviendraient de ceux provenant de la location de biens.
Par un courrier du 18 décembre 2012, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », informa la …. de ce que cette demande de reclassement du bénéfice annuel en revenu provenant de la location de biens au lieu de bénéfice commercial est refusée, au motif qu’il s’agirait d’une société à but de lucre.
1 Le 31 juillet 2013, le bureau d’imposition émit à l’égard de l’association momentanée … le bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés, ci-après désigné par « le bulletin », pour l’année 2012 et qualifia les revenus de ladite association momentanée de bénéfice commercial.
Par un courrier du 28 octobre 2013, Monsieur …, Monsieur … et la société … firent introduire une réclamation contre ce bulletin devant le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».
A défaut de réponse par le directeur suite à cette réclamation, Monsieur …, Monsieur … et la société … ont fait introduire le 5 septembre 2014 un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation du bulletin, ainsi que d’une décision de refus implicite, ainsi qualifiée, résultant du silence gardé par le directeur suite à cette réclamation.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », et de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre la décision qui a fait l’objet d’une réclamation dans l’hypothèse où aucune décision définitive du directeur n’est intervenue dans un délai de six mois à partir de la réclamation, de sorte qu’en l’espèce, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre le bulletin, recours qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
S’agissant de la demande tendant à voir réformer une décision implicite de refus du directeur, ainsi qualifiée, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité de ce volet du recours.
En effet, l’article 8 (3) 3. de la loi du 7 novembre 1996 impose que le recours en cas de silence du directeur suite à une réclamation est à diriger à l’encontre de la décision qui a fait l’objet du recours, c’est-à-dire en l’occurrence à l’encontre du bulletin de l’année 2012, et non pas à l’encontre d’une décision implicite de refus du directeur.
Il s’ensuit que le recours pour autant qu’il est dirigé contre une décision implicite de refus du directeur est à déclarer irrecevable.
A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent s’être associés le 17 octobre 2006 à un contrat d’association momentanée « … » qui aurait pour objet la détention d’un ensemble de halls à …, après que ces constructions aient été érigées.
Un terrain aurait été acquis le 22 janvier 2007, comportant, tel que confirmé par leur mandataire à l’audience des plaidoiries, une clause de revente. Un hall aurait été construit sur le terrain en question, qui aurait par la suite été loué en vertu d’un bail commercial du 14 décembre 2006. Il s’agirait d’une simple location, sans la moindre prestation de services, le locataire utilisant le hall comme lieu de stockage de marchandises.
2 En droit, les demandeurs soutiennent que la location du hall en question ne constituerait pas une activité commerciale dans leur chef, en soulignant que le fait de gérer un hall ne constituerait ni une exploitation agricole ou forestière ni l’exercice d’une profession libérale au sens de l’article 14 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « la LIR ». En outre, l’activité litigieuse ne correspondrait à aucun des autres quatre critères posés par l’article 14 LIR, à savoir l’indépendance, le but de lucre, le caractère de permanence de l’activité et la participation à la vie économique générale.
Ils soulignent qu’en tant que membres de l’association momentanée …, ils ne feraient rien d’autre que de gérer leur patrimoine, alors que l’activité devrait dépasser les limites de la gestion du patrimoine pour pouvoir être qualifiée de commerciale.
L’association momentanée formée par eux n’aurait aucune activité autre que la gestion de son patrimoine au sens de l’ordonnance du 16 décembre 1941 relative à l’exécution des paragraphes 17 à 19 de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934.
Par ailleurs, leur activité ne répondrait pas au critère de permanence tel qu’il est défini par les travaux préparatoires relatifs à la LIR. Les demandeurs citent à cet égard un arrêt de la Cour administrative du 13 mai 2014, n° 33835C du rôle.
S’agissant du critère de la participation à la vie économique, les demandeurs donnent à considérer qu’en l’espèce, il n’y aurait pas de livraison de biens ou de prestation de services à l’égard du public en général, mais qu’il y aurait uniquement un bien qui serait loué à un seul locataire suivant un seul contrat de location.
Ils font encore valoir que la « Geprägetheorie », conformément à l’article 14, alinéa 4 LIR, ne serait pas applicable non plus, étant donné qu’en l’espèce seul un des trois associés de l’association momentanée … serait une société anonyme et que celle-ci ne disposerait que d’un tiers des parts de l’association, tout en précisant que suivant le bulletin d’établissement en commun les trois associés seraient imposés suivant une part égale dans l’association.
Enfin, les demandeurs sollicitent l’attribution d’une indemnité de procédure de … € sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », en faisant valoir qu’il serait inéquitable de laisser à leur charge les frais exposés par eux pour se faire représenter devant les juridictions administratives, étant donné qu’ils auraient tout fait pour empêcher une telle instance judiciaire, en renvoyant plus particulièrement aux divers courriers de leur comptable à l’adresse de l’administration, et au motif que l’illégalité de la décision attaquée serait évidente.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, en faisant plus particulièrement valoir que depuis son immatriculation par le bureau d’imposition compétent, l’association momentanée … aurait déclaré ses revenus sous la rubrique du bénéfice commercial, en déclarant pour les années 2006 à 2008 une perte, qui aurait telle quelle été acceptée par le bureau d’imposition, les demandeurs ayant d’ailleurs pu bénéficier de la possibilité du report des pertes, ainsi que pour les années 2009 à 2011 un bénéfice commercial positif, pareillement accepté par le bureau d’imposition. Ce ne serait que pour l’année d’imposition 2012 que les demandeurs auraient demandé notamment le reclassement du bénéfice annuel en revenu provenant de la location de biens.
3 En se référant aux termes du contrat d’association de l’association momentanée …, à l’acte de vente du terrain litigieux, au contrat de construction visant la construction du hall industriel sur ledit terrain ainsi qu’au bail commercial conclu en relation avec ce hall, le délégué du gouvernement conclut que l’association momentanée … aurait acquis un terrain à bâtir dans le but de réaliser un projet immobilier définitivement ficelé avant cette acquisition, à savoir la construction d’un hall industriel, qui aurait été loué à une société active dans le domaine du commerce dans le secteur de l’alimentation diététique déjà avant l’acquisition du terrain et la construction du hall, avec l’objectif ferme dès le départ de procéder à la vente de cette opération immobilière.
Il ressortirait du contrat de l’association momentanée que les activités déployées seraient de nature commerciale et ne relèverait pas d’une simple société civile, puisque l’association aurait pour objet la réalisation et la vente de l’opération immobilière décrite audit contrat. Monsieur … serait l’associé chargé de la coordination, de la direction technique et commerciale en relation avec l’exécution des travaux de construction. En se fondant sur les termes du contrat d’association, le délégué du gouvernement soutient que les demandeurs auraient ab initio eu l’intention d’exploiter la substance d’un bien immobilier, à savoir la construction et la vente du hall, et non pas seulement la construction et la location à des tiers, puisqu’ils auraient déterminé et organisé les différents aspects du projet immobilier avant l’acquisition du terrain. Ils se seraient mis d’accord au préalable de financer la construction d’un hall industriel, ainsi que sur la coordination et la direction technique et commerciale concernant l’exécution des travaux de construction afférente, dont ils auraient chargé une entreprise de travaux, le tout avec l’intention dès le départ de procéder à la vente de ce projet immobilier. Cette intention serait corroborée par l’acte d’acquisition du terrain du 22 janvier 2007 contenant une clause de revente.
Le délégué du gouvernement en conclut que l’affirmation des demandeurs qu’ils auraient eu l’intention de détenir à long terme le terrain serait contredite à la fois par le contrat d’association et par l’acte d’acquisition du terrain.
Par ailleurs et à titre complémentaire, le délégué du gouvernement fait valoir que les demandeurs auraient assumé un rôle actif dans la coordination des travaux de construction et dans la direction commerciale du projet, tel que cela ressortirait du contrat de construction et du contrat d’association. Ce rôle traduirait pareillement le caractère commercial de l’activité puisque les actes accomplis dans le cadre de cette opération et le comportement en question serait caractéristique d’un intermédiaire ou prestataire de services actif sur le marché, notamment, de la promotion immobilière, et non pas d’actes réalisés dans le cadre de la gestion d’un patrimoine privé.
Le délégué du gouvernement en conclut qu’une association ayant acquis un terrain à bâtir en vue d’y faire construire un hall industriel destiné à un usage précis, ayant accordé un bail commercial à une société précise dès avant le commencement des travaux et l’acquisition du terrain, et ayant dès la signature du contrat de construction et du contrat de bail coordonné les travaux de construction et qui aurait eu l’objectif ferme de vendre cette opération immobilière dès avant l’acquisition du terrain et de l’achèvement du hall, exercerait manifestement une activité commerciale, de sorte que les revenus générés par le bail litigieux s’inscriraient clairement dans une telle activité.
4A cet égard, il serait indifférent que l’opération de revente n’est pas encore réalisée ;
ce serait l’objectif de revente du projet immobilier, qui serait à la base de l’association, qui serait déterminant.
Le délégué du gouvernement ajoute que suivant le contrat d’association, l’existence de l’association momentanée serait limitée dans le temps à partir de la phase de l’exécution jusqu’à la vente de l’immeuble, de sorte que l’activité de l’association momentanée remplirait toutes les conditions de l’article 14 LIR jusqu’au moment de la vente du hall. Il donne à considérer que dans l’hypothèse où les associés prolongent l’existence de l’association momentanée artificiellement en donnant en location le hall jusqu’au moment de la vente, cette circonstance n’enlèverait en rien le caractère commercial à la société, de sorte qu’en respect du principe de la subsidiarité de la loi concernant l’impôt sur le revenu, un revenu de location ainsi qu’une future vente seraient toujours à ranger parmi le bénéfice commercial.
S’agissant du critère tenant à la participation à la vie économique générale, et en se référant à la jurisprudence des juridictions administratives, le représentant étatique soutient que l’association momentanée … se serait, par le biais d’une offre d’un projet immobilier, adressée de manière perceptible à un public intéressé et aurait réalisé ce projet en vue de la vente.
A titre complémentaire, le délégué du gouvernement insiste également sur l’activité à vocation commerciale des membres de l’association ….
Tel serait le cas non seulement pour la société anonyme …, mais également pour les deux autres associés. En effet Monsieur … serait agent immobilier et serait inscrit pareillement sur le site de la Chambre immobilière comme représentant de la société … s.à r.l., qui serait promoteur, lotisseur et constructeur de résidences et de maisons individuelles. Monsieur … quant à lui se serait lui-même qualifié de « gérant de sociétés ». La société … aurait pour objet l’importation et l’exportation, l’achat, la vente et la représentation de tout produit manufacturé ou de marchandises et la prestation de services et aurait pareillement pour objet d’effectuer toute opération immobilière, mobilière et financière pouvant se rapporter directement ou indirectement à ces activités.
S’y ajouterait que les trois associés auraient fondé encore d’autres sociétés, également actives notamment sur le marché immobilier, à savoir la société … S.A. et la société … S.A..
Le délégué du gouvernement en conclut que les opérations de location litigieuses revêtiraient un caractère commercial aussi par le fait de leur insertion dans le cadre général des opérations à caractère commercial des associés de l’association momentanée …, ces opérations étant opérées plus particulièrement sur le marché immobilier.
Il s’ensuivrait encore que le critère de la participation à la vie économique générale se trouverait vérifiée dans le chef de l’association.
Par rapport à la « Geprägerechtssprechung » à laquelle les demandeurs se sont référés, le délégué du gouvernement donne à considérer qu’en vertu de la jurisprudence allemande afférente, une société de personnes réaliserait un bénéfice commercial, même en l’absence d’une réelle activité commerciale, du fait d’être imprégnée par une ou plusieurs sociétés de capitaux. Or, l’activité commerciale réelle de l’association découlerait des moyens avancés 5par la partie étatique vu que son activité en soi remplirait les critères de l’article 14, alinéa 1er LIR, de sorte qu’il n’y aurait pas lieu de faire référence à la jurisprudence précitée.
Aux termes de l’article 14, alinéa 1er LIR, est à considérer comme bénéfice commercial, « le revenu net provenant d’une entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale », l’entreprise commerciale étant définie comme étant « toute activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale, lorsque ladite activité ne forme ni une exploitation agricole ou forestière ni l’exercice d’une profession libérale ».
En l’espèce, il n’est pas contesté que l’activité litigieuse ne constitue ni une exploitation agricole ou forestière, ni l’exercice d’une profession libérale.
Pour le surplus, au regard de la définition pré énoncée, l’activité litigieuse dans le domaine immobilier ne peut être qualifiée d’entreprise commerciale dépassant le cadre de la simple gestion de la fortune privée que si les quatre critères y énoncés, à savoir celui de l’indépendance, celui du but de lucre, celui de la permanence et celui de la participation à la vie économique générale, se trouvent simultanément réunis, tel que cela est d’ailleurs argumenté à juste titre par les demandeurs.
Concernant plus particulièrement la distinction de l’activité commerciale par rapport à la simple administration du patrimoine privé, dans le contexte spécifique des transactions immobilières, il y a lieu de relever que si la notion de gestion du patrimoine privé (« Vermögensverwaltung ») ne fait pas l'objet d'une définition légale, elle est cependant délimitée par le biais de deux exemples énoncés au paragraphe 7 (4) de l'ordonnance du 16 décembre 1941 relative à l'exécution des paragraphes 17 à 19 de la loi d'adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934 qui prévoit que : « Vermögensverwaltung liegt in der Regel vor, wenn Vermögen genutzt wird, zum Beispiel wenn Kapitalvermögen verzinslich angelegt oder unbewegliches Vermögen vermietet oder verpachtet wird ». Le concept de gestion d'un patrimoine privé ne se limite cependant pas aux exemples de jouissance sus-énoncés. D'une manière générale, il y a administration du patrimoine privé aussi longtemps que les activités d'achat et de vente s'analysent en de simples accessoires d'une jouissance des fruits d'un patrimoine immobilier privé dont la substance est conservée. Au contraire, de telles activités dépassent le cadre de la gestion d'un patrimoine privé lorsque le contribuable recherche une exploitation de la substance de son patrimoine par transfert (« Umschichtung ») d'éléments substantiels de sa fortune.1 Il convient de relever que la construction de maisons ou d’appartements en vue de la vente fait considérer le particulier comme exploitant commercial.2 Si la location d’immeubles rentre normalement dans le cadre de la gestion du patrimoine privé et que les revenus en découlant sont en principe à classer dans la catégorie des revenus de location, cette activité devient une activité commerciale du moment qu’elle est entourée de circonstances particulières de nature à conclure que l’activité dépasse la simple gestion d’un patrimoine privé. Aussi faut-il prendre en considération les circonstances ayant 1 Voir TA 10 septembre 2008, n° 23434 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n° 84 et les références y citées Voir « Personengesellschaften im Steuerrecht » par Lange/Grützner/Kussmann/Reiss, page 703, n°1612 2 Voir études fiscales n° 109/110/111 de décembre 1997 : Le bénéfice commercial, commentaire des articles 14 à 18 de la loi du 4 décembre 1967, page 15 6conduit à la situation existante ainsi que le contexte économique dans laquelle elle s’inscrit3.
Les travaux parlementaire n° 571 à la base de la LIR donnent comme exemple le cas où des « aménagements de grande envergure sont effectués en vue de la location ou que des locations répétées et multiples ou l’entretien et le nettoyage des locaux assumés par le propriétaire exigent par le propriétaire une activité qui sort du cadre ordinaire de l’administration d’immeubles loués à long terme ». Ainsi, il a été retenu que la location d’un immeuble devient une activité commerciale dès lors que la location s’accompagne d’autres prestations ou aménagements et si l’activité globale dépasse les limites de la gestion d’un patrimoine privé pour se présenter globalement comme celle d’un commerçant parce que la location devient l’accessoire et que le propriétaire déploie une activité apparente.4 En l’espèce, s’il est vrai que les revenus litigieux sont exclusivement constitués de revenus provenant de la location d’un hall sis à … et qu’en l’état actuel, aucune vente de l’immeuble litigieux n’a eu lieu, l’argumentation de la partie étatique repose essentiellement sur l’appréciation des circonstances ayant entouré l’opération de location actuellement existante, et plus particulièrement sur la considération que l’objectif de l’opération immobilière dans son ensemble ne serait pas celui de jouir à long terme des fruits d’un patrimoine immobilier, mais que ce serait celui d’acquérir un terrain, d’y construire un hall destiné à être loué, et in fine celui de vendre ledit projet immobilier.
A titre liminaire, le tribunal relève, tel que cela est argumenté à juste titre par la partie étatique, que depuis l’année d’imposition 2006 jusqu’en l’année d’imposition 2011, les demandeurs ont déclaré les revenus générés par l’association momentanée formée par eux et provenant de la location du hall litigieux, dans la rubrique du bénéfice commercial et ont d’ailleurs été imposés dans cette catégorie de revenu sans qu’ils aient soulevé une quelconque contestation à cette égard, de sorte qu’il y a lieu de constater que les demandeurs eux-mêmes ont qualifié leur activité pour les années d’imposition en question, de commerciale. Le tribunal constate encore qu’il n’est pas argumenté que l’activité à la base des revenus générés durant l’année 2012 ait été différente de celle des années antérieures. Si la qualification par les demandeurs de la nature de leur activité durant les antérieures à l’année 2012 constitue d’ores et déjà un critère confortant la position du bureau d’imposition, il convient néanmoins encore d’examiner cette activité au regard des critères posés par l’article 14 LIR.
Parmi les quatre critères d’une activité commerciale tels qu’ils se dégagent de l’article 14 LIR précité, il convient de prime abord de relever que celui du but de lucre et de l’indépendance ne posent pas problème en l’espèce, les demandeurs ayant réalisé des bénéfices à partir de l’année 2009 et leur intention de se faire n’étant d’ailleurs pas contestée et l’activité étant encore exercée pour le compte et aux risques et périls des demandeurs.
S’agissant ensuite de la permanence de l’activité litigieuse, la délimitation entre l’activité commerciale et la simple gestion du patrimoine privé implique, tel que cela a été retenu ci-avant, une appréciation de l’activité développée par le contribuable à la lumière de l’ensemble des circonstances de la cause.
Il résulte des travaux préparatoires concernant l’article 14 LIR que « le caractère de permanence n’implique pas nécessairement que l’activité se répète. Pour qu’il y ait permanence, il suffit que l’activité ait lieu avec l’intention de la répéter si l’occasion s’en 3 Voir GewStR n° 5, n°2 sub paragraphe 2 de la loi modifiée du 1er décembre 1936 sur l’impôt commercial, Gewerbesteuergesetz, en abrégé « GewStG » 4 Voir TA 9 juin 2005, n° 18675 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu 7présente et de constituer de la sorte une source de revenu sur la base d’opérations répétée. » 5 Il ressort du contrat d’association signé le 17 octobre 2006 par les demandeurs que l’objet de l’association momentanée … ainsi formée par eux est la « construction d’un « ensemble de hall » à …, sur le lot 4 dans la zone d’activité artisanal[e] lieu-dit « … », l’article 1er dudit contrat se référant encore à la réalisation de l’opération immobilière ainsi décrite et l’article 1.2 du même contrat stipulant que l’association a « pour objet l’exécution et la vente de l’opération immobilière décrite à la page 1, conformément aux conditions des stipulations du cahier des charges et du présent contrat », l’article 1.3 prévoyant que l’association est conclue pour la durée de la réalisation complète de l’objet ainsi défini. Il se dégage encore de l’article 5 du contrat d’association que parmi les associés un mandataire a été désigné qui a été chargé plus particulièrement de la coordination des travaux relatifs au contrat d’association entre les associés et entre le maître de l’ouvrage et le maître d’œuvre, d’organiser les travaux administratifs relatifs au contrat d’association ainsi que la gestion financière.
D’autre part, il se dégage de l’acte notarié du 22 janvier 2007 relativement à l’acquisition du terrain à bâtir sur lequel un hall a été érigé, que le terrain a été acquis en vue de la construction d’un hall artisanal (« un terrain à bâtir pour la construction d’un hall artisanal », page 3 du contrat), l’autorisation de construire ayant déjà été délivrée (cf. page 5 de l’acte de vente) et en vue de la revente, l’acte comportant une clause de revente.
Il convient encore de relever que dès avant l’acquisition du terrain et de façon concomitante à la signature du contrat d’association, un contrat de construction a été conclu en vue de la construction du hall litigieux.
Le contrat de bail a pareillement été signé immédiatement après la signature du contrat d’association momentanée et avant l’acquisition du terrain, soit le 14 décembre 2006, les parties ayant opté pour l’application de la TVA tel que cela ressort d’une déclaration d’option du 28 mars 2007.
Le tribunal est amené à retenir, de concert avec la partie étatique, qu’il se dégage tant des termes des contrats cités ci-avant, que de leur agencement dans le temps, que l’objectif premier de l’opération envisagée par les demandeurs à travers l’association momentanée … et considérée dans son ensemble, n’est pas la simple jouissance des fruits, à travers la location, d’un patrimoine immobilier qui en tant que tel est destiné à être conservé, caractéristique d’une simple gestion de patrimoine privé, mais que l’objectif est l’acquisition d’un terrain en vue d’y ériger une construction destinée à être revendue par la suite, l’association momentanée ayant d’ailleurs été créée pour la durée de cette activité. S’il est vrai l’association momentanée a, en l’état actuel, pas encore revendu le hall litigieux, mais ne perçoit que des revenus provenant de la location du hall, le tribunal est amené à retenir que l’activité de location est à considérer comme accessoire par rapport à l’objet de l’association tel qu’il se dégage du contrat d’association, ensemble l’acte d’acquisition du terrain du 22 janvier 2007, à savoir l’acquisition d’un terrain pour y construire un hall, destiné à être revendu par la suite.
Il est encore vrai que l’activité de location consiste en une simple location, sans que l’association momentanée fournisse d’autres prestations ou fournitures au locataire.
5 Voir Projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. n° 571, commentaire des articles, p. 18 8Néanmoins, au regard de l’objet affirmé de l’association momentanée, corroboré par son propre comportement durant les années fiscales 2006 à 2011 en ce qu’elle a déclaré ses bénéfices provenant de la location du hall litigieux dans la catégorie du bénéfice commercial, cette circonstance n’exclut pas que l’activité soit qualifiée de commerciale.
De même, pour les mêmes considérations, la circonstance que l’association momentanée n’aurait aucune autre activité que la location du hall n’est pas de nature à conforter l’argumentation des demandeurs, étant donné qu’il convient de prendre en considération toutes les circonstances particulières de l’espèce, de sorte que l’appréciation ne peut pas se limiter au constat que durant l’année d’imposition litigieuse seul un hall a été loué dans le cadre d’un simple contrat de location, mais il convient de prendre en considération l’objet de l’association momentanée tel qu’il se dégage du contrat d’association combiné aux autres circonstances relevées ci-avant.
D’ailleurs, tel que cela a été relevé ci-avant, par référence aux travaux préparatoires concernant l’article 14 LIR, le caractère de permanence n’implique pas nécessairement que l’activité se répète, mais il suffit qu’elle ait lieu avec l’intention de la répéter si l’occasion s’en présente, de sorte que le projet avoué et la perspective d’une revente du projet immobilier réalisé conformément au contrat d’association, parmi lequel figure un bail commercial, est suffisant pour retenir la nature commerciale des revenus litigieux.
Il s’ensuit que le critère de permanence est rempli.
En ce qui concerne ensuite le critère de la participation à la vie économique, il y a lieu de souligner que ce critère implique que le contribuable prenne part, d’une façon perceptible au public intéressé, à l’échange général des biens et prestations et qu’il soit prêt à entrer en relation d’affaires avec un nombre indéterminé de personnes, compte tenu naturellement de l’étendue et du genre de son entreprise et de sa propre capacité de prestation. Ainsi, le commerçant prend part au trafic économique général en approvisionnant le marché en biens pour lesquels il existe un besoin et en les échangeant contre des équivalents en nature ou en argent. Cet élément de la participation est à apprécier dans chaque cas d’espèce en considération du but recherché ainsi que de la nature des opérations exécutées.6 S’il est vrai que les revenus litigieux proviennent d’un seul objet immobilier et d’un seul contrat de bail, il n’en reste pas moins qu’au regard de l’objet de l’association momentanée et de l’opération immobilière prise dans son ensemble tel qu’il se dégage des éléments du dossier cités ci-avant, l’intention des demandeurs de participer à la vie économique générale, ne fait pas de doute et doit partant être admis en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes des demandeurs sont à rejeter comme étant non fondées.
Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que le bureau d’imposition a fait application de l’article 14 LIR en l’espèce et qu’il a retenu un bénéfice commercial au lieu d’un revenu provenant de la location d’immeubles. Cette conclusion s’impose sans qu’il n’y ait lieu par ailleurs d’examiner les développements des parties fondés sur la « Geprägetheorie » ou encore sur la question de la vocation commerciale des membres de l’association, cet examen devenant surabondant au regard de la conclusion retenue par le tribunal que l’activité de l’association momentanée est à qualifier de commerciale.
6 Cf. TA 21 juin 2000, n° 11582 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n° 84 et les références y citées 9 Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
Compte tenu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter comme étant non fondée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
déclare irrecevable le recours pour autant qu’il est dirigé contre décision implicite de refus ;
pour le surplus, reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le dit non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par les demandeurs ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par:
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Thessy Kuborn, premier juge, et lu à l’audience publique du 30 septembre 2015 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er octobre 2015 Le greffier du tribunal administratif 10