Tribunal administratif N° 34777 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juin 2014 Ire chambre Audience publique du 30 septembre 2015 Recours formé par Monsieur …, …, contre plusieurs actes émanant respectivement du bourgmestre de la commune de …, de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux et du ministre de l’Intérieur en matière de pension
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 34777 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2014 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L- …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation :
- d’un courrier « du 18 mars 2014 du bourgmestre de l’administration communale de … (…) qui s’est déclaré incompétente » pour statuer sur sa demande de bénéficier de la bonification de 5 ans pour 18 ans de service comme conducteur de locomotive et du départ en retraite à 55 ans ;
- d’un courrier du 11 avril 2013 de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux qui lui aurait refusé la bonification de 5 ans pour 18 ans de service comme conducteur de locomotive et du départ en retraite à 55 ans ;
- d’un courrier du 9 août 2000 du ministre de l’Intérieur qui lui aurait refusé un départ en retraite à l’âge de 55 ans.
- et de toute autre décision rendue par une de ces institutions précitées dans le cadre de sa demande de pension ;
Vu la signification de cette requête en dates des 8 et 9 juillet 2014 par l’huissier de justice suppléant Patrick Muller, agissant en remplacement de l’huissier de justice Frank Schaal, immatriculé près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, à l’administration communale de …, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, ainsi qu’à la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux, représentée par son conseil d’administration ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 août 2014 par le délégué du gouvernement ;
Vu la constitution de Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l’administration communale de la Ville de …, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 août 2014 ;Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 décembre 2014 par Maître Albert Rodesch, au nom de l’administration communale de la Ville de …, ledit mémoire ayant été notifié le même jour à Maître Jean-Marie Bauler, mandataire de Monsieur … ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 janvier 2015 par Maître Jean-Marie Bauler au nom de Monsieur …, ledit mémoire ayant été notifié le même jour à Maître Albert Rodesch, mandataire de l’administration communale de la Ville de … ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 février 2015 par Maître Albert Rodesch, au nom de l’administration communale de la Ville de …, ledit mémoire ayant été notifié le même jour à Maître Jean-Marie Bauler, mandataire de Monsieur … ;
Vu les pièces versées au dossier et notamment les actes critiqués ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, Maître Mathias Lindauer, en remplacement de Maître Albert Rodesch, et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives.
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En date du 1er juillet 1995, Monsieur … fut engagé en qualité d’agent pompier délégué à la sécurité sous le statut d’employé communal par l’administration communale de la Ville de …, ci-après dénommée « la commune de … », après qu’il eut travaillé depuis le 1er mai 1977 auprès de la Société nationale des chemins de fer luxembourgeois, dénommée ci après « les CFL », en qualité d’agent du cadre permanent.
Par un courrier du 14 juin 2000, la commune de … demanda à la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux, dénommée ci-après « la CPFEC », si, pour l’assurance pension de Monsieur …, les années au service des CFL seraient prises en compte dans leur totalité, si la bonification de 5 ans pour 18 ans de service comme conducteur de locomotives serait prise en compte, si Monsieur … pourrait partir à la retraite à l’âge de 55 ans et quel serait à ce moment le montant de la pension, et si Monsieur … accèderait à la carrière du fonctionnaire communal après vingt années de service auprès de la commune, de sorte qu’il ne pourra partir en retraite qu’à partir de l’âge de 57 ans.
En date du 17 août 2000, la CPFEC répondit au bourgmestre de la commune de … que la période passée auprès des CFL pourrait être validée en sa totalité, qu’elle compterait pour l’accomplissement des vingt années de service requis pour le changement de régime d’assurance pension et que Monsieur … aura droit à une pension de vieillesse anticipée au plus tôt à l’âge de 57 ans accomplis s’il compte à ce moment au moins quarante années de service, sans qu’il puisse bénéficier de la bonification de 5 années de service comme conducteur de locomotives, alors qu’il ne fait plus parti de cette carrière. En ce qui concerne la possibilité de départ à la retraite à l’âge de 55 ans, limite d’âge fixée à l’égard des agents pompiers professionnels, la CPFEC renvoya à l’avis du ministre de l’Intérieur, dénommé ci-
après « le ministre », du 9 août 2000 qui estima que le règlement grand-ducal du 20 mars 1967 disposant que la limite d’âge fixée à 55 ans serait uniquement prévue pour les fonctionnaires de la carrière de l’agent pompier, et ne serait partant pas d’application pour Monsieur …, qui est engagé sous le statut de l’employé communal pour la fonction de délégué à la sécurité, fonction qui ne serait d’ailleurs prévue par aucun texte.
Par délibération du 15 mars 2001, le conseil d’administration de la CPFEC constata unanimement que Monsieur … a droit, à partir du 1er mai 1997, au régime d’assurance pension des fonctionnaires et employés communaux.
Par un courrier du 15 mars 2013, Monsieur … pria la CPFEC de lui fournir les informations concernant les conditions pour sa mise à la retraite, estimant qu’il devrait, en date du 5 février 2013, pouvoir faire valoir 55 années d’âge, 35 années et 9 mois d’affiliation lesquels devraient être majorés des 5 années de bonification pour service comme conducteur de locomotives.
En réponse à ce courrier, la CPFEC lui répondit en lui transmettant des copies des courriers précités échangés entre elle, la commune de … et le ministre de l’Intérieur.
Par un courrier de son litismandataire du 18 février 2014, Monsieur … demanda au collège des bourgmestre et échevins de la commune de … de bien vouloir lui accorder la bonification de 5 années prévue par le règlement grand-ducal du 17 décembre 2003 approuvant le règlement sur les pensions des agents de la Société Nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 17 septembre 2003 », sinon de le faire bénéficier de la retraite à 55 ans conformément au règlement grand-ducal du 20 mars 1967 portant nouvelle fixation de la limite d’âge des sapeurs pompiers professionnels, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 20 mars 1967 ».
Par un courrier du 18 mars 2014, le collège des bourgmestre et échevins de la commune de … informa le litismandataire de Monsieur … que la Ville de … n’est pas compétente pour pouvoir statuer sur la demande de ce dernier en estimant que cette affaire révèlerait de la compétence de la CPFEC.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 juin 2014 Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation du courrier du 18 mars 2014 du bourgmestre de la commune de … qui s’est déclaré incompétent pour statuer sur sa demande de bénéficier de la bonification de 5 ans pour 18 ans de service comme conducteur de locomotive et du départ en retraite à 55 ans, du courrier du 11 avril 2013 de la CPFEC qui lui aurait refusé la bonification de 5 ans pour 18 ans de service comme conducteur de locomotive et du départ en retraite à 55 ans et du courrier du 9 août 2000 du ministre de l’Intérieur qui lui aurait refusé un départ en retraite à l’âge de 55 ans, ainsi que toute autre décision rendue par une de ces institutions précitées dans le cadre de sa demande de pension.
A titre liminaire, la commune de … conclut à l’irrecevabilité du recours en mettant en cause le caractère décisionnel des actes attaqués et notamment en ce qui concerne le courrier du 11 avril 2013 de la CPFEC qui ne serait pas de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation de Monsieur …, alors qu’il ne s’agirait, à défaut pour ce dernier d’avoir sollicité une décision en bonne et due forme susceptible de recours, que d’un renseignement avec renvoi à un échange de courriers entre la commune de …, la CPFEC et le ministre, sans qu’une conclusion n’en soit tirée et sans y adjoindre une quelconque appréciation supplémentaire.
Elle se rapporte à prudence de justice quant à l’intérêt d’agir de Monsieur … et quant au respect des délais d’action.
Dans son mémoire en réplique, Monsieur … fait plaider que le moyen d’incompétence soulevé dans le courrier du 18 mars 2014 par le bourgmestre de la commune de … serait un moyen susceptible de justifier en droit le refus de sa demande, de sorte qu’il pourrait valablement déférer cette décision au juge administratif afin de faire contrôler la pertinence du moyen d’incompétence et par cet effet la légalité de la décision du bourgmestre.
En ce qui concerne la décision de la CPFEC du 11 avril 2014, Monsieur … estime que le libellé et le contenu sommaire de cet acte ne seraient pas un critère pertinent de la qualification d’acte susceptible de recours, alors qu’il faudrait se référer à l’intention de la CPFEC qui aurait été celle de rejeter sa demande et qui serait de nature à lui faire grief. Il fait valoir qu’il ne lui appartiendrait pas de suppléer à la carence des administrations qui n’auraient pas pris la responsabilité de prendre une décision formellement et expressément attaquable à son égard.
Alors que l’administration communale conteste l’existence d’une décision administrative susceptible d’être attaquée en justice en ce qui concerne les actes déférés, il appartient au tribunal de vérifier si les éléments de l’espèce permettent de conclure à l’existence d’actes administratifs susceptibles de faire l’objet d’un recours contentieux suivant les critères dégagés par la jurisprudence.
L'article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dénommée ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », limite l'ouverture d'un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l'acte litigieux doit constituer une décision administrative, c'est-à-dire émaner d'une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et que cet acte doit affecter les droits et intérêts de la personne qui le conteste1. En d’autres termes, l’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, c’est-à-dire, un acte final dans la procédure susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de l’intéressé.
Il a encore été jugé que la nature décisionnelle d'un acte ne dépend pas uniquement de son libellé et de sa teneur, mais également de la demande qu'il entend rencontrer.2 En l’espèce, force est d’abord de constater que le courrier précité du ministre du 9 août 2000 constitue une réponse relative à une demande d’avis formulée par la CPFEC quant à la situation de Monsieur … au regard de la limite d’âge fixée par le règlement grand-ducal du 20 mars 1967.
Non seulement, ce courrier ne répond pas à une demande expresse de la part de Monsieur …, qui n’est d’ailleurs pas le destinataire direct de cet écrit, mais cette lettre ne comporte qu’un avis quant à l’interprétation d’un texte réglementaire dans le contexte de la situation de Monsieur ….
1 trib. adm. 26 août 2010, n°23551 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Acte administratif n°1 2 Cour adm. 25 avril 2013, n°31911C du rôle, Pas.adm. 2015, V° Acte administratif n°33 En effet, il est de jurisprudence qu’une lettre qui ne porte aucune décision et qui n'est que l'expression d'une opinion destinée à éclairer l'administré sur les droits qu'il peut faire valoir ou plus généralement sur sa situation juridique, de même qu'un avis sur l'interprétation à donner à un texte légal n’est pas susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation.3 Il en est de même en ce qui concerne le courrier du 11 avril 2013 de la CPFEC, qui, par le renvoi à l’échange de courriers ayant eu lieu au cours de l’année 2000 entre elle-même, la commune de … et le ministre, fait certes siennes les conclusions y reprises, mais ne constitue pas une décision susceptible de recours, alors qu’il n’émet qu’un avis sur une demande de renseignements de la part de Monsieur … qui, dans son courrier du 15 mars 2013 référencé « demande des conditions pour pension », se limite expressément à se voir « fournir les informations concernant les conditions pour [sa] mise à la retraite ».
Il suit de ces considérations que ni le courrier du 9 août 2000 du ministre, ni le courrier du 11 avril 2013 de la CPFEC ne constituent des actes administratifs susceptibles de recours, de sorte que le recours en réformation, sinon en annulation y relatif est à déclarer irrecevable.
En ce qui concerne le recours contre « toute(s) autre(s) décision(s) prise([s]) par l’administration communale précité sinon le Ministre sinon la CPFEC ayant refusé au requérant d’une part, le bénéfice de la bonification de 5 ans pour 18 ans de service comme conducteur de locomotive et d’autre part, un départ en retraite à l’âge de 55 ans tel que cela est prévu pour les agents pompiers », force est de rappeler que s’il n’existe aucune condition de forme à remplir par un acte, il faut néanmoins que son existence soit établie4. A défaut, pour Monsieur … d’établir l’existence d’un quelconque autre acte intervenu dans le cadre d’une demande de sa part de mise à la retraite qui lui ferait grief, il y a également lieu de déclarer irrecevable le recours y relatif faute d’objet.
Quant au courrier du 18 février 2004, il échet de souligner à titre liminaire, que si le bourgmestre de la Ville de … en est bien le signataire, il résulte de la lecture de ce document que ce dernier a pourtant clairement agi au nom et pour le compte du collège des bourgmestre et échevins.
Quant au caractère attaquable de cet acte pris par le collège des bourgmestre et échevins de la ville de …, il échet de relever qu’au regard de la jurisprudence, une réponse fournie par l'administration consistant à refuser de faire droit à une demande, au motif que l'administration est incompétente pour intervenir en la matière, s'analyse en une décision négative de nature à causer grief à l'administré et, comme telle, elle est susceptible d'un recours contentieux.5 Il échet, dans ce contexte, de relever qu’il ressort du courrier de son litismandataire du 18 février 2014 que Monsieur … sollicite expressément de se voir « accorder (…) la bonification de 5 années prévue par le RGD précité du 17 décembre 2003, sinon la retraite à 55 ans conformément au RDG du 20 mars 1967 précité », de sorte que le courrier déféré du collège échevinal de la Ville de … du 18 mars 2014 se déclarant incompétent pour lui accorder la bonification de cinq ans, sinon la mise à la retraite à 55 ans, vaut refus de la demande afférente et partant lui fait grief. Il en résulte partant également que Monsieur … peut faire valoir de ce chef un intérêt manifeste de saisir le tribunal administratif à cet égard.
3 trib. adm. 20 juillet 2011, n°27177 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Acte administratif n°62 4 Cour adm. du 14 janvier 2010, n° 25846C du rôle, Pas. adm. 2015 V° Acte administratif n°128 5 trib. adm. 27 juin 2012, n°29055 du rôle, Pas. adm. 2015 V° Acte administratif n°73 Il s’ensuit qu’un recours a valablement pu être dirigé contre la décision d’incompétence du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de … du 18 mars 2014.
Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond dans la matière sous examen, le tribunal n’est pas compétent pour statuer sur le recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est cependant recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi, étant relevé qu’aucun délai n’a pu commencer à courir du fait de l’absence d’une mention sur les modalités de recours.
A l’appui de son recours, le demandeur souligne qu’il est d’avis que la commune de … et plus particulièrement le collège échevinal serait compétent pour le faire bénéficier, d’une part, de la bonification de 5 ans pour 18 ans de service comme conducteur de locomotive et, d’autre part, d’un départ en retraite à l’âge de 55 ans tel que cela est prévu pour les agents pompiers, alors que d’après l’article 57 paragraphe 8 de la loi communale, le collège échevinal serait compétent pour l’application à ses employés des dispositions législatives et règlementaires et autres droits statutaires et partant des dispositions du règlement grand-ducal du 17 décembre 2003 et du règlement du 20 mars 1967, la CPFEC n’intervenant qu’à titre d’organe consultatif pour maintenir les décisions communales dans les limites de la légalité et d’assurer leur conformité avec les exigences légales et règlementaires. Le demandeur se réfère encore par analogie à l’autonomie communale découlant de l’article 107 de la Constitution, qui interdirait que le pouvoir de tutelle puisse s’immiscer dans la gestion communale, sans pourtant vouloir en déduire un pouvoir de tutelle de la part de la CPFEC sur les décisions de la commune.
Il conclut partant à l’annulation de la décision déférée pour violation de la loi au motif que le collège échevinal serait compétent pour statuer sur sa demande. Il conclut encore à l’incompétence du bourgmestre pour avoir pris une décision valant refus qui n’incomberait qu’au collège échevinal, ainsi qu’à la violation de l’article 1 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l´Etat et des communes du fait que son dossier n’a pas été transféré à l’autorité administrative jugée compétente.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soutient que la compétence en matière de mise à la retraite et fixation des pensions des agents des CFL relèverait du directeur des CFL et que les décisions relatives aux pensions des fonctionnaires et employés communaux incomberaient au conseil d’administration de la CPFEC.
La commune de … rétorque quant à elle, dans son mémoire en réponse, que l’article 57 paragraphe 8 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 ne lui donnerait pas compétence de statuer sur les pensions des agents des CFL ou sur la limite d’âge des sapeurs pompiers professionnels. Elle cite dans ce contexte la loi du 7 août 1912 relative à la création d’une caisse de prévoyance pour les fonctionnaires et employés des communes et établissements publics, dénommée ci-après « la loi du 7 août 1912 », et notamment ses articles 3 et 30 desquels résulterait que le membre du gouvernement ayant dans ses attributions les affaires communales assurerait le contrôle de la comptabilité et déciderait du placement des fonds de la caisse et que toute demande de pensions serait soumise au conseil d’administration de la caisse dont les décisions d’allocation ou de refus d’une pension seraient soumises à l’approbation du ministre précité. Il en ressortirait l’affirmation de l’autonomie de la CPFEC sous réserve des situations limitativement prévues par les textes légaux.
La commune de … souligne qu’en tout état de cause, il ne ressortirait d’aucune disposition légale une quelconque compétence exclusive des autorités communales en la matière qui serait de la compétence de la CPFEC en ce qui concerne l’âge limite de départ à la retraite, respectivement au directeur des CFL en ce qui concerne la bonification des 5 années réclamée.
Quant à la violation alléguée de l’article 1 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, la commune de … estime qu’aucun reproche ne pourrait lui être fait actuellement, étant donné qu’elle aurait, déjà le 14 juin 2000, contacté la CPFEC sur les mêmes questions que celles figurant dans la demande actuelle de Monsieur …, la CPFEC ayant, à l’époque, saisi, à son tour, le ministre en ce qui concerne la question de l’âge limite pour les pompiers professionnels, en relevant que le demandeur aurait reçu copie de cet échange de courriers de la part de la CPFEC contactée par le demandeur à ce sujet en date du 15 mars 2013.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur maintient ses développements relatifs à la compétence du collège échevinal et souligne que les décisions relatives à une bonification d’ancienneté et au bénéfice d’un départ en retraite à 55 ans seraient des questions relevant des droits statutaires de l’agent communal régis par l’article 57 paragraphe 8 de la loi communale, la CPFEC n’intervenant que pour donner son avis. Il estime surprenant que la commune de … consacrerait sept pages de développements sur le fond, alors que, selon elle, elle devrait se limiter à soulever son incompétence. Le fait d’avoir, en cours d’instance, fourni des motifs de refus au fond, conformément à ce qui lui serait expressément permis par la jurisprudence, il y aurait lieu de conclure qu’elle s’estimerait compétente pour la question et qu’il aurait toujours été dans l’intention de la commune de … de refuser la demande litigieuse au fond.
En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n'est pas lié par l'ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant, de manière que les moyens tenant à la validité formelle d'une décision doivent être examinés, dans une bonne logique juridique, avant ceux portant sur son caractère justifié au fond.6 Il échet à titre liminaire de rappeler, comme il vient d’être souligné ci-avant, que la décision déférée du 18 février 2014 a été prise par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de … et non par son bourgmestre seul, tel qu’il l’est prétendu par la partie demanderesse, de sorte que le moyen relatif à l’incompétence du bourgmestre en la matière est d’ores-et-déjà à rejeter pour ne pas être pertinent.
Il appartient ensuite de toiser le moyen tiré de la violation de l’article 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 étant donné qu’il concerne la validité formelle de la décision déférée.
Aux termes de cet article « Toute autorité administrative saisie d´une demande de décision examine d´office si elle est compétente.
Lorsqu´elle s´estime incompétemment saisie, elle transmet sans délai la demande à l´autorité compétente, en en avisant le demandeur. (…) ».
6 trib. adm. du 31 mai 2006, n °21060 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 408 Il ressort de la lecture du courrier du 18 mars 2014 que le bourgmestre, au nom du collège des bourgmestre et échevins, a avisé le demandeur qu’il estime que « la Ville de … n’est pas compétente pour pouvoir statuer sur les faits évoqués et que l’affaire relève de la compétence de la Caisse de prévoyance des Fonctionnaires et Employés Communaux. » S’il est également constant en cause que cette décision d’incompétence n’a pas été suivie d’un transfert de la demande de Monsieur … à l’autorité jugée compétente, il importe néanmoins, avant de statuer sur la sanction y relative, de vérifier si c’est à bon droit que le collège des bourgmestre et échevins a estimé que la Ville de … n’est pas compétente pour répondre à la demande litigieuse de Monsieur ….
Il ressort du courrier de son litismandataire du 18 février 2014 que Monsieur …, sur le constat qu’à la date du 5 février 2014 il a atteint l’âge de 56 ans et qu’il bénéficie de plus de 36 années d’affiliation, demande au collège échevinal de bien vouloir lui accorder la bonification de 5 années prévue par le règlement grand-ducal du 17 décembre 2003, sinon la retraite à 55 ans conformément au règlement grand-ducal du 20 mars 1967.
Il est constant que Monsieur …, en tant qu’employé communal, tombe sous le champ d’application de la loi du 7 août 1912 qui dispose dans son article 1er que : « La caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux a pour objet l’assurance pension et l’assurance maladie de ses affiliés.
Sont affiliés à la caisse:
1° les fonctionnaires et employés des communes, (…) ».
Aux termes de l’article 30 de la loi du 7 août 1912 : « Toute demande de pension est soumise au conseil d’administration de la caisse. Les formalités à remplir et les pièces et documents à produire par les intéressés pour justifier leurs droits à une pension de retraite en vertu des dispositions de la présente loi sont déterminés par un règlement d’administration publique. Toutes les pièces et documents requis peuvent être dressés sur papier libre.
Le conseil d’administration statue dans le plus bref délai.
Toute délibération du conseil concernant l’allocation d’une pension de retraite à charge de la caisse commune ou le refus d’une pension est soumise à l’approbation du «Ministre de l’Intérieur». » Il en ressort que, dans le cas du demandeur, la compétence de statuer sur l’attribution d’une pension de vieillesse réside effectivement dans le chef du conseil d’administration de la CPFEC, de sorte que c’est à bon droit que le collège des bourgmestre et échevins a déclaré que la Ville de … n’est pas compétent en la matière.
Ce constat n’est pas énervé par les dispositions de l’article 57 paragraphe 8 de la loi communale, alors que ce dernier est, premièrement, de vocation générale et concerne, deuxièmement, l’obligation de veiller à l’application des textes légaux et règlementaires pendant l’exercice des fonctions de ses agents et non les conditions spécifiques d’attribution d’une pension de vieillesse spécialement prévue par la loi précitée du 7 août 1912.
Dans ce contexte, il échet encore de relever que le fait d’avoir soumis à la CPFEC, en date du 14 juin 2000, un courrier comportant des questions similaires relatives à la situation de départ en retraite de Monsieur … et que cette dernière ait contacté le ministre à ce sujet, n’est pas de nature à dispenser la Ville de …, face à une demande expresse d’attribution de la bonification de cinq années sinon du départ à la retraite à l’âge de 55 ans, de procéder au transfert de la demande litigieuse du 18 février 2014 à l’autorité jugée compétente.
Il y avait dès lors lieu de renvoyer le dossier au conseil d’administration de la CPFEC pour statuer sur le fond de la demande de Monsieur ….
Par l’omission de cette obligation, la demande de Monsieur … n’a pas pu bénéficier de la garantie prévue par l’article 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 qui exige que sa demande doit être automatiquement transférée à l’autorité compétente afin d’y être soumise à une analyse au fond, de sorte que la décision du 18 mars 2014 est à annuler pour violation des formes légales, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens invoqués de part et d’autre.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
déclare le recours irrecevable en ce qu’il est dirigé contre le courrier du ministre de l’Intérieur du 9 août 2000, contre le courrier du 11 avril 2013 de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux et contre toute décision non précisément identifiée du ministre de l’Intérieur, de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux, ainsi que des autorités communales de la Ville de … ;
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de … du 18 mars 2014 ;
déclare recevable en la forme le recours en annulation dirigé contre la décision du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de … du 18 mars 2014 ;
au fond, le déclare justifié, partant annule la décision du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de … du 18 mars 2014 et renvoie l’affaire en prosécution de cause à l’administration communale de la Ville de … ;
condamne l’administration communale de la Ville de … aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 30 septembre 2015 par le premier vice-président en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30/09/2015 Le Greffier du Tribunal administratif 9