Tribunal administratif Numéro 33700 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 décembre 2013 2e chambre Audience publique du 21 septembre 2015 Recours formé par Monsieur ….., …. (F) contre une décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’inscription au registre des titres professionnels
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 33700 du rôle et déposée le 4 décembre 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Aurélia Feltz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., demeurant F-…., tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 20 août 2013, portant refus d’inscrire au registre des titres professionnels le « diplôme d’université de direction de travaux de bâtiment et coordination hygiène-
sécurité », lui décerné le 28 avril 1999 par l’Université Montpellier I ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 février 2014 par le délégué du gouvernement ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 28 mars 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Aurélia Feltz au nom et pour le compte de Monsieur ….. ;
Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jessica Henriot, en remplacement de Maître Aurélia Feltz, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 octobre 2014.
Vu l’avis du tribunal administratif du 17 novembre 2014 prononçant la rupture du délibéré ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire ainsi que Maître Aurélia Feltz et Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 février 2015.
Le 28 avril 1999, Monsieur ….. s’est vu délivrer par l’Université de Montpellier 1 le diplôme intitulé : « diplôme d’université de direction de travaux bâtiment et coordination hygiène-sécurité (3e cycle) ».
Suite à la demande afférente de Monsieur….., le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, désigné ci-après par « le ministre », a refusé, par arrêté du 20 août 2013, l’inscription au registre des titres professionnels prévu à l’article 2 (3) de la loi modifiée du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur, désignée ci-après par « la loi du 17 juin 1963 », du diplôme d’université précité détenu par Monsieur…… Ledit arrêté ministériel est fondé sur les motifs et considérations suivants :
« Vu la loi modifiée du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur ;
Vu l’arrêté ministériel du 15 novembre 2010 portant nomination de la Commission des Titres d’Enseignement Supérieur ;
Vu la demande présentée par Monsieur ….. et les pièces produites à l’appui de cette demande ;
Vu le titre de diplôme d’université de direction de travaux bâtiment et coordination hygiène-sécurité, décerné en septembre 1998 au requérant par l’Université Montpellier I ;
Vu l’avis de la commission des titres en date du 13/08/2013 ;
Considérant que le titre délivré n’est pas visé par le Ministère de l’Education Nationale française, ce qui constitue la procédure normale de ce dernier, il ne peut de ce fait pas être considéré comme un grade d’enseignement supérieur délivré conformément aux lois et règlements régissant l’enseignement supérieur en France, au sens des dispositions de l’article 1er de la loi modifiée du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 décembre 2013, Monsieur….. a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 20 août 2013 portant refus d’inscrire son diplôme d’université de direction de travaux bâtiment et coordination hygiène-sécurité au registre des titres professionnels prévu à l’article 2 (3) de la loi du 17 juin 1963.
Quant à la recevabilité du recours Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en annulation introduit à titre subsidiaire au motif que l’article 4 de la loi modifiée du 17 juin 1963 prévoirait un recours au fond contre les décisions du ministres prises sur base de la loi du 17 juin 1963.
Le demandeur confirme dans le cadre de son mémoire en réplique que l’article 4 de la loi du 17 juin 1963 prévoirait un recours en réformation en la matière, mais déclare maintenir à titre subsidiaire et, pour autant que de besoin, son recours en annulation.
Aux termes de l’article 4 de la loi du 17 juin 1963 : « Les décisions visées à l'article 2, alinéa 2 et à l'article 3 seront rendues publiques par des avis à insérer au Mémorial.
Le tribunal administratif, statue comme juge du fond sur les recours dirigés contre ces décisions par toute personne physique ou morale intéressée. Ces recours sont intentés dans le délai de trois mois qui prend cours, pour le demandeur en inscription, à partir du jour de la notification et, pour toute autre personne intéressée, à partir de la publication. (…) ».
S’il est certes vrai que l’article 4 précité de la loi du 17 juin 1963 se réfère explicitement aux « décisions visées à l'article 2, alinéa 2 et à l'article 3 », de sorte à pouvoir en déduire que le recours en réformation ainsi prévu audit article 4, alinéa 2 de la prédite loi ne serait ouvert qu’à l’encontre des décisions visées aux articles 2, alinéa 2 et 3 de la même loi, il y a toutefois lieu de prendre en considération le fait que la loi du 17 juin 1963 a fait l’objet d’une modification par la loi modifiée du 19 juin 2009 ayant pour objet la transposition de la directive 2005/36/CE pour ce qui est a) du régime général de reconnaissance des titres de formation et des qualifications professionnelles b) de la prestation temporaire de service (…), désignée ci-après par « la loi du 19 juin 2009 », n’ayant pas changé le libellé de l’article 4 de la loi du 17 juin 1963, mais ayant, en revanche, remplacé l’ancien article 2 de la loi du 17 juin 1963 par une nouvelle disposition. Ainsi, l’article 2 (2) de la loi du 17 juin 1963 dispose désormais que : « Le titre d’enseignement supérieur est inscrit conformément aux dispositions de l’article 27 paragraphe (2) de la loi du 19/06/2009 ayant pour objet la transposition de la directive 2005/36/CE pour ce qui est a) du régime général de reconnaissance des titres de formation et des qualifications professionnelles, b) de la prestation temporaire de services.
Les titres d’enseignement supérieur sont regroupés selon les niveaux définis à l’article 6 points 3°, 4° et 5° de la loi du 19/06/2009 ayant pour objet la transposition de la directive 2005/36/CE pour ce qui est a) du régime général de reconnaissance des titres de formation et des qualifications, b) de la prestation temporaire de services. (…) », tandis que la teneur de l’ancienne version de l’article 2 de la loi du 17 juin 1963 était la suivante : « L’inscription des diplômes nationaux se fera d’office.
L’inscription des diplômes étrangers et la détermination du titre exact et complet à porter se feront à la demande des intéressés, par décision du ministre de l’éducation nationale prise sur avis d’une commission des titres d’enseignement supérieur.
Un règlement d’administration publique réglera la composition et le fonctionnement de cette commission ainsi que la tenue du registre des diplômes.
Tout intéressé peut se faire délivrer un extrait du registre à charge de payer une taxe dont le montant sera fixé par règlement d’administration publique sans pouvoir dépasser cinq cents francs. » L’article 2, alinéa 2 de la loi du 17 juin 1963, dans sa version précédant sa modification, fait partant explicitement référence aux décisions prises par le ministre dans le contexte de l’inscription des diplômes étrangers et la détermination du titre exact et complet à porter.
Il ressort encore des travaux parlementaires ayant abouti à l’adoption de la loi du 17 juin 1963, qu’à l’époque, l’intention du législateur était bien celle d’introduire de manière générale un recours en réformation contre les décisions du ministre. Lesdits travaux précisent ainsi qu’ « il y a lieu de prévoir la possibilité d’un recours contre les décisions du Ministre.
Le Conseil d’Etat, Comité du Contentieux, serait appelé à statuer en dernière instance et comme juge du fond sur les recours qui pourraient être dirigés contre ces décisions par toute personne physique ou morale intéressée. La publication des décisions au Mémorial déterminera le point de départ du délai dans lequel les recours doivent être introduits »1.
Dans le même ordre d’idées, il ressort encore des travaux parlementaires préparatoires à 1Doc. parl. n° 54 (780) : Projet de loi ayant pour objet de protéger au Grand-Duché de Luxembourg les titres d’enseignement supérieur. Avis du Conseil d’Etat, examen du texte, p.568 l’adoption de la loi du 19 juin 2009 que la seule intention du législateur, en modifiant la loi du 17 juin 1963, était d’éviter toute confusion entre le port du titre professionnel et le port du titre de formation, et non point celle de limiter les possibilités d’introduire un recours au fond contre les décisions du ministre2.
Dans la mesure où l’article 4 de la loi du 17 juin 1963 n’a pas été adapté lors de la modification de la loi du 17 juin 1963 par celle du 19 juin 2009, le tribunal est amené à considérer qu’il entend toujours viser de manière générale les décisions du ministre prises en matière d’inscription des diplômes étrangers sur le registre des titres d’enseignement supérieur et de détermination du titre exact et complet à porter, et que le prédit article 4 de la loi du 17 juin 1963 prévoit un recours de pleine juridiction contre lesdites décisions.
Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, introduit à titre principal, qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délais de la loi. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Quant au fond Le juge administratif n'est pas lié par l'ordre dans lequel les moyens ont été présentés par les parties à l'instance, mais il peut les traiter dans un ordre différent dans le souci d’une bonne administration de la justice et compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’insèrent.
Le tribunal est ainsi amené à analyser en premier lieu le moyen avancé par le demandeur dans le cadre de son mémoire en réplique selon lequel il soutient, en se référant à l’article 1er a) de la loi du 17 juin 1963, que dans la mesure où il aurait son domicile et sa résidence en France, il ne serait pas visé par cette disposition, mais qu’il figurerait parmi l’exception y visée. Il en conclut que les dispositions de l’article 1er de la loi du 17 juin 1963 ne pourraient motiver la décision de refus litigieuse.
Le délégué du gouvernement, n’ayant pas déposé de mémoire en duplique en cause et ne s’étant pas prononcé quant audit moyen à l’audience publique des plaidoiries, n’a pas pris position à cet égard.
L’article 1er de la loi du 17 juin 1963 est libellé comme suit : « A l’exception des personnes qui n’ont au Grand-Duché ni domicile ni résidence fixe, nul ne peut porter publiquement le titre d’un grade d’enseignement supérieur a) s’il n’en a obtenu le diplôme conformément aux lois et règlements du pays où le grade a été conféré;
2 Voir à ce sujet : Doc. parl. 5921 : Projet de loi ayant pour objet la transposition de la directive 2005/36 pour ce qui est a.) du régime général de reconnaissance des titres de formation et des qualifications professionnelles, b.) de la prestation temporaire de service, exposé des motifs p.4 : « Finalement, la directive 2005/36/CE modifie la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur (registre des titres) dans la mesure où le port du titre professionnel (article 52) ne doit pas être confondu avec le port du titre de formation (article 54). Le titre professionnel est le titre prescrit par l’Etat membre d’accueil pour l’exercice des activités professionnelles en cause; le titre de formation est le titre délivré par l’Etat membre d’origine. ».
b) si son diplôme, suivi du nom de l’école ou de l’institution qui l’a délivré, ainsi que l’appellation entière du titre conféré n’ont pas été inscrits au registre des diplômes déposé au ministère de l’éducation nationale.
Sont notamment considérés comme titres d’un grade d’enseignement supérieur au sens de la présente loi les titres de docteur, licencié, ingénieur, architecte ».
L’article 2 de la même loi définit plus amplement les conditions selon lesquelles un titre d’enseignement supérieur peut être inscrit au registre des titres d’enseignement supérieur, respectivement au registre de titres d’enseignement supérieur professionnels, étant précisé qu’aux termes de l’article 2 (4) précité de la loi du 17 juin 1963, l’inscription des titres se fait en principe à la demande de l’intéressé, à l’exception des diplômes nationaux qui, aux termes de l’article 2 (5) de la même loi, sont inscrits d’office.
Force est au tribunal de constater que s’il n’est pas contesté que le demandeur est domicilié en France et qu’aux termes de l’alinéa 1er, combiné avec le point b) de l’article 1er de la loi du 17 juin 1963 l’inscription obligatoire des titres d’enseignement supérieur n’est en principe requise que pour les titulaires de titres ayant leur domicile ou leur résidence au Luxembourg, il n’en reste pas moins qu’il est constant en cause que le demandeur a entendu se prévaloir d’une inscription de son diplôme et a ainsi introduit une demande d’inscription de son titre au registre des titres d’enseignement supérieur sur le fondement de la loi du 17 juin 1963, et que le ministre a examiné sa demande, bien qu’il n’ait ni domicile, ni résidence au Luxembourg. Face à une telle demande, le ministre pouvait valablement soumettre l’inscription sollicitée aux conditions prévues aux articles 1er et 2 de la loi du 17 juin 1963, en l’occurrence celle que le diplôme doit être délivré conformément aux lois et règlements du pays où le grade a été conféré, malgré le fait que le demandeur n’a ni domicile ni résidence au Luxembourg3.
Le moyen afférent est dès lors à rejeter.
Le demandeur critique encore le bien-fondé de la décision déférée, en affirmant que l’objet de la loi du 17 juin 1963 serait de protéger au Grand-Duché de Luxembourg les titres de l’enseignement supérieur et que dans ce contexte, contrairement à une demande en homologation d’un diplôme, le ministre ne serait appelé qu’à vérifier si le diplôme dont l’inscription est sollicitée représente un titre de l’enseignement supérieur « conformément aux lois et règlements du pays où le grade a été conféré », sans pouvoir porter une appréciation au fond quant aux études accomplies par la personne concernée.
Il soutient par ailleurs que son titre dont il aurait sollicité l’inscription au registre des titres d’enseignement supérieur lui aurait été délivré conformément au droit français applicable. Il aurait ainsi été délivré par l’Université de Montpellier 1, de sorte qu’il s’agirait d’un diplôme universitaire délivré par un établissement public d’enseignement supérieur et de recherche habilité par le ministère français de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Le titre lui conféré serait reconnu par la législation française, étant donné que suivant l’article L.613-2 du code de l’Education nationale français, les établissements pourraient également organiser, sous leur propre responsabilité, des formations conduisant à des diplômes qui leur seraient propres ou préparant à des examens ou concours. Il en conclut que l’Université de Montpellier 1 aurait le pouvoir d’organiser sous sa responsabilité la formation qu’il aurait 3 V. en ce sens : trib. adm. 2 mars 2011, n° 27000 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu suivie et qui aurait été sanctionnée par le diplôme actuellement litigieux. Il estime enfin que l’autorité compétente pour viser ledit diplôme serait le président de l’Université de Montpellier, ce qui ressortirait d’un courrier lui adressé par l’Université de Montpellier 1.
Le délégué du gouvernement répond qu’en matière d’inscription au registre des titres de l’enseignement supérieur, le ministre prendrait ses décisions sur avis d’une commission des titres d’enseignement supérieur, désignée ci-après par « la commission des titres », qui procéderait à un examen des demandes et ne se bornerait pas à constater un état de fait, ce qui serait d’ailleurs confirmé à la lecture des travaux parlementaires à la base de la loi du 17 juin 1963.
Le délégué du gouvernement argumente que le titre dont fait état le demandeur en l’espèce ne serait pas visé par le ministère de l’Education national français mais porterait comme unique en-tête le titre « Université Montpellier 1 ». Afin de déterminer si ce titre aurait été émis conformément aux lois et règlements français, il ne suffirait pas de se référer à l’article L.613-2 du code de l’Education nationale français, mais il faudrait lire ledit article en combinaison avec l’article L.613-1 du même code qui indiquerait que l’Etat français disposerait du monopole de la collation des grades et des titres universitaires tout en précisant que les diplômes nationaux délivrés par les établissements seraient ceux qui conféreraient l’un des grades ou titres universitaires dont la liste serait établie par décret pris sur avis du conseil national d’enseignement supérieur de la recherche. Le délégué du gouvernement en conclut que le législateur français opérerait une distinction claire entre les diplômes nationaux et les diplômes propres à un établissement supérieur scientifique. Il précise que l’article L.613-2 du code de l’Education nationale français auquel le demandeur se réfère serait à lire comme une exception au principe général établi par l’article L.613-1 du même code, qui déterminerait les titres universitaires nationaux devant de surcroît figurer sur une liste établie par décret.
L’article L.613-2 du code de l’Education nationale français réserverait ainsi la possibilité à tout établissement d’enseignement supérieur de préparer des candidats à des concours ou à délivrer des titres ou diplômes n’engageant qu’eux-mêmes et ne constituant pas des diplômes nationaux.
Le délégué du gouvernement se réfère encore au droit réglementaire français et plus précisément aux articles D.613-5 et D.613-6 du code de l’Education nationale français pour affirmer que le ministre français chargé de l’enseignement supérieur, ensemble avec les autres ministres concernés, veillerait à la cohérence et à la lisibilité sur le plan national et international du dispositif national des grades, titres et diplômes nationaux. D’ailleurs, l’article D.613-6 du code de l’Education nationale français établirait une liste limitative des grades ou titres universitaires nationaux qui feraient foi, notamment sur le plan international.
Aucun « diplôme d’université », tel que celui invoqué en l’occurrence par le demandeur, ne figurerait sur ladite liste.
Dans le cadre de son mémoire en réplique, le demandeur reproche au délégué du gouvernement d’avoir, en prétendant que le diplôme litigieux ne serait pas un grade d’enseignement supérieur pouvant par nature être inscrit dans le registre des titres, invoqué ses propres arguments et d’avoir ainsi substitué sa motivation à celle avancée par le ministre à la base de la décision déférée et d’avoir, ainsi, de surplus, procédé à une application erronée des dispositions légales françaises voire luxembourgeoises.
Le demandeur ajoute, concernant le reproche étatique que son diplôme n’aurait pas été visé par le ministère de l’Education nationale français, que le diplôme litigieux serait visé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui serait l’autorité administrative de rattachement des universités de France.
Il affirme enfin que selon la loi française du 27 janvier 1984 relative à l’enseignement supérieur, l’Université de Montpellier 1 serait un établissement national d’enseignement supérieur et de recherche jouissant de la personnalité morale, ainsi que de l’autonomie pédagogique, scientifique, administrative et financière. En cette qualité, l’Université de Montpellier 1 serait légalement habilitée à délivrer deux types de diplômes, à savoir des diplômes nationaux et des diplômes universitaires, de sorte que ces deux types de diplômes seraient susceptibles de faire l’objet d’une reconnaissance académique et partant d’être inscrits dans le registre luxembourgeois des titres d’enseignement supérieur.
A titre liminaire, il y a lieu de relever que l’objet de la demande de Monsieur….. du 7 août 2013 est l’inscription de son diplôme délivré par l’Université de Montpellier 1 et intitulé « diplôme d’université de direction de travaux bâtiment et coordination hygiène-sécurité (3e cycle) » dans le registre des titres de l’enseignement supérieur professionnel afin « (…) de se voir autoriser à porter le titre exact et complet par équivalence, de « Diplôme Ingénieur Génie Civil (…) », tel que le demandeur l’a précisé dans son mémoire en réplique.
Il y a encore lieu de rappeler que l’article 1er de la loi précitée du 17 juin 1963 dispose que : « à l’exception des personnes qui n’ont au Grand-Duché ni domicile ni résidence fixe, nul ne peut porter publiquement le titre d’un grade d’enseignement supérieur a) s’il n’en a obtenu le diplôme conformément aux lois et règlements du pays où le grade a été conféré ;
b) si son diplôme, suivi du nom de l’école ou de l’institution qui l’a délivré, ainsi que l’appellation entière du titre conféré n’ont pas été inscrits au registre des diplômes déposé au ministère de l’éducation nationale.
Sont notamment considérés comme titres d’un grade d’enseignement supérieur au sens de la présente loi les titres de docteur, licencié, ingénieur, architecte ».
Il se dégage, ainsi, de l’article 1er de la loi du 17 juin 1963, précité, que le port public d’un titre est soumis à deux conditions cumulatives, la première série de conditions exigeant que le diplôme ait été obtenu conformément aux lois et règlements du pays de délivrance du prédit diplôme et qu’un grade ait été conféré à son titulaire, tandis que la deuxième série de conditions a trait à l’inscription du prédit diplôme dans le registre des diplômes déposé au ministère de l’Education nationale. L’article 2 de la même loi distingue encore selon que l’inscription du diplôme est à effectuer dans le registre des titres d’enseignement supérieur, dont les modalités sont déterminées aux paragraphes (1) et (2) du prédit article, respectivement dans le registre de titres d’enseignement supérieur professionnels, auquel cas il y a lieu de se référer au paragraphe (3) de l’article 2 de la loi du 17 juin 1963.
En l’occurrence, il y a lieu de relever que le présent litige a trait au refus ministériel de la demande de Monsieur….. d’inscrire son diplôme délivré par l’Université de Montpellier 1 et intitulé « diplôme d’université de direction de travaux bâtiment et coordination hygiène-
sécurité (3e cycle) » dans le registre de titres d’enseignement supérieur professionnel, afin « (…) de se voir autoriser à porter le titre exact et complet par équivalence, de « Diplôme Ingénieur Génie Civil (…) », tel que le demandeur l’a précisé dans son mémoire en réplique.
Il s’ensuit que seul l’article 2 (3) de la loi du 17 juin 1963 est applicable en l’espèce, l’arrêté déféré s’y référant d’ailleurs expressément, dans la mesure où il porte sur l’inscription de diplômes au registre de titres d’enseignement supérieur professionnels, cet article disposant qu’ « En vue de l’accès aux professions réglementées telles que visées par la loi du 19/06/2009 ayant pour objet la transposition de la directive 2005/36/CE pour ce qui est a) du régime général de reconnaissance des titres de formation et des qualifications professionnelles, b) de la prestation de temporaire de service, il est créé un registre de titres d’enseignement supérieur professionnels.
Le titre d’enseignement supérieur professionnel est inscrit conformément aux dispositions de l’article 27 paragraphe (1) de la loi du 19/06/2009 ayant pour objet la transposition de la directive 2005/36/CE pour ce qui est a) du régime général de reconnaissance des titres de formation et des qualifications professionnelles, b) de la prestation temporaire de services.
Les titres d’enseignement supérieur professionnels sont regroupés selon les niveaux définis à l’article 6 points 3°, 4° et 5° de la loi du 19/06/2009 ayant pour objet la transposition de la directive 2005/36/CE pour ce qui est a) du régime général de reconnaissance des titres de formation et des qualifications, b) de la prestation temporaire de services (…) ».
Il convient encore de rappeler que l’objet de la loi du 17 juin 1963 est de protéger au Grand-Duché de Luxembourg les titres d’enseignement supérieur, c’est-à-dire de réglementer le port des titres des grades d’enseignement supérieur national ou étranger.
A cette fin, le ministre compétent est appelé à constater si le diplôme, dont l’inscription dans le registre est demandée, représente un titre d’enseignement supérieur légalement conféré, ceci au regard exclusif de la législation de l’Etat de délivrance dudit diplôme4, sans cependant que sa compétence implique une appréciation des études accomplies.
Ainsi, le pouvoir du ministre n’est pas discrétionnaire, mais il doit examiner si le document qui lui est soumis remplit les conditions requises pour être inscrit dans le registre des titres d’enseignement supérieur, respectivement au registre de titres d’enseignement supérieur professionnels, ce qui implique qu’il doit contrôler le niveau des études et la qualité du document qui les sanctionne5.
En l’espèce, la partie étatique n’a pas contesté que le diplôme litigieux sanctionne des études supérieures. Il n’est pas non plus contesté que l’Université de Montpellier 1, ayant délivré le diplôme litigieux, est reconnue en France comme un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel pouvant délivrer des diplômes nationaux au sens du code de l’Education nationale français, cette qualité ressortant expressément de l’article D.711-1 du code de l’Education nationale français. Les questions opposant les parties en l’espèce sont celles de savoir si le diplôme litigieux a été obtenu « conformément aux lois et règlements du pays où le grade a été conféré », tel que prescrit par l’article 1er, a) de la loi 4 cf. trib. adm. 6 avril 2000, n° 11570, confirmé par arrêt du 24 octobre 2000, n° 11984C, disponible sur www.jurad.etat.lu.
5 cf. trib. adm. 12 janvier 2004, n° 16924, Pas adm. 2015, V° Autorisation d’établissement, n° 78 et l’autre référence y citée.
du 17 juin 1963, dans la mesure où il ne s’agirait a priori pas d’un diplôme national mais d’un « diplôme d’université » et s’il a pu conférer un grade d’enseignement supérieur à Monsieur….., la partie étatique ayant valablement pu compléter, même pendant la procédure contentieuse, la motivation de la décision litigieuse, cette faculté lui ayant été reconnue suivant l’interprétation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'État et des communes de la Cour administrative6.
Force est au tribunal de constater que le diplôme litigieux tombe dans le champ d’application de l’article L.613-2 du Code de l’Education nationale français en vertu duquel « Les établissements peuvent aussi organiser, sous leur responsabilité, des formations conduisant à des diplômes qui leur sont propres ou préparant à des examens ou des concours.
(…) », l’article D.613-12 du prédit code précisant encore que « Les diplômes propres aux universités et autres établissements publics d'enseignement supérieur ainsi que les diplômes délivrés par les établissements privés d'enseignement supérieur ne peuvent porter la même dénomination que les diplômes énumérés aux articles D.613-6 et D.613-7. ». Il y a encore lieu de citer les dispositions de l’article D.613-6 du code de l’Education nationale français, -
l’article D.613-7 du prédit code n’étant pas pertinent, en l’espèce, pour concerner les disciplines de santé -, en vertu desquelles : « Les grades ou titres universitaires des disciplines autres que celles relevant de la santé sont conférés par les diplômes nationaux suivants :
1° Certificat de capacité en droit ;
2° Diplôme d'accès aux études universitaires (DAEU) ;
3° Baccalauréat ;
4° Brevet de technicien supérieur ;
5° Diplôme universitaire de technologie ;
6° Diplôme d'études universitaires scientifiques et techniques ;
7° Diplôme d'études universitaires générales ;
8° Diplôme national de technologie spécialisé ;
9° Licence ;
10° Diplôme national de guide interprète national ;
11° Maîtrise ;
12° Master ;
13° Diplôme de recherche technologique ;
14° Doctorat ;
15° Habilitation à diriger des recherches. » Il se dégage des dispositions normatives françaises qui précèdent que, d’une part, le diplôme litigieux de Monsieur….. a été obtenu conformément aux lois et règlements français, le code de l’Education nationale français reconnaissant expressément aux universités, ainsi qu’aux autres établissements publics et privés d'enseignement supérieur la faculté de délivrer des diplômes qui leur sont propres, mais que, d’autre part, le demandeur est resté en défaut d’établir que le diplôme d’université « direction de travaux bâtiment et coordination hygiène-
sécurité », lui délivré le 28 avril 1999 par l’Université de Montpellier 1, lui aurait conféré un titre, respectivement un grade d’enseignement supérieur, en l’occurrence celui d’ « ingénieur génie civil ». Force est en effet au tribunal de constater que le demandeur se limite à affirmer, dans son recours, que « (…) le titre lui conféré par [l’université de Montpellier 1 serait] 6 Cour adm. 20 octobre 2009, n°25738C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 78 et les autres références y citées.
reconnu par la législation applicable en France comme titre d’enseignement supérieur (…) » et que « (…) son diplôme [sanctionnerait] un grade d’enseignement supérieur (…) », et, dans son mémoire en réplique, que ce diplôme l’autoriserait « (…) à porter le titre exact et complet par équivalence, de « Diplôme Ingénieur Génie Civil » », sans cependant soumettre au tribunal des éléments et documents probants en ce sens, respectivement d’indiquer les dispositions de droit français applicables en la matière. Il y a encore lieu de relever qu’il ressort de l’article D.613-6 du code de l’Education nationale français que seuls les diplômes nationaux peuvent conférer des grades, respectivement des titres universitaires, à l’exclusion des diplômes d’université.
A titre superfétatoire, il y a encore lieu de relever que le demandeur ne remplit pas non plus les conditions d’inscription dans le registre des titres d’enseignement supérieur professionnels, telles que prévues à l’article 2 (3) de la loi du 17 juin 1963 qui dispose, par référence à l’article 27 (1) de la loi du 19 juin 2009 en vertu duquel « Lorsque, dans un Etat membre d’accueil, le port du titre professionnel concernant l’une des activités de la profession en cause est réglementé, les ressortissants des autres Etats membres qui sont autorisés à exercer une profession réglementée sur la base du titre III portent le titre professionnel de l’Etat membre d’accueil, qui, dans cet Etat, correspond à cette profession, et font usage de son abréviation éventuelle », que seuls des titres professionnels, comme en l’occurrence le titre d’ingénieur, peuvent faire l’objet d’une inscription. Il y a, à ce sujet, lieu de préciser que l’activité d’ingénieur est une activité réglementée au Luxembourg, conformément à l’article 3 (2) de la loi du 19 juin 2009, de sorte que l’inscription dans le registre des titres d’enseignement supérieur professionnels suppose, en vertu des articles 2 (3) de la loi du 17 juin 1963 et 27 (1) de la loi du 19 juin 2009, que le demandeur soit titulaire d’un diplôme l’autorisant à exercer la profession d’ingénieur dans le pays d’obtention du prédit diplôme, preuve qu’il reste cependant en défaut de rapporter en l’espèce.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre a, à bon droit, refusé à Monsieur ….. l’inscription de son diplôme d’université « direction de travaux bâtiment et coordination hygiène-sécurité », délivré le 28 avril 1999 par l’Université de Montpellier 1, dans le registre des titres d’enseignement supérieur professionnels, sur le fondement des articles 1er et 2 (3) de la loi du 17 juin 1963, et que le recours est à rejeter comme étant non fondé.
Le demandeur sollicite encore la condamnation de l’Etat à lui payer une indemnité de procédure d’un montant de 1.000 euros en se basant sur les dispositions de l’article 240 du nouveau code de procédure civile.
Bien que la base légale pour l’invocation utile d’une indemnité de procédure devant les juridictions administratives se trouve à l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, l’invocation d’une base légale non applicable n’est pas de nature à entraîner l’irrecevabilité d’une demande en allocation d’une indemnité de procédure.7 Au vu de l’issue du litige et dans la mesure où le demandeur n’a pas établi à suffisance de droit le caractère inéquitable justifiant l’allocation d’une indemnité de procédure dans son chef, il y a lieu de le débouter de sa demande afférente.
7 Trib. adm., 11 mars 2002, n° 13366 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 930 et les autres références y citées.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;
déclare non fondée la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000 euros formulée par Monsieur ….. ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 21 septembre 2015 par le premier juge, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 septembre 2015 Le greffier du tribunal administratif 11