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09/09/2015 | LUXEMBOURG | N°36910

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 septembre 2015, 36910


Tribunal administratif Numéro 36910 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 septembre 2015 chambre de vacation Audience publique de vacation du 9 septembre 2015 Recours formé par par Monsieur … …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36910 du rôle et déposée le 4 septembre 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître

Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a...

Tribunal administratif Numéro 36910 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 septembre 2015 chambre de vacation Audience publique de vacation du 9 septembre 2015 Recours formé par par Monsieur … …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36910 du rôle et déposée le 4 septembre 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à Sfax (Tunisie), de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 31 août 2015 ayant ordonné la prolongation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 septembre 2015 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Bouchra Fahime-Ayadi, en remplacement de Maître Nicky Stoffel et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 9 septembre 2015.

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Le 17 décembre 2014, Monsieur … … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 ».

Par décision du 21 mai 2015, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé le 26 mai 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été refusée dans le cadre d’une procédure accélérée et lui enjoignit de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Le demandeur fut débouté de son recours contentieux introduit à l’encontre de cette décision par un jugement du tribunal administratif du 15 juillet 2015, inscrit sous le n° 36406 du rôle.

1Appréhendé en France en juillet 2015, Monsieur … fut transféré au Luxembourg en date du 3 août 2015 en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

Le même jour, le ministre prit à l’encontre de Monsieur … un arrêté portant interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans, ainsi qu’une décision de placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification, intervenue le jour même.

L’arrêté ordonnant le placement de Monsieur … au Centre de rétention, notifié à l’intéressé le même jour, est basé sur les considérations suivantes :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 21 mai 2015 ;

Vu mon interdiction d’entrée sur le territoire du 3 août 2015 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valables ;

Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressé, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ; (…) ».

Par jugement du tribunal administratif du 20 août 2015, inscrit sous le numéro 36750 du rôle, Monsieur … fut débouté de son recours contentieux introduit à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 3 août 2015 ayant ordonné son placement en rétention.

Par arrêté du 31 août 2015, notifié à l’intéressé le 3 septembre 2015, le ministre prorogea pour une durée d’un mois la mesure de placement en rétention, précitée, du 3 août 2015. Ledit arrêté est motivé comme suit :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 3 août 2015, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 3 août 2015 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; (…) ».

2Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 septembre 2015, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de l’arrêté ministériel, précité, du 31 août 2015.

Etant donné que l’article 123 (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … expose les faits et rétroactes de la décision déférée. En droit, il conclut à une absence de motivation de l’arrêté ministériel déféré. A cet égard, il fait valoir que si la décision déférée indique certes que les diligences en vue de son identification auraient été entreprises auprès des autorités compétentes afin de permettre son éloignement et que ces démarches n’auraient pas encore abouti, celles-ci se limiteraient en réalité à une demande d’identification et de délivrance d’un laissez-passer adressée le 3 août 2015 par les autorités luxembourgeoises à l’ambassade de Tunisie à Bruxelles, ce qui serait insuffisant « (…) pour souligner que des démarches [auraient] été accomplies (…) », d’autant plus que cette demande serait restée sans réponse. Le demandeur soutient encore que la prorogation de la mesure de placement en rétention dont il fait l’objet serait injustifiée, au motif que l’inertie des autorités étrangères et l’insuffisance des diligences entreprises par les autorités luxembourgeoises afin d’écourter sa privation de liberté ne lui seraient pas imputables. Il en conclut que l’arrêté ministériel déféré devrait encourir la réformation.

Par ailleurs, il conteste l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, alors qu’il se serait trouvé sur le territoire luxembourgeois pour y avoir déposé une demande de protection internationale en raison « (…) des événements subis en Tunisie, notamment de la situation sécuritaire du pays (…) ».

Le demandeur reproche encore au ministre de ne pas avoir recherché une mesure moins coercitive que le placement en rétention. Il estime que la mesure de rétention serait disproportionnée et non conforme à son but, ni conforme à l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », en ce que le respect de la proportionnalité entre le but poursuivi et le moyen de la rétention utilisé impliquerait que l’autorité devrait entreprendre toutes les mesures relevant de sa compétence pour écourter le plus possible l’atteinte à sa liberté.

Le ministre aurait partant dû rechercher une autre mesure moins coercitive, telle qu’une assignation à résidence, conformément à l’article 125 de la loi du 29 août 2008, mesure qui devrait bénéficier d’une priorité par rapport au placement en rétention, le demandeur précisant qu’il présenterait des garanties nécessaires et suffisantes pour bénéficier d’une telle assignation à résidence, en soulignant qu’il se rendrait volontairement dans un lieu à fixer par le ministre.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

S’agissant en premier lieu du moyen tiré d’un défaut de motivation de la décision déférée, pour autant que le demandeur ait visé à cet égard l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », selon lequel toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y 3énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le tribunal est amené à relever que le cas sous examen ne tombe dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité dans lesquelles la motivation expresse est imposée, de sorte que l’obligation y inscrite ne trouve pas application en l’espèce. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision de placement initiale.

A titre superfétatoire et en fait, le tribunal est amené à constater qu’en l’espèce, la décision déférée, qui est basée sur les articles 111 et 120 à 123 de la loi du 29 août 2008, fait référence à l’arrêté ministériel du 3 août 2015, qui énonce quant à lui les motifs à la base de la mesure de placement en rétention initiale – à savoir qu’au vu de la situation particulière du demandeur, qui serait dépourvu de tout document d’identité et de voyage valables, il n’existerait pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’un placement en rétention et qu’il existerait un risque de fuite dans le chef du demandeur – et qu’elle précise que les diligences en vue de l’identification de Monsieur … afin de permettre son éloignement auraient été entreprises auprès des autorités compétentes, mais qu’elles n’auraient pas encore abouti, de sorte qu’il y aurait lieu de maintenir la mesure de placement en rétention afin de garantir l’exécution de l’éloignement de l’intéressé. Il s’ensuit que le moyen tiré d’une absence de motivation de la décision déférée n’est pas fondé.

En ce qui concerne le bien-fondé de la motivation à la base de la décision déférée, il est constant en cause que le 21 mai 2015, le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour, prise sur le fondement de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » étant définie par l’article 2 r) de la même loi comme visant « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». En vertu de l’article 111 (4) a) de la loi du 29 août 2008, une telle décision de retour habilite le ministre à renvoyer la personne concernée à destination du pays dont il a la nationalité, sauf si le statut de réfugié politique lui a été reconnu ou s’il n’a pas encore été statué sur sa demande de protection internationale, l’article 124 (1) de la même loi autorisant le ministre à prendre des mesure coercitives pour procéder à l’éloignement de la personne faisant l’objet d’une décision de retour.

Par ailleurs, l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée (…). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ». En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. (…) ».

4L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une décision de prorogation est partant soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Quant aux contestations du demandeur portant sur l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal est amené à relever que l’article 111 (3) c) de la loi du 29 août 2008 dispose que : « (…) Le risque de fuite est présumé dans les cas suivants:

1. si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34;

2. si l’étranger se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire;

3. si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement;

4. si une décision d’expulsion conformément à l’article 116 est prise contre l’étranger;

5. si l’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage;

6. si l’étranger ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, ou qu’il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu’il n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective, ou qu’il s’est soustrait aux obligations prévues aux articles 111 et 125.

Le risque de fuite est apprécié au cas par cas. ».

L’article 34 de la loi du 29 août 2008, auquel l’article 111 (3) c), point 1. de la même loi fait référence, prévoit ce qui suit :

« (1) Pour entrer sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et pour le quitter, le ressortissant de pays tiers doit être muni d’un document de voyage valable et le cas échéant du visa requis, tels que prévus par les conventions internationales et la réglementation communautaire.

5 (2) Il a le droit d’entrer sur le territoire et d’y séjourner pour une période allant jusqu’à trois mois sur une période de six mois, s’il remplit les conditions suivantes:

1. être en possession d’un passeport en cours de validité et d’un visa en cours de validité si celui-ci est requis;

(…) 3. ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire;

(…) ».

Dans la mesure où il est constant en cause que le demandeur est dépourvu d’un visa et d’un passeport en cours de validité et qu’il fait l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire prise à son encontre le 3 août 2015, il ne remplit pas les conditions de l’article 34 de la loi du 29 août 2008, plus précisément celles prévues au paragraphe (2), points 1. et 3.

de cette disposition légale, de sorte que le risque de fuite est présumé en l’espèce. Dès lors, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120 (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

Quant à l’argumentation du demandeur selon laquelle les conditions d’une assignation à résidence seraient remplies dans son chef, il y a lieu de se référer à l’article 125 de la loi du 29 août 2008 aux termes duquel : « (1) Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3). (…) ».

Les dispositions précitées des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, l’assignation à résidence est à considérer comme mesure proportionnée bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il est satisfait aux deux exigences posées par l’article 125 (1) pour considérer l’assignation à résidence comme mesure suffisante et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si une assignation à résidence n’entre pas en compte au vu des circonstances du cas particulier.

Il y a encore lieu de souligner que l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit que le ministre peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3) c) de la même loi. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du demandeur – présomption simple que ce dernier doit renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.

En l’espèce, le tribunal est amené à retenir que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-avant. En effet, le demandeur n’a présenté aucun élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour qu’une décision d’assignation à résidence s’impose, la simple affirmation selon laquelle il se rendrait volontairement dans un lieu à fixer par le ministre étant insuffisante à cet égard. Il en est de même en ce qui concerne 6la référence, contenue dans la requête introductive d’instance, à la situation sécuritaire actuelle en Tunisie. A cet égard, le tribunal entend rappeler que, dès la fin de sa procédure d’asile au Luxembourg en juillet 2015, le demandeur a été appréhendé en France, circonstance qui ne plaide manifestement pas en faveur d’une volonté de sa part de rester à la disposition des autorités luxembourgeoises en vue de son éloignement. Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu qu’une assignation à résidence n’est pas envisageable en l’espèce.

S’agissant ensuite de la prétendue insuffisance des démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à l’éloignement du demandeur, le tribunal est amené à relever qu’il se dégage du dossier administratif et des explications fournies par la partie étatique que le ministre a contacté dès le 3 août 2015, jour du placement en rétention initial, l’ambassade de Tunisie à Bruxelles en lui demandant de procéder à l’identification du demandeur en vue de la délivrance d’un laissez-passer permettant son retour en Tunisie. Par courriers des 24 août et 7 septembre 2015, les autorités luxembourgeoises ont relancé les autorités consulaires de Tunisie afin de connaître l’état d’avancement de la procédure d’identification du demandeur.

Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire à cet égard de la collaboration des autorités tunisiennes, le tribunal est amené à retenir que la procédure d’identification du demandeur est toujours en cours, mais qu’elle n’a pas encore abouti, et que les démarches ainsi entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées comme suffisantes, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement est toujours en cours et est exécutée avec toute la diligence requise, de sorte que le moyen y relatif est à rejeter.

Quant au moyen tiré d’une atteinte à la liberté telle que protégée par l’article 5 de la CEDH, cette disposition prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Il convient encore de préciser que le terme d’expulsion utilisé à l’article 5 est à entendre dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement d’une personne se trouvant en séjour irrégulier dans un pays. Le fait même d’être retenu ne saurait dès lors être remis en cause par le demandeur au regard des dispositions de la CEDH.

Il s’ensuit que ce moyen doit être rejeté pour ne pas être fondé.

La même conclusion s’impose en ce qui concerne l’argumentation du demandeur selon laquelle la décision déférée serait disproportionnée, étant donné que le demandeur est resté en défaut d’établir la prétendue disproportion de la mesure litigieuse par rapport au but poursuivi, à savoir l’organisation de son éloignement, le tribunal venant, par ailleurs, de retenir que les conditions d’une assignation à résidence au sens de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 ne sont pas remplies en l’espèce.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, 7 le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique de vacation du 9 septembre 2015 par :

Henri Campill, président, Anne Gosset, premier juge Daniel Weber, juge, en présence du greffier Anne-Marie Wiltzius.

s.Anne-Marie Wiltzius s.Henri Campill Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 November 2016 Le greffier 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 36910
Date de la décision : 09/09/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-09-09;36910 ?

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