Tribunal administratif Numéro 36908 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 septembre 2015 chambre de vacation Audience publique de vacation du 9 septembre 2015 Recours formé par Monsieur … …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 36908 du rôle et déposée le 4 septembre 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, alias … …, déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, alias … …, déclarant être né le … en Algérie et être de nationalité algérienne, alias …, déclarant être né le … en Tunisie, alias … .., déclarant être né le … en Tunisie, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 août 2015 portant prorogation de sa mesure de placement au Centre de rétention pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 septembre 2015 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Bouchra Fahime-Ayadi, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 9 septembre 2015.
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Le 13 juillet 2012, Monsieur … …, alias … …, alias H… …, alisas …, alias … A…, ci-
après désigné par « Monsieur … … », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 ».
Par décision du 22 décembre 2014, notifiée en mains propres le 5 janvier 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
1 Par jugement du tribunal administratif du 2 avril 2015, inscrit sous le numéro 35781 du rôle, le recours contentieux introduit à l’encontre de la décision ministérielle, précitée, du 2 avril 2015 fut déclaré irrecevable.
Le 30 mai 2015, Monsieur … fut appréhendé par la police grand-ducale sans documents d’identité et de voyage valables. Le même jour, le ministre prit à l’encontre de Monsieur … une décision de placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification, intervenue le jour même.
La décision de placement en rétention est libellée en les termes suivants :
« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport no 52045 du 30 mai 2015 du CI Luxembourg-Gare ;
Vu ma décision de retour et décision d’interdiction du territoire du 22 mai 2015 ;
Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressé, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;
Attendu que l’intéressé ne dispose pas d’adresse effective ;
Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».
Par requête déposée le 10 juin 2015 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … … introduisit un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 30 mai 2015, recours dont il fut débouté par jugement du 18 juin 2015, inscrit sous le numéro 36405 du rôle, non frappé d’appel.
Par arrêtés ministériels des 24 juin et 27 juillet 2015, notifiés respectivement les 30 juin et 30 juillet 2015, le ministre prorogea, chaque fois pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, la mesure de placement en rétention précitée du 30 mai 2015.
Par jugement du tribunal administratif du 12 août 2015, inscrit sous le numéro 36712 du rôle, Monsieur … fut débouté de son recours contentieux introduit à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 27 juillet 2015.
Par arrêté ministériel du 24 août 2015, notifié à l’intéressé le 28 août 2015, la mesure de placement fut prorogée pour une nouvelle durée d’un mois sur base des considérations et motifs suivants :
« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
2Vu mes arrêtés des 30 mai, 24 juin et 27 juillet 2015, notifiés le 30 mai, le 30 juin 2015 et le 30 juillet 2015, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 30 mai 2015 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 septembre 2015, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision de prorogation précitée du 24 août 2015.
Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Ledit recours est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Le demandeur soulève en premier lieu le caractère disproportionné de la décision de prorogation de sa mesure de placement en rétention. Il fait valoir qu’il serait placé en rétention depuis le 30 mai 2015, donc depuis plusieurs mois, et qu’il pâtirait d’une lenteur administrative qui ne lui serait pas imputable. Il insiste sur le fait que le ministre aurait pris contact avec les autorités consulaires tunisiennes le 1er juin 2015 en vue d’une demande d’identification ainsi que de l’obtention d’un laissez-passer, mais que cette prise de contact aurait été infructueuse, de sorte que ce serait à tort que la mesure de placement en rétention dont il ferait l’objet aurait été prolongée. Le demandeur reproche encore au ministre de ne pas indiquer les autres mesures qu’il aurait prises en vue d’écourter au maximum son enfermement.
Le demandeur conteste ensuite que toutes les diligences requises pour l’éloigner auraient été entreprises. Il souligne que le ministre se contenterait d’indiquer que les diligences en vue de son identification afin de permettre son éloignement auraient été entreprises. La prorogation de sa mesure de placement serait dès lors injustifiée, au motif qu’aucune démarche concrète et actuelle ne ressortirait de son dossier administratif.
Il insiste par ailleurs sur le fait que le ministre ne devrait pas être amené à placer systématiquement un étranger en rétention et qu’il devrait évaluer individuellement la situation du demandeur et vérifier en priorité si d’autres mesures moins coercitives pouvaient être prises. Or, en l’espèce, le ministre aurait décidé de proroger sa mesure de placement alors que les conditions pour son maintien en rétention ne seraient pas données.
Le demandeur reproche ensuite au ministre de ne pas avoir recherché une mesure moins contraignante qu’un placement en rétention, telle qu’une assignation à résidence, qui serait à considérer comme étant une mesure proportionnée bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention. Il souligne qu’il présenterait les garanties nécessaires et suffisantes pour bénéficier d’une telle assignation à résidence, étant donné que même s’il n’a pas de famille au Luxembourg, il aurait un cousin en Italie, qui serait prêt à le prendre en charge.
3 Finalement, le demandeur soutient que son placement en rétention serait comparable à l’incarcération d’une personne purgeant une peine au Centre pénitentiaire. Dès lors, la mesure de placement en rétention litigieuse serait inadaptée et une autre mesure, telle qu’une assignation à domicile, aurait dû être recherchée, puisque le placement en rétention serait disproportionné à sa situation. Le demandeur ajoute que le principe de proportionnalité aurait été violé en l’espèce, puisqu’il n’existerait aucune perspective de refoulement à destination de son pays d’origine, de sorte que la mesure de placement en rétention litigieuse serait à qualifier d’arbitraire.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Il est constant en cause que le 22 décembre 2014, le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour, prise sur le fondement de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » étant définie par l’article 2 r) de la même loi comme visant « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». En vertu de l’article 111 (4) a) de la loi du 29 août 2008, une telle décision de retour habilite le ministre à renvoyer la personne concernée à destination du pays dont il a la nationalité, sauf si le statut de réfugié politique lui a été reconnu ou s’il n’a pas encore été statué sur sa demande de protection internationale, l’article 124 (1) de la même loi autorisant le ministre à prendre des mesure coercitives pour procéder à l’éloignement de la personne faisant l’objet d’une décision de retour.
Par ailleurs, l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée (…). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ». En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. (…) ».
L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
4 En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une décision de prorogation est partant soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
Par ailleurs, le tribunal est amené à relever que l’article 111 (3) c) de la loi du 29 août 2008 dispose que : « (…) Le risque de fuite est présumé dans les cas suivants:
1. si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34;
2. si l’étranger se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire;
3. si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement;
4. si une décision d’expulsion conformément à l’article 116 est prise contre l’étranger;
5. si l’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage;
6. si l’étranger ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, ou qu’il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu’il n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective, ou qu’il s’est soustrait aux obligations prévues aux articles 111 et 125.
Le risque de fuite est apprécié au cas par cas. ».
L’article 34 de la loi du 29 août 2008, auquel l’article 111 (3) c), point 1. de la même loi fait référence, prévoit ce qui suit :
« (1) Pour entrer sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et pour le quitter, le ressortissant de pays tiers doit être muni d’un document de voyage valable et le cas échéant du visa requis, tels que prévus par les conventions internationales et la réglementation communautaire.
(2) Il a le droit d’entrer sur le territoire et d’y séjourner pour une période allant jusqu’à trois mois sur une période de six mois, s’il remplit les conditions suivantes:
1. être en possession d’un passeport en cours de validité et d’un visa en cours de validité si celui-ci est requis;
(…).
Dans la mesure où il est constant en cause que le demandeur est dépourvu d’un visa et d’un passeport en cours de validité, il ne remplit pas les conditions de l’article 34 de la loi du 29 août 2008, plus précisément celles prévues au paragraphe (2), point 1. de cette disposition, de sorte que le risque de fuite est présumé en l’espèce. Dès lors, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120 (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.
5 Quant à l’argumentation du demandeur selon laquelle les conditions d’une assignation à résidence seraient remplies dans son chef, il y a lieu de se référer à l’article 125 de la loi du 29 août 2008 aux termes duquel : « (1) Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3). (…) ».
Les dispositions précitées des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, l’assignation à résidence est à considérer comme mesure proportionnée bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il est satisfait aux deux exigences posées par l’article 125 (1) pour considérer l’assignation à résidence comme mesure suffisante et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si une assignation à résidence n’entre pas en compte au vu des circonstances du cas particulier.
Il y a encore lieu de souligner que l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit que le ministre peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3) c) de la même loi. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du demandeur – présomption simple que ce dernier doit renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.
Or, au-delà d’affirmations et de reproches tout à fait généraux soulevés par le demandeur quant à la possibilité d’une assignation à résidence, celui-ci reste en défaut de fournir des éléments permettant de retenir l’existence de garanties de représentation suffisantes dans son chef susceptibles de renverser la présomption du risque de fuite, qui se dégage de l’article 111 (3) c) de la loi du 28 août 2008, tel que retenu ci-avant. En effet, le demandeur admet lui-même n’avoir aucune attache au Luxembourg et avoir seulement un cousin en Italie qui serait prêt à le prendre en charge, ce qui est en tout état de cause insuffisant pour démontrer que les garanties de représentation effectives au Luxembourg, au sens de l’article précité, sont réunies dans son chef.
Il s’ensuit que le moyen sous examen est également à rejeter.
S’agissant ensuite de la prétendue insuffisance des démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à l’éloignement du demandeur, le tribunal est amené à relever qu’il ressort du dossier administratif que dans la mesure où, lors de l’introduction de sa demande de protection internationale, le demandeur s’était présenté auprès des autorités luxembourgeoises compétentes comme se dénommant … …, de nationalité tunisienne, lesdites autorités ont contacté, dès le placement initial du demandeur au centre de rétention le 30 mai 2015, les autorités tunisiennes en vue de l’identification du demandeur et de l’obtention d’un laissez-passer, étant relevé que ces diligences ont amené le tribunal administratif à retenir dans son jugement précité du 18 juin 2015 que les démarches entreprises jusque-là étaient à considérer comme suffisantes en vue de l’identification et de l’éloignement du demandeur.
En ce qui concerne les démarches ultérieures, il ressort du dossier administratif que lors d’un 6entretien téléphonique du 24 juin 2015, les autorités consulaires tunisiennes ont déclaré avoir reçu la demande de laissez-passer et confirmé que l’identification du demandeur était en cours, ce qui a amené le ministre à prolonger une première fois la mesure de placement initiale par arrêté du 24 juin 2015, notifié le 30 juin 2015, contre lequel aucun recours n’a été introduit. Les autorités luxembourgeoises ont ensuite relancé les autorités tunisiennes par télécopie du 14 juillet 2015, suite à quoi ces dernières ont informé le ministre par courrier du 24 juillet 2015 que le demandeur était inconnu auprès des services tunisiens compétents.
Or, étant donné que les recherches effectuées par le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, lors de l’introduction de la demande de protection internationale du demandeur au Luxembourg en date du 13 juillet 2012, avaient révélé que le demandeur était encore connu sous d’autres identités, telles que mentionnées par le jugement, précité, du tribunal administratif du 2 avril 2015, dont notamment celle d’… …, déclarant être né le 21 juin 1983 à Annaba en Algérie et être de nationalité algérienne, les autorités luxembourgeoises ont contacté, par télécopie du 27 juillet 2015, les autorités consulaires algériennes en vue de l’identification du demandeur et de la délivrance d’un laissez-passer dans son chef. Par arrêté du 27 juillet 2015, le ministre a dès lors décidé de proroger une deuxième fois la mesure de placement initiale, et ce, en attendant une prise de position des autorités algériennes compétentes. Le 11 août 2015, les autorités luxembourgeoises ont, par ailleurs, relancé les autorités algériennes afin de connaître l’état d’avancement de la procédure d’identification du demandeur. Le 20 août 2015, les autorités consulaires algériennes ont informé les autorités luxembourgeoises que leur demande d’identification de Monsieur … serait toujours en cours de traitement. Le 7 septembre 2015, les autorités luxembourgeoises ont, à nouveau, relancé les autorités algériennes afin de connaître l’état d’avancement de la procédure d’identification du demandeur.
Il suit des développements qui précèdent que dès le premier placement en rétention, les autorités luxembourgeoises ont entrepris des démarches en vue d’identifier le demandeur sur base des informations que ce dernier leur avait fournies lui-même quant à son identité.
Dans la mesure où il s’est toutefois avéré que le demandeur n’était pas originaire de Tunisie et que son identité réelle reste dès lors inconnue, il ne saurait être reproché aux autorités ministérielles d’avoir entretemps pris contact avec les autorités algériennes en vue de l’identification du demandeur et ce sur base du constat que ce dernier est également connu en Europe sous d’autres identités et notamment comme étant originaire d’Algérie. Force est encore de constater que les lenteurs de la procédure d’identification sont en tout état de cause exclusivement imputables à l’attitude du demandeur lui-même, qui n’a pas jugé utile jusqu’à présent de révéler sa réelle identité, ce qui permettrait nécessairement de faciliter la procédure d’identification, de sorte à abréger son placement en rétention.
Ainsi, au vu des démarches concrètement entreprises par le ministre, et au regard, d’une part, du comportement manifestement peu coopératif du demandeur et, d’autre part, des contraintes des usages diplomatiques en vue d’obtenir des renseignements quant à l’identité du demandeur afin de pouvoir se voir délivrer les documents sollicités dans les meilleurs délais, il y a lieu de conclure qu’en l’espèce, au jour de la prise de la décision litigieuse et au jour des présentes, les démarches des autorités luxembourgeoises doivent être qualifiées de raisonnables et les reproches afférents formulés par le demandeur ne sont pas de nature à énerver la régularité de la décision litigieuse.
Partant, le moyen afférent laisse d’être fondé.
7Le tribunal est ensuite amené à retenir que l’argumentation du demandeur, selon laquelle la mesure de placement en rétention litigieuse serait à qualifier de mesure arbitraire et disproportionnée par rapport au but poursuivi, est à écarter, étant donné que la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière, tel que le demandeur, dans une structure fermée afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement est expressément prévue par la loi et que le demandeur reste en défaut d’établir que la mesure litigieuse serait disproportionnée par rapport au but poursuivi, à savoir l’organisation de son éloignement, le tribunal venant, par ailleurs, de retenir que les conditions d’une assignation à résidence au sens de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 ne sont pas remplies en l’espèce. En outre, le demandeur est resté en défaut de préciser dans quelle mesure il n’existerait « (…) aucune perspective de refoulement à destination de son pays d’origine (…) », étant rappelé à cet égard qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, de sorte que l’argumentation afférente est à écarter. A titre superfétatoire, pour autant que cette argumentation devrait être interprétée comme visant la prétendue insuffisance des démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à l’éloignement du demandeur, le tribunal vient de retenir que le moyen afférent n’est pas fondé.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique de vacation du 9 septembre 2015 par :
Henri Campill, président, Anne Gosset, premier juge, Daniel Weber, juge, en présence du greffier Anne-Marie Wiltzius s.Anne-Marie Wiltzius s.Henri Campill Reproduction certifiée conforme à l’original 8Luxembourg, le 22 November 2016 Le greffier 9