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26/08/2015 | LUXEMBOURG | N°36688

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 août 2015, 36688


Tribunal administratif N° 36688 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 juillet 2015 chambre de vacation Audience publique de vacation du 26 août 2015 Recours formé par Monsieur … …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 15, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36688 du rôle et déposée le 29 juillet 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Vanessa Fober, a

vocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieu...

Tribunal administratif N° 36688 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 juillet 2015 chambre de vacation Audience publique de vacation du 26 août 2015 Recours formé par Monsieur … …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 15, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36688 du rôle et déposée le 29 juillet 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Vanessa Fober, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à… (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 29 juin 2015 par laquelle ledit ministre s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande de protection internationale de Monsieur … sur base de l’article 15 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection et de l’article 18, paragraphe 1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 août 2015 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en sa plaidoirie.

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Le 10 avril 2015, Monsieur … … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Par décision du 29 juin 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg n’était pas compétent pour examiner sa demande en reconnaissance d’un statut de protection internationale, en se référant aux dispositions de l’article 15 de la loi du 5 mai 2006 et à celles de l’article 18, paragraphe 1er, point b), du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après dénommé « le règlement Dublin III », au motif que ce serait la République de Hongrie qui serait responsable du traitement de sa demande d’asile, du fait qu’il y aurait précédemment déposé une demande d’asile, en l’occurrence en date du 22 décembre 2014.

Ladite décision fait encore état de ce que la République de Hongrie aurait accepté, en date du 22 mai 2015, de reprendre en charge l’examen de sa demande de protection internationale.

Dans la même décision, le ministre annonce à Monsieur … que son transfert vers la Hongrie serait organisé dans les meilleurs délais.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 juillet 2015, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 29 juin 2015.

A titre liminaire, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours pour cause de libellé obscur de la requête introductive d’instance, alors que le demandeur ne développerait aucun moyen et mettrait la partie étatique dans l’impossibilité de développer ses propres arguments.

Aux termes de l’article 1er alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la requête introductive d’instance doit contenir notamment l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués ainsi que l’objet de la demande.

Il appartient au tribunal saisi d'apprécier in concreto si l'exposé sommaire des faits et des moyens, ensemble les conclusions s'en dégageant, est suffisamment explicite ou non.

L'exceptio obscuri libelli, qui est d'application en matière de contentieux administratif, sanctionne de nullité l'acte y contrevenant, étant entendu que son but est de permettre au défendeur de savoir quelle est la décision critiquée et quels sont les moyens à la base de la demande, afin de lui permettre d'organiser utilement sa défense1. En l'absence de grief effectif porté aux droits de la défense de l'Etat, le moyen d'irrecevabilité pour libellé obscur est à écarter2.

Force est au tribunal de relever que l’exception de libellé obscur ne saurait être retenue en la cause au motif que le demandeur n’aurait développé aucun moyen. En effet, il ressort de la lecture de la requête introductive d’instance, certes très sommaire, que le demandeur en affirmant ne pas se souvenir avoir déposé une demande de protection internationale en Hongrie, conteste la motivation à la base de la décision déférée. Il demande l’annulation pour un défaut de base légale, d’une violation de la loi ou d’un excès de pouvoir 1 Trib. adm. 30 avril 2003, n° 15482 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 401 et les autres références y citées.

2 Trib. adm. 12 juin 2002, n° 14304 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 402 et les autres références y citées.

et d’un défaut de motivation. Il s’y ajoute que le délégué du gouvernement a pu assurer la défense des droits de l’Etat dans le cadre de son mémoire en réponse en ce qu’il a pris position sur les moyens et arguments développés par Monsieur … dans sa requête introductive d’instance de sorte qu’il ne saurait être suivi dans son affirmation selon laquelle il ne serait pas en mesure de développer ses propres arguments.

Le moyen d’irrecevabilité relatif à un libellé obscur de la requête introductive d’instance est partant à rejeter.

Etant donné que l’article 17 de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre la décision d’incompétence prévue à l’article 15 de la loi, une requête sollicitant l’annulation de la décision d’incompétence déférée a valablement pu être déposée.

Le recours en annulation, par ailleurs déposé dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir ne pas se souvenir d’avoir déposé une demande de protection internationale en Hongrie et qu’il n’aurait jamais eu l’intention de formuler une telle demande auprès de cet Etat alors qu’il aurait le projet de s’établir au Luxembourg. Cette décision lui causerait tort et grief.

Il sollicite l’annulation de la décision du 29 juin 2015 « pour défaut de base légale, sinon violation ou fausse interprétation de la loi et des règlements en vigueur, sinon pour excès de pouvoir, sinon absence de motivation ».

Le délégué du gouvernement estime que le ministre se serait à juste titre déclaré incompétent pour connaître de la demande de protection internationale de Monsieur …, qui resterait par ailleurs en défaut de démontrer, ni même d’alléguer, un quelconque préjudice lié à son transfert en Hongrie ou même de donner une explication pour quelles raisons il ne voudrait pas voir traiter sa demande de protection internationale en Hongrie.

Il relève qu’il serait apparu par la recherche EURODAC que le demandeur aurait été appréhendé à … en Hongrie le 21 décembre 2014 où il aurait déposé une demande d’asile le lendemain.

La partie étatique ajoute que les autorités hongroises auraient accepté sa reprise en charge par courrier du 22 mai 2015.

En ce qui concerne tout d’abord le prétendu défaut de motivation de la décision ministérielle attaquée, force est de relever que le demandeur se contente de faire état d’un défaut de motivation sans autrement expliquer son moyen. Faute d’avoir soutenu ce moyen par des explications circonstanciées, le tribunal ne saurait se prononcer sur un défaut de motivation respectivement une irrégularité formelle, étant rappelé qu’il est de jurisprudence constante qu’il n’appartient pas au tribunal de pallier la carence des parties dans la présentation de leurs moyens d’annulation.

En ce qui concerne la légalité intrinsèque de la décision critiquée et plus particulièrement le moyen d’annulation fondé sur un excès ou détournement de pouvoir commis par le ministre, le tribunal est là encore amené à relever que le demandeur se contente d’invoquer ces moyens sans pour autant les développer. Or, le tribunal n’est pas en mesure de prendre position par rapport à des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement.

Il s’ensuit que ces moyens d’annulation doivent également être écartés pour ne pas être fondés.

Ensuite, en ce qui concerne le reproche d’une violation de la loi, le tribunal constate que la décision litigieuse repose en droit sur les dispositions de l’article 15 de la loi du 5 mai 2006 et sur celles de l’article 18, paragraphe 1er, point b), du règlement Dublin III et en fait sur le motif que ce serait la République de Hongrie qui serait responsable du traitement de sa demande d’asile, la République de Hongrie ayant d’ailleurs accepté, en date du 22 mai 2015, de reprendre en charge l’examen de la demande d’asile de Monsieur ….

Aux termes de l’article 15 de la loi du 5 mai 2006, « (1) si, en vertu d’engagements internationaux auxquels le Luxembourg est partie, un autre pays est responsable de l’examen de la demande d’asile, le ministre surseoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la prise respectivement reprise en charge.

(2) Lorsque le pays responsable accepte la prise en charge, le ministre se déclare incompétent pour l’examen de la demande de protection internationale par une décision motivée qui est communiquée par écrit au demandeur. Les informations relatives au droit de recours sont expressément mentionnées dans la décision. Le demandeur est transféré vers le pays responsable de l’examen de sa demande ».

Aux termes de l’article 18, paragraphe 1er, point d), du règlement Dublin III « L’Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de :

(…) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre Etat membre ; (…) ».

Force est encore au tribunal de relever qu’en vertu de l’article 13 du règlement Dublin III « Lorsqu’il est établi (…) que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un Etat membre dans lequel il est entré en venant d’un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. (…) ».

Il ressort du dossier administratif que contrairement aux affirmations du demandeur, ce dernier a introduit en date du 22 décembre 2014 une demande d’asile auprès de la République de Hongrie telle que cette information provient du système EURODAC établi pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement Dublin III.

Il ressort encore des pièces du dossier que les autorités hongroises ont accepté en date du 22 mai 2015 la reprise en charge du demandeur.

Ces constatations ne sont pas énervées à suffisance de droit par les simples contestations non autrement étayées du demandeur. Eu égard aux considérations qui précèdent, le tribunal est amené à retenir que le ministre a dès lors a priori valablement pu se déclarer incompétent pour connaître de ladite demande sur base des dispositions de l’article 15 de la loi du 5 mai 2006 et de l’article 18 du règlement Dublin III.

Il s’y ajoute que si, comme en l’espèce, un autre Etat membre a accepté la prise en charge d’un demandeur d’asile, le demandeur ne peut mettre en cause cette décision qu’en invoquant l’existence de défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans cet Etat membre qui constituent des motifs sérieux et avérés de croire que ledit demandeur courra un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne3.

En l’espèce, force est toutefois de constater que le demandeur ne fait pas état de défaillances systémiques avérées en Hongrie mais se borne à formuler son souhait de voir sa demande analysée par les autorités luxembourgeoises.

Aucun autre moyen n’ayant été invoqué par le demandeur à l’appui de son recours, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Olivier Poos, juge, Michèle Stoffel, juge, Jackie Maroldt, attaché de justice 3 CJUE, Grande Chambre, 10 décembre 2013, Shamso Abdullah c/ Bundesasylamt, C-394/12 point 62 et lu à l’audience publique de vacation du 26 août 2015 par le juge Olivier Poos, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26/8/2015 Le Greffier du Tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 36688
Date de la décision : 26/08/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-08-26;36688 ?

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