Tribunal administratif N° 36550 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 juillet 2015 chambre de vacation Audience publique de vacation du 26 août 2015 Recours formé par Monsieur … …, ,,,, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 36550 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 2015 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à … (Serbie), de nationalité serbe, demeurant actuellement à L-…, tendant (1) à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 juin 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, (2) à la réformation de la décision du même ministre du 24 juin 2015 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et (3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 juillet 2015 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 août 2015 par Maître Louis Tinti au nom et pour le compte de Monsieur … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis Tinti et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.
En date du 28 avril 2015, Monsieur … … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par « la loi du 5 mai 2006 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.
Le 30 avril 2015, Monsieur … fut entendu sur son trajet, sur d’autres demandes de protection internationale, sur la présence de membres de sa famille dans d’autres pays européens et sur l’obtention d’un visa ou d’autorisations de séjour, afin de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale. Ses déclarations furent actées dans un rapport dit « rapport d’entretien Dublin III ».
Monsieur … fut encore entendu le 1er juin 2015 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 24 juin 2015, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le 26 juin 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20, paragraphe (1) sous a) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination de la Serbie ou de tout autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 2015, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 24 juin 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision du ministre portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, ainsi qu’un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, les deux recours en annulation, ainsi que le recours en réformation ont valablement pu être dirigés contre les trois volets de la décision déférée du ministre du 24 juin 2015, les trois recours étant, par ailleurs, recevables pour avoir été introduits dans les formes et délai de la loi.
Quant aux faits, le demandeur fait valoir avoir fait l’objet de deux incidents dont le premier aurait eu lieu en Serbie en date du 29 juillet 2013 lors duquel deux personnes dénommées « … » et « … » lui auraient administré des coups de couteau. Ces personnes lui auraient réclamé une somme d’argent que leur devrait son père qui aurait disparu de la Serbie quelques mois auparavant sans laisser de nouvelles. Lors du deuxième incident ayant eu lieu en date du 2 mars 2014, deux personnes inconnues auraient tiré sur la maison de Monsieur … alors que sa mère et son frère auraient été présents. Il aurait alors quitté avec sa famille la Serbie pour le Kosovo où deux inconnus auraient tiré sur son frère en pleine rue. Ces faits auraient conduit le demandeur, qui affirme encore être dans l’impossibilité d’obtenir de l’aide des autorités serbes, respectivement kosovares, à quitter le Kosovo pour introduire une demande de protection internationale au Luxembourg.
A titre liminaire, il convient d’examiner les contestations du demandeur quant à la mise en cause par le ministre de la crédibilité de son récit. En toute hypothèse, il affirme que ses déclarations faites au moment de l’entretien avec l’agent du ministère des Affaires étrangères et européennes seraient parfaitement crédibles et qu’il n’aurait pas encore été assisté d’un avocat au moment de la rédaction de la fiche de motifs où il n’aurait pas été porté à sa connaissance que ses écrits seraient couverts par la confidentialité.
Le délégué du gouvernement, à l’instar du ministre, soulève des incohérences entachant le récit de Monsieur …. Ainsi, il relève que sur la fiche de motifs remplie par le demandeur en date du 28 avril 2015 serait indiqué que « j’étais obligé de quitter le pays tandis que les fils de ma tante étaient en danger à cause de la famille … » tout en précisant que « ma famille et moi-même, nous les avons accueillis chez nous à la maison » et qu’ « après cela, nous avons été menacés », alors que le demandeur aurait déclaré autre chose lors de son entretien avec l’agent du ministère des Affaires étrangères et européennes. La partie étatique soulève encore que le demandeur aurait déclaré, d’un côté que « nous sommes venus au Luxembourg pour vivre en liberté », alors que, de l’autre côté, il aurait affirmé être venu seul au Luxembourg et que sa mère et son frère se trouveraient en Albanie pour des raisons médicales. Dans ce même contexte, il souligne encore qu’une confusion existerait au niveau des dates de départ du Kosovo et du départ de sa mère et de son frère vers l’Albanie.
Il échet de rappeler que l'article 26 (5) de la loi du 5 mai 2006 dispose comme suit :
« Lorsque certains aspects des déclarations du demandeur ne sont pas étayés par des preuves documentaires ou autres, ces aspects ne nécessitent pas confirmation lorsque les conditions suivantes sont remplies:
a) le demandeur s'est réellement efforcé d'étayer sa demande;
b) tous les éléments pertinents à la disposition du demandeur ont été présentés et une explication satisfaisante a été fournie quant à l'absence d'autres éléments probants;
c) les déclarations du demandeur sont jugées cohérentes et plausibles et elles ne sont pas contredites par les informations générales et particulières connues et pertinentes pour sa demande;
d) le demandeur a présenté sa demande de protection internationale dès que possible, à moins qu'il puisse avancer de bonnes raisons pour ne pas l'avoir fait; et e) la crédibilité générale du demandeur a pu être établie.» Force est au tribunal de constater que questionné au sujet de l’incohérence entre les indications sur la fiche de motifs et les déclarations lors de l’audition à la direction de l’Immigration, le demandeur a rétorqué « Je me sentais très stressé et j’ai raconté un peu n’importe quoi ». Or, cette incohérence ainsi que les invraisemblances soulevées par la partie étatique au niveau des dates ne sont pas de nature à ébranler la crédibilité générale du récit, d’autant plus qu’elles portent essentiellement sur des indications secondaires, et non point sur les attaques subies par le demandeur de la part des dénommés « … et … », respectivement de personnes inconnues, raisons l’ayant poussé à quitter son pays d’origine. Le tribunal est dès lors amené à considérer les déclarations du demandeur effectuées au ministère des affaires étrangères et européennes comme étant avérées, d’autant plus que le ministre n’a pas conclu à un rejet de sa demande de protection internationale au motif que son récit ne serait pas crédible, mais il a en revanche procédé à une analyse du fond de la demande, de sorte que le moyen relatif à un manque de crédibilité est à rejeter pour ne pas être fondé.
1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 24 juin 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée A l’appui de ce volet de la requête introductive d’instance, le demandeur estime tout d’abord que ce serait à tort que le ministre aurait conclu qu’il proviendrait d’un pays d’origine sûr étant donné que sur base des faits invoqués la conclusion s’imposerait qu’il aurait soumis des raisons valables de penser que du fait de sa situation personnelle sa vie serait en danger en Serbie, dès lors que pour « (…) des raisons qui lui [seraient] personnelles et tenant à son exposition à des personnes particulièrement dangereuses [,] il se [trouverait] exposé en Serbie à de graves formes de persécution sinon d’atteintes graves ».
Par ailleurs, les faits de l’espèce, par leur nature et en raison de leur gravité, seraient pertinents au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale. En effet, les diverses formes de persécutions, sinon d’atteintes graves dont il aurait été victime pendant une longue période, entreraient parfaitement dans le champ d’application matériel de la loi du 5 mai 2006.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Aux termes de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 :
« Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;
(…) c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; (…) » Il s’ensuit, qu’en vertu de l’article 20, paragraphe (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi modifiée du 5 mai 2006.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.
Concernant plus particulièrement le point c) de l’article 20, paragraphe (1) précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.
(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.
(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :
(a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
(b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève;
(c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Il est constant en cause que le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 a désigné la Serbie comme pays d’origine sûr.
Il se dégage en l’espèce des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité serbe et qu’il a habité la Serbie avant de déménager au Kosovo en 2014, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer en l’espèce dans le cadre de la procédure accélérée.
Au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21, paragraphe (2) de la même loi oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
En l'espèce, le ministre, après examen de la demande de protection internationale du demandeur, a conclu qu’il proviendrait d’un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d’origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et dans les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20, paragraphe (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si le demandeur lui soumet, conformément à l’article 21, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
Or, l'analyse de la situation décrite par le demandeur lors de son audition, ainsi que dans le cadre du présent recours ne permet pas au tribunal d'en dégager des éléments convaincants pour renverser cette présomption en ce qui le concerne et pour conclure en conséquence à l’illégalité de la décision ministérielle sous analyse.
En effet, il ne ressort d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal – le demandeur étant resté en défaut de verser, respectivement d’invoquer un quelconque document à l’appui de son recours, mis à part la décision déférée du 24 juin 2015 – que les conditions pour qualifier un pays d’origine sûr ne seraient pas vérifiées dans son chef. Ainsi, le demandeur ne soumet au tribunal aucun élément concret tendant à renverser la présomption que la Serbie observe les droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et qu’elle respecte le principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève.
Quant à l’accès du demandeur à une protection des autorités de son pays d’origine, force est de constater qu’il ne ressort pas des propos de Monsieur … tenus lors de son entretien auprès de la direction de l’Immigration qu’il n’aurait pas obtenu la protection des autorités serbes contre les agressions dont il déclare avoir été victime.
En effet, il déclare qu’il a eu accès à la police suite à l’incident du 29 juillet 2013 lors duquel les personnes dénommées « … et … » lui ont administré des coups de couteau et « qu’ils allaient enquêter sur l’affaire »1 et que « L’affaire est encore en cours »2. Un rapport de police aurait également été établi après que des personnes inconnues ont tiré sur sa maison3.
A ce titre, il y a lieu de rappeler qu’une protection n’exige pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100%, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policières et judiciaires les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux. En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et l’existence d’une persécution ou d’atteintes graves ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel mais suppose une insuffisance de démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.
Le tribunal est amené à retenir qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que la Serbie ne disposerait pas d’un système de recours effectif contre des violations des droits de l’homme.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, que le demandeur n’a pas apporté des éléments permettant de renverser le constat que la Serbie est à qualifier de pays d’origine sûr, de sorte que le ministre a valablement pu statuer dans le cadre de la procédure accélérée sur le fondement du point c) de l’article 20, paragraphe (1), sans qu’il n’y ait lieu d’examiner le bien-fondé de l’application des points a) de l’article 20, paragraphe (1) précité invoqués par ailleurs par le ministre, cet examen devenant surabondant.
Il s’ensuit que le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur le bien-
fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 24 juin 2015 portant refus d’une protection internationale 1 rapport d’audition du demandeur, p.4 2 ibidem, p.8 3 ibidem, p.5 A titre liminaire, Monsieur … demande acte de ce qu’il renonce à sa demande en obtention du statut de réfugié.
Il échet de lui en donner acte.
A l’appui de sa demande d’une protection subsidiaire et quant à la prise en compte des évènements s’étant déroulés au Kosovo, le demandeur fait valoir que le refus du ministre de prendre en compte les événements ayant eu lieu au Kosovo serait contraire à l’esprit de la Convention de Genève et la loi du 5 mai 2006, « qui veut que des faits qui se produisent en dehors du pays d’origine du requérant soient à considérer dès lors qu’ils sont objectivement et subjectivement en relation avec ceux qui se sont produits dans le pays d’origine ». A ce titre, il insiste que les personnes l’ayant agressé en Serbie seraient « vraisemblablement » les mêmes que celles qui auraient tiré sur son frère.
Nonobstant le fait que la crainte que les auteurs des deux agressions seraient les mêmes est purement hypothétique, force est au tribunal de constater que tant la loi du 5 mai 2006, notamment en ses articles 2 d), 26 (3) a) et d) ou encore ses articles 27 (1) et 30 (1), que la Convention de Genève sont centrées autour de la notion de pays d’origine, qui est défini à l’article 2 m) de la loi du 5 mai 2006 comme « le pays ou les pays dont le demandeur a la nationalité », et que la question de savoir si un étranger craint avec raison d'être persécuté doit être examinée par rapport au pays dont celui-ci a la nationalité4, de sorte que les faits invoqués par Monsieur … qui se sont déroulés au Kosovo ne sont pas à prendre en considération dans le cadre du présent recours.
Monsieur … fait valoir que les faits invoqués à la base de sa demande de protection internationale permettraient de retenir qu’en cas de retour dans son pays d’origine il risquerait de subir des traitement inhumains ou dégradants au sens de l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006.
En ce qui concerne la définition des critères d’application de la protection subsidiaire, que le ministre n’aurait pas correctement appréciés, le demandeur invoque l’« Affaire grecque » par laquelle la « Commission européenne » aurait retenu que les traitements considérés comme dégradants seraient ceux qui humilient gravement la personne aux yeux d’autrui ou l’incitent à agir contre sa volonté ou sa conscience. Dans l’affaire Irlande contre Royaume Uni, la Cour de Justice de l’Union Européenne, dénommée ci-après « la CJUE », aurait retenu qu’un traitement infligé devrait, pour pouvoir être qualifié de torture, causer de « forts graves et cruelles souffrances » au sens de l’article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dénommée ci-après « la CEDH ». Dans une affaire Selmouni c/ France, la CJUE se serait réservée une certaine souplesse dans l’examen des actes illicites en fonction du niveau d’exigence croissant en matière de protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours pour manquer de fondement.
Il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers 4 trib. adm., 15 décembre 2004, n°18573 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Etrangers, n°100 et les autres références y citées.
ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2 f), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
Comme il n’y a pas de conflit armé en Serbie et que le demandeur n’allègue pas risquer la peine de mort ou l’exécution dans son pays d’origine, il y a seulement lieu de vérifier si les traitements dont il fait état peuvent être qualifiés de torture ou de traitements, respectivement sanctions inhumains ou dégradants.
En l’espèce, si le fait lors duquel le demandeur a fait l’objet de coups de couteaux revête une certaine gravité, le demandeur reste en défaut d’établir qu’en cas de retour en Serbie, il risquerait inévitablement d’être à nouveau victime des méfaits des dénommés « … et … », qui par ailleurs sont des personnes privées, sans lien avec l’Etat. Comme il a été retenu dans le cadre du recours contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, la Serbie dispose d’un système de recours effectif contre des violations des droits de l’homme, de sorte que le tribunal n’aperçoit aucun élément concret susceptible d’établir, sur base de ces mêmes événements, qu’il risquerait de subir les atteintes graves précitées au sens de la loi du 5 mai 2006.
En effet, le tribunal siégeant en tant que juge de la réformation à cet égard et à défaut de tout élément nouveau présenté par le demandeur dans ce contexte, ne saurait que confirmer les considérations prises dans le cadre du recours contre la décision de statuer sur le bien-
fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée relatives à l’existence d’une protection étatique dans le chef du demandeur.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé de lui accorder la protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.
3) Quant au recours tendant à l’annulation la décision du ministre du 24 juin 2015 portant ordre de quitter le territoire En l’espèce, le demandeur sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision portant rejet de lui accorder le bénéfice de la protection internationale.
Aux termes de l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale de Monsieur …, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
A défaut d’autres moyens soulevés par le demandeur, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire pris à son égard.
Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 24 juin 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle du 24 juin 2015 portant refus d’une protection internationale ;
donne acte à Monsieur … qu’il renonce à sa demande de statut de réfugié politique ;
au fond, et en ce qui concerne la demande d’une protection subsidiaire, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 24 juin 2015 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Olivier Poos, juge, Michèle Stoffel, juge, Jackie Maroldt, attaché de justice et lu à l’audience publique de vacation du 26 août 2015 par le juge Olivier Poos, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Michèle Hoffmann s. Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26/8/2015 Le Greffier du Tribunal administratif 10