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26/08/2015 | LUXEMBOURG | N°36531

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 août 2015, 36531


Tribunal administratif N° 36531 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juillet 2015 chambre de vacation Audience publique de vacation du 26 août 2015 Recours formé par Monsieur … … et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36531 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2015 par Maître N

our E. Hellal, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au...

Tribunal administratif N° 36531 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juillet 2015 chambre de vacation Audience publique de vacation du 26 août 2015 Recours formé par Monsieur … … et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36531 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2015 par Maître Nour E. Hellal, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à … (Bosnie-

Herzégovine) et de son épouse, Madame … …-…, née le … à …, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs … …, née le …à … (Bosnie-

Herzégovine) et … …, né le … à …, tous de nationalité bosnienne, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 4 juin 2015 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 4 juin 2015 refusant de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 juillet 2015 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nour E. Hellal et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.

Le 7 avril 2015, Monsieur … … et son épouse, Madame … …-…, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs … et … …, ci-après dénommés « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, dénommée ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».

Le même jour, les époux …-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leurs identités et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Le 14 avril 2015, les époux …-… furent encore entendus séparément par une agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leur demande de protection internationale en vertu du règlement UE 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».

Le 11 mai 2015, les époux …-… furent finalement entendus séparément par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leurs demandes de protection internationale.

Par décision du 4 juin 2015, expédiée par courrier recommandé le 10 juin 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa les consorts … qu’il avait été statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1), a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées, tout en leur enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2015, les consorts … ont fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision du ministre du 4 juin 2015 en ce qu’elle a décidé de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation, sinon à l’annulation de ladite décision refusant de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

La partie étatique se rapporte à la sagesse du tribunal « quant au manque partiel de base légale » qui entacherait la requête des consorts … dans la mesure où ces derniers invoquent l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 dans le cadre d’un recours contre une décision prise sur base de l’article 20 de la même loi.

Or, le fait de baser sa demande sur un article erroné n’entraîne pas l’irrecevabilité de la demande, le tribunal étant tenu à examiner toute demande recevable en la forme même sans indication de base légale ou avec indication d’une base légale erronée1.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur les demandes de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Concernant ce premier volet de la décision sous examen, il échet néanmoins de constater que les demandeurs n’ont formulé aucun moyen de fait ou de droit de nature à soutenir leur 1 Cf. Cour adm., 20 octobre 2005, n°20011C du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu demande tendant à l’annulation du volet de la décision sous examen portant sur la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006 pour statuer sur leurs demandes de protection internationale. Il s’ensuit qu’à défaut de moyens juridiques soumis au tribunal, il n’y a pas lieu d’examiner la légalité de ce volet de la décision, sauf les moyens juridiques que le tribunal aurait pu soulever d’office. Il y a partant lieu de retenir que c’est à bon droit que le ministre a pu statuer sur les demandes de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20, paragraphe (1), a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006. Il s’ensuit que le recours en annulation dirigé contre la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé.

2. Quant au recours tendant à la réformation de la décision de refus d’une protection internationale Dans la mesure où l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation, ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Or, il convient de rappeler que le tribunal est saisi d’un recours contentieux contre un acte déterminé, de sorte que l’examen auquel il doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par les demandeurs pour contrer les motifs de refus spécifiques à l’acte déféré, son rôle ne consistant pas à procéder indépendamment des motifs de refus ministériels à un réexamen général et global de la situation des demandeurs2.

En l’espèce, il aurait ainsi appartenu aux demandeurs, confrontés au refus ministériel, à tout le moins de prendre position par rapport aux motifs de refus, ne serait-ce qu’en contestant en droit et en fait lesdits motifs. Il ne suffit dès lors pas de contester la conclusion d’une décision administrative donnée et de se limiter à citer des textes de loi comme en l’espèce l’article 23 de la loi du 5 mai 2006, mais il appartient aux requérants d’établir que la décision critiquée est non fondée ou illégale pour l’un des motifs énumérés à l’article 2, alinéa 1er de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif tant en ce qui concerne sa conclusion que sa motivation.

Or force est cependant de constater que les demandeurs n’émettent pas la moindre contestation afférente. Etant donné cependant qu’il n'appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des parties demanderesses et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions, il y a lieu de retenir qu’en l’absence de toute contestation utile du refus ministériel, le tribunal n’est pas en mesure de remettre utilement en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision litigieuse.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire 2 R. ERGEC, «Contentieux administratif luxembourgeois », Pas. adm., 2015, p. 48 et les jugements y cités.

L’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoyant un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de faire droit à la demande en obtention d’une protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté les demandes de protection internationale des demandeurs, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Partant, à défaut de tout moyen y relatif, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 4 juin 2015 de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale des consorts … dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle du 4 juin 2015 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 4 juin 2015 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Olivier Poos, juge, Michèle Stoffel, juge, Jackie Maroldt, attaché de justice et lu à l’audience publique de vacation du 26 août 2015 par le juge Olivier Poos, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

Michèle Hoffmann Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26/8/2015 Le Greffier du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 36531
Date de la décision : 26/08/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-08-26;36531 ?

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