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20/08/2015 | LUXEMBOURG | N°36805

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 août 2015, 36805


Tribunal administratif N° 36805 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 août 2015 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 20 août 2015 Recours formé par Monsieur … …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36805 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 août 2015 par Maître Céline MERT

ES, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mons...

Tribunal administratif N° 36805 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 août 2015 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 20 août 2015 Recours formé par Monsieur … …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36805 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 août 2015 par Maître Céline MERTES, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 juillet 2015 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 août 2015 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Céline MERTES et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 19 août 2015.

Le 3 septembre 2014, Monsieur … … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Par décision du 19 décembre 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-après « le ministre » refusa de faire droit à la demande de protection internationale de l’intéressé dans le cadre d’une procédure accélérée et enjoignit à ce dernier de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Cette décision est coulée en force de chose décidée du fait de n’avoir pas été attaquée en justice.

Par un arrêté du 27 juillet 2015, le ministre prit à l’encontre de Monsieur … une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de trois ans.

Par un arrêté séparé du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question, intervenue le même jour. Cette décision est basée sur les considérations suivantes :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 19 décembre 2014, lui notifiée le 8 janvier 2015 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressé, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Attendu que l’intéressé ne dispose pas de résidence effective au Luxembourg ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par requête déposée le 14 août 2015 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du 27 juillet 2015.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation. Ledit recours est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, Monsieur … expose qu’il n’aurait jamais eu notification de la décision de retour dont il est question dans l’arrêté déféré, alors qu’à ce moment son mandataire de l’époque n’aurait plus occupé pour lui et n’aurait partant pas pu lui transmettre une copie de cette décision.

Il explique avoir été torturé en Algérie, son père, sa mère, sa sœur et son frère ayant été égorgés devant ses yeux alors qu’il se serait trouvé enfermé dans une cachette, de sorte qu’il souffrirait d’un stress post-traumatique qui lui rendrait l’enfermement au Centre de rétention particulièrement difficile. Il se réfère, dans ce contexte, à un certificat médical du Dr. F., psychiatre.

Il fait finalement plaider qu’il n’aurait aucune intention de fuir, de sorte que la mesure de placement serait largement disproportionnée.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article 125, paragraphe (1). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

Quant au moyen non autrement étayé relatif à l’absence de risque de fuite, il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 111, paragraphe 3 c), de la loi du 29 août 2008, un risque de fuite est légalement présumé notamment lorsque l’étranger se trouve en séjour irrégulier ou lorsque l’étranger ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité.

En l’espèce, il est constant en cause que Monsieur … a fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire dans le cadre de la décision de refus de sa demande d’une protection internationale datée du 19 décembre 2014, qui, tel que cela ressort du dossier administratif versé au tribunal et contrairement aux prétentions du demandeur, lui a été notifiée en mains propres en date du 8 janvier 2015. Une telle décision, coulée en force de chose décidée à défaut d’avoir été frappée d’un recours dans les délais légaux, entraîne l’obligation dans le chef de l’étranger de quitter le territoire et qui habilite le ministre, conformément à l’article 124, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, à le renvoyer dans son pays d’origine, respectivement à prendre des mesures coercitives pour procéder à son éloignement. Dans la mesure où le séjour du demandeur au Luxembourg est irrégulier et qu’il ne dispose pas non plus de papiers d’identité ou de voyage valables, le risque de fuite résulte en l’espèce d’une présomption légale. Le tribunal est dès lors amené à retenir que ces faits ont a priori permis à suffisance au ministre d’admettre qu’il existe un risque de fuite dans le chef du demandeur qui n’a d’ailleurs soumis aucun élément probant au tribunal permettant de renverser la prédite présomption.

Il s’ensuit que le moyen basé sur une prétendue absence de risque de fuite doit être rejeté pour ne pas être fondé.

Quant au moyen du demandeur selon lequel la mesure de placement dont il fait l’objet serait disproportionnée du fait de son état psychologique attesté par le certificat médical du Dr.

F. du 5 août 2015, force est au tribunal de relever, nonobstant les doutes pertinents relevés par le délégué du gouvernement relatifs à l’origine de l’état psychologique du demandeur, que si ce certificat fait certes état, dans le chef du demandeur, d’un état de stress post-traumatique chronique et sévère, avec syndrome de répétition, reviviscences, troubles du sommeil, cauchemars, se compliquant d’épisodes anxio-dépressifs majeurs et récurrents, nécessitant une prise en charge psychologique et psychiatrique spécifique, il ne s’oppose cependant pas formellement au séjour du demandeur au Centre de rétention dans lequel un traitement médical adéquat devrait d’ailleurs a priori être disponible au vu des dispositions de la loi modifiée du 28 mai 2009 portant création et organisation d’un Centre de rétention, et en particulier de ses articles 7 (2) et 9 (2).

Il s’ensuit que le moyen relatif à la prétendue rupture du principe de proportionnalité est à rejeter pour ne pas être fondé.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et à défaut de tout autre moyen, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit encore que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé dans son intégralité.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 20 août 2015 par :

Marc Sünnen, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, juge, Olivier Poos, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20/8/2015 Le Greffier du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 36805
Date de la décision : 20/08/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-08-20;36805 ?

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