Tribunal administratif N° 36778 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 août 2015 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 20 août 2015 Recours formé par Monsieur … …, alias … …, alias … …, alias … …, alias … …, alias … …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 36778 du rôle et déposée le 12 août 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, déclarant être né le … et être de nationalité tunisienne, alias … …, déclarant être né le …, respectivement le …, respectivement le …, respectivement le …, et être de nationalité tunisienne, alias … …, déclarant être né le …, respectivement le …, respectivement le …, et être de nationalité tunisienne, alias … …, né le …, alias … …, né le …, alias … …, né le…, à … ou …, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant, aux termes de son dispositif, auquel le tribunal est seul tenu, à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 5 août 2015 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 août 2015 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel MARIGO, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 19 août 2015.
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Par arrêté du 12 mai 2015, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour sur le territoire luxembourgeois de Monsieur … …, alias … …, alias … …, alias … …, alias … …, alias … …, ci-après désigné par « Monsieur … », et lui ordonna de quitter le territoire luxembourgeois sans délai et lui interdit l’entrée sur le territoire pendant une durée de trois ans.
A la même date, Monsieur … se vit encore notifier un arrêté ministériel du même jour ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Ledit arrêté est basé sur les considérations suivantes :
« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu ma décision de retour du 12 mars 2015 comportant une interdiction d’entrée sur le territoire de 3 ans ;
Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressé, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;
Attendu qu’il existe un risque de fuite non négligeable dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que l’intéressé se trouvait en détention depuis le 16 mars 2015 ;
Considérant que l’intéressé est signalé au système EURODAC comme ayant déposé une demande d’asile en Suisse en date du 17 septembre 2012 ;
- qu'une demande de reprise en charge en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 d u Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 sera adressée aux autorités suisses dans les meilleurs délais ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagé[e]s dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».
Le 13 mai 2015, Monsieur … fut libéré du Centre pénitentiaire de Luxembourg pour être placé au Centre de rétention.
Un recours contre ce placement fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 27 mai 2015 inscrit au rôle sous le n° 36307.
Par arrêté du 11 juin 2015, le ministre prorogea pour une nouvelle durée d’un mois la mesure de placement en rétention précitée du 12 mai 2015. Ledit arrêté, notifié à l’intéressé le lendemain, est basé sur les considérations suivantes :
« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mon arrêté du 12 mai 2015, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 12 mai 2015 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant que les autorités [s]uisses ont refusé notre reprise en charge avec le motif que les autorités [i]taliennes avaient accepté tacitement la reprise en charge des autorités [s]uisses ;
Considérant qu’une nouvelle reprise en charge a été adressée aux autorités [i]taliennes en date du 29 mai 2015 ;
Considérant que les mêmes autorités ont refusé notre reprise en charge en date du 4 juin 2015 ;
Considérant qu’une réclamation contre le refus a été adressée aux autorités [i]taliennes en date du 5 juin 2015 ;
Considérant qu’en attendant la réponse des autorités [i]taliennes, il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ;
(…) ».
Un recours contre cet arrêté de prolongation de la mesure de placement fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 29 juin 2015 inscrit au rôle sous le n° 36465.
Un deuxième arrêté ministériel de prorogation du placement de Monsieur … fut pris en date du 6 juillet 2015, par lequel le ministre ordonna de nouveau la prorogation de son placement pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Ladite notification eut lieu en date du 10 juillet 2015. Ledit arrêté est basé sur les considérations suivantes :
« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mes arrêtés du 12 mai 2015 et 11 juin 2015, notifiés le 12 mai respectivement le 12 juin 2015, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 12 mai 2015 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que les autorités italiennes, en date du 19 juin 2015, ont maintenu leur décision de refus du 4 juin 2015 concernant notre demande de reprise en charge ;
Considérant qu’une demande d’identification a été adressée aux autorités tunésiennes en date du 24 juin 2015 ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; (…) ».
Un recours déposé au greffe fut rejeté par le tribunal administratif par un jugement du 30 juillet 2015, inscrit sous le n°36630 du rôle.
Par un arrêté ministériel du 5 août 2015, notifié au demandeur en date du 10 août 2015, une nouvelle prorogation du placement en rétention a été prononcée à l’égard de Monsieur … aux motifs suivants :
« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mes arrêtés des 12 mai, 11 juin et 6 juillet 2015, notifiés le 12 mai, le 12 juin et le 10 juillet 2015, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 12 mai 2015 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 août 2015, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre le précité arrêté ministériel du 5 août 2015.
Dans la mesure où l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 » institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur reproche d’abord au ministre d’avoir procédé à des diligences inefficaces, alors que ni les autorités françaises, ni les autorités italiennes n’auraient accepté de le reprendre en charge. Pareillement les démarches entreprises en vue de son identification seraient dépendantes des autorités tunisiennes qui n’auraient, à ce jour, pas répondu au ministre. Il fait ainsi valoir qu’au vu de cette lenteur administrative, sa rétention serait prolongée inutilement.
Par ailleurs, le demandeur conteste l’existence d’un risque de fuite dans son chef.
Il soutient encore qu’il présenterait les garanties nécessaires et suffisantes pour bénéficier d’une assignation à résidence au sens de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 qui serait à considérer comme une mesure proportionnée bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il serait satisfait aux exigences posées par la disposition légale susmentionnée, pour considérer l’assignation à résidence comme mesure suffisante, la rétention ne répondant à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si une assignation à résidence n’était pas envisageable au vu des circonstances du cas particulier. Dans ce contexte, il donne à considérer qu’il remplirait les garanties nécessaires et suffisantes pour bénéficier d’une telle mesure, en ce qu’il pourrait résider « sans problème dans l’un des lieux qui sera fixés par le Ministre ».
Finalement, le demandeur soutient que son placement en rétention constituerait une détention arbitraire, puisque sa situation serait comparable à l’incarcération d’une personne purgeant une peine au Centre pénitentiaire. Dès lors, la mesure de placement serait inadaptée et une autre mesure, telle qu’une assignation à domicile, aurait dû être recherchée, puisque le placement en rétention serait disproportionné par rapport à sa situation personnelle. Le demandeur ajoute que le principe de proportionnalité aurait été violé en l’espèce, puisqu’il n’existerait aucune perspective de refoulement à destination de son pays d’origine.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
En ce qui concerne le bien-fondé de la décision déférée, il ressort du dossier administratif que le demandeur a, en date du 12 mai 2015, fait l’objet d’une décision de retour sur le fondement des articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008, c’est-à-dire d’une décision du ministre déclarant illégal son séjour et comportant un ordre de quitter le territoire, cette décision ayant, par ailleurs, été assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de trois ans.
En vertu de l’article 111 (4) a) de la loi du 29 août 2008, une telle décision de retour habilite le ministre à renvoyer la personne concernée à destination notamment du pays dont il a la nationalité, sauf si le statut de réfugié lui a été reconnu ou s’il n’a pas encore été statué sur sa demande de protection internationale, l’article 124 (1) de la même loi autorisant le ministre à prendre des mesures coercitives pour procéder à l’éloignement de la personne faisant l’objet d’une décision de retour.
Par ailleurs, l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit que : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée (…). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ». En vertu de l’article 120 (3), de la même loi : « (…) La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. (…) ».
L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une décision de prorogation est partant soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.
A cet égard, force est au tribunal de rappeler, d’une part, qu’il ressort des éléments lui soumis que le demandeur a fait l’objet en date du 12 mai 2015 d’une décision de retour, comportant injonction de quitter le territoire sans délai, ainsi qu’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans. Par ailleurs, dans la mesure où le demandeur est démuni d’une pièce d’identité ou d’un document de voyage valable, des démarches sont nécessaires en vue de déterminer son identité et son origine, étant à cet égard relevé que l’arrêté de prorogation du placement en rétention actuellement sous examen est fondé sur le constat que les démarches en vue de l’éloignement du demandeur ont été engagées, mais qu’elles n’ont pas encore abouti.
Or, en l’espèce, en ce qui concerne les démarches concrètement entreprises par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, démarches critiquées de manière abstraite par ce dernier, il se dégage des éléments du dossier et des explications fournies par la partie étatique que les recherches effectuées par les autorités luxembourgeoises le 31 mars 2015 dans la base de données EURODAC ont révélé qu’il avait déposé une demande de protection internationale en Suisse le 17 septembre 2012. Par ailleurs, il ressort du dossier administratif que le 12 mai 2015, soit le jour de la notification de l’arrêté ministériel initial de placement en rétention du même jour, le ministre a chargé la police grand-ducale, service de police judiciaire, section police des étrangers et de jeux, de la mission d’enquêter sur le demandeur et de lui faire tenir un rapport sur le séjour de l’intéressé depuis sa demande d’asile du 17 septembre 2012 en Suisse jusqu’à son incarcération au Centre pénitentiaire de Schrassig le 16 mars 2015. Il ressort des déclarations du demandeur, telles qu’actées au procès-verbal du 18 mai 2015 qu’en 2011, il aurait quitté son pays d’origine à destination de l’Italie, où il aurait déposé une demande de protection internationale, respectivement où ses empreintes digitales auraient été prélevées, avant de se rendre en Suisse, où il aurait déposé une demande de protection internationale le 17 septembre 2012. En raison de l’état de santé de son grand-père, il aurait, en mars ou en avril 2013, rejoint sa tante à …, en Italie, où il aurait été arrêté et incarcéré pendant presqu’une année. Après sa libération le 1er janvier 2014, il aurait rejoint son frère au Luxembourg, auprès duquel il aurait résidé jusqu’à ce qu’il se soit installé ensemble avec sa concubine auprès de la mère de cette dernière. Dans la mesure où la mère de Madame S. B. n’aurait pas accepté leur relation, il se serait installé auprès d’un ami à …, avant d’être arrêté au Luxembourg le 14 mars 2015 et placé en détention préventive le 16 mars 2015. Tel que relevé ci-avant, une demande de renseignements adressée le 18 mai 2015 par le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, au centre de coopération policière et douanière, a révélé que le demandeur est inconnu en Italie.
Au vu des renseignements ainsi obtenus, les autorités luxembourgeoises ont, en date du 26 mai 2015, adressé une demande de reprise en charge aux autorités suisses, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ». Aux termes du courrier des autorités suisses du 28 mai 2015, ces dernières ont refusé de reprendre en charge le demandeur, au motif que le 19 décembre 2012, les autorités italiennes avaient tacitement accepté la demande de reprise en charge du demandeur qu’elles leur avaient adressée le 18 octobre 2012.
Le 29 mai 2015, les autorités luxembourgeoises ont adressé une demande de reprise en charge aux autorités italiennes, sur base des articles 13 (2) et 18 (1) b) du règlement Dublin III qui, aux termes d’un courrier adressé aux autorités luxembourgeoises le 4 juin 2015, ont refusé de reprendre en charge le demandeur, aux motifs, premièrement, qu’à partir du 31 décembre 2012, il n’existe aucune trace de Monsieur … en Italie, de sorte qu’il ne serait pas établi qu’il n’aurait pas entretemps quitté le territoire des Etats membres de l’Union européenne, deuxièmement, qu’il ne dispose d’aucun titre de séjour en Italie et, troisièmement, qu’il n’y a déposé aucune demande de protection internationale. Par courrier du 5 juin 2015, les autorités luxembourgeoises ont demandé aux autorités italiennes de reconsidérer leur position en insistant sur l’obtention d’une réponse rapide, compte tenu de la mesure de placement en rétention dont le demandeur faisait l’objet. Par courrier adressé aux autorités luxembourgeoises le 19 juin 2015, les autorités italiennes ont confirmé leur refus de reprendre en charge le demandeur.
Le ministre a contacté, suite à l’obtention du refus du 19 juin 2015 de la part des autorités italiennes de reprendre en charge le demandeur, par courrier du 24 juin 2015, les autorités consulaires tunisiennes en vue de l’identification du demandeur et, le cas échéant, de la délivrance d’un laissez-passer.
Le ministre a recontacté les autorités tunisiennes le 15 juillet 2015 afin d’être informé des suites réservées au dossier de Monsieur ….
Après un nouveau rappel écrit en date du 30 juillet 2015, les autorités consulaires tunisiennes ont, par courrier du 8 août 2015, informé les services du ministère des Affaires étrangères que Monsieur … demeurerait inconnu dans les registres de la population tunisiens.
Par un courrier adressé le 17 août 2015 à l’ambassade de Tunisie à Bruxelles, les autorités luxembourgeoises ont demandé aux services consulaires tunisiens de bien vouloir réexaminer le dossier du demandeur au vu du fait que le frère de ce dernier, qui r éside légalement au Luxembourg, serait également de nationalité tunisienne.
Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire à cet égard de la collaboration des autorités tunisiennes, après le refus de reprise en charge lui opposé successivement tant par les autorités suisses que par les autorités italiennes, ainsi que l’échec, au moins provisoire, d’identification par les autorités tunisiennes, le tribunal est amené à retenir que la procédure d’identification du demandeur est toujours en cours, mais qu’elle n’a pas encore abouti, et que les démarches ainsi entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises depuis le 5 août 2015, date de la décision de la prorogation de son placement au centre de rétention, doivent être considérées comme suffisantes, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement est toujours en cours et est exécutée avec toute la diligence requise.
Les reproches par rapport à un manque de diligences de la part du ministre sont dès lors à rejeter, tout comme l’affirmation non autrement circonstanciée du demandeur qu’il n’y aurait aucune perspective de réaliser l’exécution de son éloignement à destination de son pays d’origine qui ne se fonde sur aucun élément obectif du dossier.
En ce qui concerne la contestation de tout risque de fuite dans son chef, il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 111, paragraphe 3 c), de la loi du 29 août 2008, un risque de fuite est légalement présumé notamment lorsque l’étranger se trouve en séjour irrégulier ou lorsqu’il a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage, ou encore lorsque l’étranger ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité ou qu’il a notamment dissimulé des éléments de son identité. En l’espèce, le demandeur ne dispose pas de documents d’identité et de voyage valables et il se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg. Le tribunal est dès lors amené à retenir que ces faits ont a priori permis à suffisance au ministre d’admettre qu’il existe un risque de fuite dans le chef du demandeur qui n’a d’ailleurs soumis aucun élément probant au tribunal permettant de renverser la prédite présomption.
Il s’ensuit que le moyen basé sur une prétendue absence de risque de fuite doit être rejeté pour ne pas être fondé.
Quant à l’argumentation du demandeur selon laquelle les conditions d’une assignation à résidence seraient remplies dans son chef, il y a lieu de se référer à l’article 125 de la loi du 29 août 2008 aux termes duquel : « (1) Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3). (…) ».
Les dispositions précitées des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, l’assignation à résidence est à considérer comme mesure proportionnée bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il est satisfait aux deux exigences posées par l’article 125 (1) pour considérer l’assignation à résidence comme mesure suffisante et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si une assignation à résidence n’entre pas en compte au vu des circonstances du cas particulier.
Il y a encore lieu de souligner que l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit que le ministre peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3) c) de la même loi. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du demandeur – présomption simple que ce dernier doit renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.
Or, en l’espèce, le demandeur reste en défaut de fournir des éléments permettant de retenir l’existence de garanties de représentation suffisantes dans son chef susceptibles de renverser la présomption du risque de fuite, le demandeur ne fournissant plus particulièrement pas d’éléments concluants quant à des attaches particulières au Luxembourg, le fait de se limiter à demander à être logé dans un lieu à fixer par le ministre ne saurait suffire à cet égard.
Finalement, en ce qui concerne le reproche que son placement en rétention constituerait une détention arbitraire, il échet tout d’abord de constater que les reproches ainsi émis à l’égard du ministre restent à l’état de formulations d’ordre tout à fait général et abstrait et qu’aucune violation d’un texte légal ou réglementaire n’est invoquée par le demandeur à cet égard, de sorte que le tribunal ne se trouve pas en mesure de prendre position par rapport à ce moyen simplement allégué, sans être autrement étayé et argumenté.
Les reproches ainsi soulevés par le demandeur sont dès lors à écarter pour ne pas être fondés.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 20 août 2015 par :
Marc Sünnen, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, juge, Olivier Poos, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Michèle Hoffmann s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20/8/2015 Le Greffier du Tribunal administratif 9