Tribunal administratif Numéro 36574 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2015 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 20 août 2015 Recours formé par Monsieur … …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 36574 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2015 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à … (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L- …, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 25 juin 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même jour portant refus de lui accorder le statut de la protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 2015 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel MARIGO, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 19 août 2015.
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Le 16 mars 2015, Monsieur … … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».
Les déclarations de Monsieur … … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du même jour.
Le 23 mars 2015, Monsieur … fit l’objet d’un entretien auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement UE 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».
Le 30 avril et le 27 mai 2015, Monsieur … fut en outre entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur son identité et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 25 juin 2015, envoyée par pli recommandé du 29 juin 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2015, Monsieur … a fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 25 juin 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 25 juin 2015 portant refus de lui accorder le statut de la protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision.
A l’appui de son recours et en fait, Monsieur … expose qu’il aurait vécu chez sa famille à … où il aurait également travaillé.
Il explique qu’il aurait des problèmes avec un groupe d’Albanais qui l’auraient menacé cinq fois en raison du fait que son oncle aurait été « policier lors du conflit ». En 2011, alors que son oncle aurait été de visite, sa maison aurait été heurtée par une voiture conduite par des Albanais inconnus. La police, appelée sur place, aurait fini par identifier les auteurs qui auraient alors promis de payer les réparations afférentes.
Lors d’un rendez-vous auquel Monsieur … se serait rendu pour récupérer les fonds, il aurait été bloqué par une autre bande d’Albanais inconnus qui l’auraient agressé jusqu’à ce qu’il perde conscience. Son frère l’aurait alors amené à l’hôpital et la police aurait été saisie d’une plainte y relative sans que les coupables n’aient cependant pu être retrouvés.
Depuis cet incident, Monsieur … affirme avoir de nouveau été plusieurs fois victime de menaces de la part des deux groupes d’Albanais précités dont les membres n’ont jamais pu être identifiés.
1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de ce volet de son recours, le demandeur fait valoir que les conditions d’application de l’article 20 (1) a) de la loi du 5 mai 2006 ne seraient pas remplies en l’espèce. Les faits soulevés par lui seraient pertinents au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que le ministre n’aurait pas correctement évalué sa situation. Il explique encore qu’il aurait été obligé de quitter son pays d’origine en raison des agressions dont la police n’aurait malheureusement pas pu identifier et retrouver les coupables. Il aurait ainsi été exposé à une persécution physique et psychologique.
Concernant le fait que le Kosovo figure sur la liste des pays d’origine sûrs, le demandeur estime que la situation sécuritaire serait loin d’être stable en citant dans ce contexte des extraits d’un rapport d’Amnesty International de 2013 respectivement de 2014-2015, selon lesquels, d’une part, le premier ministre de la Serbie aurait souligné que les sites religieux serbes seraient toujours la cible d’attaques de la part de Kosovars albanais et qu’il faudrait d’avantages d’efforts pour dédommager les Serbes déplacés, et qui constateraient, d’autre part, que les tensions interethniques auraient continué en particulier dans le nord du Kosovo par le biais d’attaques contre les Serbes du Kosovo qui se seraient intensifiées après le match de football entre l’Albanie et la Serbie en octobre 2014.
Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours en annulation serait à rejeter pour ne pas être fondé.
En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, aux termes desquels : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;
(…) c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;
(…) ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.
Plus particulièrement, en ce qui concerne le point c) de l’article 20 (1), précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, il convient de rappeler qu’un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.
(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.
(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme un pays d’origine sûr :
a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;
c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.» Il est constant en cause que le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant la liste des pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006 retient le Kosovo comme constituant un pays d’origine sûrs. Or, il se dégage des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité kosovare et qu’il a vécu au Kosovo avant de venir au Luxembourg.
Dès lors que l’énumération d’un pays d’origine sûr dans la liste du prédit règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 ne constitue qu’une présomption que ce pays est à considérer comme un pays d’origine sûr et qu’aux termes de l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006 un examen de la situation individuelle du demandeur de protection internationale est indispensable pour pouvoir considérer que concrètement pour le demandeur de protection internationale considéré individuellement, le pays de provenance est à considérer comme pays d’origine sûr, il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si le demandeur lui soumet, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
En l’espèce, et indépendamment de la crédibilité du récit du demandeur, il y a lieu de retenir que les faits relatés par ce dernier lors de ses auditions, ainsi que dans le cadre de sa requête introductive d’instance, ne permettent pas de dégager des éléments suffisants pour conclure à l’illégalité de la décision ministérielle.
En effet, bien qu’il ressorte des propos de Monsieur … que ses agresseurs n’aient pas pu être identifiés et appréhendés par la police kosovare, il n’en ressort cependant pas que cette dernière ne pourrait véritablement le protéger ou que celle-ci aurait refusé de l’aider. Bien au contraire, il se dégage du rapport d’audition du demandeur, ainsi que des pièces versées, qu’en ce qui concerne le heurt par la voiture, la police s’est immédiatement déplacée sur les lieux et a fini par en identifier l’auteur. Quant à l’agression dans le quartier …, il appert que le demandeur a pu déposer une plainte qui a été continuée à un tribunal. Si l’affaire a été ensuite classée sans suite à défaut d’identification des auteurs, il ne saurait pas ipso facto en être conclu à une absence de protection. Il en est de même en ce qui concerne les menaces dont le demandeur a fait état depuis cet incident et se résumant à des ordres de quitter le pays émanant également de personnes non identifiées.
En effet, tant la notion de « réfugié » que celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent, outre nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine, une absence de protection dans le pays d’origine, soit que la personne concernée refuse d’accepter la protection des autorités du pays dont elle a la nationalité, soit qu’elle n’y a pas accès.
Dès lors, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale1. En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut2.
Il y a, à cet égard, encore lieu de rappeler l’article 29 (2) de la loi du 5 mai 2006 qui définit la protection comme suit : « La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1), points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions - cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.
En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.
Or, il ressort des déclarations actées dans le rapport d’audition du demandeur qu’il a été reçu par la police à chaque fois qu’il a fait appel à cette dernière. S’il a été incapable d’identifier ses agresseurs ou si les éléments y relatifs qu’il avait fournis à cette dernière n’ont pas été suffisants pour les arrêter et les faire condamner, il ne saurait en résulter une 1 Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, UNHCR, décembre 2011, p.21, n° 100.
2 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.
absence de protection reprochable aux autorités kosovares, alors que même dans les pays occidentaux il s’avère souvent difficile, voire impossible de poursuivre les auteurs d’une infraction s’ils n’ont pas pu être identifiés.
Par ailleurs, si Monsieur … avait eu le sentiment que ses doléances n’avaient pas été accueillies avec le sérieux nécessaire par les policiers locaux, il lui aurait été possible de protester contre le comportement des policiers auprès d’une autorité supérieure ou de porter plainte par-devant d’autres policiers.
Force est par conséquent au tribunal de constater que les déclarations du demandeur n’infirment pas la capacité des autorités kosovares de le protéger.
Le demandeur n’a donc pas fourni d’éléments de nature à renverser le constat du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 précité, selon lequel le Kosovo est à considérer comme pays d’origine sûr.
Force est au tribunal de retenir que c’est dès lors à bon droit que le ministre, après analyse de sa situation concrète, a conclu que le demandeur est originaire d’un pays d’origine sûr, et qu’il a pu statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que le recours relatif à ce volet est à rejeter, sans qu’il y ait lieu d’analyser si les conditions du point a) de l’article 20 (1) sont réunies.
Dès lors, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé.
2. Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de ce volet du recours, le demandeur reproche au ministre d’avoir fait une interprétation erronée des faits à la base de sa demande de protection internationale.
Il donne à considérer qu’il aurait fait état, non pas de délits relevant du droit commun, mais de véritables actes de persécution d’ordre physique, de sorte que sa demande de protection internationale serait fondée. Il ajoute encore qu’il craindrait avec raison de subir des persécutions en cas de retour dans son pays d’origine. Si les faits invoqués n’étaient pas de nature à lui faire reconnaître le statut de réfugié, le demandeur estime qu’il y aurait lieu de lui octroyer, sur base de ces mêmes faits, le statut de la protection subsidiaire.
Le délégué du gouvernement fait valoir que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que son recours serait à rejeter pour ne pas être fondé.
En vertu de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 et que cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays.
L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ;
ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit interne ou international ».
Force est de tout d’abord de rappeler que tant la notion de « réfugié » que celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent, outre nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine, une absence de protection dans le pays d’origine, soit que la personne concernée refuse d’accepter la protection des autorités du pays dont elle a la nationalité, soit qu’elle n’y a pas accès.
En effet, indépendamment de la question de la crédibilité du récit et de la qualification des faits invoqués de persécutions, respectivement d’atteintes graves, force est de relever que les personnes qui attenteraient potentiellement à la vie ou à l’intégrité physique du demandeur sont des personnes privées, sans lien avec l’Etat, de sorte que le demandeur ne saurait faire valoir un risque réel de subir des persécutions ou des atteintes graves que si les autorités kosovares ne veulent ou ne peuvent lui fournir une protection effective contre ces persécutions ou atteintes graves, en application de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006.
Le tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation, vient ci-avant de retenir dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée que le ministre a valablement pu considérer que le demandeur est originaire d’un pays d’origine sûr au sens de la loi, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de sa demande.
Actuellement, le tribunal, statuant par rapport au volet du rejet de la demande en obtention de la protection internationale en tant que juge de la réformation, ne saurait que réitérer son analyse précédente au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale pris en son double volet, le demandeur n’ayant en effet fourni, dans le cadre de la procédure contentieuse, aucun élément complémentaire pertinent permettant de conclure que les autorités kosovares seraient dans l’incapacité de lui fournir concrètement une protection au sens de l’article 29 (2) de la loi du 5 mai 2006.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, le Kosovo n’étant pas seulement à considérer abstraitement comme pays d’origine sûr, mais également concrètement, compte tenu de la situation individuelle du demandeur et des moyens contenus dans sa requête introductive d’instance, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
3. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 25 juin 2015 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
En l’espèce, le demandeur sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision portant refus de la protection internationale dans son chef, et ce, en raison du caractère indissociable de la décision de refus de protection internationale et de la décision portant ordre de quitter le territoire.
Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de la protection internationale.
Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que le tribunal ne saurait en l’état actuel du dossier mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.
Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 25 juin 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 25 juin 2015 portant refus d’une protection internationale au demandeur ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 25 juin 2015 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 20 août 2015 par :
Marc Sünnen, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, juge, Olivier Poos, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann Michèle Hoffmann Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20/8/2015 Le Greffier du Tribunal administratif 10