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12/08/2015 | LUXEMBOURG | N°36712

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 août 2015, 36712


Tribunal administratif Numéro 36712 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 août 2015 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 12 août 2015 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36712 du rôle et déposée le 3 août 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL

, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon...

Tribunal administratif Numéro 36712 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 août 2015 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 12 août 2015 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36712 du rôle et déposée le 3 août 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 juillet 2015 portant prorogation de son placement au Centre de rétention pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 août 2015 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel MARIGO, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 août 2015.

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Le 13 juillet 2012, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, demande dont il fut définitivement débouté par jugement du tribunal administratif du 2 avril 2015, inscrit sous le numéro 35871 du rôle.

Le 30 mai 2015, Monsieur … fut appréhendé par la police grand-ducale sans documents d’identité et de voyage valables. Le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », prit à l’encontre de Monsieur … une décision de placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification, intervenue le jour même.

La décision de placement en rétention est libellée en les termes suivants :

1« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no 52045 du 30 mai 2015 du CI Luxembourg-Gare ;

Vu ma décision de retour et décision d’interdiction du territoire du 22 mai 2015 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressé, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Attendu que l’intéressé ne dispose pas d’adresse effective ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par requête déposée le 10 juin 2015 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … introduisit un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 30 mai 2015, recours dont il fut débouté par jugement du 18 juin 2015, n° 36405 du rôle, non frappé d’appel.

Par arrêté du 24 juin 2015, notifié à l’intéressé le 30 juin 2015, le ministre prorogea pour une durée d’un mois la mesure de placement précitée du 30 mai 2015.

Par arrêté ministériel du 27 juillet 2015, notifié à Monsieur … le 30 juillet 2015, la mesure de placement fut prorogée pour une nouvelle durée d’un mois sur base des considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 30 mai et 24 juin 2015, notifiés le 30 mai respectivement le 30 juin 2015, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 30 mai 2015 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’éloignement de l’intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

2 Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

Par requête déposée le 3 août 2015 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision de prorogation précitée du 27 juillet 2015.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Ledit recours est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur soulève en premier lieu le caractère disproportionné de la décision de prorogation de son placement en rétention. Il fait valoir qu’il serait placé en rétention depuis le 30 mai 2015, donc depuis plusieurs mois et qu’il pâtirait d’une lenteur administrative inadmissible. Il insiste sur ce que le ministre aurait pris contact avec les autorités consulaires tunisiennes le 1er juin 2015 en vue d’une demande d’identification ainsi que de l’obtention d’un laissez-passer, mais que cette prise de contact n’aurait rien donné, ce qui le pénaliserait puisqu’une nouvelle mesure de placement aurait été prise à son encontre. Le demandeur reproche encore au ministre de ne pas indiquer les autres mesures qu’il aurait prises en vue d’écourter au maximum son enfermement.

Le demandeur conteste ensuite que toutes les diligences requises pour l’éloigner auraient été entreprises et ce alors qu’à ce jour il n’aurait connaissance que d’un seul courrier adressé au consulat général de Tunisie et qu’il ne disposerait d’aucune autre information. La prorogation de sa mesure de placement serait dès lors injustifiée alors qu’aucune démarche concrète et actuelle ne ressortirait de son dossier administratif.

Il insiste par ailleurs sur le fait que le ministre ne devrait pas être amené à placer systématiquement un étranger en rétention et qu’il devrait évaluer individuellement la situation du demandeur et vérifier en priorité si d’autres mesures moins coercitives peuvent être prises. Or, en l’espèce, le ministre aurait décidé de proroger sa mesure de placement alors que les conditions pour son maintien en rétention ne seraient pas données.

Le demandeur fait ensuite valoir qu’en vertu de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, un étranger pourrait être placé en rétention, de sorte que le ministre disposerait d’une faculté à cet égard et que le placement en rétention d’un étranger ne devrait pas être systématique. En se fondant dans ce même contexte sur l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, le demandeur insiste sur le fait que le ministre ne donnerait aucune indication précise sur les motifs l’ayant conduit au prolongement de son placement en rétention, ni aucune précision supplémentaire sur les démarches concrètes qu’il aurait entreprises ni sur leur contenu.

Pareillement, le ministre ne préciserait pas en quoi cette mesure de placement serait préférable à toute autre mesure, notamment celle d’une assignation à résidence et ce alors même qu’il serait de principe que « la privation de la liberté par l’incarcération dans un centre pénitentiaire doit constituer une mesure d’exception à appliquer seulement en cas d’absolue nécessité » et que cette mesure serait à éviter « dans tous les cas où la personne visée par une mesure de placement ne constitue pas un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics ».

3 Le demandeur reproche ensuite au ministre de ne pas avoir recherché une mesure moins contraignante qu’un placement en rétention, telle qu’une assignation à résidence, au motif que le demandeur présenterait les garanties nécessaires et suffisantes pour en bénéficier, le demandeur précisant à cet égard ne pas avoir de famille au Luxembourg mais un cousin en Italie qui serait prêt à le prendre en charge.

Finalement, le demandeur soutient que son placement en rétention constituerait une détention arbitraire, puisque sa situation serait comparable à l’incarcération d’une personne purgeant une peine au Centre pénitentiaire. Dès lors, la mesure de placement serait inadaptée et une autre mesure, telle qu’une assignation à domicile, aurait dû être recherchée, puisque le placement en rétention serait disproportionné à sa situation. Le demandeur ajoute que le principe de proportionnalité aurait été violé en l’espèce, puisqu’il n’existerait aucune perspective de refoulement à destination de son pays d’origine.

La partie étatique conclut quant à elle au rejet de ces moyens.

En ce qui concerne la légalité externe de l’arrêté déféré et plus particulièrement le moyen tiré d’un défaut d’indication des motifs de la nécessité de la mesure de placement, respectivement d’une insuffisance des motifs justifiant la nécessité de la mesure, il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base. Or, le cas d’espèce sous examen ne tombe dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité dans lesquelles la motivation expresse est imposée, de sorte que l’obligation y inscrite ne trouve pas application en l’espèce. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision de prorogation de la mesure de placement initiale.

A titre superfétatoire et en fait, le tribunal est amené à constater qu’en l’espèce, la décision déférée fait référence à l’arrêté de placement en rétention initial du 30 mai 2015 tout en précisant que les motifs à la base de cette mesure de placement - à savoir qu’au vu de la situation particulière du demandeur, il n’existe pas de mesure suffisante mais moins coercitive qu’une mesure de placement en rétention et qu’il existe un risque de fuite dans le chef du demandeur -, subsistent toujours dans le chef du demandeur, la décision précisant encore que les diligences en vue de l’éloignement du demandeur ont d’ores-et-déjà été entreprises mais qu’elles n’ont pas encore abouti.

Pour être tout à fait complet, le tribunal relève encore que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée par rapport à l’existence ou non dans le chef du demandeur d’un risque de compromettre l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publics alors que ces questions ne constituent pas une condition légale pour la validité d’une mesure de placement au sens de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, le principe invoqué à cet égard par le demandeur s’inscrivant d’ailleurs dans une jurisprudence ayant trouvé son fondement dans la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers qui a été abrogée par celle du 29 août 2008.

4Au vu de ce qui précède, le moyen fondé sur une insuffisance de motifs est à rejeter pour ne pas être fondé.

Ensuite, le demandeur reproche aux autorités luxembourgeoises de ne pas avoir accompli les diligences nécessaires pour organiser son éloignement et pour écourter au maximum la durée de son placement en rétention.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article 125, paragraphe (1). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que les démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée d’un mois. Cette mesure peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Elle peut encore être reconduite à deux reprises chaque fois pour un mois supplémentaire si l’organisation de l’éloignement dure plus longtemps en raison, soit du manque de coopération de l’étranger, soit des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires.

Une décision de prorogation est partant soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.

5Le tribunal est tout d’abord amené à relever que le demandeur est démuni de papiers d’identité ou d’un document de voyage valable, de sorte que des démarches sont nécessaires en vue de déterminer son identité et son origine et que l’arrêté de prorogation de la mesure de rétention actuellement sous examen est fondé sur le constat que les démarches en vue de l’éloignement du demandeur ont été entreprises mais qu’elles n’ont pas encore abouti. Par ailleurs, le demandeur se trouve en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois depuis qu’il a été définitivement débouté de sa demande de protection internationale par le jugement précité du 2 avril 2015 du tribunal administratif ayant acquis autorité de chose jugée, de sorte qu’un risque de fuite est présumé dans son chef en vertu de l’article 111 de la loi du 29 août 2008.

Ensuite, il ressort plus particulièrement des pièces du dossier que dans la mesure où, lors de l’introduction de sa demande de protection internationale, le demandeur s’était présenté auprès des autorités luxembourgeoises compétentes comme se dénommant …, de nationalité tunisienne, lesdites autorités ont contacté, dès le placement initial du demandeur au centre de rétention le 30 mai 2015, les autorités tunisiennes en vue de l’identification du demandeur et de l’obtention d’un laissez-passer, étant relevé que ces diligences ont amené le tribunal administratif à retenir dans son jugement précité du 18 juin 2015 que les démarches entreprises jusque-là étaient à considérer comme suffisantes en vue de l’identification et de l’éloignement du demandeur. En ce qui concerne les démarches ultérieures, il résulte du dossier administratif et des explications de la partie étatique que lors d’un entretien téléphonique du 24 juin 2015, les autorités consulaires tunisiennes ont déclaré avoir reçu la demande de laissez-passer et confirmé que l’identification du demandeur était en cours, ce qui a amené le ministre à prolonger une première fois la mesure de placement initiale par arrêté du 24 juin 2015, notifié le 30 juin 2015, contre lequel aucun recours n’a été introduit.

Les autorités luxembourgeoises ont ensuite relancé les autorités tunisiennes par télécopie du 14 juillet 2015, suite à quoi ces dernières ont informé le ministre par courrier du 24 juillet 2015 que le demandeur était inconnu auprès des services tunisiens compétents.

Or, étant donné que les recherches effectuées par le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, lors de l’introduction de la demande de protection internationale du demandeur au Luxembourg en date du 13 juillet 2012, avaient révélé que le demandeur était notamment encore connu sous le nom de…, déclarant être né le … à … en Algérie et être de nationalité algérienne, les autorités luxembourgeoises ont contacté par télécopie du 27 juillet 2015 les autorités consulaires algériennes en vue de l’identification du demandeur et de la délivrance d’un laissez-passer dans son chef. Par arrêté du 27 juillet 2015, actuellement déféré au tribunal, le ministre a dès lors décidé de proroger une deuxième fois la mesure de placement initiale, et ce, en attendant une prise de position des autorités algériennes compétentes. Le 11 août 2015, les autorités luxembourgeoises ont par ailleurs relancé les autorités algériennes afin de connaître l’état d’avancement de la procédure d’identification du demandeur.

Il résulte du jugement précité du tribunal administratif du 18 juin 2015 que dès le premier placement en rétention, les autorités luxembourgeoises ont entrepris des démarches en vue d’identifier le demandeur sur base des informations que ce dernier leur avait fournies lui-même quant à son identité. Dans la mesure où il s’est toutefois avéré que le demandeur n’était pas originaire de Tunisie et que son identité réelle reste dès lors inconnue, il ne saurait être reproché aux autorités ministérielles d’avoir entretemps pris contact avec les autorités algériennes en vue de l’identification du demandeur et ce sur base du constat que le demandeur est également connu en Europe sous d’autres identités et notamment comme étant 6originaire d’Algérie. Force est encore de constater que les lenteurs de la procédure d’identification sont en tout état de cause dans une large mesure imputables à l’attitude du demandeur lui-même qui n’a pas jugé utile jusqu’à présent de révéler sa réelle identité, ce qui permettrait nécessairement d’abréger sa mesure de placement.

Ainsi, au vu des démarches concrètement entreprises par le ministre, et au regard, d’une part, du comportement manifestement peu coopératif du demandeur et, d’autre part, au regard des contraintes des usages diplomatiques en vue d’obtenir les documents sollicités dans les meilleurs délais, il y a lieu de conclure qu’en l’espèce, au jour de la prise de la décision litigieuse et au jour des présentes, pareilles démarches doivent être qualifiées de raisonnables et les reproches afférents formulés par le demandeur ne sont pas de nature à énerver la régularité de la décision litigieuse, laquelle ne saurait partant être considérée comme disproportionnée alors que s’inscrivant précisément dans le cadre légal prévu à cette fin. Il s’ensuit encore que l’on ne saurait conclure, au vu de l’état actuel de l’avancement de l’identification du demandeur en vue de l’organisation de son éloignement et des diligences entreprises à cet égard, qu’il n’existe pas de perspectives réelles qu’il puisse y être procédé.

Partant, le moyen afférent laisse d’être fondé.

Concernant une éventuelle assignation à résidence du demandeur, si l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 et l’article 125 (1) de la même loi, aux termes duquel « dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe 3 (…) », envisagent certes l’assignation à résidence comme mesure proportionnée bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention, il n’en reste pas moins qu’il doit être vérifié que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe 3 de la même loi. Par ailleurs, il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du demandeur, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment des garanties de représentation suffisantes.

Or, au-delà d’affirmations et de reproches tout à fait généraux soulevés par le demandeur quant à la possibilité d’une assignation à résidence, celui-ci reste en défaut de fournir des éléments permettant de retenir l’existence de garanties de représentation suffisantes dans son chef susceptibles de renverser la présomption du risque de fuite. En effet, le demandeur admet lui-même n’avoir aucune attache au Luxembourg et avoir seulement un frère en Italie qui serait prêt à le prendre en charge ce qui est en tout état de cause insuffisant pour démontrer que les garanties de représentation effectives au sens de l’article précité sont réunies dans son chef.

Il s’ensuit que ce moyen est également à rejeter.

En ce qui concerne finalement l’affirmation du demandeur selon laquelle son placement en rétention constituerait une détention arbitraire, il échet tout d’abord de constater que les reproches ainsi émis à l’égard du ministre restent à l’état de formulations d’ordre tout à fait général et abstrait et qu’aucune violation d’un texte légal ou réglementaire n’est invoquée par le demandeur à cet égard, de sorte que le tribunal ne se trouve pas en mesure de 7prendre position par rapport à ce moyen simplement allégué, sans être autrement étayé et argumenté.

Au-delà de ce constat, le placement en rétention étant prévu par la loi en tant que tel, le demandeur n’est pas fondé à soutenir que, par principe, une telle mesure serait constitutive d’une détention arbitraire.

Par ailleurs, l’affirmation non autrement circonstanciée du demandeur qu’il n’y aurait aucune perspective de réaliser l’exécution de son éloignement à destination de son pays d’origine n’est pas de nature à énerver la légalité de la décision entreprise, au vu notamment des conclusions retenues ci-avant quant aux diligences accomplies par le ministre et plus particulièrement au vu du fait qu’à l’heure actuelle il n’y a aucune raison de penser que l’Algérie refuserait la délivrance d’un laissez-passer une fois que le demandeur aura été identifié.

Les reproches ainsi soulevés par le demandeur sont dès lors à écarter pour ne pas être fondés.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit encore que le recours sous analyse est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 12 août 2015 par :

Marc Sünnen, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, juge, Olivier Poos, juge, en présence du greffier Marc Warken s. Warken s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12/08/2015 Le Greffier du Tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 36712
Date de la décision : 12/08/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-08-12;36712 ?

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