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05/08/2015 | LUXEMBOURG | N°36585

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 août 2015, 36585


Tribunal administratif Numéro 36585 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2015 chambre de vacation Audience publique extraordinaire de vacation du 5 août 2015 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 23, L. 5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36585 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2015 par Maît

re Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à L...

Tribunal administratif Numéro 36585 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2015 chambre de vacation Audience publique extraordinaire de vacation du 5 août 2015 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 23, L. 5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36585 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2015 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Iran), de nationalité iranienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 juillet 2015 ayant déclaré sa demande de protection internationale irrecevable sur base de l’article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 juillet 2015 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 2015 par Maître Ardavan Fatholahzadeh au nom de Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Shirley Freyermuth, en remplacement de Maître Ardavan Fatholahzadeh, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 août 2015.

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En date du 27 avril 2009, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ». Par décision du 4 janvier 2010 du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, cette demande fut déclarée non fondée au motif que le récit de Monsieur … n’était pas crédible. Aucun recours n’a été introduit devant le tribunal administratif contre la prédite décision du 4 janvier 2010.

En date du 16 août 2010, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une nouvelle demande de protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006. Par décision du 8 novembre 2010 du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, cette demande fut déclarée irrecevable sur le fondement de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 au motif que Monsieur … n’aurait présenté aucun élément ou fait nouveau augmentant de manière significative la probabilité qu’il remplirait les conditions requises pour prétendre à l’octroi d’une protection internationale, le ministre retenant par ailleurs que le récit de Monsieur … serait peu vraisemblable. Le recours introduit contre la prédite décision du 8 novembre 2010 fut rejeté définitivement par un jugement du 5 janvier 2011 du tribunal administratif, inscrit sous le numéro 27549 du rôle.

En date du 1er juin 2015, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une nouvelle demande de protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006. Il fut entendu le 17 juin 2015 par un agent du ministère sur les faits à la base de sa nouvelle demande de protection internationale.

Par décision du 3 juillet 2015, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara la demande en obtention d’une protection internationale de Monsieur … irrecevable sur base de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 suivant une décision libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 1er juin 2015.

Avant tout autre développement, il convient de rappeler que vous avez déposé une première demande de protection internationale au Luxembourg en date du 27 avril 2009 qui a été rejetée comme non fondée par une décision ministérielle en date du 4 janvier 2010. Monsieur, il résultait de vos déclarations que vous auriez quitté l'Iran en septembre 2008 pour aller apprendre l'orfèvrerie en Corée. Vous vous y seriez converti au christianisme mormon et peu de temps après, vous auriez été convoqué par téléphone à l'Ambassade d'Iran mais vous ne vous y seriez pas présenté. Par la suite, vous vous seriez tout de même présenté à l'ambassade iranienne et on vous y aurait restitué votre passeport. Néanmoins, comme vous n'auriez plus été en possession d'un visa, vous auriez été menotté et emmené à l'Office de l'Immigration. En route, vous auriez profité d'un moment d'inattention pour vous enfuir et vous vous seriez caché un e dizaine de jours chez les parents de votre amie. Un passeur pakistanais vous aurait ensuite organisé un passeport israélien et vous seriez parti en Turquie où vous seriez monté à bord d'un camion pour venir au Luxembourg.

Vous avez par la suite déposé une demande de protection internationale aux Pays-Bas le 17 novembre 2009 avant d'être transféré au Luxembourg le 28 juillet 2010 en application du règlement Dublin II.

En date du 16 août 2010, vous avez déposé une deuxième demande de protection internationale au Luxembourg qui a été déclarée irrecevable par une décision ministérielle en date du 8 novembre 2010. Vous aviez invoqué à la base de cette demande qu'hormis votre abandon de l'islam, votre récit dans le cadre de votre première demande serait entièrement faux et que vous auriez quitté l'Iran parce que vous seriez homosexuel et orphelin ; en plus, vous vous seriez converti au christianisme protestant. Vous auriez été élevé dans un orphelinat ce qui serait mal vu en Iran. Vous n'auriez donc jamais eu une jeunesse normale ce qui vous rendrait dépressif. Vous signalez avoir fréquenté le milieu homosexuel à Téhéran et avoir été arrêté en 2006 dans le parc Daneshdjou, un lieu de rencontre gay. Vous auriez par la suite été maltraité en prison. Vous signalez également avoir fait partie d'un groupe homosexuel appelé NOMI. Lors d'une fête entre homosexuels, la police aurait débarqué mais vous auriez réussi à vous enfuir.

Elle aurait ensuite perquisitionné votre maison et y aurait trouvé le livre saint. Vous auriez alors quitté l'Iran avec un faux passeport en voyageant d'abord en Thaïlande, puis en France.

Monsieur, vous avez été débouté de votre deuxième demande de protection internationale par jugement du Tribunal administratif du 5 janvier 2011 aux motifs que: « (…) ces éléments - à les supposer réels - ne constituent pas de nouveaux éléments au sens de la loi, étant donné qu'ils n'ont pas trait à des faits ou des situations qui se seraient produits après respectivement la décision ministérielle initiale de refus de protection internationale, mais qu'il s'agit de faits que le demandeur aurait - à les supposer véridiques - sciemment caché au ministre. Force est encore de constater que le demandeur n'était pas dans l'incapacité sans faute de sa part de se prévaloir de ces nouveaux éléments au cours de la procédure précédente, en ce compris la procédure contentieuse : à ce sujet, à admettre la véracité de son homosexualité et son adhésion à la foi chrétienne en Iran, adhésion concrétisée ultérieurement aux Pays-Bas, l'excuse avancée de sa propre honte ne saurait le disculper du respect de l'obligation générale faite aux demandeurs en protection internationale de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer leur demande de protection internationale, inscrite à l'article 26, paragraphe 1er de la loi modifiée du 5 mai 2006. Or, le fait que le demandeur formule une nouvelle demande de protection internationale sur base de faits fondamentalement différents de ceux dont il s'était prévalu après avoir essuyé une première décision de refus suscite des doutes sérieux quant à sa crédibilité ainsi que plus particulièrement le soupçon d'une volonté dilatoire;

par ailleurs, l'affirmation qu'il aurait tu ses véritables problèmes lors de sa première demande et qu'il aurait repris avec force détails et précisions le récit d'un ami parce qu'il aurait été gêné de faire état de son homosexualité lors de ses auditions en présence de trois personnes de sexe féminin, en l'occurrence son avocat, l'agent chargé de l'audition et la traductrice, laisse de convaincre le tribunal, une telle gêne ne justifiant ni les autres contre-vérités du demandeur, notamment en ce qui concerne l'existence d'une famille, ni le fait de taire sa prétendue affinité avec la religion chrétienne, mais d'inventer au contraire sa conversion à une autre religion, en l'occurrence la foi mormone; quant à la honte mise en avant pour expliquer l'invention du récit de sa conversion en Corée à la foi mormone, plutôt que d'exposer sa prétendue homosexualité, cette explication paraît encore peu crédible au vu notamment de l'affirmation du demandeur qu'il aurait publiquement affiché son homosexualité aux Pays-Bas, qu'il fréquenterait ouvertement les milieux gays au Luxembourg, ainsi qu'au vu de l'attestation pour le moins explicite de son amant, rédigée à la demande de Monsieur …. Enfin, l'attitude mise à jour par le demandeur tout au long de son audition en date du 1er septembre 2010, consistant à mettre en doute les compétences de l'agent procédant à son audition et à exiger agressivement l'analyse de son dossier par un psychologue paraît a priori difficilement conciliable avec l'affirmation du demandeur selon laquelle il aurait été à tel point gêné d'avouer ses problèmes qu'il aurait préféré raconter une histoire intégralement inventée. Il s'ensuit que cette seconde demande a valablement pu être déclarée irrecevable en application de l'article 23 de la loi précitée du 5 mai 2006 et que le recours formé par le demandeur est à rejeter comme n'étant pas fondé. (…) ».

Vous n'êtes par la suite pas retourné en Iran et avez déposé une demande en obtention du statut de tolérance le 20 janvier 2011, tolérance qui vous a été accordée le 26 janvier 2011 et prolongée le 15 juin 2011. En date des 18 août et 8 novembre 2011 vous avez sollicité un report à l'éloignement ; cette demande vous a été refusée le 21 décembre 2011. Vous avez également déposé des nouvelles demandes de protection internationale aux Pays-Bas les 19 mars, 12 avril et 10 octobre 2011 et vous avez alors à plusieurs reprises été transféré au Luxembourg sur base du règlement Dublin II. Vous avez également été transféré au Luxembourg à partir des Pays-Bas les 27 juin, 30 juillet et 31 octobre 2013, ainsi que les 22 septembre 2014 et 9 mars 2015. A cela s'ajoute qu'en date des 27 septembre 2012 et 31 octobre 2013, vous avez été transféré sur le territoire luxembourgeois à partir du Danemark.

En date du 1er juin 2015, vous avez déposé une troisième demande de protection internationale au Luxembourg.

Quant à vos déclarations auprès du Service des Réfugiés En mains le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 17 juin 2015 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Monsieur, il ressort de vos déclarations que vous avez déposé une troisième demande de protection internationale au Luxembourg sur base des mêmes problèmes que ceux exposés lors de votre deuxième demande et parce qu'« il n'y a pas de possibilité de retour en Hollande c'est pourquoi j'ai introduit cette demande » (p. 2). Vous signalez que l'homosexualité ne serait pas acceptée en Iran et que vous risqueriez encore une fois d'être arrêté en cas d'un retour dans votre pays d'origine. Vous ajoutez que depuis l'âge de dix-sept ans, vous souffririez de problèmes psychologiques après avoir été témoin d'un accident de la route de votre frère. Vous auriez été hospitalisé à l'époque et vous seriez actuellement en traitement psychologique.

Monsieur, il s'agit de noter que l'article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 dispose que:

« Le ministre considérera comme irrecevable la demande de protection internationale d'une personne à laquelle le statut de réfugié ou la protection internationale ont été définitivement refusés ou d'une personne qui a explicitement ou implicitement retiré sa demande de protection internationale, à moins que des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu'ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l'incapacité de les faire valoir au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. ».

Or, force est surtout de constater que le problème dont vous faites état (à savoir votre prétendue homosexualité) a déjà été traité et toisé dans le cadre de votre deuxième demande de protection internationale. En effet, vous précisez vous-même qu'hormis votre homosexualité, « (…) je n'ai rien à ajouter » (p. 2). Vos motifs à la base de votre troisième demande sont donc absolument identiques à ceux exposés dans le cadre de votre deuxième demande et il s'ensuit que vous ne présentez donc pas d'élément nouveau augmentant de manière significative la probabilité que vous remplissiez les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire.

A cela s'ajoute que les problèmes médicaux auxquels vous faites référence, ne sont pas non plus à considérer comme des faits nouveaux alors que vous en souffririez depuis l'âge de dix -

sept ans et que vous n'étiez pas dans l'incapacité d'en faire état au cour[s] de vos précédentes procédures d'asile. De toute façon, des problèmes médicaux ne répondent à aucun des critères prévus par la Convention de Genève et la loi modifiée du 5 mai 2006 et ne sauraient donc pas fonder une demande de protection internationale.

Enfin, on peut relever au regard de votre situation, que le dépôt d'une nouvelle demande de protection internationale a pour motif sous-jacent de tenter d'éviter un éloignement vers votre pays d'origine.

Monsieur, force est en tout cas de constater, que les éléments que vous avancez dans le cadre de votre troisième demande de protection internationale ne sont pas des éléments nouveaux pouvant augmenter de manière significative la probabilité que vous remplissiez les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire.

Par conséquent, je suis au regret de vous informer qu'en vertu des dispositions de l'article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre demande de protection internationale est irrecevable au motif que vous n'avez présenté aucun élément ou fait nouveau augmentant de manière significative la probabilité que vous remplissiez les conditions requises pour prétendre à une protection internationale. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2015, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 3 juillet 2015 déclarant irrecevable sa demande de protection internationale sur base de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006.

En ce qui concerne la recevabilité du recours, l’article 23 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation en matière de demandes de protection internationale déclarées irrecevables sur base de l’article 23 de la prédite loi, de sorte que seul un recours en annulation a pu être dirigé contre la décision ministérielle attaquée, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur, de nationalité iranienne, expose que son homosexualité serait à l’origine de son départ de son pays d’origine. Si sa crédibilité a pu être ébranlée en raison de ses mensonges lors de ses précédentes demandes de protection internationale, il souhaite actuellement obtenir le pardon des autorités luxembourgeoises. En ce qui concerne les motifs à la base de sa troisième demande de protection internationale, Monsieur … expose qu’en raison de son homosexualité, il risquerait la peine de mort en cas de retour dans son pays d’origine, tel que cela ressortirait du rapport 2014/15 de l’organisation « Amnesty International » sur la situation en Iran, pays qui punirait par ailleurs, lors de leur retour, les Iraniens ayant été déboutés de leur demande de protection internationale à l’étranger, tel que cela ressortirait d’un rapport de l’organisation « Canada : Immigration and Refugee Board of Canada » du 10 mars 2015 et intitulé « Iran : Information sur le traitement réservé par les autorités de l’Iran aux demandeurs d’asile déboutés et aux membres de la famille des personnes ayant quitté l’Iran et ayant demandé le statut de réfugié ».

Le demandeur soutient que la décision déférée du 3 juillet 2015 encourrait l’annulation pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits par le ministre en ce que ce dernier aurait à tort décidé que les nouveaux motifs dont il aurait fait état ne reposeraient pas sur un des critères de l’article 1 A 2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 juillet 1967, approuvé par le règlement grand-ducal du 6 janvier 1971. Le demandeur fait ainsi valoir qu’en raison de son homosexualité, il risquerait de faire l’objet d’actes de persécution l’exposant même à la peine de mort en cas de retour dans son pays d’origine, ce qui constituerait une violation des droits fondamentaux de l’homme, conformément à l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, le comportement des autorités iraniennes à son égard, consistant à l’interroger, le cas échéant, en le torturant, voire à le condamner à la peine de mort, devant, selon le demandeur, être qualifié de violences physiques au sens de l’article 31 (2) a) de la loi du 5 mai 2006, respectivement de sanctions disproportionnées ou discriminatoires au sens de l’article 31 (2) c) de la prédite loi. En ce qui concerne les conditions de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006, le demandeur affirme que, bien que son homosexualité ne constitue pas un élément nouveau par rapport aux motifs présentés dans le cadre de sa précédente demande de protection internationale, son orientation sexuelle constituerait cependant « (…) une infraction continue à la législation pénale iranienne et [resterait] punissable de la peine de mort, alors que le jugement du [t]ribunal [a]dministratif n’[aurait] été rendu qu’en 2011 et partant depuis lors et ce jusqu’en 2015, la partie étatique [n’aurait pas été] en mesure de renverser les orientations sexuelles du requérant et les risques réelles visant la vie du requérant au sens des dispositions de l’article 26 à 31 de la loi précitée du 5 mai 2006 (…) », de sorte à en conclure que son homosexualité devrait être considérée comme augmentant de manière significative la probabilité qu’il remplirait les conditions requises pour prétendre à une protection internationale. Le demandeur se prévaut finalement du prédit rapport 2014/15 de l’organisation « Amnesty International » pour décrire la situation des personnes homosexuelles en Iran qui risqueraient des sanctions pénales allant de 100 coups de fouet à la peine de mort, afin d’en conclure qu’il risquerait, en cas de retour dans son pays d’origine, des représailles de la part des autorités iraniennes sans pouvoir prétendre à une quelconque protection étatique.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

En ce qui concerne la possibilité de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006, il échet de rappeler que ce dernier dispose que : « Le ministre considérera comme irrecevable la demande de protection internationale d’une personne à laquelle le statut de réfugié ou la protection internationale ont été définitivement refusés ou d’une personne qui a explicitement ou implicitement retiré sa demande de protection internationale, à moins que des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. (…) .» Le droit à l’ouverture d’une nouvelle procédure d’instruction d’une demande de protection internationale est dès lors conditionné par la soumission d’éléments qui doivent, d’une part, être nouveaux, et, d’autre part, comporter des indications sérieuses d’une crainte fondée de persécution ou d’atteinte grave, le demandeur devant avoir été dans l’incapacité – sans faute de sa part – de se prévaloir de ces nouveaux éléments au cours de la procédure précédente, en ce compris la procédure contentieuse.

Au fond, il y a lieu de rappeler que le droit à l’ouverture d’une nouvelle procédure d’instruction constitue une exception – soumise à des conditions d’ouverture strictes – à l’autorité de la chose décidée d’une décision non entreprise devant les juridictions, respectivement à l’autorité de la chose jugée dont est revêtue une procédure contentieuse antérieure.

Il appartient dès lors au ministre d’analyser si les éléments qui lui ont été soumis au cours d’une nouvelle demande de protection internationale constituent effectivement des éléments nouveaux et sont susceptibles en même temps d’augmenter de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour l’obtention de la protection internationale, le caractère nouveau des éléments avancés en cause s’analysant notamment par rapport à ceux avancés dans le cadre des précédentes procédures.

Il est constant en l’espèce que Monsieur … s’est vu refuser une première fois le 4 janvier 2010 la protection internationale, le motif invoqué à l’appui de sa demande ayant été sa conversion à la foi mormone, étant encore précisé que le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration avait retenu que le récit du demandeur n’était pas crédible. Aucun recours n’a été introduit contre la prédite décision du 4 janvier 2010. La seconde demande de protection internationale de Monsieur …, fondée tant sur son homosexualité que sur sa conversion religieuse, a été déclarée irrecevable sur base de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 par décision ministérielle du 8 novembre 2010. Le recours introduit par requête du 6 décembre 2010 a été déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 5 janvier 2011, inscrit sous le numéro 27549 du rôle, qui a retenu notamment que « (…) Le demandeur, actuellement, affirme n’avoir ni parents, ni frères et sœurs, mais être au contraire orphelin et avoir été pupille de l’Etat, ce qui serait mal vu en Iran. Il affirme encore être homosexuel depuis son adolescence, ce lui aurait valu d’être inquiété par la police en Iran et avoir fréquenté des églises clandestines en Iran, jusqu’à ce que la police trouve une bible dans son domicile. Il affirme avoir toujours eu la foi chrétienne, mais s’être seulement officiellement converti aux Pays-Bas dans une église baptiste ; il verse dans ce contexte une attestation provenant de son amant néerlandais qui confirme son homosexualité, ainsi qu’un certificat de baptême établi en son nom ainsi qu’une lettre de l’église baptise, établie au nom de VALI Amin.

Force est de constater que ces éléments - à les supposer réels - ne constituent pas de nouveaux éléments au sens de la loi, étant donné qu’ils n’ont pas trait à des faits ou des situations qui se seraient produits après respectivement la décision ministérielle initiale de refus de protection internationale, mais qu’il s’agit de faits que le demandeur aurait - à les supposer véridiques - sciemment caché au ministre.

Force est encore de constater que le demandeur n’était pas dans l’incapacité sans faute de sa part de se prévaloir de ces nouveaux éléments au cours de la procédure précédente, en ce compris la procédure contentieuse : à ce sujet, à admettre la véracité de son homosexualité et son adhésion à la foi chrétienne en Iran, adhésion concrétisée ultérieurement aux Pays-Bas, l’excuse avancée de sa propre honte ne saurait le disculper du respect de l’obligation générale faite aux demandeurs en protection internationale de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer leur demande de protection internationale, inscrite à l’article 26, paragraphe 1er de la loi modifiée du 5 mai 2006. (…) ».

Force est au tribunal de constater que le principal motif mis en avant par le demandeur à l’appui de sa troisième demande de protection internationale est son homosexualité. Dans la mesure où il s’est déjà prévalu de son orientation sexuelle dans le cadre de sa deuxième demande de protection internationale qui a été déclarée irrecevable sur le fondement de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006 – le tribunal administratif ayant retenu, dans son jugement précité du 5 janvier 2011, que l’homosexualité de Monsieur … ne pouvait pas être considérée comme un élément nouveau pour avoir existé antérieurement à la décision ministérielle du 8 novembre 2010 et qui aurait pu être invoquée dans le cadre de sa première demande de protection internationale – ce motif ne constitue pas un élément nouveau par rapport aux faits invoqués dans le cadre de ses précédentes demandes de protection internationale. Il échet encore de relever que le rapport 2014/15 de l’organisation « Amnesty International » sur la situation en Iran, présenté comme étant un élément nouveau et censé accréditer la réalité et la gravité du risque auquel Monsieur … serait exposé, en tant que personne homosexuelle, en cas de retour en Iran, constitue certes un élément matériel nouveau, dans la mesure où ce rapport a été établi postérieurement à la décision ministérielle du 8 novembre 2010 et à la procédure contentieuse subséquente, mais qu’il n’a cependant pas trait à un élément fondamentalement nouveau, en ce qu’il ne fait que confirmer les faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa deuxième demande de protection internationale, à savoir le risque d’être exposé à la peine de mort, en raison de son homosexualité, en cas de retour dans son pays d’origine.

Dans le cadre de sa requête introductive d’instance, le demandeur fait finalement valoir qu’il serait exposé au risque de faire l’objet de violences physiques de la part des autorités iraniennes en cas de retour dans son pays d’origine au motif que l’Iran punirait ses ressortissants ayant été déboutés de leur demande de protection internationale à l’étranger et retournant au pays, tel que cela ressortirait d’un rapport de l’organisation « Canada : Immigration and Refugee Board of Canada » du 10 mars 2015 et intitulé « Iran : Information sur le traitement réservé par les autorités de l’Iran aux demandeurs d’asile déboutés et aux membres de la famille des personnes ayant quitté l’Iran et ayant demandé le statut de réfugié ». Bien que ce motif, ainsi que le rapport précité du 10 mars 2015 constituent des éléments matériellement nouveaux par rapport aux motifs présentés par Monsieur … dans le cadre de ses précédentes demandes de protection internationale, dans la mesure où, d’une part, il ne ressort pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que le demandeur en aurait déjà fait état précédemment, et, d’autre part, que le prédit rapport a été établi postérieurement à la décision ministérielle du 8 novembre 2010 et à la procédure contentieuse subséquente, il n’en demeure pas moins que ces éléments ne sont pas de nature à augmenter de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour l’obtention de la protection internationale. Force est en effet au tribunal de constater que les prétendus mauvais traitements infligés par les autorités iraniennes aux demandeurs d’asile déboutés retournant en Iran ne viseraient que, tel que cela ressort du prédit rapport du 10 mars 2015, les dissidents politiques, ce que le demandeur n’affirme pas être en l’espèce – étant encore relevé que le prédit rapport ne fait que reprendre les affirmations d’autorités iraniennes, d’articles de presse, respectivement d’autres organisations non-

gouvernementales, les auteurs du rapport indiquant, d’une part, d’emblée, avoir « (…) trouvé peu de renseignements sur le traitement réservé par les autorités de l’Iran aux demandeurs d’asile déboutés à leur retour en Iran (…) » et, d’autre part, ne pas avoir, eux-mêmes, trouvé des renseignements corroborant les affirmations selon lesquelles les autorités iraniennes notamment accuseraient et puniraient les demandeurs d’asile pour diffamation de fausse propagande contre la République islamique d‘Iran, respectivement questionneraient pendant plusieurs heures les personnes ayant quitté l’Iran avec leur passeport et revenant en Iran moyennant un laissez-passer.

Au vu de l’ensemble des constatations faites ci-avant, le tribunal est amené à retenir que ni les pièces versées, ni les déclarations du demandeur ne constituent des faits ou éléments nouveaux qui augmentent de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions pour bénéficier d’une protection internationale.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a déclaré irrecevable la demande de protection internationale sous analyse, en application de l’article 23(1) précité de la loi du 5 mai 2006 et que le recours introduit par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 3 juillet 2015 ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Paul Nourissier, juge, Alexandra Castegnaro, juge, Michèle Stoffel, juge et lu à l’audience publique extraordinaire de vacation du 5 août 2015 à 17.00 heures par le juge Paul Nourissier, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5.8.2015 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 36585
Date de la décision : 05/08/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-08-05;36585 ?

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