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30/07/2015 | LUXEMBOURG | N°36546

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 juillet 2015, 36546


Tribunal administratif N° 36546 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 juillet 2015 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire de vacation du 30 juillet 2015 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 15 L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36546 du rôle et déposée le 6 juillet 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud

RANZENBERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,...

Tribunal administratif N° 36546 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 juillet 2015 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire de vacation du 30 juillet 2015 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 15 L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36546 du rôle et déposée le 6 juillet 2015 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud RANZENBERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile datée du 5 juin 2015 par laquelle ledit ministre s’est déclaré incompétent sur base de l’article 15 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection et de l’article 18, paragraphe 1. b) du règlement UE 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 juillet 2015 ;

Vu le mémoire en réplique déposé en date du 22 juillet 2015 au greffe du tribunal administratif pour le compte du demandeur ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif du 28 juillet 2015 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sandrine FRANCIS, en remplacement de Maître Arnaud RANZENBERGER, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 juillet 2015.

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Le 30 mars 2015, Monsieur … introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après la « loi du 5 mai 2006 ».

Par courrier du 30 mars 2015 reçu le jour même, Monsieur … fut invité à se présenter le 1er avril 2015 à un entretien auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement UE 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement (UE) n°604/2013 ».

Monsieur … ne se présenta pas à cet entretien.

Par décision du 5 juin 2015, remise en mains propres en date du 10 juin 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », informa Monsieur … que le Grand-Duché de Luxembourg n’était pas compétent pour examiner sa demande en reconnaissance d’un statut de protection internationale, en se référant aux dispositions de l’article 15 de la loi du 5 mai 2006 et à celles de l’article 18, paragraphe 1. b) du règlement (UE) n° 604/2013 au motif que ce serait la République de Hongrie qui serait responsable du traitement de sa demande d’asile, du fait qu’il y aurait précédemment déposé une demande d’asile, en l’occurrence en date du 1er février 2015. Ledit arrêté fait encore état de ce que les autorités hongroises auraient accepté, en date du 12 mai 2015, de reprendre en charge l’examen de sa demande d’asile. Dans la même décision, le ministre annonça à Monsieur … que son transfert vers la Hongrie serait organisé dans les meilleurs délais.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 2015, inscrite sous le numéro 36546 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 5 juin 2015.

Etant donné que l’article 17 de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions d’incompétence, une requête sollicitant l’annulation de la décision d’incompétence déférée a valablement pu être déposée.

Le recours en annulation dirigé à l’encontre de la décision d’incompétence déférée, par ailleurs déposé dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose avoir quitté le Kosovo début janvier 2015. Lors de son voyage vers le Luxembourg, il serait passé par la Hongrie, aurait continué son voyage en passant par l’Autriche et l’Allemagne, pour arriver au Luxembourg fin mars 2015.

En droit, il relève qu’il serait de notoriété publique que les conditions de vie des demandeurs de protection internationale en Hongrie seraient catastrophiques. A l’appui de cette affirmation il cite un rapport d’Amnesty International, intitulé « Amnesty International Report 2014/15 », ainsi que plusieurs rapports de l’AIDA (Asylum Information Database), intitulés « Updated AIDA Report shows widespread use of detention in Hungary », du 16 mai 2014, « Asylum Applicants in Hungary are frequently detained with no effective judicial review, says Hungarian Helsinki Committee », du 30 mai 2014, « AIDA update : Hungary continues to detain families with children and other vulnerable applicants without effective judicial review » du 7 avril 2015, « Asylum Information Database – Country Report – Hungary », mise à jour le 17 février 2015, « Council of Europe Commissioner for human rights report on Hungary », du 16 janvier 2015 et un rapport de l’organisation « Human Rights Watch », intitulé « Rapport mondial 2015 ». Il soutient ainsi que la Hongrie violerait les règles européennes émises en matière d’accueil et de traitement des demandeurs de protection internationale, que ceux-ci seraient traités comme des criminels, étant placés en détention de manière arbitraire pendant toute la durée de la procédure d’examen de leur demande, et en conclut que l’autorité administrative ne pourrait le renvoyer dans un pays ne respectant pas les préceptes en matière de respect des droits de l’homme, de sorte que l’autorité administrative aurait commis une erreur manifeste d’appréciation de sa situation, sinon une erreur de droit sinon un excès de pouvoir.

Il souligne qu’un retour en Hongrie l’exposerait à des conditions de vie désastreuses, bafouant ainsi ses droits humains.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur la demande de protection internationale du demandeur en se déclarant incompétent pour en connaître.

A cet égard et en substance, il conteste l’existence de défaillances systémiques de la Hongrie au sens du règlement (UE) n° 604/2013, en relevant d’abord qu’il résulterait des pièces versées en cause que la compétence de la Hongrie serait certaine, Monsieur … y ayant déposé une demande de protection internationale en date du 1er février 2015, et que son transfert aurait été accepté par les autorités hongroises le 12 mai 2015, la partie étatique mettant encore en exergue le fait que Monsieur … ne se serait pas présenté à son entretien en date du 1er avril 2015 dans le cadre du questionnaire Dublin.

Le délégué du gouvernement estime par ailleurs que le demandeur ne ferait état d’aucune violation de ses droits fondamentaux, ni n’invoquerait des défaillances systémiques avérées en Hongrie. Toutes les affirmations du demandeur seraient d’ordre général et concerneraient les modalités d’application des règles relatives à l’asile par les autorités hongroises et ne suffiraient pas à établir que la réadmission d’un demandeur d’asile vers la Hongrie serait, par elle-même, constitutive d’une atteinte grave au sens du droit d’asile. Le demandeur n’aurait ainsi pas étayé que les conditions de son séjour en Hongrie et que sa demande de protection internationale n’auraient pas été correctement examinés, mais il se serait contenté de simples allégations d’ordre général.

La partie étatique souligne encore que les rapports cités ne permettraient pas de prouver ces allégations, et ce d’autant plus que le demandeur n’aurait fourni aucune précision sur le sort qui lui serait réservé personnellement en Hongrie, ni sur les mauvais traitements qu’il y aurait personnellement subis.

Dans ce contexte, la partie étatique cite encore un arrêt du Conseil d’Etat français du 5 mars 2013 et un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par « la CJUE » du 10 décembre 2013, ayant conclu à l’absence de déficiences systémiques en Hongrie en ce qui concerne le traitement des demandes de protection internationale, la CJUE s’étant prononcée contre le « forum shopping » en matière d’asile en considérant que lorsqu’un Etat membre accepterait la prise en charge, ce choix ne pourrait pas être mis en cause par le demandeur.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur cite encore d’autres rapports concernant la situation des demandeurs d’asile en Hongrie, à savoir un rapport du Hungarian Helsinki Committee du 4 mars 2015, intitulé « Hungarian government reveals plans to breach EU asylum law and to subject asylumseekers to massive detention and immediate deportation », un rapport de l’IRIN du 9 juillet 2015, intitulé « La Hongrie : une étape difficile pour les demandeurs d’asile », un rapport de EU Observer du 11 février 2015 intitulé « Hungary wants stricter immigration rules amid hike in Kosovo migrants », ainsi qu’un rapport de l’European Council on Refugees and Exiles du 10 juillet 2015, intitulé « Hungary passes legislation severely limiting access to asylum » relevant que les demandeurs d’asile seraient régulièrement placés en rétention dans des conditions dégradantes et de surpopulation et feraient l’objet de maltraitances par la police. Il soulève encore le fait qu’aucune personne originaire du Kosovo n’aurait obtenu soit le statut de réfugié, soit le statut conféré par la protection subsidiaire en Hongrie. Enfin, il mentionne les modifications à la loi sur l’asile et l’immigration qui seraient prévues en Hongrie et indique que le parlement hongrois aurait déjà marqué son accord concernant des règles plus strictes en matière d’asile, ainsi qu’en ce qui concerne la construction d’une barrière à la frontière serbe en juillet 2015 et en conclut que le comportement de la Hongrie permettrait de démontrer que celle-ci ne serait pas enclin à traiter dignement les demandeurs d’asile et ne se priverait pas pour durcir sa législation et ce en dépit des règlementations internationales et européennes.

Quant à sa situation personnelle, le demandeur indique qu’il aurait été placé en détention lors de son arrivée sur le sol hongrois. Lors de cette période de détention, il aurait été privé de nourriture et aurait été questionné durant de longs moments par les autorités qui l’auraient également mis sous pression lors de ces interrogatoires. Il aurait encore été forcé par les autorités menant les différents interrogatoires de servir de traducteur serbe. En échange de ce travail, il n’aurait pas été passé à tabac, contrairement à l’ensemble des autres demandeurs d’asile questionnés par les autorités.

Finalement, il considère que, puisqu’il aurait été privé de sa liberté sans aucune raison valable, pratique courante en Hongrie, et que les conditions lors de cette période de détention auraient été inhumaines, les personnes étant privé de nourriture et interrogés pendant de longues heures, il aurait subi des traitements inhumains et dégradants lors de son séjour en Hongrie et qu’il risquerait d’être à nouveau exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Hongrie.

La partie étatique, dans son mémoire en duplique, indique que le demandeur n’aurait invoqué aucune défaillance systémique vis-à-vis de sa personne dans le système d’asile hongrois.

Comme retenu ci-avant, le tribunal constate qu’en l’espèce la décision litigieuse a été prise par le ministre en application de l’article 18, paragraphe 1 du règlement (UE) n° 604/2013, au motif que le Luxembourg n’est pas compétent pour le traitement de la demande de protection internationale présentée par Monsieur …, mais la Hongrie, puisqu’en date du 1er février 2015, il a déposé une demande d’asile en Hongrie, la Hongrie ayant d’ailleurs accepté le 12 mai 2015 la reprise en charge de l’intéressé.

Le tribunal constate ensuite que la décision déférée s’inscrit ainsi plus particulièrement dans le cadre de l’article 18, paragraphe 1 b) du règlement (UE) n° 604/2013, libellé comme suit : « L’État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: […] b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d’examen et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ».

En l’espèce, le demandeur ne conteste pas cette compétence de principe de l’Etat hongrois, respectivement l’incompétence de principe de l’Etat luxembourgeois, mais il reproche en substance au ministre d’avoir violé l’article 3, paragraphe 2, 2e alinéa du règlement (UE) n° 604/2013, aux termes duquel « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable », et ce au vu de graves déficiences ou défaillances dans la procédure d’asile hongroise.

Or, en ce qui concerne la situation où un Etat membre a accepté la prise en charge d’un demandeur d’asile, le demandeur ne peut mettre en cause cette décision qu’en invoquant l’existence de défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans cet Etat membre qui constituent des motifs sérieux et avérés de croire que ledit demandeur courra un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne1.

Il y a en effet lieu de rappeler que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant, qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève » et le protocole de 1967, ainsi que dans la Convention européenne des droits de l’Homme, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard2. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union a adopté le règlement (UE) n° 604/2013 en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping » l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants3 4. Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption - réfragable - que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient au demandeur de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées5.

Il convient d’ailleurs tout particulièrement de noter que le 21 décembre 2011, la Cour de justice de l’Union européenne a, entre autres, fait valoir qu’il serait contraire aux objectifs 1 CJUE, grande chambre, 10 décembre 2013, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, C-394/12, point 62.

2 Arrêt du 21 décembre 2011, N.S. e.a., op.cit., point 78.

3 Ibidem, point. 79.

4 Trib. adm 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib.adm. 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm. 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu 5 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.

et au dispositif du Règlement Dublin d’empêcher le transfert d’un demandeur d’asile vers l’ Etat membre normalement compétent à la moindre violation des directives 2003/9/CE, 2004/83/CE et 2005/85/CE6.

En l’espèce, force est toutefois de constater, d’une part, que le demandeur ne s’est pas présenté à l’audition à laquelle il a été dûment convoqué par courrier du 30 avril 2015, sans indiquer une raison pour laquelle il lui aurait été impossible de se présenter, de sorte qu’il n’a fait état d’aucune expérience personnelle vécue en Hongrie pouvant être considérée comme une preuve de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne avant la prise de décision par le ministre en date du 5 juin 2015 et, d’autre part, que le demandeur n’a pas fait état de défaillances systémiques avérées dans son chef en Hongrie, mais se prévaut de prétendues conditions de détention initiales dégradantes, dont il n’a cependant pas fait état avant la prise de décision du ministre pour ne pas s’être présenté à son audition. Or, l’expérience ainsi alléguée pour la première fois dans son mémoire en réplique est d’une durée très brève et les allégations du demandeur, qui ne sont nullement étayées, ne peuvent être considérées comme suffisantes. A titre superfétatoire, le tribunal constate qu’il semble découler des explications actuelles du demandeur qu’il a certes été placé dans une structure fermée, mais uniquement après avoir été arrêté par la police hongroise pour avoir franchi illégalement la frontière hongroise; par ailleurs il n’y est demeuré que pendant une période très courte, puisqu’après l’enregistrement de sa demande d’asile, le demandeur a été libéré, libération qu’il a mis à profit pour disparaître et quitter la Hongrie vers le Luxembourg en passant par l’Allemagne et l’Autriche.

Il n’est partant pas établi que les conditions d’accueil éventuellement déplorables telles que vécues pendant une période très courte dans le centre de détention risquent de se répéter et qu’elles justifieraient l’existence d’un risque concret d’un traitement inadéquat systématique des demandeurs d’asile en général ou du demandeur en particulier.

Enfin, le tribunal retient qu’il ne peut pas être reproché au ministre de ne pas avoir pris en considération des éléments que le demandeur n’a invoqués pour la première fois qu’à l’appui de son recours contentieux, alors qu’il ne s’est pas présenté à l’audition à laquelle il avait été dûment convoqué afin de s’expliquer. Le tribunal rappelle à ce sujet qu’il ne peut, dans le cadre de son contrôle de légalité, avoir égard qu’aux éléments portés à la connaissance de l’autorité avant que celle-ci prenne sa décision, puisque les éléments qui n’avaient pas été portés par le demandeur à la connaissance du ministre en temps utile, c’est-

à-dire avant que celui-ci ne prenne sa décision, ne sauraient être pris en compte pour en apprécier la légalité, dès lors qu’il y a lieu, pour l’exercice de ce contrôle, de se replacer au moment où l’acte administratif a été pris.

Quant à la situation générale en Hongrie, force est au tribunal de constater que le demandeur verse certes des pièces susceptibles de documenter des défaillances systémiques avérées dans la procédure d’asile hongroise. Néanmoins, des documents d’ordre général relatifs aux modalités d’application des règles relatives à l’asile par les autorités hongroises, en l’absence d’indication concernant des faits subis personnellement, ne suffisent pas à établir que la réadmission du demandeur vers la Hongrie est par elle-même constitutive d’une 6 CJUE, arrêt du 21 décembre 2011, op.cit.

atteinte grave au droit d’asile. En effet, le fait de faire siennes toutes les remarques formulées dans des rapports cités, sans lien quant à la situation personnelle du demandeur, ni précision de l’assiette des objections ainsi énoncées, est insuffisant à cet égard.

Dès lors, les déclarations d’ordre général du demandeur ne sont corroborées par aucun élément de preuve ou de précision circonstanciée de mauvais traitements subis dans son chef personnellement lors de sa rétention en Hongrie et les rapports précités ne mettent pas en évidence que la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile en Hongrie ont des déficiences structurelles qui exposeraient ces derniers à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) et l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne puisqu’ils ne font pas apparaître qu’une personne sera automatiquement et systématiquement victime de mauvais traitements ou de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 CEDH, du seul fait de son statut de demandeur d’asile ou de sa possible appartenance à ce groupe vulnérable.

Il s’ensuit que le tribunal, en l’état d’instruction du dossier et des éléments fournis par le demandeur, ne décèle pas de violation de l’article 3, paragraphe 2, 2e alinéa du règlement (UE) n° 604/2013, pas plus qu’il ne décèle de risque de violation des droits reconnus par l’article 3 de la CEDH, respectivement par l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dispositions prohibant la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Partant, tel que retenu ci-avant, le demandeur reste en défaut d’établir concrètement l’existence en Hongrie de défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil dans son propre chef qui impliqueraient que le ministre, en n’invoquant pas la clause discrétionnaire, se serait mépris sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation.

Au vu des considérations qui précèdent et plus précisément de la situation personnelle du demandeur ne s’étant pas rendu à son audition, le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Paul Nourissier, juge, Hélène Steichen, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 30 juillet 2015, à 17.00 heures par le premier vice-président en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Carlo Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 36546
Date de la décision : 30/07/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-07-30;36546 ?

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