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22/07/2015 | LUXEMBOURG | N°34860

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 juillet 2015, 34860


Tribunal administratif N° 34860 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juillet 2014 3e chambre Audience de vacation du 22 juillet 2015 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34860 du rôle et déposée le 10 juillet 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Eyal Grumberg, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Madaga

scar), de nationalité malgache, demeurant à L-…, contre une décision du ministre du Déve...

Tribunal administratif N° 34860 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juillet 2014 3e chambre Audience de vacation du 22 juillet 2015 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34860 du rôle et déposée le 10 juillet 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Eyal Grumberg, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Madagascar), de nationalité malgache, demeurant à L-…, contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures du 18 février 2014 soumettant la transcription de son permis de conduire malgache en permis de conduire luxembourgeois à la condition qu’elle réussisse à un examen de contrôle pratique et contre une décision confirmative du même ministre du 15 avril 2014 intervenue suite à son recours gracieux du 31 mars 2014 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean-François Pierret, en remplacement de Maître Eyal Grumberg, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 juin 2015.

Il résulte de l’avis de la commission spéciale des permis de conduire prévue par l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désignés respectivement par « l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 » et par « la commission », que, le 20 décembre 2000, Madame … obtint un permis de conduire malgache de la catégorie B.

Le 23 octobre 1995, elle s’est installée définitivement au Grand-Duché de Luxembourg.

Le 16 juillet 2013, Madame … introduisit une demande de transcription de son permis de conduire malgache en permis de conduire luxembourgeois auprès du ministère du Développement durable et des Infrastructures, département des Transports, désigné ci-après par « le ministère ».

Le 5 août 2013, le ministre du Développement durable et des Infrastructures, ci-après désigné par « le ministre », chargea le Directeur général de la Police grand-ducale d’effectuer une enquête administrative dans le cadre de la demande de transcription du permis de conduire lui soumise.

Le 4 novembre 2013, la Police grand-ducale rédigea un rapport numéro …, duquel il ressort que Madame … a fait l’objet de deux avertissements taxés en date des 14 avril 2010 et 3 juin 2013, pour conduite d’un véhicule automoteur sans vignette fiscale valable et pour défaut de transporter une personne mineure dans un siège pour enfant, respectivement pour omission d’avoir fait transcrire son permis de conduire malgache en permis de conduire luxembourgeois.

Selon le même rapport, Madame … a encore fait l’objet de deux procès-verbaux de la part de la Police grand-ducale, l’un datant du 26 juin 1997 et portant sur plusieurs vices techniques constatés lors d’un contrôle de son véhicule, l’autre datant du 11 février 2005 et concernant la conduite, par une tierce personne, de son véhicule non couvert par une assurance responsabilité civile.

Par courrier du 30 décembre 2013, Madame … fut invitée à se présenter devant la commission.

Le 16 janvier 2014, Madame … se présenta devant la commission, qui, par un avis du même jour, proposa de faire droit à la demande de Madame … en vue de la transcription de son permis de conduire malgache en permis de conduire luxembourgeois, à condition qu’elle passe avec succès un examen de contrôle pratique, au motif qu’elle « n’offre pas, compte tenu des faits d’inhabilité ou de maladresse suffisamment concluants constatés à sa charge, les garanties nécessaires à la sécurité routière. » Par un arrêté du 18 février 2014, le ministre se rallia à l’avis précité de la commission et accepta la demande de Madame … en obtention d’un permis de conduire luxembourgeois par voie de transcription de son permis de conduire malgache sous condition qu’elle réussisse à un examen de contrôle pratique, ceci sur base des considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 2 et 13 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Vu l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Vu la demande en obtention d’un permis de conduire luxembourgeois par voie de transcription d’un permis de conduire malgache présentée par Madame …, née le … à … (Madagascar) et demeurant à L-… ;

Considérant que l’intéressée a été entendue le 16 janvier 2014 dans ses explications et moyens de défense par la Commission spéciale prévue à l’article 90 de l’arrêté grand-

ducal du 23 novembre 1955 précité ;

Vu l’avis du 16 janvier 2014 de la Commission spéciale ;

Considérant que l’intéressée n’offre pas, compte tenu des faits d’inhabilité ou de maladresse suffisamment concluants constatés à sa charge, les garanties nécessaires à la sécurité routière ; […] ».

Madame … fit introduire un recours gracieux par courrier de son mandataire du 31 mars 2014 à l’encontre de cet arrêté ministériel du 18 février 2014, lequel s’est soldé par une décision confirmative du ministre du 15 avril 2014, qui est libellée comme suit :

« […] Par la présente, j’accuse bonne réception de votre lettre du 31 mars 2014, par laquelle vous introduisez un recours gracieux contre l’arrêté ministériel du 18 février 2014 qui oblige votre mandante à passer avec succès un examen de contrôle pratique en vue de la transcription de con permis de conduire malgache.

Comme vous l’avez déjà indiqué dans votre lettre, Madame … s’est fait contrôler par la Police grand-ducale le 3 juin 2013, qui a dans la suite constaté que son permis de conduire malgache était dépourvu de toute validité. Cette situation irrégulière résultait du fait que votre mandante a omis de faire transcrire son permis de conduire malgache en permis de conduire luxembourgeois dans le délai prescrit par l’article 84 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, en l’occurrence dans un délai d’un an à compter de la prise de résidence normale de votre mandante au Grand-Duché de Luxembourg.

Il en résulte que Madame … se trouvait en infraction à l’article 84 précité pendant 18 ans, une période pendant laquelle elle n’avait pas le droit de conduire un véhicule automoteur sur la voie publique.

Or, dans le cas de votre mandante, j’ai décidé de faire passer à votre mandante un examen de contrôle pratique conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques et de l’article 84 précité. Cette mesure se voit justifiée par le fait que je suis dans l’obligation de m’assurer que Madame … présente toutes les aptitudes nécessaires à la conduite automobile.

Dès lors, j’invite votre mandante à s’inscrire dans une auto-école agréée au Grand-

Duché de Luxembourg afin de passer ledit examen.

Jusqu’à réussite dudit examen, le droit de conduire de votre mandante n’est plus donné.

Comme indiqué à l’article 2 de l’arrêté ministériel du 18 février 2014, Monsieur le Procureur Général d’Etat a été informé de la situation irrégulière de votre mandante. […] » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juillet 2014, Madame … a fait introduire un recours contre la décision du ministre du 18 février 2014 soumettant la transcription de son permis de conduire malgache en permis de conduire luxembourgeois à la condition qu’elle réussisse à un examen de contrôle pratique, ainsi que contre la décision confirmative du même ministre du 15 avril 2014 intervenue suite à son recours gracieux du 31 mars 2014.

Le délégué du gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours pour contradiction manifeste entre les motifs de la requête et son dispositif, étant donné que, dans le corps de la requête, la demanderesse demanderait l’annulation et subsidiairement la réformation des décisions déférées, alors que dans son dispositif elle demanderait à ce que son recours en annulation formulé à titre principal soit déclaré recevable.

La demanderesse n’a pas pris position quant à ce moyen.

Le moyen afférent du délégué du gouvernement mène de prime abord à la question de l’objet du recours.

A ce sujet, force est au tribunal de constater que, dans le corps de la requête introductive d’instance, la demanderesse a conclu principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation des deux décisions déférées, alors que le dispositif de la présente requête indique simplement que le « présent recours en annulation [est] formulé à titre principal ».

Il convient de noter qu’en cas de doute quant à la forme du recours, il faut se rapporter à son dispositif, étant donné qu’en principe, en vue de cerner utilement l’objet de la demande, la forme du recours (en réformation ou en annulation) et l’acte administratif qu’il vise sont à indiquer au dispositif de la requête introductive d’instance1, ce qui, en l’espèce, amène le tribunal à conclure que, dans la mesure où la demanderesse n’y conclut plus expressément à la réformation des décisions déférées, mais se limite à conclure, bien que principalement, à l’annulation des décisions déférées, et à défaut d’autres explications fournies par elle, elle a uniquement entendu introduire un recours en annulation contre les décisions déférées.

Etant donné que ni la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, désignée ci-après par « la loi du 14 février 1955 », ni l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, ni d’autres dispositions légales, ne prévoient de recours en réformation en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation.

Quant au moyen d’irrecevabilité tenant au reproche d’une contradiction de la requête, la circonstance que dans le corps de la requête introductive d’instance la demanderesse conclut à l’annulation sinon à la réformation des décisions déférées, tandis que suivant le dispositif elle conclut à l’annulation de ces décisions déférées n’affecte pas la recevabilité du recours, les droits de la défense de la partie étatique n’étant d’ailleurs pas affectés.

Il convient, en effet, de souligner que si la requête introductive doit contenir, entre autres, « l’objet de la demande », d’après les exigences posées par l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », aux termes de l’article 29 de la même loi, l’inobservation des règles de procédure n’entraîne cependant l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense.

D’après ledit article 29, la juridiction saisie est appelée à effectuer une analyse consistant à examiner, au-delà du caractère vérifié d’une inobservation alléguée d’une règle de procédure, si celle-ci a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense.

En l’absence de pareille atteinte, l’inobservation de la règle de procédure ne saurait entraîner l’irrecevabilité de la demande.2 1 Trib. adm. 22 juillet 2009, n° 24760 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 302 et les autres références y citées.

2 Cour adm. 1er juillet 2010, n° 26420C et 26421C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 289.

Force est au tribunal de noter que le délégué du gouvernement a pris position, dans son mémoire en réponse, par rapport à la requête introductive d’instance, de sorte que la partie étatique a pu assurer sa défense de façon valable et complète. Dès lors, en l’absence d’une violation des droits de la défense de la partie étatique, l’inobservation des règles de procédure invoquée n’a pu entraîner l’irrecevabilité de la demande.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement est à rejeter pour ne pas être fondé.

Le délégué du gouvernement conclut encore à l’irrecevabilité du recours introduit par la demanderesse au motif que cette dernière aurait accepté les décisions déférées en ayant consenti, lors de son audition devant la commission en date du 16 janvier 2014, à faire un examen de contrôle.

La demanderesse n’a pas pris position quant à ce moyen d’irrecevabilité.

Si l’existence de la notion d’acquiescement, issue de la procédure civile, en procédure administrative ne peut pas être exclue, sa définition reste peu circoncise. Or, quant aux modalités de l’acquiescement en procédure administrative, il y a lieu de constater que, tout comme en matière de procédure civile, il « ne se présume pas, mais peut se déduire de comportements qui expriment sans équivoque la volonté de ne pas contester la régularité d’un acte administratif ».3 En effet, « l’essentiel est de savoir si le requérant a par ses écrits, ses actes, ses attitudes renoncé à attaquer la décision administrative ».4 En l’espèce, le délégué du gouvernement entend déduire un acquiescement par la demanderesse aux décisions déférées des 18 février et 15 avril 2014 soumettant la transcription de son permis de conduire malgache en permis de conduire luxembourgeois à la condition de la réussite à un examen de contrôle pratique, du fait qu’elle a consenti, lors de son audition devant la commission en date du 16 janvier 2014, à se soumettre à un tel examen de contrôle.

Force est au tribunal de retenir que, s’il ressort effectivement du procès-verbal d’audition du 16 janvier 2014 que la demanderesse a déclaré devant la commission être « d’accord de faire un examen de contrôle », une telle déclaration, faite devant un organisme consultatif chargé de rendre un avis en vue de la prise d’une décision future par l’autorité administrative compétente, n’implique pas que la demanderesse ait renoncé à attaquer les décisions ministérielles subséquentes des 18 février et 15 avril 2014.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité afférent doit être rejeté pour ne pas être fondé.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse conclut à l’annulation de la décision déférée du 18 février 2014 pour excès et détournement de pouvoir, ainsi que pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés.

3 Michel Leroy, Contentieux administratif, quatrième édition, Bruylant 2008, p.533.

4 Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Incidents de procédure, n°28.

La demanderesse reproche tout d’abord au ministre de ne pas avoir suffisamment motivé ses décisions déférées. Plus particulièrement, le ministre se serait appuyé sur une base légale qui ne serait pas applicable en l’espèce, en l’occurrence l’article 2, paragraphe 1er, alinéa 1er, point 2 de la loi du 14 février 1955 et, d’autre part, il n’aurait pas précisé en quoi auraient concrètement consisté les faits d’inhabilité ou de maladresse lui reprochés et ayant mené à la conclusion qu’elle n’offrirait pas les garanties nécessaires à la sécurité routière.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Il convient de retenir qu’aux termes de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et de ses communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », : « Toute décision doit baser sur des motifs légaux. La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle :

- refuse de faire droit à la demande de l’intéressé ; […] » Force est tout d’abord de retenir que les décisions déférées sont du moins partiellement à qualifier de décisions de refus, en ce sens qu’elles refusent la transcription sans autres conditions du permis de conduire malgache de la demanderesse en permis de conduire luxembourgeois, de sorte que l’article 6 précité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est applicable.

Il convient ensuite de rappeler qu’une imprécision de motivation, à la supposer établie, ne constitue pas un vice susceptible d’entraîner l’annulation de la décision affectée, mais est tout au plus de nature à entraîner la suspension des délais de recours.5 Force est encore de retenir que, dès lors que la motivation expresse d’une décision peut se limiter, conformément à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, à un énoncé sommaire de son contenu, il suffit en l’occurrence, pour que l’acte de refus soit valable, que les motifs aient existé au moment du refus, ceux-ci pouvant encore être valablement fournis par l'auteur de la décision en cours de procédure contentieuse, sous l'obligation toutefois qu'un débat contradictoire ait pu avoir lieu impliquant toutes les parties à l'instance.6 En l’espèce, force est au tribunal de constater que la décision déférée du 18 février 2014 est suffisamment motivée en droit et en fait en ce qu’elle indique la cause juridique, notamment les articles 2 et 13 de la loi du 14 février 1955 et l’article 90 de l’arrêté grand-

ducal du 23 novembre 1955, ainsi que les circonstances de fait à sa base, en l’occurrence la référence faite à l’audition de la demanderesse par la commission en date du 16 janvier 2014, à l’avis de cette commission du même jour, ainsi qu’au constat que la demanderesse n’offrirait pas, compte tenu des faits d’inhabilité ou de maladresse suffisamment concluants constatés à sa charge, les garanties nécessaires à la sécurité routière.

Les mêmes conclusions s’imposent pour la décision confirmative du ministre du 15 5 Trib. adm. 23 décembre 2004, n° 18236 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 68.

6 Trib. adm. 26 février 2013, n° 30464 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 67.

avril 2014, dans laquelle le ministre a encore fait référence à l’article 84 de l’arrêté grand-

ducal du 23 novembre 1955 et a précisé, quant aux circonstances de fait à la base de ladite décision, que, lors d’un contrôle routier, la Police grand-ducale aurait constaté que le permis de conduire malgache de la demanderesse, faute d’avoir été transcrit dans le délai légal en permis de conduire luxembourgeois, serait dépourvu de toute validité. Le ministre a encore précisé que, de ce fait, la demanderesse se serait, pendant dix-huit ans, trouvée en infraction à l’article 84 de l’arrêté grand-ducal précité, période pendant laquelle elle n’aurait pas eu le droit de conduire un véhicule automoteur sur la voie publique. Finalement, le ministre a expliqué que la soumission de la demanderesse à un examen de contrôle pratique se justifierait par le fait qu’il serait dans l’obligation de s’assurer qu’elle présente toutes les aptitudes nécessaires à la conduite automobile.

Force est encore au tribunal de constater que le délégué du gouvernement a fourni, dans son mémoire en réponse, des explications supplémentaires relatives aux éléments de fait à la base des décisions déférées, et notamment le raisonnement se trouvant à la base de la pratique administrative appliquée dans le cas de la demanderesse. Ainsi, il précise que lorsque le détenteur d’un permis de conduire étranger soumis à transcription au Luxembourg conformément à l’article 84 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 aurait omis de demander ladite transcription endéans le délai légal d’un an, le ministre, afin de s’assurer que l’intéressé présente les garanties nécessaires à la sécurité routière prévues par l’article 2 de la loi du 14 février 1955, le soumettrait à la procédure prévue par l’article 90 de l’arrêté grand-

ducal précité afin de lui permettre néanmoins la transcription de son permis de conduire étranger en permis de conduire luxembourgeois, malgré le dépassement du délai d’un an inscrit à l’article 84 précité.

Le ministre a encore indiqué que, dans le cas de la demanderesse, il aurait été constaté qu’elle aurait conduit pendant dix-huit ans avec un permis de conduire non valable et que, pendant cette période, elle aurait fait l’objet, d’une part, d’un avertissement taxé le 14 avril 2010 pour défaut de présenter une vignette fiscale valable, ainsi que pour défaut de placer une personne mineure dans un siège pour enfant et, d’autre part, d’un procès-verbal le 11 février 2005 pour avoir laissé conduire, en tant que propriétaire, une tierce personne sans que le véhicule n’ait été couvert par une assurance valable.

Le tribunal est dès lors amené à conclure que la demanderesse n’a pas pu se méprendre sur la motivation à la base des décisions déférées, de sorte que ses droits de la défense n’ont pas été violés, étant relevé, par ailleurs, que l’indication de la motivation n’est pas à confondre avec le bien-fondé d’une motivation.

Il s’ensuit que le moyen afférent, pour autant qu’il est basé sur le reproche d’un défaut de motivation ou d’une motivation insuffisante, laisse d’être fondé.

Pour le surplus, quant au reproche tenant à l’indication d’une base légale erronée, et qui a trait au bien-fondé du moyen, ce moyen sera examiné ci-après.

La demanderesse conclut ensuite à l’annulation de la décision confirmative du ministre du 15 avril 2014 pour violation de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, au motif qu’elle aurait omis d’indiquer les voies de recours.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Force est au tribunal de relever que la décision du ministre déférée du 15 avril 2014, intervenue à la suite du recours gracieux introduit par la demanderesse à l’encontre de la décision ministérielle déférée du 18 février 2014 et confirmant cette dernière en rappelant à la demanderesse qu’afin d’obtenir la transcription de son permis de conduire malgache en permis de conduire luxembourgeois, elle devrait passer avec succès un examen de contrôle pratique, conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi du 14 février 1955, ne comporte pas d’instruction sur les voies de recours et ce contrairement aux exigences posées par l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979. Cet article fait en effet obligation à l'autorité administrative d'indiquer les voies et délai de recours sur toute décision « refusant de faire droit, en tout ou en partie, aux requêtes des parties ou révoquant ou modifiant d’office une décision ayant créé ou reconnu des droits ».

S’il est vrai qu’une réponse donnée par l'administration à la suite d'une réclamation ou d'un recours gracieux qui est purement et simplement confirmative de la décision antérieure ne doit pas comporter une nouvelle information sur les voies de recours, cette dispense ne s’applique que si la décision initiale comporte une indication sur les voies de recours conforme à l’article 14 précité.7 En l’espèce, il est constant que la décision initiale déférée intervenue en date du 18 février 2014 comporte, dans son article 3, une indication correcte des voies de recours ouvertes.

En outre, il échet de noter que la demanderesse ne saurait, en présence d’une requête introductive d’instance tendant à l’annulation de la décision incriminée et déposée de surcroît dans le délai prévu par les textes par un avocat inscrit sur la liste I, tirer un quelconque droit de l’omission de l’indication des voies de recours, étant donné que cette omission n’a pas porté à conséquence, de sorte qu’elle ne saurait se prévaloir d’un quelconque grief.8 Il s’ensuit que le moyen afférent est rejeté pour ne pas être fondé.

La demanderesse fait encore valoir que les décisions déférées reposeraient sur une base légale inapplicable en l’espèce, en l’occurrence l’article 2, paragraphe 1er, point 2 de la loi du 14 février 1955. La demanderesse estime, par ailleurs, que les décisions déférées violeraient l’article précité, étant donné qu’aux termes de celui-ci le ministre ne saurait refuser la transcription d’un permis de conduire civil que si son détenteur n’offre pas, compte tenu des faits d’inhabilité ou de maladresse suffisamment concluants constatés à sa charge, les garanties nécessaires à la sécurité routière, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

A ce sujet, la demanderesse prétend que l’omission d’avoir demandé la transcription de son permis de conduire malgache en permis de conduire luxembourgeois dans le délai légal ne saurait être qualifiée de fait d’inhabileté ou de maladresse au volant d’un véhicule au sens de l’article 2 précité de la loi du 14 février 1955. Il en serait de même des faits ayant donné lieu aux deux procès-verbaux de police de 1997 et de 2005, ainsi qu’à l’avertissement taxé du 14 avril 2010. Elle souligne encore qu’elle conduirait sur le territoire luxembourgeois depuis plus de dix-huit ans, fait reconnu par la partie étatique, sans avoir jamais commis des infractions d’excès de vitesse ou de conduite sous influence d’alcool ou encore avoir causé un accident de la circulation, de sorte qu’elle présenterait toutes les garanties nécessaires à la sécurité routière.

7 Trib. adm. 4 juin 2008, n° 23347 du rôle ; Cour adm. 17 avril 2008, n° 23110C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 213.

8 Trib. adm. 24 novembre 2009, n° 25580 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 212.

Le délégué du gouvernement fait valoir que les motifs se trouvant à la base de la décision déférée trouveraient leur fondement juridique dans l’article 2, paragraphe 1er, point 2 de la loi du 14 février 1955 et de l’article 90 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955.

A cet égard, le délégué du gouvernement expose qu’étant donné que la demanderesse, faute d’avoir demandé la transcription de son permis de conduire malgache en permis de conduire luxembourgeois dans le délai légal, en l’occurrence dans l’année ayant suivi son établissement au Luxembourg le 23 octobre 1995, aurait conduit pendant plus de quinze ans sans permis valable au Luxembourg. Dans la mesure où une application stricte de l’article 84 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 rendrait irrecevable toute demande de transcription d’un permis de conduire d’un pays tiers introduite après le délai d’un an, les dispositions de l’article 2 de la loi du 14 février 1955 permettraient au ministre de ne pas faire grief aux personnes se trouvant dans une telle situation et de considérer leur demande afférente comme recevable, ce qui entraînerait cependant le déclenchement de la procédure prévue à l’article 90 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955.

Concernant plus particulièrement la demanderesse, le délégué du gouvernement précise que, puisque le ministre ne pourrait pas vérifier à quelle fréquence et sous quelles conditions la demanderesse aurait conduit son véhicule les dernières années, la soumission de la transcription de son permis de conduire à la réussite d’un examen de contrôle pratique permettrait au ministre de s’assurer qu’elle dispose de l’habilité et de l’adresse nécessaires pour être déclarée apte à conduire un véhicule automoteur sur la voie publique luxembourgeoise.

Aux termes de l’article 84, point 2 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 : « […] 2. Les permis de conduire délivrés par les autorités d’un pays tiers à l’Espace Economique Européen, doivent être transcrits en permis de conduire luxembourgeois dans le délai d’un an à compter de la prise de résidence normale du titulaire au Luxembourg.

Les personnes qui sollicitent un permis de conduire luxembourgeois doivent produire les pièces visées à l’article 78 et remettre le ou les permis de conduire étrangers; la production de la pièce spécifiée sous 3) de l’article 78 n’est requise qu’en cas d’examen ou de réexamen pratique. En vue de la transcription, le titulaire du permis doit remplir les conditions d’âge prévues à l’article 73.

La transcription des permis de conduire visés à l’alinéa 1 requiert la réussite à un examen de contrôle, à l’exception de ceux correspondant aux catégories A, A2, A1, AM, B, BE ou F du permis de conduire luxembourgeois et délivrés par les autorités d’un pays qui est partie contractante de la Convention sur la circulation routière signée à Genève, le 19 septembre 1949, approuvée par la loi du 22 juillet 1952, ou de la Convention sur la circulation routière, signée à Vienne, le 8 novembre 1968 et approuvée par la loi du 27 mai 1975.

L’examen de contrôle répond aux modalités du paragraphe 3 de l’article 81.

La transcription des permis de conduire délivrés par les autorités d’un pays tiers à l’Espace Economique Européen, est refusée lorsqu’au moment de la délivrance, le titulaire n’avait pas sa résidence normale ou la qualité d’étudiant pendant au moins six mois dans le pays qui a délivré le permis. […] » Il se dégage de ces dispositions que les titulaires d’un permis de conduire délivré par des autorités d’un pays tiers à l’Espace Economique Européen doivent faire transcrire, dans un délai d’un an à compter de leur prise de résidence normale au Luxembourg, leur permis de conduire en permis de conduire luxembourgeois et que cette transcription dépend, entre autre, de la réussite à un examen de contrôle. Sont cependant dispensés d’un tel examen, les titulaires des permis de conduire correspondant aux catégories A, A2, A1, AM, B, BE ou F du permis de conduire luxembourgeois et délivrés par les autorités d’un pays qui est partie contractante de la Convention sur la circulation routière signée à Genève, le 19 septembre 1949, approuvée par la loi du 22 juillet 1952, ou de la Convention sur la circulation routière, signée à Vienne, le 8 novembre 1968 et approuvée par la loi du 27 mai 1975. Dès lors qu’il ressort de la liste des Etats signataires de chacune des deux conventions précitées que le Madagascar est partie contractante, la demanderesse était a priori dispensée de l’examen de contrôle prévu par l’article 84, point 2, paragraphe 3 de l’arrêté grand-ducal du 28 novembre 1955.

Toutefois, force est de constater que la demanderesse n’a pas demandé la transcription de son permis de conduire malgache en permis de conduire luxembourgeois endéans le délai d’un an à compter de sa prise de résidence normale au Luxembourg, étant relevé qu’il n’est pas contesté qu’elle a pris sa résidence normale au Luxembourg à partir du 23 octobre 1995.

Par contre, aux termes de l’article 2 de la loi du 14 février 1955 : « Le ministre ayant les Transports dans ses attributions, désigné ci-après «le ministre», délivre les permis de conduire civils; il peut refuser leur octroi, restreindre leur validité, les suspendre et les retirer, refuser leur restitution, leur renouvellement ou leur transcription et même refuser l’admission aux épreuves si l’intéressé: […] 2) n’offre pas, compte tenu des faits d’inhabileté ou de maladresse suffisamment concluants constatés à sa charge, les garanties nécessaires à la sécurité routière ; […] ».

Il s’ensuit que le ministre peut notamment refuser la transcription d’un permis de conduire si le titulaire n’offre pas, compte tenu des faits d’inhabilité ou de maladresse suffisamment concluants et constatés à sa charge, les garanties nécessaires à la sécurité routière.

En l’espèce, le tribunal est amené à retenir, de concert avec la partie étatique, que faute pour la demanderesse, ayant pris sa résidence normale au Luxembourg à partir du 23 octobre 1995, d’avoir respecté le délai de transcription d’un an prescrit par l’article 84, point 2 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, lequel est, partant, dépassé de plus de quinze ans dans le cas de l’espèce, elle a conduit un véhicule automoteur pendant toute cette sans permis de conduire valable.

A ce sujet, il convient de noter qu’aux termes de l’article 73, paragraphe 3 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 : « Nul ne peut conduire sur la voie publique un véhicule automoteur […], s’il ne remplit pas les conditions requises pour la délivrance de la catégorie correspondante du permis de conduire, prévues à l’article 76. » L’article 74 du même arrêté grand-ducal dispose en ses paragraphes 1 et 2, par ailleurs, « 1. Tout conducteur d’un véhicule routier […] doit être titulaire d’un permis de conduire ou détenir un certificat d’apprentissage établi à son nom, valable pour la conduite du véhicule […].

2. Sans préjudice des dispositions des paragraphes 1. et 2. de l’article 84, le conducteur qui a sa résidence normale au Luxembourg doit être titulaire d’un permis de conduire luxembourgeois. » Finalement, aux termes de l’article 75, paragraphe 1er, alinéa 3 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 : « Le ministre ayant les Transports dans ses attributions peut à tout moment vérifier si les permis de conduire utilisés pour conduire un véhicule […] sur les voies publiques luxembourgeoises sont en cours de validité. Cette prérogative vaut également pour les permis présentés à l’échange, à la transcription ou à l’enregistrement. » Dans la mesure où le ministre a, dans le cadre de l’examen de la demande de la demanderesse en transcription de son permis de conduire malgache en permis de conduire luxembourgeois, constaté l’invalidité dudit permis de conduire, il aurait pu refuser purement et simplement la transcription du permis de conduire de la demanderesse, tout en l’invitant à introduire une demande en obtention d’un permis de conduire luxembourgeois soumise aux conditions prévues par les articles 77 et suivants de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, consistant, en l’occurrence, en la remise d’un certificat médical d’aptitude, en la participation à des cours théoriques et pratique, ainsi qu’en la réussite à des examens théoriques et pratiques.

En ayant soumis la transcription du permis de conduire malgache de la demanderesse en permis de conduire luxembourgeois à la réussite d’un examen de contrôle, le ministre a fait bénéficier cette dernière d’un traitement de faveur, de sorte qu’aucun reproche ne saurait être formulé à l’encontre du ministre.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 2.000.- euros formulée par la demanderesse en application de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non fondé et en déboute ;

rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure à hauteur de 3.000.- € formulée par la demanderesse ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Jackie Maroldt, attaché de justice, et lu à l’audience de vacation du 22 juillet 2015 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24.07.2015 Le greffier du tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 34860
Date de la décision : 22/07/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-07-22;34860 ?

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