Tribunal administratif Numéro 35018 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 août 2014 2e chambre Audience publique du 13 juillet 2015 Recours formé par la société à responsabilité limitée …..
contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 35018 du rôle et déposée le 6 août 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain Steichen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée ….., inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, établie et ayant son siège social à L-
…, représentée par son conseil de gérance actuellement en fonction, tendant à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 27 mai 2014 portant le numéro C19771 du rôle ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Alain Steichen en sa plaidoirie à l’audience publique du 20 avril 2014.
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Par courrier du 17 décembre 2013, le bureau d’imposition Sociétés 6, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », informa la société à responsabilité limitée ….., ci-après « la société …..», qu’il avait l’intention de s’écarter sur différents points de la déclaration fiscale de l’année 2007 :
« étant donné qu’aucune demande d’intégration fiscale au sens de l’article 164 bis L.I.R. n’a été présentée et que le bureau d’imposition ne dispose pas d’une pièce justificative, le régime d’intégration est refusé ».
En date du 29 janvier 2014, le bureau d’imposition émit le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour les années 2009, 2010, 2011 et les bulletins de l’impôt commercial pour les années 2009 et 2011, le décompte à la suite des bulletins de l’impôt du 29 janvier 2014 duquel il ressort que la société ….. était redevable d’un montant de …. euros ayant été émis le même jour La société …..ainsi que la société à responsabilité limitée …., ci-après désignée par « la société ….. », introduisirent par courrier de leur litismandataire du 28 mars 20141 une réclamation contre les bulletins d'imposition sus-visés auprès du directeur de l'administration des Contributions Directes, ci-après désigné par « le directeur », tendant à contester l’établissement desdits bulletins d'imposition pour non-respect du régime d’intégration fiscale tel que prévu à l’article 164 bis de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « L.I.R. », laquelle fut rejetée par décision du directeur du 16 juin 2014 portant le numéro C19610 du rôle.
Par courrier de son litismandataire du 28 mars 2014, la société …..introduisit auprès du préposé du bureau d’imposition principalement une demande de sursis à exécution et subsidiairement une demande de sursis de paiement.
Par décision du 2 avril 2014, le préposé du bureau d’imposition refusa de faire droit à la demande principale de sursis à exécution sans pour autant se prononcer sur la demande subsidiaire de sursis de paiement.
Par courrier de son litismandataire du 29 avril 2014, la société …..introduisit auprès du directeur une contestation à l’encontre de la décision de refus du préposé du bureau d’imposition du 2 avril 2014 sus-visée.
Le directeur rejeta, par décision du 27 mai 2014 portant le numéro C 19771 du rôle, la contestation comme étant non fondée, laquelle est libellée dans les termes suivants :
« Vu la requête introduite le 30 avril 2014 par Me Alain STEICHEN, au nom de la société à responsabilité limitée …., contre une décision du bureau d'imposition Sociétés 6 du 2 avril 2014 refusant de faire droit à la demande en obtention d'un sursis à l'exécution des bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de l'impôt commercial communal des années 2009, 2010 et 2011;
Vu le dossier fiscal;
Quant à la recevabilité Considérant qu'en vertu du § 237 de la loi générale des impôts (AO) la voie de recours ouverte contre une telle décision est le recours hiérarchique formel du § 303 AO (Beschwerde) dans le délai de trois mois (§§237 et 245 AO) à partir de la réception (§91 AO);
Considérant que le recours contre la décision en cause a été introduit par qui de droit (§303 AO) dans les forme (§249 AO) et délai de la loi;
qu'il est partant recevable;
Quant au fond 1 Erronément daté du 28 mars 2013 Considérant que la recourante a introduit le 28 mars 2014 une réclamation, enrôlée sous le no 19610 du rôle, contre les bulletins sus-énoncés ;
Considérant que le § 251 AO autorise le bureau d'imposition à accorder un sursis à exécution à condition que la réclamation sur laquelle se greffe la demande de sursis ait des chances sérieuses de prospérer ;
qu'en vertu de cette disposition, le bureau d'imposition dispose d'un pouvoir discrétionnaire et doit donc, de cas en cas, mesurer la décision en raison et en équité, conformément au § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) ;
Considérant qu'en l'espèce, le bureau d'imposition a estimé, après un examen sommaire des réclamations au fond, que la réformation des bulletins entrepris était peu probable et par conséquent a refusé d'accorder un sursis à exécution ;
Considérant que l'instruction n'ayant pas révélé de violation de la loi ni d'erreur manifeste d'appréciation de la part du bureau d'imposition, le recours contre la décision du bureau d'imposition du 21 avril 2014 n'est pas fondé, sans préjudice du sort des réclamations pendantes ;
PAR CES MOTIFS reçoit le recours en la forme ;
le rejette comme non fondé. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 août 2014, la société …..a fait introduire un recours tendant à l’annulation de ladite décision du directeur du 27 mai 2014.
Par requête déposée séparément au greffe du tribunal administratif le même jour, la société ….. et la société …..introduisirent un recours tendant à la réformation de la décision du directeur du 16 juin 2014 inscrite sous le numéro C19610 du rôle portant refus de leur réclamation introduite à l’encontre des bulletins du 29 janvier 2014, lequel fut inscrit sous le numéro 35016 du rôle.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 237 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 2. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif à l’encontre d’une décision du directeur portant rejet d’une demande visant à contester le refus d’un sursis à exécution.
Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Si la partie défenderesse ou un tiers intéressé ne comparaît pas dans le délai prévu à l'article 5 de la loi du 21 juin 1999 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal statue néanmoins à l'égard de toutes les parties.2.
2 trib. adm. 29 mai 2000 n°11603 du rôle, Pas. adm. 2015, V° Procédure contentieuse, n° 753 En droit, la demanderesse soulève en substance l’illégalité externe de la décision déférée qui serait caractérisée par un défaut de motivation. Elle fait valoir que la décision litigieuse dont la rédaction serait aussi lacunaire que celle de la décision du bureau d'imposition, l’empêcherait d'apprécier les raisons et le bien-fondé des moyens qui la sous-tendent ce qui, in fine, la priverait à la fois de faire valoir ses arguments et d'organiser pleinement sa défense. Elle fait plaider que le libellé de la décision, selon lequel l'administration des Contributions directes ne serait pas encline à accorder un sursis à exécution, « l'instruction n'ayant pas révélé de violation de la loi » sans autre explications ou développements, conduirait au sentiment que l'administration confondrait le pouvoir discrétionnaire avec un pouvoir arbitraire. Elle considère encore qu’elle ne serait pas en position de cerner à quel titre la décision déférée aurait été prise « en raison et en équité », alors que les éléments qu’elle met en avant démontreraient la légitimité de son recours. En s’appuyant sur la jurisprudence du tribunal de céans, elle relève en outre que le pouvoir discrétionnaire de l'administration ne serait pas illimité et qu’il serait soumis au contrôle de ce dernier. Elle rappelle encore que l’octroi d'un sursis à exécution serait soumis à deux conditions, à savoir, d’une part, l'exécution de la décision attaquée devrait risquer de causer au contribuable un préjudice grave et difficilement réparable et, d’autre part, les moyens invoqués à l'appui du recours devraient apparaître comme sérieux. Elle estime qu’en l’espèce, ces deux conditions seraient réunies.
Le § 258 AO dispose que : « (1) Bei Zurückweisung des Rechtsmittels soll die Entscheidung das tatsächlich und rechtliche Vorbringen und die Beweisergebnisse würdigen. Hinzugefügt werden soll eine Belehrung, welches Rechtsmittel weiter zulässig ist und binnen welcher Frist und wo es einzulegen ist ».
Ainsi, le contenu de la décision directoriale de refus doit avoir pris en compte les moyens de fait et de droit ainsi que les éléments de preuve et doit comporter une information quant aux voies de recours ouverts à son encontre.
En l’espèce, il ressort du libellé même de la décision déférée que le directeur a invoqué à l’appui de son refus le § 251 AO qui permettrait au bureau d’imposition d’accorder un sursis à exécution à un demandeur à condition que la réclamation sur laquelle se greffe la demande de sursis ait des chances sérieuses de prospérer. Le directeur s’est encore référé au § 2 de la loi d’adaptation fiscale, ci-après désignée par « Steueranpassungs-Gesetz », en abrégé « StAnpG » qui accorderait ce pouvoir au bureau d’imposition sur une base discrétionnaire de sorte à prendre la décision en raison et en équité. Il a ensuite indiqué qu’en l’espèce, le bureau d’imposition aurait considéré, après un examen sommaire des réclamations au fond, que la réformation des bulletins entrepris serait peu probable et aurait, par conséquent, refusé d’accorder un sursis à exécution. Il a enfin conclu que l’instruction n’aurait pas révélé de violation de la loi ni d’erreur manifeste d’appréciation de la part du bureau d’imposition, de sorte à rejeter le recours.
Aux termes du § 251 AO :« Durch Einlegung eines Rechtsmittels wird die Wirksamkeit des angefochtenen Bescheids nicht gehemmt, insbesondere die Erhebung einer Steuer nicht aufgehalten.
Die Behörde, die den Bescheid erlassen hat, kann die Vollziehung aussetzen, geeignetenfalls gegen Sicherheitsleistung ».
Le principe inscrit dans cette disposition est celui selon lequel l'introduction d'une réclamation n'est pas suspensive de l’obligation du paiement de l’impôt contesté. Il existe néanmoins une exception à ce principe d’exigibilité de l’impôt qui est laissée ouverte à l’appréciation du bureau d’imposition ayant émis le bulletin. Ce dernier doit agir dans les limites du § 2 StAnpG qui dispose que « (1) Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessen s-
Entscheidungen), müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessens-Entscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen. ».
Ainsi, l’administration qui use d’un pouvoir discrétionnaire doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité dans le cadre des limites légales.
En l’espèce, il ressort de la décision déférée que le directeur a estimé que le bureau d’imposition a considéré, après un examen sommaire dans le cadre de la demande de sursis à l’exécution du paiement de l’impôt dû en vertu des bulletins litigieux que la réformation de ces derniers seraient peu probable et que l’instruction n’aurait pas révélé de violation de la loi ni d’erreur manifeste d’appréciation de la part du bureau d’imposition.
Force est ainsi de constater que la motivation ci-avant énoncée par le directeur dans le cadre de la décision déférée est conforme au prescrit du § 2 StAnpG en ce qu’elle indique que le bureau d’imposition a estimé de manière discrétionnaire après un examen sommaire de la demande de sursis en exécution du paiement de l’impôt dû en vertu des bulletins litigieux que leur chance de réformation serait peu probable et qu’aucune disposition légale n’aurait été violée. Cette motivation répond également au prescrit du § 258 AO, dont la teneur a été rappelée plus en avant, en ce que les moyens de fait et de droit ainsi que les éléments de preuve ont été pris en considération, certes de manière sommaire, par le directeur.
Il s’ensuit que le moyen d’illégalité externe de la décision est à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant au moyen tiré du préjudice grave et difficilement réparable dans le chef de la demanderesse, force est au tribunal de constater que si la demanderesse invoque certes un défaut de trésorerie de nature à entraîner éventuellement une procédure de faillite à son encontre, cette circonstance est étrangère aux conditions posées au § 251 AO rappelées plus en avant et constitue un préjudice de nature pécuniaire qui s’analyse en une question de responsabilité civile échappant à la compétence du tribunal de sorte que le moyen doit être rejeté pour ne pas être fondé3.
Quant au moyen tiré du sérieux des moyens invoqués, outre le fait que la demanderesse affirme en substance avoir mis en œuvre tous les moyens matériels, humains et financiers 3 trib. adm. 29 septembre 2014, n° 31972 du rôle disponible sous www.jurad.etat.lu nécessaires pour bénéficier du régime de l’intégration fiscale en ce compris les services de professionnels qui auraient agi avec diligence et qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base des conclusions de la demanderesse, il doit également être rejeté pour ne pas être de nature à remettre en cause l’appréciation faite par le directeur selon laquelle l’instruction du dossier n’aurait pas révélé de violation de la loi ni d’erreur manifeste d’appréciation de la part du bureau d’imposition.
Au vu des développements qui précèdent, le recours en annulation doit être rejeté pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros formulée par la demanderesse est à rejeter au vu de l’issue du litige et étant donné qu’elle omet de spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qu’elle ne précise pas en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à la charge de la partie demanderesse.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le rejette pour ne pas être fondé ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros formulée par la demanderesse ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge Daniel Weber, juge et lu à l’audience publique du 13 juillet 2015 par le premier juge, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15.7. 2015 Le greffier du tribunal administratif 6