Tribunal administratif N° 36189 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 avril 2015 Ière chambre Audience publique du 15 juin 2015 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 36189 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2015 par Maître Faisal Quraishi, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Albanie), de nationalité albanaise, alias …, né le … en Albanie, de nationalité albanaise, alias …, né … en Albanie, de nationalité albanaise, alias …, né … en Albanie, de nationalité albanaise, alias …, né … en Albanie, de nationalité albanaise, alias …, né … en Albanie, de nationalité albanaise, alias …, né … en Albanie, de nationalité albanaise, alias …, né … en Albanie, de nationalité albanaise, alias …, né … en Albanie, de nationalité albanaise, alias …, né l… en Albanie, de nationalité albanaise, alias, …, né … en Albanie, de nationalité albanaise, alias …, né … en Albanie, de nationalité albanaise, alias …, né … en Albanie de nationalité albanaise, alias …, né … en Albanie, de nationalité albanaise, alias …, né … en Roumanie, de nationalité roumaine, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 avril 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2015 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Laura Urbany, en remplacement de Maître Faisal Quraishi, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.
Le 11 décembre 2014, Monsieur …, alias …, alias …, alias …, alias …., alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, ci-après dénommé « Monsieur … », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du même jour.
Le 16 décembre 2014, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement UE 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».
Monsieur … fut encore entendu les 19 février et 11 mars 2015 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 7 avril 2015, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre » informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1), points a) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2015, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre du 7 avril 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 7 avril 2015 de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A titre liminaire, il convient de prime abord d’examiner les contestations du demandeur quant à la mise en cause par le ministre de la crédibilité de son récit. En toute hypothèse, il affirme que ses déclarations seraient parfaitement crédibles.
Le délégué du gouvernement, à l’instar du ministre, soulève des incohérences entachant le récit de Monsieur …. Il relève des contradictions quant à son passé en Italie et souligne que le demandeur ne connaît pas l’abréviation correcte du nom du parti duquel il serait partisan. La partie étatique met également en doute la supposition du demandeur que le gouvernement albanais serait l’instigateur des attaques mentionnées par le demandeur lors de son audition, alors que son parti aurait été un allié des autorités en place. Finalement, la référence faite par le demandeur à une dette de sang dans la fiche de renseignements au moment du dépôt de la demande de protection internationale, fait sur lequel Monsieur … ne reviendrait plus lors de son audition auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, serait de nature à jeter de l’ombre sur la crédibilité des faits et des motifs de fuite invoqués par le demandeur.
Ainsi, il serait peu crédible que le demandeur aurait milité pour le Parti de l’Intégration et de l’Unité, étant donné qu’il n’aurait pas indiqué l’abréviation correcte du nom du parti politique. D’après la partie étatique, l’on pourrait s’attendre à ce qu’une personne qui aurait préparé des pancartes pour le parti devrait au moins savoir comment écrire l’abréviation du parti pour lequel elle militerait, peu importe son niveau d’étude. Le ministre précise dans la décision déférée qu’aucun parti albanais ne serait enregistré sous le nom de « … », par contre il existerait un parti « … » à savoir, le « … ». Il s’étonne encore du fait que le demandeur ne serait pas capable de désigner le vrai nom de son parti qu’il appelle « … ».
Le ministre relève encore que le … aurait fait partie de « l’Alliance pour une Albanie européenne » qui aurait gagné les élections législatives de 2013, de sorte que ledit parti aurait été un « allié des autorités » et que conséquemment les allégations du demandeur, selon lesquelles il serait visé par les autorités albanaises, ne seraient non seulement hypothétiques mais également insensées.
Il échet de rappeler que l'article 26 (5) de la loi du 5 mai 2006 dispose comme suit :
« Lorsque certains aspects des déclarations du demandeur ne sont pas étayés par des preuves documentaires ou autres, ces aspects ne nécessitent pas confirmation lorsque les conditions suivantes sont remplies:
a) le demandeur s'est réellement efforcé d'étayer sa demande;
b) tous les éléments pertinents à la disposition du demandeur ont été présentés et une explication satisfaisante a été fournie quant à l'absence d'autres éléments probants;
c) les déclarations du demandeur sont jugées cohérentes et plausibles et elles ne sont pas contredites par les informations générales et particulières connues et pertinentes pour sa demande;
d) le demandeur a présenté sa demande de protection internationale dès que possible, à moins qu'il puisse avancer de bonnes raisons pour ne pas l'avoir fait; et e) la crédibilité générale du demandeur a pu être établie.» Force est au tribunal de constater que les invraisemblances soulevées par la partie étatique dans les déclarations du demandeur ne sont pas de nature à ébranler la crédibilité générale de son récit, d’autant plus qu’elles portent essentiellement sur des indications secondaires, et non point sur les attaques subies par le demandeur de la part de personnes inconnues, raison l’ayant amené à quitter son pays d’origine et se trouvant à la base de la demande de protection internationale du demandeur. Le tribunal est dès lors amené à considérer les déclarations du demandeur comme étant avérées, d’autant plus que les abréviations … et … sont phonétiquement semblables et que le demandeur a, lors de son entretien auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, précisé les noms du président ainsi que d’un député du parti pour lequel il déclare être militant. Il a fourni par ailleurs des détails quant à l’organisation de ce parti. Dans ce contexte, il y a lieu de relever que le demandeur explique ne pas avoir été un membre actif du … mais uniquement un simple militant. Le tribunal constate encore que le demandeur a déclaré lors de son entretien, sur question spéciale de l’agent ayant mené ledit entretien, qu’il aurait utilisé la terminologie « dette de vengeance » sur la fiche des motifs au moment du dépôt de sa demande de protection internationale parce qu’il n’aurait pas connu d’autres mots pour décrire ses problèmes en Albanie1. Le fait de n’avoir par après plus employé les mots « dette de sang » et avoir clairement expliqué lors de l’entretien que les motifs à la base de sa demande de protection internationale seraient d’ordre politique, le tribunal est amené à considérer que cette incohérence, ensemble avec les autres moyens liés à la crédibilité du récit de Monsieur …, n’est pas de nature à remettre en cause la crédibilité générale des déclarations faites par le demandeur lors de son entretien, d’autant plus que le ministre n’a pas conclu à un rejet de sa demande de protection internationale au motif que son récit ne serait pas crédible, mais il a en revanche procédé à une analyse du fond de la demande, de sorte que le moyen relatif à un manque de crédibilité est à rejeter pour ne pas être fondé.
A l’appui de son recours contre la décision de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, Monsieur … reproche au ministre d’avoir à tort appliquer l’article 20 de la loi du 5 mai 2006, ce qui serait constitutif d’un abus de droit, alors qu’une persécution sinon une crainte réelle de persécution, menaces et attentat à la vie en Albanie apparaîtraient clairement des entretiens auprès du ministère des affaires étrangères et européennes des 19 février et 11 mars 2015. Il souligne avoir fait l’objet de plusieurs agressions graves entre 2009 et 2014 en raison du fait qu’il aurait été militant du parti « … », respectivement « … » et que les autorités de police n’auraient pas su l’aider. Le demandeur aurait été dans l’impossibilité de vivre dans ce pays, alors qu’il n’y aurait pas pu exprimer ses opinions politiques librement et il reproche au ministre d’avoir considéré que l’Albanie serait un Etat démocratique qui veillerait aux droits et libertés fondamentales tout en ayant un système judiciaire indépendant. Monsieur … souligne que le ministre aurait pris la décision sans tenir compte de sa situation concrète.
La décision serait partant à annuler pour défaut de motivation, excès de pouvoir, abus de pouvoir ou irrégularité formelle.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
En ce qui concerne tout d’abord le prétendu défaut de motivation et la prétendue irrégularité formelle de la décision ministérielle déférée, force est de relever que le demandeur se contente de faire état d’un défaut de motivation respectivement d’une irrégularité formelle, sans autrement expliquer son moyen. Faute d’avoir soutenu ce moyen par des explications circonstanciées, le tribunal ne saurait se prononcer sur un défaut de motivation respectivement une irrégularité formelle, étant rappelé qu’il est de jurisprudence constante qu’il n’appartient pas au tribunal de pallier la carence des parties dans la présentation de leurs moyens d’annulation.
En ce qui concerne la légalité intrinsèque de la décision critiquée et plus particulièrement les moyens d’annulation fondés sur un excès ou détournement de pouvoir commis par le ministre, le tribunal est là encore amené à relever que le demandeur se contente d’invoquer ces moyens sans pour autant les développer. Or, le tribunal n’est pas en mesure de prendre position par rapport à des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement.
1 Cf. rapport d’audition du demandeur, p.13 Il s’ensuit que ces moyens d’annulation doivent également être écartés pour ne pas être fondés.
Ensuite, il y a lieu de relever que la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, aux termes desquels : « (1) Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;
(…) c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; (…) ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.
Plus particulièrement, tout d’abord, en ce qui concerne le point c) de l’article 20 (1), précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.
(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne soit par règlement grand-ducal.
(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécutions au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme d’origine sûr :
a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international de droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;
c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » En l’espèce, il est constant en cause que, par règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », l’Albanie a été reconnue comme étant un pays d’origine sûr, de sorte qu’il y a lieu de conclure que c’est a priori à bon droit que le ministre a pu conclure que le demandeur, qui a la nationalité albanaise et qui a habité en Albanie avant de venir au Luxembourg, provient d’un pays d’origine sûr.
S’il est certes exact que l’énumération d’un pays d’origine sûr dans la liste du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 ne constitue qu’une présomption que ce pays est à considérer comme un pays d’origine sûr et qu’aux termes de l’article 21, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006 un examen de la situation individuelle du demandeur de protection internationale est indispensable pour pouvoir considérer que concrètement pour le demandeur de protection internationale considéré individuellement, le pays de provenance est à considérer comme pays d’origine sûr, force est au tribunal de constater que les moyens invoqués en l’espèce par le demandeur ne sont pas de nature à renverser cette présomption.
En effet, l’analyse de la situation personnelle du demandeur ne permet pas d’en dégager des éléments suffisants pouvant mener à une réévaluation de la situation générale de l’Albanie et à mettre en doute la présomption que ce pays est à qualifier de pays d’origine sûr au sens du règlement grand-ducal précité. Le simple fait que le demandeur estime que les forces de l’ordre albanaises auraient été inactives suite à l’agression de juin 2013, ne permet pas de conclure ipso facto que la police aurait refusé de lui accorder la protection requise ou serait incapable de lui fournir cette protection, d’autant plus que le demandeur a admis que la police aurait dressé un rapport en juin 20132 et qu’il n’aurait dénoncé à la police ni l’attaque de 2012, ni encore celle de novembre 20143. En effet, s’il a certes indiqué que la plainte n’aurait pas abouti, le tribunal ne peut toutefois partager l’appréciation du demandeur selon laquelle cette absence de poursuite judiciaire s’expliquerait par la corruption de la police, alors que même dans des pays occidentaux dotés d’une structure policière efficace, les plaintes déposées n’aboutissent pas toujours à la condamnation des agresseurs, et qu’il ne ressort d’aucun élément objectif de la cause que le demandeur aurait vécu une situation de corruption.
Le tribunal est dès lors amené à constater que le demandeur a bien eu accès à la police, de sorte qu’il ne ressort pas de son récit que les autorités de son pays ne seraient pas à même de lui offrir une protection effective contre les agissements de certains individus ou qu’ils auraient refusé de l’aider. Si le demandeur affirme ignorer l’issue des enquêtes, cette seule 2 Cf. rapport d’audition du demandeur, p. 11 3 Cf. rapport d’audition du demandeur, p. 12 circonstance ne saurait être assimilée à une absence de protection.
A cela s’ajoute encore que la notion de protection n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants d’un pays contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ou des atteintes graves ne sauraient être admises dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par une personne ou un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Le cas échéant, il aurait appartenu au demandeur de solliciter activement un compte rendu de la part des forces de l’ordre en charge, respectivement de saisir la voie hiérarchique en cas d’inaction avérée. Il appartient en effet au demandeur, avant de requérir la protection d’un Etat étranger, de rechercher activement la protection offerte par ses propres autorités et institutions nationales, cette recherche ne pouvant se limiter à dénoncer les faits à la police locale, pour ensuite prétendre que celle-ci n’aurait pas réagi, de sorte que le demandeur ne saurait conclure à une absence, respectivement à un refus de protection effective.
Il suit des considérations qui précèdent que le demandeur n’invoque pas de faits démontrant que l’Albanie ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr dans son chef.
Partant, c’est à bon droit que le ministre, après analyse de la situation concrète du demandeur, a conclu qu’il provient d’un pays d’origine sûr, de sorte que c’est encore à bon droit qu’il a décidé de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée au sens de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006.
Une des conditions de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006 étant remplie, il devient surabondant de procéder à l’analyse de l’autre base légale invoquée par le ministre.
Dès lors, le recours afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.
2) Quant au recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du ministre du 7 avril 2015 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation. Ledit recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur reprend en substance les explications fournies par lui à l’appui de son recours en annulation dirigé contre la décision du ministre de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée. Ainsi, il expose que ce serait en raison de sa situation de militant politique qu’il aurait fait l’objet de différentes agressions et tentative d’assassinat. Il fait valoir que l’ensemble des faits invoqués par lui seraient liés entre eux et reliés au pouvoir politique en place. Il reproche encore au ministre de n’avoir pas suffisamment motivé sa décision en manquant de constater qu’il aurait été adhérant et sympathisant du parti « … » respectivement « … ». Il fait par ailleurs valoir que le ministre n’aurait, à tort, pas pris en compte sa situation individuelle et concrète et qu’il aurait omis d’analyser les éléments soumis lors de ses entretiens, manquant ainsi de respecter le droit à un examen effectif de sa demande de protection internationale.
Par ailleurs, le ministre aurait fait une appréciation erronée et superficielle des faits de l’espèce. A cet égard, le demandeur donne à considérer que son retour en Albanie l’exposerait à la mort, sinon à des traitements inhumains et dégradants.
Le délégué du gouvernement fait valoir que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut au rejet du recours.
Les reproches du demandeur que le ministre n’aurait pas procédé à un examen concret de sa situation sont à rejeter, dans la mesure où il ressort pleinement de la décision litigieuse que le ministre s’est penché sur la situation personnelle du demandeur telle qu’elle a été décrite par lui dans le cadre de ses entretiens respectifs.
Quant au bien-fondé de la décision litigieuse il échet de relever qu’en vertu de l'article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l'article 2 d) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d'un pays tiers qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».
Par ailleurs, l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 d e la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. » et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».
Il suit des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 précitée, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Par ailleurs, force est de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel aurait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 sauf si le ministre fait valoir des raisons de croire que cela n’est plus le cas et que les persécutions ne se reproduiront pas.
L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitif sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
Quant au bien-fondé de la demande de protection internationale, le tribunal est amené à retenir que, contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, aucun lien ne peut être établi entre ses opinions politiques et les traitements qu’il déclare avoir subis.
En effet, le travail assumé par Monsieur … en faveur du parti …, voire son aide pendant les campagnes électorales, la préparation des pancartes et l’organisation de personnes pour qu’elles participent aux meetings4, consistent en un support purement matériel et sont indépendants de tout travail politique ou de prise de décisions au sein dudit parti. Bien qu’il soit militant dudit parti politique, ceci n’implique pas pour autant que les traitements qu’il a subis et qu’il craint subir en cas de retour dans son pays d’origine à défaut de tout élément objectif y relatif, soient motivés par ses convictions politiques.
Par ailleurs, il y a lieu de relever que la crainte que les personnes inconnues, dont il aurait été oppressé, seraient soutenues par les autorités albanaises est purement hypothétique.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé au demandeur le statut de réfugié.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef du demandeur d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2 f), précité définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur 4 Cf. rapport d’audition du demandeur, p.9 l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours.
En l’absence, à l’heure actuelle, d’un conflit armé en Albanie et eu égard au fait que le demandeur n’allègue pas risquer la peine de mort en cas de retour dans son pays d’origine, il y a uniquement lieu de vérifier si les difficultés dont il fait état peuvent être qualifiées d’exécution ou de torture ou de traitements, respectivement sanctions inhumains ou dégradants au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.
Monsieur … fait en substance état de quatre attaques ayant eu lieu entre 2009 et 2014.
La première aurait eu lieu en Italie en 2009, lors de laquelle lui et son frère aurait fait l’objet de plusieurs coups de couteau, ce qui aurait eu comme conséquence une opération et un séjour prolongé à l’hôpital. La deuxième attaque aurait eu lieu en 2012 à … en Albanie où une voiture lui aurait coupé la route au moment où il était en train de circuler en vélo. De cette voiture trois personnes armées seraient descendues et lui auraient « fait signe avec le doigt du genre fait attention »5. La troisième attaque aurait eu lieu en juin 2013 devant le bureau de vote pendant la période des élections. Une voiture se serait arrêtée devant ledit bureau, sept ou huit personnes y seraient descendues et auraient administré des coups à Monsieur …, qui, à la sortie de l’hôpital aurait dénoncé ces faits à la police. Finalement, la quatrième attaque aurait eu lieu en novembre 2014, lors de laquelle des inconnus auraient tiré sur Monsieur …, qui dans la suite aurait pris la décision de quitter l’Albanie.
En ce qui concerne l'événement qui se serait déroulé en 2009, c'est à bon droit que le ministre a retenu qu'il est trop éloigné dans le temps pour être pris en considération, d’autant plus que les faits ont eu lieu hors du pays d’origine.
S’agissant des attaques subséquentes dont a été victime le demandeur, force est de constater que ces agressions et menaces, qui tant pris individuellement que par leur cumul, revêtent une gravité indéniable et ont certainement été traumatisant pour le demandeur. Ces attaques émanent de personnes privées, que le demandeur déclare ne pas connaître nommément, mais connaître de vue, de sorte qu’ils ne peuvent être considérés comme acteurs des atteintes graves conformément à l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 que pour autant que les autorités albanaises ne sont pas à même ou pas disposés à offrir une protection adéquate au demandeur.
Or, tel que cela a été retenu dans le cadre du recours visant la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, il ne se dégage pas des éléments du dossier que le demandeur ne puisse pas obtenir une protection dans son pays d’origine et le demandeur n’a, dans le cadre du présent recours en réformation, pas soumis davantage d’éléments permettant de retenir un défaut de protection des autorités de son pays d’origine.
5 Cf rapport d’audition du demandeur, p.10 Il s’ensuit qu’en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que le demandeur n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il courrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de ladite loi.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.
3) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 7 avril 2015 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi est recevable.
En l’espèce, le demandeur sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision portant rejet de lui accorder le bénéfice de la protection internationale.
Aux termes de l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a également valablement pu a priori assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
Comme le tribunal vient de retenir que le demandeur n’est pas fondé à faire état d’un risque de subir des persécutions ou des atteintes graves, c’est encore à tort que le demandeur invoque le principe de précaution à l’appui de son recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire. Par ailleurs, le demandeur n’ayant pas fait état de difficultés en raison de son orientation politique, son argumentation fondée sur une impossibilité de vivre son orientation politique est à rejeter comme étant non pertinente.
Ensuite, le demandeur fait exposer que l’ordre de quitter le territoire encourrait l’annulation au motif qu’il violerait l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales, dénommée ci-après « CEDH ». Il considère que son éloignement serait proscrit dès lors qu’il existerait dans son chef un risque de subir un traitement inhumain et dégradant, sinon des atteintes graves, en cas de retour forcé dans son pays d’origine.
Il convient de rappeler que si l’article 3 CEDH proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.
En effet, si une mesure d’éloignement - tel qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du délai imposé au demandeur pour quitter le Luxembourg - relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risquerait de porter atteinte aux droits inscrits à l’article 3, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose problème de conformité à la CEDH, spécialement à l’article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la CEDH d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés. S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants.
Cependant, dans ce type d’affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La Cour européenne des droits de l’Homme recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 CEDH. Pour cela, la Cour évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.
Le tribunal procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.
Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur n’a pas fait état d’une crainte justifiée d’atteintes graves telles que définies à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, à savoir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, et ce compte tenu de la possibilité non énervée pour le demandeur de requérir la protection, sinon l’assistance des autorités de son pays d’origine, de sorte que le tribunal actuellement ne peut pas se départir de cette conclusion à ce niveau-ci de son analyse.
Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 CEDH,6 le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi du demandeur dans son pays d’origine soit dans ces circonstances incompatible avec l’article 3 CEDH.
Finalement, le tribunal ne saurait suivre le demandeur en ce qu’il soutient que la décision prise à son encontre serait prise en violation de l’article 14 de la déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1984, disposant que « 1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d’autres pays. 2. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur de s agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. », étant donné que le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur n’a pas fait état d’une crainte justifiée de persécution en cas de retour dans son pays d’origine, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre 6 CedH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2004, § 59.
de quitter le territoire.
Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 7 avril 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 7 avril 2015 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 7 avril 2015 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
donne acte à Monsieur Ermir … qu’il bénéficie de l’assistance judiciaire ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 15 juin 2015 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15/06/2015 Le Greffier du Tribunal administratif 14