Tribunal administratif N° 34598 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2014 1re chambre Audience publique du 8 juin 2015 Recours formé par Madame …, Luxembourg contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 34598 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mai 2014 par Maître Karima HAMMOUCHE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Cap-
Vert), de nationalité portugaise, demeurant à L-…., tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 février 2014 portant retrait de son droit de séjour ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 août 2014 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 octobre 2014 par Maître Karima HAMMOUCHE au nom de Madame … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Karima HAMMOUCHE et Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er juin 2015.
Madame …, ressortissante portugaise, introduisit en date du 3 décembre 2010 une déclaration d’enregistrement d’un citoyen de l’Union auprès de l’administration communale de la Ville de Luxembourg en qualité de travailleur salarié.
Par courrier du 24 février 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration informa Madame … qu’il envisageait de lui retirer son droit de séjour, alors qu’elle ne remplissait plus les conditions requises pour un séjour supérieur à trois mois telles que prévues par l’article 6 (1), point 1., de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, le ministre ayant en outre relevé que l’intéressée serait à considérer comme étant une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale, alors qu’elle touchait le RMG depuis le mois de mai 2011.
Madame … s’étant prévalue de la naissance d’un enfant en date du …, le ministre a suspendu par courrier du 5 juin 2012 la procédure de retrait du droit de séjour jusqu’au mois de septembre 2012.
Par décision du 17 décembre 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration retira le droit de séjour à l’intéressée ainsi qu’à sa fille, Madame … ne remplissant toujours pas les conditions de l’article 6 (1) de la loi du 29 août 2008 précitée, et il lui ordonna de quitter le territoire dans le délai d’un mois.
Madame … ayant introduit un recours gracieux à l’encontre de cette décision du 17 décembre 2012 en se prévalant du bénéfice d’un contrat de travail conclu pour une durée déterminée de 25 mois devant prendre cours à compter du 1er avril 2013 jusqu’au 30 avril 2015, le ministre, par décision du 18 mars 2013, confirma sa décision de retrait du droit de séjour antérieure, tout en invitant l’intéressée à faire une nouvelle déclaration d’enregistrement.
En date du 4 avril 2013, Madame … procéda à une nouvelle déclaration d’enregistrement en qualité de travailleur salarié auprès de l’administration communale de la Ville de Luxembourg.
Par courrier du 17 janvier 2014, le ministre de l’immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », entre-temps en charge de ce dossier, informa à nouveau Madame … de son intention de révoquer son droit de séjour, courrier libellé comme suit :
« Par la présente, je me permets de revenir au dossier sous rubrique.
Je constate que l’attestation d’enregistrement d’un citoyen de l’Union n° 0001 13 02164 vous a été délivrée en date du 4 avril 2013 en qualité de travailleur salarié par l’administration communale de la Ville de Luxembourg.
Une vérification a cependant donné que vous ne remplissez plus les conditions pour un séjour de plus de trois mois telles qu’elles sont prévues par l’article 6, paragraphe (1), point 1 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration étant donné que votre dernier jour de travail effectif a été le 7 juin 2013.
En outre, vous étiez bénéficiaire du revenu minimum garanti du 1er au 31 mai 2011, du 1er août au 31 décembre 2011 ainsi que du 1er mai 2012 au 31 mars 2013 et de nouveau depuis le 1er août 2013, de sorte que vous pouvez être considéré comme étant une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale aux termes de l’article 24, paragraphe (4) de la même loi. Ainsi, vous avez perçu jusqu’ici des prestations sociales non contributives de la part du Fonds national de solidarité à hauteur de … euros.
Par voie de conséquence, j’envisage dès lors de révoquer votre droit de séjour conformément aux articles 24, paragraphe (2) et 25, paragraphe (1) de la même loi.
Vous êtes priée de présenter vos observations dans un délai d’un mois à partir de la notification de la présente. (…) » Par courrier de son mandataire du 18 février 2014, Madame … se prévalut, d’une part, de l’existence de son enfant, conçue avec Monsieur …, pour affirmer que la révocation envisagée violerait son droit à une vie familiale telle que protégé par la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, et, d’autre part, du fait que les montants perçus pendant son congé de maternité et son congé parental ne seraient pas à considérer comme une charge ayant un caractère déraisonnable pour le système d’assistance sociale.
Par décision du 27 février 2014, le ministre procéda au retrait du droit de séjour pour les motifs suivants :
« Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à mon courrier du 17 janvier 2014 relatif à votre droit de séjour ainsi qu’à la missive de la part de Maître Karima Hammouche du 18 février 2014.
Après réexamen du dossier, il s’avère qu’il n’existe aucun élément pertinent nouveau me permettant de constater que les conditions prévues par l’article 6, de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration soient remplies.
Par ailleurs, je tiens à vous informer que d’après les informations à ma disposition, vous n’êtes plus inscrite comme demandeur d’emploi auprès de l’Agence pour le Développement de l’Emploi depuis le 4 janvier 2013 de sorte que ne sauriez plus être considéré comme travailleur au sens de l’article 7 de la même loi.
Par conséquence et conformément aux articles 24, paragraphe (2) et 25, paragraphe (1) de la même loi votre droit de séjour est retiré.
Néanmoins, si vous remplissez à nouveau les conditions prévues par l’article 6, paragraphe (1), point 1 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, vous êtes invitée de vous présenter auprès de l’administration communale de votre lieu de résidence muni des pièces requises, afin de procéder à une nouvelle déclaration d’enregistrement conformément à l’article 8 de la même loi et de restituer l’ancienne attestation d’enregistrement. (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mai 2014, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 27 février 2014 portant retrait de son droit de séjour.
Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond en la présente matière, seul un recours en annulation, d’ailleurs expressément prévu par l’article 113 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée la « loi du 29 août 2008 », auquel renvoie l’article 31 de la même loi, a pu être introduit contre la décision ministérielle déférée, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Il est en revanche compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation, qui est recevable, pour avoir été introduit dans les formes et délai légaux.
A l’appui de son recours, Madame … explique être la mère d’un enfant naturel, Mademoiselle …, née au Grand-Duché le …, qui a été reconnue à la naissance par son père, Monsieur …. Elle précise ainsi que bien que ne vivant pas sous le même toit, les parents de l’enfant mineur assumeraient ensemble son éducation.
Elle estime que le ministre, en révoquant son droit de séjour, aurait méconnu sa situation familiale, de sorte à invoquer l’atteinte à sa vie privée protégée par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (ci-après « la CEDH ») et d’autre part, de se prévaloir de l’intérêt supérieur de son enfant.
Plus précisément, la demanderesse relève qu’en révoquant son droit de séjour, le ministre aurait porté une atteinte déraisonnable et disproportionnée à sa vie familiale, telle que protégée par l’article 8 de la CEDH, puisqu’elle risquerait de se voir séparer de sa fille, née au Luxembourg, voire risquerait de séparer sa fille mineure de son père.
Madame … met ainsi en exergue le fait que le ministre aurait motivé sa décision notamment par le fait qu’elle serait une « une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale » au regard des aides étatiques perçues, de sorte à retenir pour seul critère d’appréciation la nécessité de la mesure au regard du « bien- être économique du pays » : or, la demanderesse conteste toute nécessité du retrait de son droit de séjour lié à l’économie du pays.
Dans ce contexte, elle souligne, d’une part, avoir tenté de retrouver un travail par une démarche active, mais que la réalité économique et sociale serait telle qu’elle n’aurait pas pu retrouver de travail du fait de sa grossesse et qu’ensuite la crise économique aurait constitué un terrain non propice pour retrouver un travail. Aussi, au regard de sa situation particulière, elle estime qu’il ne saurait être considéré qu’elle aurait constitué une charge déraisonnable pour le système social, alors qu’en raison d’éléments indépendants de sa volonté, elle aurait dû recourir à l’aide sociale pour subvenir à ses besoins et ceux de son enfant.
D’autre part, elle donne à considérer que les périodes retenues afin de calculer les aides dont elle a bénéficié seraient erronées, la demanderesse affirmant que le congé maternité et le congé parental seraient considérés comme des périodes de travail effectif, de sorte que les indemnités perçues de ce chef ne seraient pas à retenir comme une charge ayant un caractère déraisonnable pour le système d’assistance sociale, et ce d’autant plus que la situation économique actuelle, doublée du fait qu’elle était enceinte puis devait s’occuper d’un enfant en bas âge, constitueraient les causes expliquant le recours involontaires aux aides sociales.
Enfin, la demanderesse donne à considérer que le père de l’enfant commun résiderait et travaillerait au Luxembourg, tout comme il prendrait en charge l’entretien financier de son enfant, de sorte que la décision attaquée ne se justifierait pas comme nécessaire au bien-être économique du pays.
Madame … entend ensuite s’emparer de l’article 3 alinéa 1er de la Convention Internationale des droits de l’Enfant telle qu’adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 20 novembre 1989 de 1989 et ratifiée par le Luxembourg le 20 décembre 1993, pour soutenir que la décision relative au retrait de son droit de séjour devrait être prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant mineur, lequel devrait primer sur d’éventuels autres intérêts considérés comme secondaires. Or, il serait dans l’intérêt manifeste de l’enfant que ses parents restent tous les deux auprès d’elle pour son éducation et son épanouissement personnel.
Le délégué du gouvernement soutient pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et conclut au rejet du recours.
Ayant relevé que Madame … motive son recours par rapport à l’article 8 de la CEDH ainsi que par rapport à l’intérêt supérieur de l’enfant en se prévalant d’une prétendue séparation de sa fille ou d’une prétendue séparation de sa fille de son père, le délégué du gouvernement donne à considérer que comme la décision attaquée ne contiendrait ni ordre de quitter le territoire, ni une décision d’éloignement à l’encontre de l’intéressée ou de sa fille, le moyen d’une violation de l’article 8 CEDH ou de l’article 3 de la Convention Internationale des droits de l’enfant serait à rejeter pour ne pas être fondé.
Il convient de constater que la décision déférée vise notamment pour base légale l’article 25 de la loi du 29 août 2008 précitée, pris en son premier alinéa, qui précise que, « (1) En cas de non-respect des conditions visées à l’article 24, paragraphes (1) et (2) ou en cas d’abus de droit ou de fraude, le citoyen de l’Union et les membres de sa famille peuvent faire l’objet d’une décision de refus de séjour, d’un refus de délivrance ou de renouvellement d’une carte de séjour ou d’un retrait de celle-ci et, le cas échéant d’une décision d’éloignement », l’article 24 précisant pour sa part que « (1) Le citoyen de l’Union et les membres de sa famille ont un droit de séjour tel que prévu aux articles 5 et 13 tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale. (2) Ils ont un droit de séjour d’une durée supérieure à trois mois tant qu’ils remplissent les conditions prévues aux articles 6, paragraphe (1) et 7 ou aux articles 14 et 16 à 18 », c’est-à-dire tant qu’ils remplissent les conditions initiales spécifiques les ayant autorisés à séjourner sur le territoire.
Par ailleurs, l’article 6 de la loi du 29 août 2008 dispose en ses paragraphes 1er et second : « (1) Le citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire pour une durée de plus de trois mois s’il satisfait à l’une des conditions suivantes :
1) il exerce en tant que travailleur une activité salariée ou une activité indépendante ;
2) il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés à l’article 12, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale, ainsi que d’une assurance maladie ; (…) ».
Il convient encore de relever que le statut de travailleur salarié se définit conformément à l’article 6 (1), point 1, de la loi du 29 août 2008 précitée par le fait que l’étranger concerné « exerce en tant que travailleur une activité salariée », tandis que l’article 3 de la loi du 29 août 2008 définit le travailleur sous son point d) comme étant « toute personne exerçant des activités salariées ou indépendantes réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires, sont assimilés aux travailleurs, pour l’application de la présente loi, les apprentis et les stagiaires rémunérés », l’activité salariée étant encore définie sous le point e) du même article comme étant « toute activité économique rémunérée exercée pour le compte d’une autre personne et sous la direction de celle-ci », de sorte à exiger un exercice effectif d’une activité salariée dans le cadre d’un contrat de travail, et non pas une qualité virtuelle ou potestative.
Il convient enfin de rappeler à cet égard qu’il est de principe que la légalité d’une décision administrative s’apprécie, dans le cadre d’un recours en annulation, en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, puisque le juge, lorsqu’il contrôle les décisions de l’administration, doit se placer au même moment et il ne peut tenir compte des circonstances de droit ou de fait postérieures à l’acte attaqué, puisque dans le contentieux de l’annulation, il ne peut pas substituer son appréciation à celle de l’autorité administrative1.
La légalité d’un acte administratif se trouve donc en principe cristallisée au moment où cet acte est pris et le juge se place exactement dans les mêmes conditions où se trouvait l’administration2 : c’est la logique du procès fait à un acte.
Aussi, la vérification de la matérialité des faits s’effectue, en principe, d’après les pièces et éléments du dossier administratif3- ce dernier comprenant non seulement les documents administratifs, mais encore les renseignements fournis par l’administré, ses explications, tantôt appuyées de preuves diverses, tantôt non contestées par l’administration4 - respectivement en fonction des éléments dont l’autorité a connaissance ou aurait dû avoir connaissance au moment où elle statue : en revanche il ne saurait être reproché à l’autorité administrative de ne pas avoir tenu compte d’éléments qui ne lui ont pas été présentés en temps utile5.
Il est constant en cause que par déclaration réceptionnée par le ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 5 avril 2013, faussement identifiée par l’intéressée comme constituant une « première demande », Madame … s’est enregistrée au Grand-Duché de Luxembourg en qualité de travailleur salarié, en se prévalant d’un contrat de travail conclu le 12 février 2013 avec la « …», prenant effet au 1er avril 2013 et expirant le 30 avril 2015, et ce pour une tâche hebdomadaire de 30 heures.
Or, la demanderesse n’a plus exercé d’activité salariée depuis le 7 juin 2013, soit depuis plus de 6 mois avant la prise de la décision litigieuse du 27 février 2014. Si le litismandataire de la demanderesse semble certes vouloir considérer de prétendues périodes de congé de maternité et de congé parental comme constitutives de périodes de travail effectif, le tribunal constate, d’une part, qu’il ne résulte d’aucune pièce versée en cause que la demanderesse ait effectivement bénéficié d’un congé parental, le contraire étant établi par la « fiche client » du Fonds National de Solidarité qui ne mentionne pas de congé parental, et, d’autre part, qu’un éventuel congé de maternité serait en tout état de cause sans pertinence, puisque nécessairement pris bien antérieurement à la décision déférée, l’enfant en cause étant en effet née le 29 janvier 2012.
Le tribunal constate encore qu’il résulte de la prédite « fiche client » que la demanderesse a quitté son employeur « …» le 7 juin 2013, pour toucher ensuite l’indemnité RMG, fait non énervé, ni même contesté par la demanderesse.
Il s’ensuit que la demanderesse, en l’état actuel d’instruction de son dossier, ne saurait en tout état de cause remettre en cause le constat du ministre qu’elle ne remplissait plus à la date de la décision litigieuse les conditions prévues par l’article 6, paragraphe (1), point 1 de la loi modifiée du 29 août 2008, en ce sens qu’elle n’était plus à considérer comme travailleur salarié depuis le 7 juin 2013.
1 Conseil du Contentieux des étrangers belge, 28 mai 2010, n° 44.164.
2 Jean-Marie Auby et Roland Drago, Traité des recours en matière administrative, Litec, 1992, n° 205.
3 Fernand Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, 1996, n° 276.
4 Alex Bonn, L’examen du fait par le Conseil d’Etat, étude de jurisprudence luxembourgeoise, Le Conseil d’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, livre jubilaire, p.552.
5 Voir trib. adm. 11 juin 2012, n° 29126, www.ja.etat.lu.
C’est partant à bon droit que le ministre, partant de ce constat et en application des articles 24 (2) et 25 (1) de la loi du 29 août 2008 précité, a retiré le droit de séjour à Madame ….
Il s’ensuit que la décision litigieuse du 27 février 2014 est a priori motivée à suffisance de droit et de fait par ce seul constat non énervé dans le chef de Madame ….
Il y a cependant encore lieu d’analyser les moyens tirés de l’existence de sa fille mineure et des relations de celle-ci avec son père, moyens articulés en fait sur une prétendue séparation et en droit sur l’article 8 CEDH et sur l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989.
Or, à cet égard, il convient de souligner que la décision attaquée ne constitue pas une mesure d’éloignement du territoire, mais une décision de révocation d’un droit de séjour, le ministre s’étant en application de l’article 25 (1) et de l’article 24 (3) de la loi du 29 août 2008 abstenu de prendre une mesure d’éloignement à l’encontre de la demanderesse, une telle mesure ne s’imposant en effet pas automatiquement en cas de retrait du droit de séjour, que ce dernier soit justifié par le non-respect par des conditions initiales spécifiques l’ayant autorisée à séjourner sur le territoire ou par le fait que l’intéressé ait recouru au système d’assistance sociale.
Aussi, à défaut de toute séparation imposée par une mesure d’éloignement, tant le moyen fondé sur l’article 8 de la CEDH que celui basé sur l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 sont à rejeter pour être non fondés en fait, le tribunal soulignant par ailleurs qu’en tout état de cause, le moyen relatif à une violation de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, prise en son article 3, serait à rejeter, alors que si cette disposition impose effectivement une obligation de moyen à charge des autorités, le libellé essentiellement général, nécessitant une concrétisation de cette obligation n’est cependant pas de nature à imprimer à celle-ci le caractère d’une obligation indépendante dont la violation serait de nature à entraîner per se l’annulation de la décision administrative déférée, mais plutôt la nature d’un principe d’interprétation à respecter lors de l’application d’autres dispositions légales, notamment les autres articles de la même Convention accordant des droits directs à l’enfant6.
Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.
Au vu de tout ce qui précède, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
6 Voir en ce sens : Thierry Moreau, « Etat des lieux de la réception de la convention relative aux droits de l’enfant dans la jurisprudence belge », dans : L’enfant et les relations familiales internationales, Bruylant, 2003, p.12, et les décisions y citées, ainsi que trib. adm. 1er janvier 2008 n° 23224 et 23426 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Droits de l’homme et libertés fondamentales, n° 47.
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 juin 2015 par :
Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Schmit s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8/6/2015 Le Greffier du Tribunal administratif 8