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03/06/2015 | LUXEMBOURG | N°36105

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 juin 2015, 36105


Tribunal administratif N° 36105 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 avril 2015 3e chambre Audience publique du 3 juin 2015 Recours formé par Monsieur …, … contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36105 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 avril 2015 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tab

leau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Albanie), de...

Tribunal administratif N° 36105 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 avril 2015 3e chambre Audience publique du 3 juin 2015 Recours formé par Monsieur …, … contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36105 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 avril 2015 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 mars 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision portant refus de faire droit à sa demande de protection subsidiaire et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2015 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis Tinti et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 mai 2015.

En date du 13 novembre 2014, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

A son arrivée, Monsieur … déclara que sa vie serait en danger dans son pays d’origine, l’Albanie, sans qu’il n’ait une protection de la part des autorités de son pays, dans la mesure où des personnes inconnues auraient tiré sur lui.

Le 25 novembre 2014, Monsieur … fut entendu sur son trajet, sur d’autres demandes de protection internationale, sur la présence de membres de sa famille dans d’autres pays européens et sur l’obtention d’un visa ou d’autorisations de séjour, afin de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale. Ses déclarations furent actées dans un rapport dit « rapport d’entretien Dublin III ».

Monsieur … fut ensuite entendu les 29 janvier et 24 février 2015 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

A cette occasion, Monsieur … déclara être parti de son pays d’origine puisque sa vie y serait en danger. En effet, le 28 juillet 2014 en soirée, alors qu’il aurait roulé en vélo, des personnes inconnues, s’approchant sur une moto, l’auraient d’abord insulté, et, après l’avoir heurté à deux reprises avec la moto, auraient tiré sur lui avec un pistolet, de manière à le blesser aux côtes. Il aurait dû être hospitalisé pendant 8 ou 9 jours de ce fait.

Il ajouta que deux à trois semaines après cet incident, une voiture l’aurait suivi et des personnes inconnues l’auraient invité de les rejoindre dans leur voiture, ce qu’il n’aurait cependant pas fait.

Egalement trois semaines après cette attaque, des inconnus auraient tenté d’écraser son père avec une voiture, alors que celui-ci se trouvait sur un vélo.

Il déclara ne pas avoir reconnu ses agresseurs et ignorer les raisons des attaques relatées par lui.

Après l’attaque à son encontre, lui-même n’aurait plus osé sortir de chez lui, à part une fois où il aurait déposé plainte auprès de la police à sa sortie de l’hôpital. Pareillement, depuis l’attaque contre son père, ses parents auraient, après deux semaines, arrêté de travailler et seraient, par peur, restés enfermés à la maison.

Monsieur … soutint qu’il ne recevrait aucune protection de la part de la police, tout en précisant que ses parents auraient déposé plainte le jour même où des inconnus auraient tiré sur lui, et que lui-même aurait encore une fois déposé plainte à sa sortie de l’hôpital.

Pareillement, ses parents auraient déposé plainte après l’attaque dirigée contre son père.

Monsieur … reprocha à la police de ne rien faire et de ne pas avoir trouvé les coupables, bien que ses parents se soient rendus à plusieurs reprises auprès de la police. Il relata encore que la police aurait déclaré à ses parents qu’il ne serait pas possible de trouver les personnes coupables et que la dernière fois que sa mère se serait présentée à la police, l’agent auquel elle s’est adressée lui aurait déclaré qu’il ne voulait plus l’entendre.

Monsieur … admit néanmoins que la police s’est rendue sur les lieux après que les inconnus avaient tiré sur lui, qu’un agent s’est déplacé à l’hôpital pour l’interroger et que la police a déclaré à ses parents qu’ils allaient mener une enquête et les appeler s’il y avait du nouveau.

Par décisions du 27 mars 2015, notifiées à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20, paragraphe (1) sous a) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Les décisions du ministre sont tout d’abord motivées par la considération que, selon les dispositions de l’article 1er, paragraphe (1) du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », Monsieur … proviendrait d’un pays d’origine sûr au sens des dispositions de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, c’est-

à-dire d’un pays dans lequel il n’existerait généralement et de façon constante pas de persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève ».

Le ministre releva par ailleurs que les raisons ayant amené Monsieur … à quitter son pays d’origine n’auraient pas été motivées par un des critères de fond définis par la Convention de Genève et la loi du 5 mai 2006. Il estima en effet que les incidents relatés par Monsieur … constitueraient des délits et crimes de droit commun punissables selon la loi albanaise.

En outre, il ne ressortirait pas des explications de Monsieur … qu’il n’aurait pas pu bénéficier de la protection des autorités de son pays d’origine. Au contraire, il aurait pu déposer plainte auprès de la police et celle-ci se serait déplacée sur place. Il se dégagerait par ailleurs des pièces fournies par Monsieur … que la police aurait mené une enquête. Le ministre ajouta que le fait que la police n’ait pas trouvé les coupables s’expliquerait par la circonstance que la moto n’avait pas de numéro d’immatriculation et que Monsieur … n’avait pas vu le visage des coupables.

Le ministre ajouta que Monsieur … aurait également pu porter plainte en cas d’inaction des policiers.

Le ministre considéra encore que ni Monsieur …, ni ses parents n’auraient reçu des menaces verbales ou écrites de la part de ses agresseurs, de sorte que sa peur constituerait une simple crainte hypothétique.

Le ministre releva ensuite qu’il ne pourrait pas être exclu que des raisons économiques sous-tendraient sa demande de protection internationale.

Finalement, le ministre estima que Monsieur … aurait pu bénéficier d’une fuite interne dans la mesure où les difficultés avec ses agresseurs constitueraient un problème local.

S’agissant de la protection subsidiaire, le ministre conclut que le récit de Monsieur … ne comporterait aucun motif sérieux et avéré de croire qu’il court un risque réel de subir l’une des atteintes graves définies à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour dans son pays d’origine.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 avril 2015, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 27 mars 2015 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision du ministre portant refus de faire droit à sa demande d’une protection subsidiaire, tout en déclarant renoncer à la demande en obtention du statut de réfugié, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Quant aux faits, Monsieur … reprend en substance les faits exposés lors de ses entretiens.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 27 mars 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de ce volet de la requête introductive d’instance, le demandeur conteste l’application par le ministre de l’article 20, paragraphe (1) c) de la loi du 5 mai 2006, au motif qu’il aurait soumis des raisons valables de penser que sa situation personnelle est telle que sa vie est en danger dans son pays d’origine, puisque des criminels particulièrement dangereux auraient d’ores et déjà tenté de le tuer et que la particulière dangerosité de ses agresseurs mettrait en échec les capacités de protection des autorités sur place.

Ce serait pareillement à tort que le ministre aurait fait application de l’article 20, paragraphe (1) a) de la loi du 5 mai 2006, au motif que les faits invoqués par lui seraient par leur nature et par leur gravité tels qu’ils seraient pertinents au regard des critères visant à déterminer s’il remplit les conditions d’obtention d’une protection internationale.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 :

« Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

[…] c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; […] » Il s’ensuit, qu’en vertu de l’article 20, paragraphe (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi modifiée du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Plus particulièrement, en ce qui concerne le point c) de l’article 20, paragraphe (1), précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, il convient de relever qu’un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Il est constant en cause que l’Albanie figure sur la liste des pays sûrs établie par le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007.

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité albanaise et qu’il a habité en Albanie avant de venir au Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer dans le cadre de la procédure accélérée.

Au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21, paragraphe (2) de la même loi oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, de procéder, en tout état de cause, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l'espèce, il ressort de la lecture de la décision litigieuse que le ministre a bien procédé à un examen de la situation individuelle du demandeur avant de conclure qu'il provient d’un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si le demandeur lui soumet, conformément à l’article 21, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, de sorte à renverser la présomption établie à l’article 1er du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007.

Or, l'analyse de la situation décrite par le demandeur lors de ses auditions respectives ainsi qu’au cours de la présente instance ne permet pas au tribunal d'en dégager des éléments convaincants pour renverser cette présomption et pour pouvoir conclure en conséquence à l’illégalité de la décision ministérielle.

En effet, au regard de la présomption se dégageant du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, il aurait appartenu au demandeur de démontrer concrètement pour quelles raisons il estime ne pas être protégé de la part des autorités albanaises. Or, dans le cadre de son recours, le demandeur n’a pas soumis au tribunal des circonstances susceptibles d’illustrer que la police, à laquelle il s’est adressé, ne serait pas capable ou disposée à le protéger ou encore, en cas de carence des autorités policières, qu’il n’aurait pas eu accès aux autorités supérieures citées par le ministre auxquelles il aurait pu s’adresser. Au contraire, il se dégage de ses propres déclarations que la police s’est déplacée sur les lieux lorsqu’il a été agressé par une arme à feu, qu’un agent s’est déplacé à l’hôpital pour l’interroger et que la police a déclaré à ses parents, en substance, que l’enquête était en cours et qu’elle allait les contacter s’il y avait du nouveau. Si aucun coupable n’a encore pu être trouvé, cela peut aussi s’expliquer par la circonstance que le demandeur n’a pas pu identifier les personnes l’ayant agressé, celles-ci ayant porté un casque, et qu’il n’a pas non plus pu fournir d’autres indices permettant leur identification, étant relevé que la moto conduite par ses agresseurs n’avait pas de plaque d’immatriculation. En toute hypothèse, la circonstance que la police n’a pas détaché un agent pour le surveiller en permanence à l’hôpital ne peut pas être considérée comme le signe d’un défaut de protection des autorités policières, une telle mesure ne pouvant s’imposer que dans des cas exceptionnels. Pareillement, au regard des démarches effectuées par la police et au regard de l’affirmation des agents qu’ils allaient suivre l’affaire, le fait que Madame … s’est fait adresser une remarque désobligeante après qu’elle s’est présentée à une itérative reprise à la police pour s’enquérir du dossier est insuffisant pour conclure à un défaut de volonté des autorités policières de les protéger.

Dès lors, le tribunal est amené à conclure que le demandeur omet de lui soumettre des éléments suffisamment précis pour conclure qu’en raison de sa situation particulière, il n’a pas accès à la protection des autorités albanaises.

Par conséquent, c’est à bon droit que le ministre a pu statuer sur la demande de protection internationale sous analyse dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20, paragraphe (1) c) de la loi du 5 mai 2006. Partant, le recours en annulation dirigé contre la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20, paragraphe (1) a) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 27 mars 2015 en ce qu’elle porte refus du statut conféré par la protection subsidiaire Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision ministérielle déférée, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur déclare qu’il renonce à sa demande visant à se voir reconnaître le statut de réfugié.

S’agissant de la protection subsidiaire, le demandeur prend position sur la situation sécuritaire, non pas en Albanie, mais au Kosovo, en citant un certain nombre de sources internationales à cet égard visant le Kosovo, la seule source citée se référant à l’Albanie étant constituée par le rapport de la Commission au Conseil et au Parlement Européen du 4 juin 2004.

Dans la mesure où il ne se dégage pas des éléments du dossier que le demandeur ait un lien avec le Kosovo, et au regard de la confirmation du mandataire du demandeur lors de l’audience des plaidoiries que la référence au Kosovo relève d’une erreur matérielle, le tribunal fera abstraction des développements afférents contenus dans la requête introductive d’instance et prendra en compte la situation générale en Albanie telle qu’elle se dégage des pièces numéros 2 à 4 versées par le demandeur.

Le demandeur soutient encore que le ministre aurait commis une interprétation erronée des critères d’octroi de la protection subsidiaire au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, en renvoyant à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme relativement aux notions de tortures et de traitements inhumains et dégradants.

A cet égard, il souligne que le fait de vivre dans un état d’angoisse intense serait à considérer comme un traitement inhumain et dégradant.

Les faits vécus par lui auraient atteint un degré de gravité manifeste puisqu’il aurait été contraint à vivre reclus chez lui.

D’autre part, le demandeur donne à considérer que les faits de l’espèce démontreraient qu’il serait très difficile d’obtenir une protection suffisante de la part des autorités en place.

En l’occurrence, la police n’aurait même pas recherché à analyser les débris de la moto conduite par ses agresseurs. Dès lors, la police n’aurait pas entrepris toutes les diligences requises afin de trouver les auteurs de la tentative d’homicide commise en l’espèce.

Enfin, le demandeur conteste l’argumentation du ministre fondée sur la possibilité d’une fuite interne.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut partant au rejet du recours.

A titre liminaire, le tribunal donne acte au demandeur qu’il renonce à sa demande en obtention du statut de réfugié et que son recours porte uniquement sur le volet de la décision du ministre portant refus d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

Contrairement à ce qui est soutenu par la partie étatique, la circonstance que le demandeur n’a pas précisé lors du dépôt de sa demande de protection internationale qu’il limite celle-ci au statut conféré par la protection subsidiaire ne l’empêche pas de renoncer au stade de la procédure contentieuse à sa demande en obtention du statut de réfugié. En effet, lors du dépôt de la demande de protection internationale, le demandeur a l’obligation de soumettre au ministre les faits sur lesquels sa demande est basée, ainsi que tous les éléments susceptibles de la soutenir, mais on ne saurait lui imposer de s’adonner à une analyse juridique pour faire un choix entre les différentes formes de protection offertes, notamment, par la loi du 5 mai 2006. Les contestations afférentes de la partie étatique sont dès lors à rejeter comme étant dénuées de fondement.

Quant au bien-fondé de la décision déférée, aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

Aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : «(1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient déposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière.» Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent à au moins une des hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi.

Par ailleurs, l’article 2 f), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Comme il n’y a pas de conflit armé en Albanie et que le demandeur n’allègue pas risquer la peine de mort ou l’exécution dans son pays d’origine, il y a seulement lieu de vérifier si les difficultés dont il fait état peuvent être qualifiées de torture ou de traitements, respectivement sanctions inhumains ou dégradants.

Tel que cela a été retenu ci-avant dans le cadre de l’examen du recours dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, il ne se dégage d’aucun élément du dossier que le demandeur ne peut pas obtenir une protection de la part des autorités albanaises, et, d’autre part, dans le cadre du présent recours, le demandeur n’a pas fourni davantage d’éléments permettant de conclure à l’absence d’une telle protection.

Les sources internationales versées par le demandeur parmi ses pièces ne permettent pas de conclure de manière générale à un défaut de protection des autorités albanaises.

S’agissant de la situation particulière du demandeur, il se dégage des éléments du dossier que, suite à l’attaque avec une arme à feu dont il a fait l’objet, la police s’est déplacée sur les lieux et a également interrogé le demandeur lorsque celui-ci se trouvait à l’hôpital.

S’il est vrai que le demandeur déclare que lui-même ainsi que ses parents se sont enquis à plusieurs reprises auprès de la police sur le déroulement du dossier et qu’aucune réponse positive n’a pu leur être fournie, le tribunal relève néanmoins, d’une part, que les recherches de la police sont d’autant plus difficiles et les chances d’un résultat positif moindres en raison du fait que le demandeur n’a pas pu voir ses agresseurs, ceux-ci ayant porté un casque, et qu’il n’a pas non plus pu renseigner la police sur un autre signe distinctif susceptible d’aider à retrouver les coupables, tel par exemple le numéro d’immatriculation de la moto conduite par les agresseurs, et, d’autre part, que même dans les pays dotés d’un système judiciaire et policier répondant à tous les standards requis, une protection de la part des autorités du pays d’origine n’implique pas un taux de résolution à 100% de toutes les infractions commises, ni une sécurité physique absolue contre la commission d’actes de violence, mais elle suppose que les démarches entreprises de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis soient d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Par ailleurs, même si, le cas échéant, le demandeur n’était pas satisfait des diligences entreprises par les agents du poste de police auxquels il s’est adressé, et si, tels qu’il le déclare, après maintes réclamations, il a reçu des réponses peu encourageantes, force est de constater qu’il aurait pu s’adresser à des autorités supérieures. Ainsi, telle que cela se dégage des pièces versées par le demandeur lui-même, en l’occurrence d’un article publié par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, il est possible de porter plainte contre la police par l’intermédiaire de la direction de la police, ainsi que devant le bureau du Procureur, le service de contrôle interne et le bureau de l’Ombudsman, ce que le demandeur n’a cependant pas fait.

Il s’ensuit qu’en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que le demandeur n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il courrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de ladite loi, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation la décision du ministre du 27 mars 2015 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 27 mars 2015 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

En l’espèce, le demandeur sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision portant refus de lui accorder le bénéfice de la protection internationale.

Aux termes de l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2. r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

A défaut d’autres moyens soulevés par le demandeur, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire pris à son égard.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 27 mars 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 27 mars 2015 en ce qu’elle porte refus d’une protection subsidiaire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 27 mars 2015 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, premier juge, Olivier Poos, juge, Jackie Maroldt, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 3 juin 2015, par le premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

Judith Tagliaferri Annick Braun 12


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 36105
Date de la décision : 03/06/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-06-03;36105 ?

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