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20/05/2015 | LUXEMBOURG | N°34639

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 mai 2015, 34639


Tribunal administratif N° 34639 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 juin 2014 Ire chambre Audience publique du 20 mai 2015 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, en matière de stage pédagogique des enseignants de l’enseignement post primaire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34639 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 juin 2014 par Maître Jean-M

arie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au n...

Tribunal administratif N° 34639 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 juin 2014 Ire chambre Audience publique du 20 mai 2015 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, en matière de stage pédagogique des enseignants de l’enseignement post primaire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34639 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 juin 2014 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, aspirant professeur de lettres, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d'une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 10 mars 2014 portant révocation de son stage avec effet au 1er avril 2014 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 septembre 2014 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 octobre 2014 par Maître Jean-Marie Bauler pour compte de sa mandante ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 novembre 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.

Il ressort des pièces versées en cause, notamment du dossier administratif, ainsi que des explications concordantes des parties qu’à partir du mois d’avril 2011, Madame … commença son stage de professeur en lettres au Lycée technique des Arts et Métiers et au Lycée Robert Schuman et que, suite à des problèmes de santé, elle fut dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions depuis le mois de novembre 2011.

Par arrêté du 26 septembre 2012, le ministre de l’Education nationale et de la Formation continue accorda une suspension de stage pour la durée du 15 novembre 2011 au 16 septembre 2012.

Par décision du 20 janvier 2014, notifiée le lendemain, la Commission des pensions constata que « … est hors d’état de continuer ses fonctions actuelles et de les reprendre dans la suite » et la déclara « propre à occuper un autre emploi dans l’administration ».

Par une décision du 10 mars 2014, le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, dénommé ci-après « le ministre », décida de révoquer Madame … de son stage avec effet au 1er avril 2014. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) Vu la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, notamment l’article 2, paragraphe 3, alinéa 5 ;

Vu le règlement grand-ducal du 3 août 2010 concernant la formation théorique et pratique ainsi que la période probatoire des enseignants de l’enseignement postprimaire, notamment l’article 3 ;

Vu l’arrêté ministériel du 1er avril 2011 portant admission au stage de Madame …, NN. …, pour les fonctions de professeur de lettres au Lycée technique … à partir du 1er avril 2011 ;

Vu la décision de la commission des pensions prise en sa séance du 20 janvier 2014 constatant que Madame … est hors d’état de continuer ses fonctions actuelles, à savoir celles d’aspirant-professeur de lettres, et de les reprendre par la suite ;

Vu la lettre datée du 27 février 2014 adressée à Madame … l’informant de l’intention de procéder à la révocation de son stage et qu’elle dispose d’un délai de huit jours pour prendre position ;

Considérant que Madame … a marqué en date du 6 mars 2014 son accord quant à sa révocation ;

Arrête :

Art.1er.- Madame …, NN. …, aspirant-professeur de lettres au Lycée technique des Arts et Métiers et au Lycée Robert Schuman, est révoquée du stage avec effet à partir du 1er avril 2014. (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 juin 2014, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre du 10 mars 2014.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation introduite à l’encontre de l’acte critiqué. Partant, seul un recours en annulation a pu être introduit contre l’arrêté ministériel du 10 mars 2014, lequel recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait d’abord valoir que la décision déférée violerait l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en ce que la lettre de révocation déférée ne serait pas motivée à suffisance de droit.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Aux termes de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et elle doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande de l’intéressé.

En l’espèce, force est de relever que l’arrêté de révocation de stage déféré, cité in extenso ci-avant, est motivé tant en droit, par la référence à l’article 3 du règlement grand-

ducal du 3 août 2010 concernant la formation théorique et pratique ainsi que la période probatoire des enseignants de l’enseignement postprimaire, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 3 août 2010 », qu’en fait, par la référence au constat que la demanderesse est hors d’état de continuer ses fonctions d’aspirant-professeur de lettres et de les reprendre par la suite. Cette motivation certes sommaire suffit au regard des exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, d’autant plus qu’elle a encore été complétée et précisée par le délégué du gouvernement dans ses mémoires en réponse et en duplique, de sorte que la demanderesse n’a pas pu se méprendre sur les raisons qui ont amené le ministre à révoquer son stage.

Le moyen tiré d’une insuffisance d’indication des motifs se trouvant à la base de la décision litigieuse est partant à rejeter.

Au fond, la demanderesse invoque d’abord une violation de l’article 51 de la loi du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires d’Etat, dénommée ci-après « la loi du 26 mai 1954 », en ce qu’elle n’aurait pas bénéficié de la procédure de reclassement y prévue, en vertu de laquelle il aurait appartenu au ministre, sinon au gouvernement en conseil de prendre l’initiative de décider d’une nouvelle affectation prenant en compte ses aptitudes et qualifications.

La demanderesse conclut ensuite à une erreur manifeste d’appréciation, estimant que du fait qu’elle aurait été déclarée apte à occuper un autre poste au sein de l’administration et qu’elle n’aurait pas connaissance des diligences entreprises par l’Etat en vue de son affectation à un autre poste, elle serait actuellement empêchée de postuler à un autre poste.

Le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse, insiste sur le fait que la Commission des Pensions a constaté que la demanderesse serait hors d’état de continuer ses fonctions actuelles et de les reprendre dans la suite, et que le seul poste que cette dernière serait susceptible d’occuper dans le domaine de compétence du ministre serait celui de professeur. Or, une réaffectation en tant que stagiaire enseignant ne serait pas envisageable au vu des conclusions de la Commission des Pensions. Etant donné que la demanderesse aurait encore été en stage et n’aurait de ce fait pas encore bénéficié d’une nomination en tant que fonctionnaire, il ne serait pas possible de la faire bénéficier d’un statut de stagiaire fonctionnaire dans une autre administration, faute pour elle d’avoir passé les examens concours correspondants. La partie étatique en conclut que la procédure de l’article 51 de la loi du 26 mai 1954 ne pourrait de ce fait pas s’appliquer.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse estime que les considérations d’ordre organisationnel du ministre ne sauraient être invoquées pour refuser l’application des garanties conférées par l’article 51 de la loi du 26 mai 1954. Elle rappelle encore qu’elle serait prête à se soumettre aux examens et formations nécessaires à une réaffectation à un autre poste. Ainsi, une révocation de stage ne serait pas seulement bien plus préjudiciable qu’une décision de prolongation de stage en vue d’une nouvelle affectation en attendant le passage d’un examen préalable, mais empêcherait également la postulation à un autre poste au sein de la fonction publique.

Dans le mémoire en duplique, la partie étatique fait exposer qu’une prolongation du stage n’aurait pas été possible alors qu’il aurait alors fallu prolonger le stage en qualité de stagiaire enseignant. D’après le délégué du gouvernement, il n’y aurait pas de trace dans le dossier démontrant que la demanderesse aurait manifesté la volonté de passer des examens et formations relatifs à un autre emploi de la fonction publique. Dans ce cas, il aurait appartenu à la demanderesse de démissionner de ses fonctions et de se porter candidate aux divers examens de concours organisés par le ministère de la Fonction publique.

Force est de relever que la révocation du stage de la demanderesse est basée sur l’article 3 du règlement grand-ducal du 3 août 2010 qui dispose que « L’admission au stage pédagogique est accordée par le ministre ayant l’éducation nationale dans ses attributions, dénommé ci-après le Ministre, conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 10 juin 1980 portant planification des besoins en personnel enseignant de l’enseignement postprimaire si le stagiaire remplit les conditions suivantes:

1. être ressortissant d’un État-membre de l’Union européenne, 2. jouir des droits civils et politiques, 3. offrir les garanties de moralité requises, 4. satisfaire aux conditions d’aptitude physique requises pour l’exercice de la fonction.

La demande d’admission au stage pédagogique, ainsi que les pièces et documents prouvant que les conditions pour l’accès au stage sont remplies, doivent parvenir au Ministre dans les délais fixés, sous peine de forclusion.

L’admission au stage a lieu pour la durée totale du stage.

L’admission au stage est révocable. Le licenciement du stagiaire peut intervenir à tout moment, l’intéressé entendu en ses explications. Sauf dans le cas d’un licenciement pour motifs graves, le stagiaire a droit à un préavis d’un mois. » Par ailleurs l’article 34 du même règlement grand-ducal dispose que « (…) 1. La cessation du stage résulte: (…) b) de l’application des dispositions de l’article 3, dernier alinéa, du présent règlement, (…) » Il résulte de la combinaison de ces deux articles, que l’admission au stage pédagogique est conditionnée, notamment, par la satisfaction du candidat aux conditions d’aptitude physique pour l’exercice de la fonction et que cette admission est révocable.

Il est constant en cause que pour des raisons médicales, la demanderesse n’est plus capable d’exercer ses fonctions de stagiaire-enseignant ni de les reprendre dans le futur, de sorte que l’une des quatre conditions cumulatives pour l’admission au stage n’est plus remplie.

C’est dès lors à bon droit que le ministre a pu décider, sur base de ce seul constat, de révoquer le stage de la demanderesse ne satisfaisant plus aux conditions d’aptitude physique requises.

Cette conclusion n’est pas énervée par la décision de la Commission des pensions retenant que la demanderesse serait apte à un autre poste, alors que la procédure de reclassement prévue à l’article 51 de la loi du 26 mai 1954 n’est applicable qu’aux fonctionnaires titularisés et non aux stagiaires, alors qu’il dispose que « Lorsque la Commission des pensions a constaté qu'un fonctionnaire est, par suite de blessures, d'accidents ou d'infirmités, hors d'état de continuer son service, mais qu'elle l'a déclaré propre à occuper un autre emploi dans l'administration, l'intéressé est considéré comme étant en congé provisoire pour une durée qui ne peut pas dépasser trois mois. Dans l'intervalle, le ministre ayant dans ses attributions l'administration dont relève le fonctionnaire prend l'initiative en vue d'une nouvelle affectation de l'intéressé. (…) » La demanderesse n’ayant pas été fonctionnaire au moment où il a été constaté qu’elle est hors d’état de continuer son service, elle ne saurait partant bénéficier d’un reclassement au sens de l’article 51 précité.

La demanderesse restant en outre en défaut d’étayer son argument relatif à l’impossibilité de postuler pour un autre poste du fait de sa révocation de stage, de sorte que le moyen mettant en cause la proportionnalité de la décision déférée laisse également d’être fondé.

A défaut d’autres moyens, le recours est partant à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, juge, Michèle Stoffel, juge, et lu à l’audience publique du 20 mai 2015 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20/05/2015 Le Greffier du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 34639
Date de la décision : 20/05/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-05-20;34639 ?

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