Tribunal administratif N° 34219 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 mars 2014 1re chambre Audience publique du 20 mai 2015 Recours formé par Madame …et Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, ainsi que contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs, en matière d’aides agricoles
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 34219 du rôle et déposée le 20 mars 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian BILTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame …, épouse …, et de son époux Monsieur …, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 22 juillet 2013 portant obligation de rembourser des aides octroyées, confirmée suite à un recours gracieux du 24 septembre 2013 par une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs, entretemps en charge du dossier, du 20 décembre 2013;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 juin 2014 pour le compte de l’Etat ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Christian BILTGEN déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2014 pour compte des demandeurs ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 juillet 2014 pour le compte de l’Etat ;
Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour de Maître Charles STEICHEN, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, déposée au greffe du tribunal administratif le 3 octobre 2014 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Charles STEICHEN et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 mars 2015 ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Daniel RUPPERT en sa plaidoirie complémentaire à l’audience publique du 20 avril 2015.
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Par courrier du 21 mars 2013, Maître Christian BILTGEN s’adressa en sa qualité de mandataire de Monsieur … au ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural afin de l’informer que son mandant était en aveu d’avoir déclaré, au nom de l’exploitation agricole de son épouse, certaines surfaces agricoles pour lesquelles il n’aurait disposé d’aucune autorisation des propriétaires respectifs et d’avoir ainsi touché des subventions de façon indue. Dans ce même courrier, le ministre fut informé de la volonté de Monsieur … de rembourser les sommes indûment perçues et de voir instituer une mesure d’expertise afin de déterminer le montant exact des subventions indûment touchées et ce au motif que l’exploitation agricole de son épouse disposerait tout de même d’environ 100 hectares de surfaces agricoles pour lesquelles elle serait en droit de solliciter certaines subventions.
Par courrier du 6 mai 2013, le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural informa le mandataire de Monsieur … de son intention de solliciter le recouvrement de l’intégralité des primes agricoles touchées par l’exploitation agricole … pour les années 2005 à 2012, de même que de son intention de considérer un certain nombre de droits au paiement correspondant à la surface totale des parcelles déclarées pour la première fois en 2005 comme ayant été alloués indûment et de les transférer à la réserve nationale.
Par décision du 22 juillet 2013, le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural informa le mandataire de Monsieur … de sa décision de procéder au recouvrement d’un montant total de …EUR au titre de primes agricoles indûment touchées par l’exploitation agricole …. Cette décision est libellée comme suit :
« Dans notre courrier du 6 mai 2013 (réf: 342/13), nous vous avions informé sur notre intention de recouvrer le montant total visé à l’annexe 3 et de considérer un nombre de droits au paiement correspondant à la surface totale des parcelles déclarées pour la première fois en 2005 (annexe 2 dudit courrier) comme alloués indûment et de les transférer à la réserve nationale.
Conformément au règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations de l’Etat et des communes, vous aviez la possibilité de prendre position par rapport à la décision envisagée et de nous soumettre vos observations éventuelles endéans un délai de deux semaines.
Comme nous n’avons pas reçu de prise de position de votre part, nous sommes obligés d’appliquer les mesures annoncées dans le courrier précité.
Ainsi vous êtes obligés de restituer le montant total de …euros, intérêts moratoires en sus, calculés selon le taux d’intérêt légal 2013 de 3,50% (en application de l’article 80 du règlement (CE) n°1122/2009 du 30 novembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n°73/2009 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs.
(…) Nous vous prions de virer la somme de …euros, majorée le cas échéant des intérêts moratoires, sur le compte des chèques postaux n° LU20 1111 0422 2227 0000 de la trésorerie de l’Etat – FEAGA, avec la mention « 394-190 P104 » Veuillez noter que la présente décision est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif à introduire dans le délai de trois mois par ministère d’avocat à la cour. (…) » Par courrier recommandé du 24 septembre 2013, Maître Christian BILTGEN, agissant en sa qualité de mandataire de l’exploitation agricole … et de Madame …, forma un recours gracieux contre la décision ministérielle précitée.
Par décision du 20 décembre 2013, le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs, entretemps en charge du dossier, ci-après « le ministre », confirma la décision initiale du 22 juillet 2013 en les termes suivants :
« (…) 1. En premier lieu, vous expliquez que l’exploitation est gérée par Madame …de sorte que l’exploitation est à intituler de…et non pas de ….
Je vous prie de noter qu’en vertu du courrier du 2 janvier 2002 de la part du Centre commun de la Sécurité Sociale (cf. annexe), l’exploitation agricole au nom de … …a été reprise par son épouse sur base de la déclaration du changement du chef d’exploitation et que l’exploitation est enregistrée sous le nom de Madame … …. Par ailleurs, l’enregistrement de l’exploitation sous le nom de … … n’a pas fait l’objet jusqu’à présent d’une contestation de la part du chef d’exploitation.
2. Vous soulignez que Madame…avait confié la tâche des déclarations parcellaires à son mari qui lui a signé personnellement toutes les déclarations depuis les années 2005 à 2012 et vous précisez que Madame…ne savait pas que son mari a déclaré des parcelles sur lesquelles l’exploitation ne possédait aucun droit de jouissance ou de propriété et que de ce fait, il ne saurait lui être reproché d’avoir intentionnellement procédé à des surdéclarations.
Il importe de remarquer dans ce cadre que nous partons de l’hypothèse que la signature d’une déclaration provient du chef de l’exploitation en question.
Par ailleurs, votre affirmation que Monsieur … a signé personnellement toutes les déclarations depuis les années 2005 à 2012 ne correspond pas à la réalité, car il faut constater que les déclarations de paiements à la surface des années 2005 à 2012 ont été signées par deux personnes différentes, la signature d’un certain nombre d’années semblant provenir de la main de Madame …, celle des autres années de la main de Monsieur ….
Par conséquent :
- Il n’est certainement pas possible de prétendre que Madame…n’avait pas connaissance sur les parcelles en question et qu’elle ne savait pas que son mari a déclaré des parcelles sur lesquelles l’exploitation ne possédait aucun droit de jouissance alors qu’elle a signé elle-même les déclarations de paiements à la surface de certaines années, d’autant plus qu’elle déclare avec sa signature avoir pris connaissance des conditions d’octroi des primes demandées et confirme l’exactitude des déclarations.
- En ce qui concerne les déclarations qui portent la signature de Monsieur …, vous confirmez en effet que Madame…avait confié la tâche des déclarations à son époux. Force est donc de constater que Monsieur … a reçu oralement un mandat ou une délégation de signature de la part de son épouse.
Ainsi, si Monsieur … a été autorisé à signer les déclarations pour son épouse et donc pour l’exploitation, il est clair que Madame…ou l’exploitation doit répondre des conséquences que ces déclarations sont susceptibles d’engendrer. Il n’est certainement pas possible de se soustraire à sa responsabilité par le seul fait d’une délégation de signature.
En effet une délégation de signature n’emporte pas délégation de pouvoirs ou de responsabilité, mais uniquement la possibilité de signer des actes ou documents.
3. Par ailleurs, vous vous rapportez à l’article 137 du règlement (CE) n°73/2009 du 19 janvier 2009 en prétendant que les droits au paiement attribués aux agriculteurs avant le 1er janvier 2009 sont réputés légaux et réguliers à partir du 1er janvier 2010.
L’article 137, paragraphes 1 et 2 du règlement (CE) n°73/2009 dispose ce qui suit :
« Article 137 Confirmation des droits au paiement 1. Les droits au paiement attribués aux agriculteurs avant le 1er janvier 2009 sont réputés légaux et réguliers à partir du 1er janvier 2010.
2. Le paragraphe 1 du présent article ne s’applique pas aux droits au paiement attribués aux agriculteurs sur la base de demandes présentant des erreurs matérielles, sauf si celles-ci ne pouvaient raisonnablement être décelées par l’agriculteur. » Par ailleurs, il y a lieu de se référer à l’article 81, paragraphe 1 du règlement (CE) n°1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009 qui prévoit ce qui suit :
« Article 81 Récupération des droits indûment alloués 1. Sans préjudice de l’article 137 du règlement (CE) no 73/2009, lorsque, après que des droits au paiement ont été alloués aux agriculteurs conformément au règlement (CE) no 795/2004 ou au règlement (CE) no 1120/2009, il est établi que certains droits au paiement ont été alloués indûment, l’agriculteur concerné cède les droits indûment alloués à la réserve nationale visée à l’article 41 du règlement (CE) no 73/2009. » Si l’article 137, paragraphe 1 prévoit en effet le principe selon lequel les droits au paiement attribués avant le 1er janvier 2009 sont réputés légaux et réguliers, il importe de se référer au paragraphe 2 dudit article pour appliquer quand-même une reconduction des droits au paiement à la réserve nationale dans le cas où des droits au paiement ont été attribués aux agriculteurs sur la base de demandes présentant des erreurs matérielles.
La reconduction des droits au paiement à la réserve nationale peut être exclue dans le cas où l’agriculteur était de bonne foi et ne pouvait raisonnablement déceler les erreurs matérielles.
Compte tenu des explications au point 2 ci-dessus, il n’est pas possible d’exclure dans le cas d’espèce la reconduction de droits au paiement à la réserve nationale.
En effet, il y a lieu de conclure à la présence d’erreurs matérielles et à l’allocation indue à l’exploitation … d’un certain nombre de droits au paiement.
4. Vous faites également référence à l’article 73, paragraphe 5 du règlement (CE) n°796/2004 pour limiter l’obligation de remboursement à 4 ans pour le bénéficiaire ayant agi de bonne foi.
Il est à noter que l’article 73, paragraphe 1 prévoit le principe selon lequel le bénéficiaire concerné par le paiement indu doit rembourser les montants en cause majorés des intérêts calculés selon les dispositions du paragraphe 3 (alinéa 1er : période considérée pour le calcul des intérêts ; alinéa 2 : taux d’intérêt applicable selon les Etats membres).
En vertu du paragraphe 5, un délai de 10 ans prescrit cette obligation de remboursement qui est réduit à 4 ans si le bénéficiaire a agi de bonne foi.
Or, depuis l’entrée en vigueur du règlement (CE) n°1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009 (qui abroge et remplace le règlement (CE) n°796/2004 avec effet au 1er janvier 2010), une disposition similaire à celle de l’article 173, paragraphe 5 (prévoyant des délais de prescription de 10 et de 4 ans) n’existe plus.
De cette manière la question de la répétition de l’indu s’insère dans le cadre plus général du règlement (CE, EURATOM) n°2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes. Si l’article 3, paragraphe 1, alinéa 1 prévoit comme délai de prescription de principe également un délai de 4 ans à partir de la réalisation de l’irrégularité, il y a lieu de tenir compte de l’article 3, paragraphe 1, alinéa 2 qui retient que pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à partir du jour où l’irrégularité prend fin.
Il ne saurait donc être question d’une limitation du recouvrement à 4 ans.
5. Vous relevez par ailleurs que la décision ministérielle adressée à votre étude mentionne que « vous êtes obligés de restituer le montant total ».
Il est évident que votre étude n’est pas concernée par la demande remboursement.
Compte tenu des explications précitées, nous devons conclure à la confirmation de la décision du 22 juillet 2013 et à l’obligation de remboursement du montant total y précisé.
(…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 mars 2014, Madame …, épouse …, agissant en son nom personnel ainsi qu’au nom et pour compte de l’exploitation agricole …, ci-après « la demanderesse » et Monsieur …, agissant en sa qualité de partie tierce-intéressée, ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 22 juillet 2013, confirmée sur recours gracieux par décision ministérielle du 20 décembre 2013.
Quant à la recevabilité Dans la mesure où aucune disposition légale ne prévoit un recours en réformation en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être valablement introduit contre les décisions ministérielles litigieuses.
Avant tout autre progrès en cause, le tribunal relève d’abord que la partie étatique se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en ce qu’il a été introduit par Monsieur … en sa qualité de « tiers intéressé », la partie étatique estimant en effet qu’il devrait être considéré comme étant, tout comme la demanderesse, le destinataire direct des deux décisions ministérielles litigieuses au même titre que son épouse.
Force est à cet égard de constater que les courriers ministériels précités des 6 mai, 22 juillet et 20 décembre 2013 ont tous été adressés à Maître Christian BILTGEN qui avait pris l’initiative à travers son courrier du 21 mars 2013 de prendre contact avec le ministre compétent en sa qualité de mandataire du seul …. Il n’en demeure pas moins que dans les courriers ministériels prévisés, le ministre a à chaque fois indiqué qu’une copie desdits courriers était adressée à l’exploitation « … », respectivement à l’exploitation « … », qui était d’ailleurs directement concernée par le contenu de ces courriers.
En effet, il est constant en cause que la demande de remboursement formalisée à travers les décisions ministérielles des 22 juillet et 20 décembre 2013 vise différentes primes agricoles versées par l’Etat à l’exploitation agricole … qui a été reprise et gérée à partir du 1er décembre 2001 par Madame …après avoir été exploitée jusque-là par son époux, Monsieur ….
Dans la mesure où les primes dont le remboursement est exigé ont été sollicitées au nom et pour compte de l’exploitation agricole … au cours de la période allant de 2005 à 2012, seule Madame…doit être considérée, en sa qualité de représentante légale de ladite exploitation agricole depuis décembre 2001, comme destinatrice directe des décisions ministérielles litigieuses.
Pour ce qui est de Monsieur …, force est de relever que le seul fait que ce dernier ait ponctuellement assisté son épouse dans le cadre de la gestion administrative de l’exploitation agricole ne saurait lui conférer la qualité d’exploitant agricole impliqué dans le processus décisionnel au même titre que Madame …, ni a fortiori celle de destinataire direct des décisions ministérielles litigieuses. Le même constat s’impose en ce qui concerne l’affirmation de la partie étatique suivant laquelle une partie des sommes réclamées par l’Etat pour les années 2005 à 2012 aurait été remboursée à partir d’un compte courant appartenant à Monsieur …. En effet, dans la mesure où il est constant en cause que les époux … sont mariés sous le régime de la communauté légale, rien ne s’oppose à ce que Monsieur … acquitte à partir de son propre compte courant une dette dont le remboursement est réclamé à son épouse.
Monsieur … doit dès lors être considéré comme intervenant volontairement dans le cadre du présent recours, de sorte qu’il y a lieu de vérifier la recevabilité de son intervention volontaire.
A cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une intervention est recevable dès lors que l’intervenant justifie d’un intérêt direct ou indirect, matériel ou moral, la jurisprudence des juridictions civiles admettant même que le risque que le jugement à intervenir ne crée un simple préjugé favorable comme constitutif d’un intérêt suffisant pour intervenir1, l’intérêt à intervenir étant d’ailleurs apprécié de manière plus libérale que l’intérêt à agir, de sorte que sont recevables à intervenir tous ceux qui n’ont pas un intérêt direct à la solution du litige, mais à l’égard desquels le principe de cette solution peut avoir des incidences2.
A ce titre, Monsieur … expose avoir un intérêt à intervenir aux côtés de son épouse en qualité de tiers intéressé, dans la mesure où il serait à l’origine des agissements frauduleux dont pâtirait actuellement son épouse, de sorte qu’il lui serait de toute façon redevable des montants que cette dernière serait amenée à devoir rembourser à l’Etat.
Dans la mesure où l’issu du présent litige est susceptible d’avoir un impact direct sur la situation, notamment financière, de Monsieur …, il doit être considéré comme justifiant d’un intérêt suffisant pour intervenir volontairement dans le présent litige et présenter ses moyens en appui des décisions entreprises. Une requête en intervention volontaire, lorsqu’elle intervient en appui à une requête, peut en effet seulement étayer les moyens développés dans la requête principale ; ainsi, par une intervention, un intervenant ne peut ni étendre la portée de la requête, ni exposer des moyens nouveaux3 : en d’autres termes, l’intervenant ne peut que s’associer à l’action principale.
Sous cette réserve, le recours en annulation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Quant au fond 1. A l’appui de son recours, la demanderesse, en se basant sur les dispositions de l’article 57 de la loi modifiée du 18 avril 2008 concernant le renouvellement du soutien au développement rural, ci-après « la loi du 18 avril 2008 », invoque tout d’abord l’absence de toute connaissance de cause et de négligence grave dans son chef, en arguant à cet égard de ce qu’elle aurait été dans l’ignorance la plus complète des agissements de son époux. Elle fait dans ce contexte, d’un côté, valoir que l’ensemble des déclarations litigieuses auraient été établies et signées par son époux et elle en veut pour preuve que dans 99% des cas elle-même signerait sous le nom de «…», alors que les déclarations litigieuses seraient quant à elles toutes signées sous le nom de « … », avec une écriture qui divergerait de la sienne. Elle sollicite dans ce contexte l’institution d’une mesure de vérification d’écriture sur base des échantillons d’écriture versés de sa part et des déclarations des années 2005 à 2012.
D’un autre côté, elle insiste sur le fait qu’au vu de l’expérience de son époux dans ce domaine, elle aurait confié la tâche des déclarations parcellaires à ce dernier, qui aurait alors signé lesdites déclarations pour les années 2005 à 2012. Elle estime que par conséquent aucune négligence grave ne pourrait lui être imputée alors qu’elle se serait fiée à son mari et que rien ne lui aurait permis de douter de sa bonne foi. La demanderesse fait à cet égard encore valoir que s’agissant d’actes administratifs, il lui serait impossible de solliciter devant les juridictions civiles l’annulation des déclarations faites par son époux sur base de l’article 1427 du Code civil et que par ailleurs, le délai de recours contentieux contre les décisions d’attribution des primes litigieuses serait également écoulé, de sorte qu’elle n’aurait pas 1 Voir Lux. 21 juin 1972, Pas. 22, p. 229.
2 Trib. adm. 22 juillet 2009, n° 24495, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 393 ; voir aussi trib. adm.
11 janvier 2012, n° 27576, 27679, 27689 et 28442 du rôle.
3 M. Leroy, Contentieux administratif, 3e édition, p.566.
d’autre choix que de tenter de prouver son absence de connaissance de la fausseté de déclarations de son mari.
Madame…estime ensuite qu’il serait hautement critiquable que l’Etat ait opéré une confusion entre, d’un côté, elle-même, qui serait innocente et de bonne foi, et, de l’autre côté, son époux, au seul nom duquel le mandataire ad litem aurait écrit la lettre du 21 mars 2013 à travers laquelle Monsieur … aurait avoué ses agissements frauduleux. Or, l’Etat ne serait pas en droit de déduire de l’aveu de son époux, qui n’aurait pas la qualité de gérant de l’exploitation, des conséquences en découlant pour elle-même et ce sous peine de violer le principe de la personnalité juridique. A cela s’ajouterait que l’aveu de Monsieur … serait indivisible, de sorte que s’il reconnaissait sa responsabilité exclusive dans les fausses déclarations, l’Etat ne pourrait alors retenir également la responsabilité de la demanderesse comme ayant commis elle-même les fausses déclarations. Les décisions entreprises seraient dès lors à annuler alors que l’Etat n’aurait pas été en droit de demander le remboursement total à la demanderesse.
La demanderesse fait encore valoir que dans la mesure où la fraude commise par son époux l’aurait également surprise, les conditions légales tant nationales qu’européennes tenant à l’intention et à la connaissance des fausses déclarations ne seraient pas remplies pour solliciter un remboursement de sa part. Par ailleurs, la demanderesse aurait proposé à l’Etat, sur base des textes européens et du principe de la répétition de l’indu purement civile limitée à 4 ans en cas de bonne foi, de rembourser une partie des sommes reçues au titre des aides pour les années 2009 à 2012, tout en se réservant expressément le droit de demander à son mari le remboursement du préjudice ainsi subi par elle.
La partie étatique, pour sa part, estime que s’il devait être admis que la demanderesse avait confié la tâche de remplir les déclarations à son époux, alors ce dernier devrait être considéré comme ayant reçu un mandat sur base duquel il aurait été autorisé à signer les déclarations pour son épouse et donc pour l’exploitation de cette dernière. Il en découlerait que l’exploitation, ainsi que le chef d’exploitation devraient répondre des conséquences que ces déclarations pourraient engendrer, ce d’autant plus que, par sa signature, Monsieur … aurait déclaré avoir pris connaissance des conditions d’octroi des primes demandées et certifié l’exactitude des déclarations.
La partie étatique considère encore que ce serait à tort que les époux … tenteraient, d’un côté, de demander d’abord que les déclarations soient acceptées alors même qu’elles n’auraient pas été établies par l’agriculteur-chef d’exploitation, tout en exigeant, d’un autre côté, que les règles concernant les surdéclarations intentionnelles ne leur soient pas appliquées au motif qu’elles devraient justement émaner de l’agriculteur-chef d’exploitation, ce qui ne serait pas le cas ici. En suivant le raisonnement des demandeurs, il serait alors très facile de contourner la sanction d’une surdéclaration intentionnelle en insistant sur le fait que ce ne serait pas l’agriculteur lui-même qui a signé les déclarations mais que ce dernier avait confié cette tâche à un tiers, de sorte à avoir ignoré le contenu desdites déclarations. La partie étatique en conclut qu’en suivant ce raisonnement, il y aurait lieu de refuser les demandes de paiement à la surface au motif que les déclarations n’ont pas été signées par l’agriculteur lui-
même et que dès lors en l’espèce, si on n’était pas en présence de la signature du chef de l’exploitation, les déclarations portant la signature de Monsieur … devraient être considérées comme irrecevables et ce sur base des articles 19 du règlement (CE) n°73/2009 et 12 du règlement (CE) n°1122/2009 précités.
La partie étatique maintient ensuite qu’il serait plus que douteux que les déclarations aient toutes été signées de la main du seul époux de la demanderesse.
La partie étatique donne par ailleurs à considérer que ce ne serait pas l’aveu de l’époux de la demanderesse qui aurait été déterminant pour prendre la décision de réduction des primes mais que ce serait simplement à partir des faits reprochés aux demandeurs et à partir des déclarations de deux personnes tierces qu’il aurait été conclu à une surdéclaration intentionnelle dans le chef de l’exploitation ….
Finalement, la partie étatique insiste sur le fait que l’article 57 de la loi du 18 avril 2008 auquel il serait fait référence dans la requête introductive d’instance ne trouverait pas à s’appliquer en l’espèce alors que cet article concernerait principalement les aides d’investissement traitées par ladite loi et que la procédure de recouvrement litigieuse ne viserait pas des aides d’investissement, de sorte qu’il y aurait lieu de se référer en l’espèce aux dispositions de recouvrement applicables au paiement unique, à la prime à l’entretien du paysage et de l’espace naturel et à l’indemnité compensatoire telle que citées notamment dans la lettre ministérielle d’intention du 6 mai 2013.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse donne encore à considérer que si juridiquement parlant elle avait donné mandat à son époux pour effectuer les déclarations de surface, il n’en demeurerait pas moins que ce mandat aurait consisté à ce que ce dernier remplisse correctement lesdites déclarations. En se fondant encore sur l’article 1998 du Code civil, la demanderesse fait valoir qu’il n’existerait aucune ratification expresse ou tacite de sa part alors qu’elle n’aurait pas su que son époux avait excédé son mandat consistant à déclarer correctement les surfaces.
La demanderesse insiste également sur le fait que si l’Etat avait accepté des demandes de subvention ne remplissant éventuellement pas la condition de la signature par un agriculteur, cette circonstance de fait ne saurait lui être reprochée alors que le délai pour reconsidérer ces décisions serait révolu avec l’expiration du délai de recours. A cela s’ajouterait que si l’Etat l’avait rendue attentive à cette exigence en lui renvoyant ou en refusant la première déclaration effectuée par son époux, elle les aurait remplies elle-même pour l’avenir.
2. La demanderesse estime ensuite que l’analyse des bases réglementaires européennes devrait amener le tribunal à conclure dans le sens d’une absence de remboursement total dans son chef, alors qu’au sens de ces textes, pour que l’obligation au remboursement existe, il faudrait également à chaque fois que l’agriculteur lui-même ait commis le fait, soit intentionnellement, soit par négligence et que ce fait pouvait être raisonnablement décelé par lui.
Ainsi, la demanderesse sollicite tout d’abord pour les primes des années 2005 à 2008 l’application dans son chef de l’amnistie qui serait prévue à l’article 137 du règlement (CE) n°73/2009 du 19 janvier 2009 et ce au motif qu’elle n’aurait pas pu raisonnablement déceler les fausses déclarations de son mari auquel elle se serait fiée et qu’elle n’aurait pas signé les déclarations en cause, contrairement à ce qui serait avancé par l’Etat. Dans son mémoire en réplique, la demanderesse précise encore à cet égard que si l’amnistie ne devait pas jouer dans son chef, alors elle serait éventuellement seulement redevable de la somme de …euros à augmenter des intérêts légaux au taux de 3,5% à partir du 22 juillet 2013, mais elle sollicite de la part du tribunal d’inviter l’Etat à préciser quelle est la surface déterminée de l’exploitation…et ce en tenant compte des surfaces régulièrement déclarées.
A cela s’ajouterait que l’article 73, paragraphe 5, alinéa 2, du règlement (CE) du 21 avril 2004 qui selon la demanderesse continuerait à s’appliquer aux aides reçues de 2005 à 2009 énoncerait que l’obligation de remboursement en cas d’indu serait limitée à quatre ans si le bénéficiaire a agi de bonne foi, ce qui serait son cas.
Par ailleurs, les textes spéciaux précités dérogeraient au texte général du règlement (CE) Euratom n°2988/95 du 18 décembre 1995, de sorte qu’en vertu du principe selon lequel le spécial déroge au général, seules les dispositions spéciales devraient prévaloir en l’espèce.
La demanderesse insiste à cet égard plus particulièrement sur l’application de la disposition transitoire prévue à l’article 86 du règlement (CE) n°1122/2009 qui stipulerait que le règlement CE n°796/2004 resterait applicable pour les demandes d’aides relatives notamment aux périodes de référence des primes commençant avant le 1er janvier 2010.
La partie étatique conteste quant à elle l’applicabilité au cas d’espèce de l’amnistie prévue à l’article 137 du règlement CE n°73/2009 en faisant valoir sur base de l’article 81, paragraphe 1, du règlement (CE) n°1122/2009 que la reconduction des droits au paiement à la réserve nationale pourrait seulement être exclue lorsque l’agriculteur a agi de bonne foi et s’il ne pouvait raisonnablement pas déceler les erreurs matérielles, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
Elle estime encore que depuis l’entrée en vigueur du règlement (CE) n°1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009 qui a abrogé et remplacé le règlement CE n°796/2004 avec effet au 1er janvier 2010, une disposition similaire à celle de l’article 73, paragraphe 5, du règlement (CE) n°796/2004, prévoyant une limitation du recouvrement à 4 ans, n’existerait plus et que dès lors la question de la répétition de l’indu s’insérerait dans le cadre plus général du règlement (CE) n°2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes dont l’article 3, paragraphe 1, alinéa 2, qui retiendrait que pour ce qui est des irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription courrait à partir du jour où l’irrégularité aurait pris fin.
3. La demanderesse fait ensuite valoir que certaines des bases européennes invoquées par le ministre à l’appui des décisions litigieuses seraient à écarter.
Ainsi, la clause de contournement prévue à l’article 30 du règlement (CE) 73/2009 serait inapplicable dans son chef alors qu’elle n’aurait eu recours à aucun artifice et qu’elle n’aurait pas eu connaissance des agissements frauduleux de son époux. Elle précise à cet égard que les données de l’espèce ne permettraient pas de conclure à un artifice au sens dudit article 30 alors que son époux aurait, sans connaissance de sa part, déclaré certaines surfaces agricoles admissibles qui existeraient vraiment, mais sur lesquelles l’exploitation n’aurait pas de droit de jouissance ou de propriété. Il n’y aurait dès lors pas parmi les surfaces ainsi déclarées des surfaces destinées à une autre fin ou ayant changé d’affectation dans le but d’obtenir le paiement unique.
A cela s’ajouterait également que les règles relatives à la conditionnalité ne seraient pas en cause en l’espèce alors que la conditionnalité consisterait à respecter certaines normes en matière de protection de l’environnement et des animaux, de sorte qu’aucun remboursement ne pourrait lui être demandé sur base des articles des règlements européens ayant trait à la conditionnalité.
La partie étatique conteste quant à elle l’inapplicabilité au cas d’espèce de l’article 30 du règlement (CE) n°73/2009 en faisant valoir que la lecture correcte de cet article et du considérant n°25 dudit règlement permettrait de conclure qu’il ne saurait être question d’affectation des surfaces, mais que l’objectif de cet article serait clairement de sanctionner la mauvaise affectation des ressources communautaires par des manœuvres frauduleuses. Ce serait en tout état de cause à tort que les époux … invoqueraient une absence d’artifice de la part de Monsieur … au motif que les surfaces déclarées dans le cadre des demandes de paiement à la surface n’auraient pas changé d’affectation et n’auraient pas été destinées en fait à une autre fin que celle déclarée. En effet, le seul fait de déclarer des surfaces qui n’étaient pas à la disposition de l’exploitation serait constitutif d’un artifice, c’est-à-dire d’un moyen destiné à tromper, sinon d’une fraude.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse rétorque à cet égard que l’article 30 du règlement (CE) 73/2009 précité serait inapplicable au cas d’espèce alors qu’il permettrait de refuser d’effectuer un paiement avant que les fonds n’aient été transférés tandis qu’en l’espèce, les décisions litigieuses viseraient à récupérer des sommes d’ores et déjà versées.
4. Finalement, et en ce qui concerne les bases européennes invoquées, la demanderesse estime qu’en tout état de cause, seules les dispositions quant à la répétition de l’indu pourraient éventuellement lui être applicables, mais que dans ce cas, l’indu devrait se limiter à la partie des primes correspondant aux surfaces sur lesquelles l’exploitation n’aurait eu aucun droit de jouissance ou de propriété.
A cela s’ajouterait que si le texte général du règlement EURATOM (CE) n°2988/95 devait s’appliquer, l’article 2, paragraphe 1, dudit règlement énoncerait que les sanctions administratives devraient revêtir un caractère proportionnel, de sorte que le remboursement total des primes serait nécessairement disproportionné. Il ne faudrait pas non plus perdre de vue qu’il serait généralement admis en matière d’indemnisation que la victime pourrait uniquement obtenir remboursement du préjudice effectivement subi, de sorte que l’Etat ne pourrait prétendre qu’au seul remboursement des primes se rapportant et se limitant nécessairement à la partie des surfaces sur lesquelles l’exploitation n’aurait eu aucun droit de jouissance ou de propriété. Par ailleurs, étant donné que l’Etat ne pourrait pas obtenir une double indemnisation de son préjudice réellement subi, ce serait ou bien l’auteur de l’infraction, à savoir Monsieur …, ou bien dans le cadre de la répétition de l’indu, la demanderesse, qui serait obligée de rembourser le préjudice réellement subi.
La demanderesse donne encore à considérer qu’aucun remboursement ne pourrait lui être réclamé en vertu de l’article 137 du règlement (CE) n°73/2009 précité et de l’article 73, paragraphe 5, alinéa 2 du règlement (CE) 796/2004 du 21 avril 2004 pour les exercices de 2005 à 2008, mais que dans la mesure où son époux aurait commis l’infraction et eu égard à l’article 3, paragraphe 1er, alinéa 2 du règlement (CE) 2988/95, les années 2005 à 2008 pourraient le cas échéant uniquement être mises à charge de son seul époux, les années 2009 à 2012 étant à prendre en considération tant pour l’exploitation…que pour Monsieur …, la première au titre de la répétition de l’indu et le second au titre de l’état infractionnel, le tout toutefois sans préjudice de la défense au pénal de Monsieur … et notamment de son droit de soulever une prescription plus raccourcie.
En tout état de cause, étant donné qu’aucune intention ne pourrait être reprochée à la demanderesse, cette dernière estime encore que la réduction des primes de surface devrait être calculée conformément aux articles 16, paragraphe 2, du règlement (CE) 1975/2006 du 7 décembre 2006 pour les aides de 2007 à 2010 et 16, paragraphe 5, du règlement (CE) 65/2011 du 27 janvier 2011 pour les aides de 2011 et 2012, respectivement conformément à l’article 58, alinéa 1er, du règlement (CE) 1122/2009 pour les années 2010 à 2012 et 51, paragraphe 1er, alinéa 1er du règlement (CE) 796/2004 pour les années 2005 à 2009.
La demanderesse fait finalement valoir que de toute façon, dans tous ces articles, la réduction correspondrait au double de la différence constatée entre la déclaration et la superficie déterminée, si la différence dépassait 3% ou 2 hectares, mais pas plus de 20% de la superficie déterminée. Or, étant donné qu’elle disposerait d’une exploitation dont la surface déterminée correspondrait à 108,50 hectares et que la surdéclaration de son époux concernerait seulement 15 hectares 33 ares et 89 centiares, la réduction des primes serait de 28,28 %, alors que la différence ne serait que de 14,14%.
Par ailleurs, pour ce qui est des primes de 2009 à 2012, leur montant s’élèverait à … EUR, de sorte que la réduction susceptible d’être réclamée tant à l’exploitation agricole qu’à Monsieur … ne pourrait dépasser 28,28% de ce montant. Il en irait de même des primes de 2005 à 2008 d’un montant de … EUR dont le montant pouvant éventuellement être réclamé au seul époux de la demanderesse ne pourrait dépasser 28,28%.
En ce qui concerne l’article 2, paragraphe 1er, du règlement (CE) EURATOM n°2988/95, la partie étatique donne à considérer que s’il était indiqué de prévoir des sanctions proportionnées, il résulterait de l’article 5 du même règlement que des sanctions susceptibles d’être appliquées pour les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence seraient proportionnées même lorsqu’elles viseraient par exemple « le paiement d’un montant excédant les sommes indûment perçues ou éludées, … » ou bien « la privation totale ou partielle d’un avantage octroyé par la réglementation communautaire, même si l’opérateur a bénéficié indûment d’une partie seulement de cet avantage » ou même « l’exclusion ou le retrait du bénéfice de l’avantage pour une période postérieure à celle de l’irrégularité ». La partie étatique souligne encore que les règlements communautaires relatifs à la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle, dont notamment le règlement (CE) n°1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009, établirait un système de réductions appropriées aussi bien pour les exigences relatives à la conditionnalité que pour les critères d’admissibilité et les surdéclarations intentionnelles. Il s’ensuivrait que le remboursement ne devrait pas se limiter uniquement à la partie des surfaces qui feraient l’objet d’une surdéclaration.
Ce serait encore à tort que les époux … soutiendraient qu’il y aurait lieu d’appliquer les dispositions communautaires relatives aux surdéclarations « simples » prévoyant que le montant de l’aide est calculé sur base de la superficie déterminée, réduite du double de la différence constatée, si celle-ci dépasse 3% ou 2 hectares, mais n’excède pas 20% de la superficie déterminée. En effet, il n’y aurait pas lieu d’appliquer la double réduction de la différence à la superficie déclarée mais le calcul devrait être effectué en se basant sur la superficie déterminée, c’est-à-dire celle qui est réduite de la différence constatée, pour ensuite retrancher de cette superficie déterminée le double de la différence constatée.
Par ailleurs, dans le cadre de la question d’une double indemnisation, il conviendrait de se référer à l’article 6, paragraphe 5, du règlement (CE) EURATOM n°2988/95 qui admettrait la possibilité pour les « sanctions pécuniaires qui font partie intégrante des régime de soutien financier d’être appliquées indépendamment d’éventuelles sanctions pénales … », de sorte qu’il ne saurait en l’espèce être question d’une illégalité externe ou interne quelconque entachant les décisions ministérielles litigieuses.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse rétorque que tous les articles sur lesquels elle se fonderait ne prévoiraient l’absence de droit au paiement que si le seuil de 20% était dépassé ou s’il y avait eu une surdéclaration intentionnelle de l’agriculteur. Or, comme la demanderesse serait l’agricultrice-exploitante, il faudrait que la surdéclaration intentionnelle ou le dépassement du seuil émane d’elle-même, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Elle insiste à cet égard également sur le fait que comme l’Etat n’aurait pas renvoyé les déclarations de surface pour ne pas avoir été remplies de sa main, le défaut d’avoir personnellement rempli les déclarations ne pourrait plus servir de fondement à refuser les paiements effectués au vu de l’écoulement du délai de recours contre la décision d’attribution et d’éligibilité.
Les époux … insistent finalement sur le fait que même si l’article 6, paragraphe 5 du règlement (CE) n°1988/95 précité devait trouver à s’appliquer, les sanctions pénales y prévues couvriraient le cas échéant des peines de liberté et d’amende, mais non pas les réparations civiles. A cela s’ajouterait que l’article 6, paragraphe 4, du même règlement disposerait que la juridiction administrative devrait tenir compte des sanctions imposées par l’autorité judiciaire, de sorte qu’en aucun cas ne pourrait intervenir une double indemnisation du même préjudice.
5. Finalement et au vu du fait que l’ensemble des documents aurait été saisi par la police suite à la plainte de l’Etat, les époux … sollicitent pour autant que de besoin l’institution d’une mesure d’expertise afin de clarifier la surface déterminée et la différence, sinon du moins que l’Etat fournisse une copie des documents nécessaires afin de permettre au tribunal de pouvoir retracer la surface déterminée et la différence, et ce pour pouvoir se prononcer sur la validité des décisions attaquées concernant le montant dont le remboursement est sollicité. Les époux … sollicitent encore qu’il soit sursis à statuer en attendant l’issue de l’instruction pénale et des jugements à intervenir au pénal.
La partie étatique s’oppose quant à elle à la nomination d’un expert devant procéder au calcul, respectivement au recalcul des primes reçues et des sommes à rembourser, y compris des sanctions pécuniaires, au motif que ces demandes seraient irrecevables dans la mesure où le tribunal ne serait pas saisi d’un recours en réformation dans le cadre duquel il pourrait procéder à une vérification au fond des écritures et revérifier au fond les sommes perçues ainsi que les sanctions pécuniaires applicables pour fausses déclarations.
Il est constant en cause qu’il est reproché à l’exploitation agricole …, gérée depuis décembre 2001 par Madame …, d’avoir indûment perçu pour les années 2005 à 2012 des aides agricoles au titre du paiement unique, de la prime à l’entretien du paysage et de l’espace naturel, ainsi qu’au titre de l’indemnité compensatoire, et ce, du fait d’avoir déclaré intentionnellement, en vue de l’obtention de ces différentes primes, des surfaces agricoles ne faisant pas partie de ladite exploitation agricole et pour lesquelles ladite exploitation ne disposait pas de l’autorisation des propriétaires des surfaces concernées.
Il ressort des décisions ministérielles litigieuses que le ministre sollicite de la part de l’exploitation agricole …, respectivement de la part de Madame …, en sa qualité de chef de ladite exploitation, le remboursement de l’intégralité des montants perçus au titre des différentes primes précitées perçues pour les années 2005 à 2012 et que cette décision de recouvrement est fondée sur les dispositions réglementaires européennes suivantes :
- pour ce qui est du paiement unique : les dispositions applicables en vertu des règlements (CE) n°1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 établissant les règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes en faveur des agriculteurs, ci-
après « le règlement (CE) n°1782/2003 », tel que remplacé à partir de 2009 par le règlement (CE) n°73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, ci-
après « le règlement (CE) n°73/2009 », ainsi que les dispositions applicables en vertu du règlement (CE) n°796/2004 de la Commission du 21 avril 2004 portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement n°1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, ci-après « le règlement (CE) n°796/2004 », ayant été remplacé à partir de 2010 par le règlement (CE) n°1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des régimes de soutien prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) n°1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole, ci-après « le règlement « CE » n°1122/2009 » ;
- pour la prime à l’entretien du paysage et de l’espace naturel et l’indemnité compensatoire : les dispositions applicables en vertu du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), ci-après « le règlement (CE) n°1698/2005 », ainsi que le règlement (CE) n° 1975/2006 de la Commission du 7 décembre 2006 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil en ce qui concerne l’application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural, ci-après « le règlement (CE) n°1975/2006 », ayant été remplacé à partir de 2011 par le règlement (UE) n°65/2011 de la Commission du 27 janvier 2011 portant modalités d’application du règlement (CE) n°1698/2005 du Conseil en ce qui concerne l’application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural, ci-après « le règlement (UE) n°65/2011 ».
C’est plus particulièrement après avoir d’abord constaté dans sa lettre d’intention du 6 mai 2013 que les faits reprochés à Monsieur … - tels que repris dans le courrier du mandataire de ce dernier du 21 mars 2013 - étaient à considérer comme des surdéclarations intentionnelles aux termes des règlements communautaires précités et qu’il serait établi que la différence entre la surface déclarée par l’exploitation agricole … et la surface déterminée serait supérieure à 0,5% de la superficie déterminée ou bien supérieure à un hectare, que le ministre a finalement retenu à travers les deux décisions litigieuses que ladite exploitation agricole devait se voir refuser l’ensemble des paiements lui octroyés au titre des primes prévisées et qu’il en a sollicité le remboursement intégral dans le chef de l’exploitation, respectivement de Madame…en sa qualité de représentante de ladite exploitation.
Le tribunal est tout d’abord amené à relever que la question centrale du litige lui actuellement soumis consiste en substance à déterminer si et dans quelle mesure, la demanderesse peut se voir reprocher un manquement intentionnel, sinon une négligence grave en relation avec les déclarations parcellaires litigieuses. Il échet plus particulièrement de déterminer si la demanderesse, en sa qualité d’agricultrice et de chef de l’exploitation agricole … au nom de laquelle ont été remplies et signées les déclarations litigieuses et qui a directement bénéficié des aides agricoles en découlant, doit être considérée comme ayant eu connaissance, respectivement comme ayant toléré ou soutenu les agissements frauduleux de son époux, ou bien si elle peut invoquer l’absence de toute intention frauduleuse et/ou négligence grave dans son chef pour solliciter l’annulation des décisions ministérielles litigieuses en ce qu’elle portent obligation dans son chef de rembourser l’intégralité des aides agricoles perçues par son exploitation pour la période allant de 2005 à 2012 à titre de sanction des irrégularités intentionnelles lui reprochées.
Il y a lieu de rappeler que le tribunal statue en l’espèce en tant que juge de la légalité et que la mission spécifique du juge de l’annulation l’appelle à examiner, sur base des pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute et s’ils sont de nature à justifier la décision, de même qu’il peut examiner si la mesure prise ne comporte pas une erreur d’appréciation4.
Il apparaît à cet égard que, d’un côté, la demanderesse admet avoir confié à son époux la mission de remplir et de signer les déclarations parcellaires litigieuses au nom et pour compte de l’exploitation agricole …, mais elle conteste formellement avoir eu connaissance, voire même s’être doutée des agissements frauduleux de son époux en relation avec ces déclarations. La demanderesse nie également énergiquement avoir signé la moindre déclaration litigieuse.
D’un autre côté, la partie étatique, outre de mettre en doute que la demanderesse n’ait, telle qu’elle ne cesse de le clamer, signé aucune des déclarations litigieuses, estime que dans la mesure où l’époux aurait été mandaté par son épouse pour signer les déclarations litigieuses pour compte de l’exploitation agricole et de la demanderesse, tant cette dernière que l’exploitation agricole devraient nécessairement répondre des conséquences dommageables pouvant résulter de ces déclarations.
Force est à cet égard au tribunal de rappeler qu’il est constant en cause que les époux … sont mariés sous le régime de la communauté légale. Or, aux termes de l’article 1421-1 du Code civil : « Un époux ne peut disposer sans le consentement de l’autre des biens entrés en communauté du chef des deux époux. Lorsque, sur un des biens visés à l’alinéa précédent, un époux fait seul un acte d’administration ou de jouissance, il est censé avoir reçu mandat tacite de l’autre époux. Il répond envers ce dernier de sa gestion dans les conditions prévues à l’alinéa 2 de l’article 1432. (…) ».
4 Trib. adm. 11 mai 2011, n° 27036 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Recours en annulation, n° 23.
L’article 1432, alinéa 2, du Code civil stipule quant à lui ce qui suit : « Cet époux répond de sa gestion envers l’autre comme un mandataire. Il n’est cependant, comptable que des fruits existants ; pour ceux qu’il aurait négligé de percevoir ou consommés frauduleusement, il ne peut être recherché que dans la limite des cinq dernières années (…) ».
Il y a à cet égard lieu de rappeler que conformément à l’article 1984 du Code civil, « le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom (…) ».
Il découle de ces articles que l’époux a valablement pu, sous le couvert d’un mandat tacite reçu par la demanderesse, signer et remplir au nom et pour compte de son épouse, -
chef d’exploitation et agricultrice -, et a fortiori de l’exploitation agricole familiale, les déclarations parcellaires litigieuses et ce en conformité avec les dispositions contenues dans les articles 19 du règlement (CE) n°73/2009 et 12 du règlement (CE) n°1122/2009 qui exigent que lesdites demandes doivent être introduites par « l’agriculteur », le règlement 73/2009 définissant plus particulièrement l’agriculteur comme « une personne physique ou morale (…) dont l’exploitation se trouve sur le territoire de la Communauté, tel que défini par l’article 299 du traité, et qui exerce une activité agricole ».
Il n’en demeure pas moins que face, d’une part, aux contestations de la demanderesse qui n’a de cesse de clamer s’être fiée de bonne foi à ce que son époux remplirait correctement et honnêtement les déclarations litigieuses et d’avoir elle-même été dupée par son mari et, d’autre part, à l’aveu de ce dernier, qui nie lui aussi toute implication directe ou indirecte de son épouse dans les déclarations frauduleuses, il appartient en tout état de cause à l’Etat de rapporter la preuve sans équivoque que la demanderesse, en sa qualité d’agricultrice et de chef de l’exploitation agricole bénéficiaire des aides agricoles litigieuses, a soit participé d’une quelconque manière aux agissements frauduleux de son époux, soit toléré, respectivement approuvé expressément ou tacitement, ces mêmes agissements. Ceci est d’autant plus vrai lorsque l’administration entend se baser sur la négligence gave ou sur des irrégularités intentionnelles ainsi reprochées à un administré en général et à un agriculteur en particulier, pour solliciter de la part de ce dernier le remboursement de sommes d’une envergure non négligeable.
Le tribunal est à cet égard amené à constater que la seule existence d’un mandat tacite conféré au mari ne saurait être suffisante pour soutenir valablement et de manière sans équivoque que la demanderesse, en sa qualité de représentante et gérante de l’exploitation agricole, ne pouvait ignorer que le contenu des déclarations qu’elle avait confiées à son mari avait été consciemment faussé. Il en va de même de la simple allégation de la partie étatique suivant laquelle il serait douteux que la demanderesse n’ait signé elle-même aucune des déclarations litigieuses. En effet, les doutes que la partie étatique émet à cet égard s’appuient eux-mêmes sur de simples suppositions insuffisamment corroborées en droit et en fait puisqu’elle relève dans son mémoire en réponse que « s’il est vrai que « M » diffère dans les deux cas5, force est cependant de constater que le reste de la signature semble6 provenir de la même main. La même remarque vaut si on compare la signature dudit courrier avec celles des déclarations de paiements à la surface des années 2005 et 2008 ».
5 Souligné par le tribunal 6 Souligné par le tribunal Il ne ressort en tout état de cause pas à suffisance des éléments du dossier administratif que la demanderesse puisse être considérée comme ayant eu effectivement connaissance des agissements frauduleux de son époux, respectivement comme les ayant tolérés, ni a fortiori qu’elle a agi de mauvaise foi ou intentionnellement. Force est encore de relever que les montants touchés annuellement de manière indue pour des surfaces ne faisant pas partie de l’exploitation … ne sont pas à ce point conséquents que la demanderesse aurait nécessairement dû avoir des soupçons quant aux malversations de son époux. En effet, il n’est pas contesté que la demanderesse dispose d’une exploitation dont la surface déterminée correspond à 108,50 hectares et que la surdéclaration reprochée concerne 15 hectares 33 ares et 89 centiares.
La conclusion quant à l’absence de preuve d’une négligence grave ou de malversations intentionnelles dans le chef de la demanderesse qui précède en entraîne une autre, à savoir que les dispositions règlementaires sanctionnant les surdéclarations intentionnelles commises par un agriculteur, sur base desquelles le ministre a, d’une part, refusé à l’exploitation agricole l’ensemble des paiements lui octroyés pour les années 2005 à 2012 au titre du paiement unique, de la prime à l’entretien du paysage et de l’espace naturel et de l’indemnité compensatoire et, d’autre part, en a sollicité le remboursement intégral, ne sauraient trouver à s’appliquer. Plus particulièrement, la demanderesse ne saurait se voir réclamer le remboursement d’un quelconque montant à titre de sanction des irrégularités intentionnelles, respectivement des négligences graves lui reprochées en relation avec les déclarations parcellaires litigieuses.
Il s’ensuit encore que dans la mesure où il a été retenu qu’aucune irrégularité intentionnelle ou négligence grave n’a pu être rapportée dans le chef de la demanderesse, seules les dispositions règlementaires ayant trait à la répétition de l’indu et à la réduction concomitante des primes de surface sont le cas échéant susceptibles de lui être appliquées pour les années 2005 à 2012, et ce en tenant compte de la différence entre les surfaces faisant effectivement partie de l’exploitation agricole … et celles sur lesquelles ladite exploitation n’avait aucun droit de jouissance ou de propriété pendant les années litigieuses.
Dans la mesure où il a été retenu ci-avant que c’est à tort que la demanderesse et l’exploitation agricole … se sont vus imposer le remboursement intégral des aides agricoles perçues pour les années 2005 à 2012 au titre du paiement unique, de la prime à l’entretien du paysage et de l’espace naturel, ainsi qu’au titre de l’indemnité compensatoire, il y a lieu d’annuler les décisions ministérielles litigieuses sur ce point et de renvoyer le dossier en prosécution de cause devant l’autorité compétente.
En effet, si en principe, une décision administrative peut faire l’objet d’une annulation partielle, il faut encore que son illégalité ne s’étende qu’à certains éléments aisément dissociables de la décision. Force est toutefois de constater en l’espèce que les décisions ministérielles litigieuses indiquent un montant global à rembourser qui est obtenu en additionnant les montants perçus annuellement par l’exploitation agricole au titre des différentes primes litigieuses sans qu’il ne soit possible au tribunal de dissocier parmi ces montants ainsi imbriqués et réclamés à titre de sanction d’irrégularités intentionnelles reprochées à l’exploitation agricole, ceux qui seraient dus au titre du seul remboursement des primes allouées indûment.
Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la requête en institution des mesures d’expertise sollicitées par les époux …, ni d’enjoindre l’Etat à fournir une copie des documents permettant de clarifier la différence entre la surface déterminée et celle déclarée par l’exploitation agricole.
Pour ce qui est de la demande de surséance à statuer en attendant l’issue de l’instruction pénale en cours contre Monsieur …, le tribunal ne saurait y réserver une suite favorable dans la mesure où il ne dispose d’aucune information précise et concrète quant à l’état de la procédure pénale actuellement en cours ni même d’une copie de la plainte pénale déposée par l’Etat.
Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le dit justifié, partant annule la décision ministérielle du 22 juillet 2013 telle que confirmée sur recours gracieux par décision ministérielle du 20 décembre 2013 et renvoie l’affaire en prosécution de cause devant le ministre actuellement compétent ;
condamne l’Etat aux frais ;
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 mai 2015 par :
Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Michèle Hoffmann s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20/5/2015 Le Greffier du Tribunal administratif 18