Tribunal administratif N° 35555 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 décembre 2014 2e chambre Audience publique du 18 mai 2015 Recours formé par Madame ….., contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 35555 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2014 par Maître Faisal Quraishi, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ….., née le ….. à ….
(Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L…., tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 novembre 2014 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2015 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en ses plaidoiries à l’audience publique du 20 avril 2015.
Le 29 juillet 2014, Madame ….. introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, Direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».
Les déclarations de Madame ….. sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du même jour.
Le 4 août 2014, Madame ….. fut entendue par un agent du ministère sur son identité, sa situation familiale, ses séjours antérieurs dans d’autres pays, les documents de voyage en sa possession et l’itinéraire suivi pour arriver au Luxembourg.
1 Les 21 et 26 août 2014, elle fut encore entendue par un agent du même ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 7 novembre 2014, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé envoyé le 10 novembre 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-après « le ministre », informa Madame ….. que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée. La même décision, qui comporte encore un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours à son égard, est libellée de la façon suivante :
« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 29 juillet 2014.
Quant à vos déclarations auprès du Service de Police Judiciaire En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 29 juillet 2014.
Il ressort dudit rapport que vous auriez quitté le Kosovo en date du 15 juillet 2014 en prenant un taxi en direction de Subotica, où vous seriez restée pendant deux jours. Par la suite, vous auriez franchi la frontière de la Hongrie à pied avant d'être conduite au Luxembourg à bord d'une camionnette. Vous seriez arrivée au Grand-Duché en date du 20 juillet 2014.
Vous présentez une carte d'identité kosovare qui a expiré le 20 mars 2006.
Quant à vos déclarations auprès du Service des Réfugiés En mains le rapport d'entretien Dublin III du 4 août 2014 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 21 et 26 août 2014 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande.
Il résulte de vos déclarations que vous auriez eu des problèmes avec votre ex-mari peu de temps après votre mariage. Selon vos dires, vous et vos enfants auriez été maltraités à base régulière et enfermés dans la maison. De plus, vous auriez dû être hospitalisée à plusieurs reprises.
En 1993 vous auriez vécu à Wuppertal, où votre ancien époux vous aurait frappée en pleine rue. La police l'aurait arrêté mais vous lui auriez pardonné pour le faire sortir de prison.
Vous auriez par la suite vécu pendant un an en Belgique avant de retourner en Allemagne, où vous auriez vécu jusqu'en 2000.
En 2002 ou 2003, il aurait gravement blessé votre fils qui aurait dû être hospitalisé. Le personnel de l'hôpital aurait dénoncé votre ancien époux à la police et l'affaire serait passée devant le tribunal.
2 Selon vos dires, vous auriez souvent dénoncé votre ancien mari à la police et il aurait toujours été arrêté pendant un ou deux jours ou même pendant une semaine. De même, il aurait à plusieurs reprises été condamné à des peines de prison qu'il n'aurait jamais purgées. Vous dites qu'il aurait toujours été libéré parce qu'il aurait des connaissances à la police et au tribunal.
Vous ajoutez à vos dires que vous auriez souvent déménagé mais votre ex-mari vous aurait toujours retrouvé. Ainsi, votre frère serait venu vous chercher après chaque incident pour vous garder chez lui mais votre mère vous aurait toujours poussée à rejoindre votre ancien époux.
En 2008 ou 2009, vous auriez été placée avec vos enfants dans un foyer pour femmes en détresse pendant trois mois par l'assistante sociale de la police …… Votre ancien époux aurait eu l'ordre de ne pas se rapprocher du bâtiment et durant ce temps, vous n'auriez pas eu de problèmes.
Suite à tous ces incidents, vous seriez tombée dans une dépression et vous auriez tenté de vous suicider à deux reprises.
En 2008 ou 2009, vous vous seriez divorcée et vous vous seriez installée chez vos parents.
Or, peu de temps après votre déménagement, il vous aurait visitée et maltraitée. Vos frères auraient fait appel à la police et il aurait été arrêté pendant deux jours. Vous auriez dû être hospitalisée. Trois à quatre mois après votre divorce, vous vous seriez installée à Pristina dans un bâtiment d'étudiants mais il vous aurait retrouvée en dérangeant les autres habitants.
Après votre divorce, vous auriez vécu avec votre copain. Or, votre ancien époux vous aurait quand même retrouvée et maltraitée régulièrement. Vous n'auriez par ailleurs plus déposé de plainte contre ce dernier car votre copain n'aurait pas aimé la police qui ne vous serait jamais venue en aide. Or, en même temps vous dites que vous auriez appelé la police à deux reprises et que vos voisins auraient aussi fait appel aux autorités kosovares, qui se seraient rendues à chaque fois sur place. De même, votre ancien époux aurait été arrêté à plusieurs reprises.
Vers début juillet 2014, vous auriez été maltraitée pour la dernière fois par votre ancien époux. Sur les conseils d'un ami, vous auriez quitté le Kosovo en date du 15 juillet 2014 pour vous rendre au Luxembourg.
Vous faites par la suite état de menaces qu'il vous aurait proférées par un réseau social.
Vous ne vous seriez pas adressée à la police luxembourgeoise en disant qu'elle ne pourrait rien faire contre lui étant donné qu'il vivrait actuellement en Albanie.
Vous avez déposé les documents suivants au Ministère pour étayer votre demande:
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Une lettre non-datée du Procureur de la ville de ….. adressée au Tribunal du district de …… Selon ce document, le Procureur propose que le Tribunal déclare votre ancien époux 3 coupable de l'infraction « coups et blessures légères » suite à son comportement violent envers vous en date du 3 février 2005.
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Un jugement du Tribunal du district de ….. daté au 17 mai 2005. Selon ce document votre ancien époux est rendu coupable de l'infraction «coups et blessures corporelles légères» commise en date du 9 juin 2004 et condamné à six mois de prison avec sursis de deux ans.
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Un jugement du Tribunal du district de ….. daté au 12 septembre 2005. Selon ce document votre ancien époux est rendu coupable pour l'infraction « coups et blessures légères » commise en date du 5 mai 2005 et condamné à six mois de prison avec sursis de deux ans.
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Un jugement du Tribunal du district de ….. daté au 21 février 2007. Selon ce document votre ancien époux est rendu coupable pour l'infraction « coups et blessures légères » commise en date du 3 février 2007 et condamné à six mois de prison avec sursis de deux ans.
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Une décision du Tribunal du district de ….. datée au 2 décembre 2009. Selon ce document la proposition remise du procureur de ….. contre l'accusé, votre ancien époux, pour infraction pénale «blessure corporelle légère» a été refusée parce que la prescription des poursuites pénale est de trois ans du moment de l'infraction. Or, l'infraction a été commise en date du 27 octobre 2006 et la dernière action procédurale a été effectuée en date du 8 novembre 2006. Le délai de la prescription a donc été dépassé à partir du 9 novembre 2009.
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Un rapport du protecteur des victimes daté à 2007 selon lequel vous étiez logée dans un foyer avec vos enfants d'avril à juin 2007 suite aux violences domestiques de votre ancien époux.
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Un rapport d'un psychiatre non-traduit, daté au 17 mars 2012.
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Une décision du Tribunal du district de ….. datée au 31 janvier 2013. Selon ce document la proposition remise du procureur de ….. contre l'accusé, votre ancien époux, pour infraction pénale « blessure corporelle légère» a été refusée parce que [la] prescription des poursuites pénale est de trois ans du moment de l'infraction. Or, l'infraction a été commise en date du 29 avril 2004. Le délai de la prescription a donc été dépassé de plus de cinq ans.
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Une attestation de la maison de protection datée au 8 septembre 2014. Ce document décrit les violences domestiques que vous auriez subies depuis votre mariage. Selon cette attestation vous auriez quitté votre ancien époux 15 fois mais vous seriez toujours retournée volontairement. De plus, vous auriez plusieurs fois porté plainte à la police qui aurait détenu votre ex-mari pendant un maximum de 72 heures. Suite à votre dernière plainte, il aurait été incarcéré pendant 21 jours. Le document précise entre autre qu'il serait alcoolique et qu'il prendrait des drogues. Le document confirme aussi que votre ancien époux est connu par le service de la protection des victimes et que vous étiez dans un foyer pendant trois mois.
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Des menaces et insultes que vous auriez reçues de votre ancien époux sur un réseau social.
Enfin, il ressort du rapport d'entretien qu'il n'y a plus d'autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte.
4 Analyse ministérielle en matière de Protection internationale En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale est évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
Soulignons dans ce contexte que l'examen et l'évaluation de votre situation personnelle ne se limitent pas à la pertinence des faits allégués, mais qu'il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de vos déclarations.
1. Quant à la Convention de Genève Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des Réfugiés.
Rappelons à cet égard que l'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 [d]) de la loi modifiée du 5 mai 2006, que ces actes sont d'une gravité suffisante au sens de l'article 31(1) de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 28 de la loi susmentionnée.
Selon l'article 1A paragraphe 2 de ladite Convention, le terme de réfugié s'applique à toute personne qui crai[nt]avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.
En l'espèce, il ressort à suffisance de votre dossier administratif que les raisons qui vous ont [amenée] à quitter votre pays d'origine n'ont pas été motivées par un des critères de fond définis par lesdites Convention et loi.
En effet Madame, relevons en premier que les événements ayant eu lieu en 2009 et avant sont trop éloignés dans le temps pour être pris en compte dans le cadre de votre demande de protection internationale déposée en date du 29 juillet 2014.
Soulignons par la suite que les incidents dont vous faites état constituent des délits relevant du droit commun, punissables selon la loi kosovare et qui ne sauraient être considérés comme des actes de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006.
De plus, votre ancien époux est à considérer comme personne privée. Or, s'agissant 5 d'actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités politiques pour l'un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l'existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur de protection internationale. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.
En outre, en application de l'article 29 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas du rapport d'entretien que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l'encontre de votre ancien époux. En effet Madame, vous soulignez à plusieurs reprises que la police kosovare serait intervenue à base régulière après que vous auriez subi des violences de la part de votre ancien mari. Vous dites qu'il aurait été arrêté pendant plusieurs jours et qu'il aurait été condamné à plusieurs années de prison. Ainsi, vous avez remis plusieurs jugements confirmant ses condamnations à des peines de prison avec sursis. De plus, les autorités kosovares vous auraient protégée en vous logeant dans un foyer pour femmes en détresse. Pendant ce temps, votre ancien mari aurait eu l'interdiction de se rapprocher du bâtiment et vous auriez vécu en paix pendant plusieurs mois. Ceci est confirmé par les documents que vous avez versés au Ministère. Ainsi, aucun reproche ne pourrait être formulé à l'encontre des autorités kosovares.
Ajoutons dans ce contexte qu'il ressort des recherches ministérielles que les autorités kosovares luttent activement à éradiquer la violence domestique et à promouvoir les droits de la femme. Ainsi: « With regard to women's rights and gender equality, in January the government adopted an action plan for the implementation of the UN Security Council Resolution 1325 on Women, Peace and Security. In March, the Assembly amended legislation with a view to recognizing survivors of conflict-related sexual violence. In September 2013, standard operating procedures for protection from domestic violence were created by the Agency for Gender Equality and the National Coordinator against Domestic Violence. In March 2014, the Office of Good Governance launched a protocol on the prevention of violence in institutions of preuniversity education. Three municipalities established coordination mechanisms on domestic violence with civil society representatives. (…) ».
De plus: « The law prohibits domestic violence and allows individuals who feel threatened to petition for restraining orders. Convictions carry prison terms of six months to five years. Domestic violence against women, including spousal abuse, remained a serious and persistent problem. The law treats domestic violence as a civil matter unless the victim suffers bodily harm. Failure to comply with a civil court's judgment relating to a domestic violence case is a criminal and prosecutable offense. Police reportedly responded appropriately to rape and domestic abuse allegations. (…) When victims pressed charges, police domestic violence units conducted investigations and transferred cases to prosecutors. The rate of prosecution was low, which the Special Prosecutor's Office attributed to family loyalties, poverty, and a backlog of cases in both civil and criminal courts. Sentences ranged from judicial reprimands to imprisonment. Traditional social attitudes towards women in the male-dominated society contributed to the high level of domestic abuse and low number of reported cases.
6 The government took measures to improve its record on domestic violence and began implementing the Action Plan on Domestic Violence for 2011-14 that it adopted in 2011. The Agency for Gender Equality was responsible for implementing policy changes to combat domestic violence, nominating a national coordinator, and providing regular reports to the government. Numerous officials participated in events dedicated to acknowledging the individuals who suffered sexual assaults related to the conflict in the late 1990s.
The Ministry of Labor and Social Welfare included a unit dedicated to family violence.
The ministry provided some financial support to NGOs running shelters for victims of domestic violence and trafficking, and also provided social services through social welfare centers.
Several domestic and international NGOs pursued activities to assist women, but efforts to identify and assist women generally remained constrained by a tradition of silence concerning domestic violence, sexual abuse, and rape. A government-supported high-security shelter opened in December to accommodate female and male victims of domestic violence and trafficking.
The Kosovo Academy for Public Safety included courses on domestic violence, rape, and human trafficking in all of its bask training curricula. Authorities scheduled training programs for 212 new cadets during the year. In November an Association of Women in the Kosovo Police began to function. Its goals included advancing the role of women in the service and creating a network within the police. ».
Or Madame, vous dites que votre ancien mari aurait toujours été libéré d'une manière anticipée et qu'il n'aurait jamais eu besoin de purger la totalité de sa peine parce qu'il aurait des connaissances au sein de la police et au tribunal. Force est cependant de constater que si vous vous étiez sentie lésée par le comportement des autorités kosovares en cas d'un éventuel abus de pouvoir, il s'agit de noter que l'inspectorat de Police du Kosovo a été établi indépendamment de la Police kosovare et est compétent pour toute plainte envers les forces de l'ordre : « As defined in the Rules of Procedure 2005/54, the Police inspectorate of Kosovo is established as an executive body of the Ministry of Internal Affairs. The Police Inspectorate of Kosovo consists of the executive manager and inspection officers, who are civilian officials and completely independent of the Kosovo Police Service. These officials are mandated with range of competencies for entry into and inspection of the police stations and departments, to interview police officers of all categories, to collect data on manners of tasks accomplishment, investigate disciplinary complaints and, if necessary, to seize the police documents. (…) The Police Inspectorate of Kosovo is an independent mechanism for monitoring police and it has two main functions: Inspection of the manner in which the tasks are accomplished by KPS in a defined range of management functions in the context of appropriateness, effectiveness and application of the applicable laws, as well as to conduct review of all the complaints for misconduct of the KPS police officers regardless of their ranks ». Aussi, il ressort d'un autre document que, bien que la méfiance envers la police par la population kosovare est encore présente, cette instance fonctionne bien et fait des efforts à enquêter le mieux que possible : « An effective Police Inspectorate is functioning within the MIA. It currently consists of 40 staff.
The Inspection Unit has produced some good „thematic (or extra-ordinary) reports in the past 3 years (…) ».
7 De plus, en admettant vrai que les autorités n'auraient pas correctement fait leur travail, vous auriez pu vous adresser à d'autres institutions pour vous défendre contre les injustices dont vous vous estimez victime. En effet, vous auriez pu vous adresser à l'Ombudsman, afin de vous permettre de vous défendre contre d'éventuelles injustices: « The Ombudsperson institution remains engaged in its mandate to investigate complaints concerning human rights violations, including those based on discrimination. Competencies also extend to ex officio investigations and the issuance of general recommendations to other institutions in terms of their compliance with national and international human rights standards. The Advisory Committee welcomes the commitment and engagement of the Ombudsperson who is trusted by all communities as an independent voice. (…) » Il y a lieu de rappeler dans ce contexte que la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violences, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte susceptible d'être qualifié de criminel, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée.
Or, tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce.
Ajoutons qu'il ressort de vos propres dires que votre ancien époux ne vivrait plus au Kosovo mais qu'il serait actuellement en Albanie. Quant aux menaces qu'il vous aurait proférées par voie d'un réseau social, force est de constater que votre document ne pourrait être pris en compte dans le cadre de votre demande de protection internationale. En effet, la conversation que vous avez versée au Ministère est dans un format différent de celui du site Facebook. Ainsi, il n'est pas établi que cette conversation a eu lieu sur le réseau social précité.
Relevons qu'en vertu de l'article 30 (1) de la loi modifiée du S mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, le ministre peut estimer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine , il n'y a aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.
Ainsi, la conséquence d'une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d'origine, une existence conforme à la dignité humaine. Selon les lignes directrices de l'UNHCR, l'alternative de la fuite interne s'applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu'en termes de sécurité.
En l'espèce, bien que votre ancien époux vous ait retrouvé à Pristina, il n'est pas établi qu'il vous retrouve dans une autre localité. Vous dites vous-même que vous étiez logée dans un foyer pour femmes en détresse pendant trois mois sans faire état de quelconques problèmes étant donné que votre ancien mari n'aurait pas eu le droit de s'approcher de l'immeuble. Vous ne soulevez donc pas de raison valable qui puisse justifier l'impossibilité d'une fuite interne.
8 Ajoutons à cet égard que la situation dans laquelle vous ont placé les mesures infligées n'a pas atteint une telle ampleur que vous ne pouviez vous y soustraire qu'en fuyant à l'étranger.
Compte tenu des constatations qui précèdent concernant les conditions générales dans cette partie du pays et votre situation personnelle, force est de retenir que les critères du paragraphe 2 de article 30 de la loi modifiée du 5 mai 2006 sont clairement remplis.
En conclusion, les faits que vous alléguez ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutée dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.
De tout ce qui précède, les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont pas remplies.
2. Quant à la Protection subsidiaire L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d'application de l'article 37 précité de la loi modifiée du 5 mai 2006, à savoir qu'ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 37 de ladite loi, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 28 de cette même loi, étant relevé que les condition s de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié. En effet, vous indiquez que vous auriez été maltraitée par votre ancien époux pendant des années.
Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande, ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
De tout ce qui précède, les conditions permettant la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire ne sont pas remplies.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme 9 non fondée au sens de l'article 19 § 1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Kosovo, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2014, Madame …..
a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 7 novembre 2014 portant rejet de sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, contenu dans la même décision.
1) Quant au recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision portant refus d’une protection internationale Dans la mesure où l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours au fond en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, un recours en réformation a valablement pu être introduit contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, la demanderesse, de nationalité kosovare, explique avoir quitté son pays d’origine au motif qu’elle aurait été victime de menaces et d’actes de violence émanant de son ex-conjoint, Monsieur ….. Elle précise à cet égard qu’en raison de ses problèmes d’alcool, ce dernier l’aurait maltraitée pendant toute leur vie commune. La demanderesse explique, dans ce contexte, que son ex-conjoint l’aurait non seulement frappée et injuriée, mais aussi séquestrée.
Bien qu’elle aurait dénoncé ces faits à la police, son ex-conjoint n’aurait pas été poursuivi pour l’ensemble des faits en question. Dans les cas où Monsieur ….. aurait fait l’objet d’une condamnation pénale, il n’aurait pas purgé sa peine, étant donné qu’il aurait des connaissances au sein de la police. Lorsqu’après son divorce, elle aurait entamé une relation avec un autre homme, Monsieur ….., son ex-mari aurait continué à la frapper et à la menacer, en toute impunité, malgré les plaintes qu’elle aurait déposées auprès de la police, ces agissements ayant atteint un niveau de gravité tel qu’elle aurait dû être placée dans un foyer « Caritas », ensemble avec ses enfants. Même après l’arrivée de la demanderesse au Luxembourg, son ex-mari l’aurait menacée de mort sur le réseau social « facebook ».
En droit, elle fait valoir que la décision déférée devrait encourir la réformation pour violation de la loi, sinon pour excès, respectivement détournement de pouvoir, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits. Elle reproche plus particulièrement au ministre de s’être livré à un examen superficiel et insuffisant des faits de l’espèce. En effet, le ministre n’aurait pas analysé les faits en sa faveur, mais se serait contenté de « (…) tout critiquer et [de] rechercher le défaut de crédibilité ou encore le manque de danger en cas de retour (…) au Kosovo (…) », sans prendre en compte la « (…) la dimension du traumatisme (…) » qu’elle aurait subi, respectivement le défaut de collaboration des autorités kosovares pour veiller à sa sécurité et à celle de ses enfants et sans s’intéresser à son état de santé mentale, plus précisément aux séquelles psychiques résultant des séquestrations et actes de violence dont elle aurait été victime 10 de la part de son ancien conjoint. La demanderesse soutient qu’elle aurait établi l’existence, dans son chef, d’une crainte fondée d’être persécutée, respectivement d’être discriminée, sinon mise à mort dans son pays d’origine. A cet égard, elle se prévaut des menaces de mort proférées à son encontre par son ex-conjoint sur le réseau social « facebook ». Par ailleurs, elle insiste sur ce que les autorités kosovares seraient dans l’impossibilité de lui fournir une protection appropriée face aux agissements de son ex-mari.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
En vertu de l'article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l'article 2 d) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d'un pays tiers qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions p olitiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. (…) » Par ailleurs, l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des parties ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. » et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
11 a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Il suit des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 précitée, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Par ailleurs, force est de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel aurait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006. L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitif sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
A titre liminaire, il y a lieu de préciser que le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.
En l’espèce, il se dégage à ce propos du libellé de la décision déférée que le ministre, sans remettre en cause la crédibilité du récit de la demanderesse dans son ensemble, a émis des doutes 12 quant à la réalité de la conversation que la demanderesse prétend avoir menée avec son ex-mari sur le réseau social « facebook » et au cours de laquelle Monsieur ….. l’aurait menacée de mort, au motif que le format de la version imprimée de cette conversation, telle que versée à l’appui de la demande de protection internationale sous analyse, ne correspondrait pas à celui utilisé par ce réseau social.
A cet égard, la demanderesse fait valoir que « (…) pour imprimer la conversation sur internet, [elle] n’aurait pas réussi à s’en sortir autrement (…) ».
Le tribunal est amené à retenir que le simple fait que la pièce litigieuse ne correspond pas au format-type utilisé par le réseau social « facebook », circonstance que la demanderesse explique par des difficultés techniques, n’est pas de nature à ébranler la crédibilité du récit de la demanderesse dans son ensemble, ni à remettre en cause la réalité de la conversation en question, les déclarations de la demanderesse étant globalement cohérentes et plausibles. Le tribunal tiendra dès lors les faits invoqués comme étant avérés. Il suit de cette conclusion qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de Madame ….. tendant à voir ordonner « (…) une expertise psychiatrique pour vérifier si [ses] déclarations sont crédibles et dans quelle mesure son traumatisme est réel (…) », l’institution d’une telle mesure d’instruction n’étant pas nécessaire pour la solution du litige.
Le tribunal est ensuite amené à relever qu’au cours de ses auditions par un agent du ministère, la demanderesse a déclaré ce qui suit : Dès leur mariage, son ex-conjoint, alcoolique et toxicomane, l’aurait constamment maltraitée, en lui donnant des coups de poing et en lui serrant la gorge, ces agissement ayant été d’une gravité telle qu’elle aurait souvent dû être hospitalisée.
Parfois, son ex-conjoint l’aurait également séquestrée, ensemble avec leurs enfants communs.
Ces maltraitances auraient eu lieu tant en Allemagne qu’en Belgique et au Kosovo, pays dans lesquels ils auraient été amenés à résider à partir de 1993 jusqu’à leur divorce en 2008 ou en 2009. Même après leur divorce, la demanderesse aurait continué à être maltraitée par son ex-
conjoint, ces maltraitances étant devenues presque quotidiennes après qu’elle aurait entamé une relation avec un autre homme. Elle aurait souvent dénoncé les agissements de son ex-mari à la police, laquelle serait, chaque fois, venue sur les lieux pour arrêter Monsieur …… Cependant, ce dernier aurait toujours été remis en liberté au bout de vingt-quatre heures, étant donné qu’il aurait beaucoup de connaissances au sein de la police et de la magistrature kosovares. Ce serait également pour cette raison qu’il n’aurait jamais purgé les peines d’emprisonnement auxquelles il aurait été condamné par les juridictions répressives kosovares en raison des actes de violence commis à l’égard de la demanderesse. Suite à tous ces incidents, Madame ….. serait tombée dans une dépression et elle aurait tenté de se suicider à deux reprises. La demanderesse explique finalement qu’en août 2014, lorsqu’elle se serait déjà trouvée au Luxembourg, son ex-mari l’aurait menacée de mort sur « facebook ».
Force est au tribunal de constater que la demanderesse invoque des faits qui se seraient déroulés dans des pays différents, à savoir en Allemagne, en Belgique, au Kosovo et au Luxembourg. Dans ce contexte, le tribunal est amené à retenir que, dans la mesure où la demanderesse a la nationalité kosovare, l’analyse du bien-fondé de sa demande de protection internationale doit être effectuée par rapport au risque d’être victime d’actes de persécutions, respectivement d’atteintes graves qu’elle est susceptible d’encourir au Kosovo, à l’exclusion du 13 risque de subir de tels actes dans d’autres pays. En effet, il ressort de la définition de la notion de réfugié inscrite à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, qui vise la personne qui fait état de la crainte décrite audit article 2 d) et qui « se trouve hors du pays dont [elle] a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays », de celle de la personne pouvant prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire inscrite à l’article 2 f) de la même loi, qui fait référence au risque encouru si l’intéressé « était renvoyé dans son pays d’origine » et de celle de la notion de « pays d’origine » inscrite à l’article 2 m) de la même loi, qui vise le pays « dont le demandeur a la nationalité », - sauf l’hypothèse d’un apatride, qui ne se trouve cependant pas vérifiée en l’espèce -, que les craintes de persécutions ou d’atteintes graves qui sont à prendre en considération dans le cadre de l’examen du bien-fondé d’une demande de protection internationale sont celles qui se rapportent au pays dont le demandeur a la nationalité.1 Toutefois, compte tenu des spécificités de l’espèce – les maltraitances infligées à la demanderesse par son ex-conjoint ayant perduré pendant toute leur vie commune, peu importe le pays dans lequel ils ont résidé et n’ayant pas cessé après le divorce de la demanderesse en 2008 ou en 2009 –, le tribunal prendra en considération les faits survenus dans chacun des pays susmentionnés, en raison de la connexité manifeste du lien qu’ils présentent, dans le cadre de l’appréciation de la réalité du risque d’être persécutée ou de subir des atteintes graves que Madame ….. encourrait en cas de retour dans son pays d’origine, tel qu’invoqué à l’appui de sa demande de protection internationale.
Le tribunal est cependant amené à retenir que ces faits, à savoir les violences, les séquestrations et les menaces pendant plusieurs années de la part de Monsieur ….., s’inscrivent dans le cadre d’un litige d’ordre privé, qui n’est pas susceptible d’être rattaché à l’un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou de l’appartenance à un certain groupe social.
C’est dès lors à bon droit que le ministre a rejeté la demande de Madame ….. en obtention du statut de réfugié.
A l’appui de sa demande en obtention du statut conféré par la protection subsidiaire, la demanderesse fait valoir qu’elle aurait invoqué des motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’elle courrait un risque réel de subir des atteintes graves, au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. En effet, il se dégagerait des faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale qu’elle courrait un risque réel de se voir infliger la peine de mort ou de se faire exécuter, respectivement de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, respectivement de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre sa vie, au sens des points a), b) et c) de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. Dans ce contexte, la demanderesse insiste sur ce qu’elle aurait fait état de façon circonstanciée de persécutions physiques et morales dont elle aurait été victime « (…) en raison de la violence et des menaces de la part de son ex-époux, sans que la police kosovare [ne la protégerait] de manière effective (…) ».
1 En ce sens : Trib. Adm. 18 août 2010, n°26738, Pas. Adm. 2012, V°Etrangers, n°93 et les autres références y citées ; Voir aussi : Trib. adm., 11 décembre 2013, n° 33520 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
14 Il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2 f), précité définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que les demandeurs avancent, du risque réel de subir des atteintes graves qu’ils encourraient en cas de retour dans leurs pays d’origine.
Etant donné que l’article 37 c) de la loi du 5 mai 2006 vise les menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil qui résultent d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international et qu’il n’y a, à l’heure actuelle, pas de conflit armé au Kosovo, c’est à tort que la demanderesse se prévaut de cette disposition légale pour conclure à la réformation de la décision ministérielle portant refus de sa demande en obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, dans la mesure où les faits invoqués à l’appui de la demande de Madame …..
se rapportent exclusivement à un litige d’ordre privé, caractérisé par des maltraitances émanant 15 de son ex-conjoint, le tribunal est amené à retenir que la demanderesse n’a pas rapporté la preuve qu’elle risquerait la peine de mort en cas de retour de son pays d’origine.
Il y a dès lors seulement lieu de vérifier si les difficultés dont elle fait état et dont elle craint de faire à nouveau l’objet en cas de retour au Kosovo peuvent être qualifiées de risque d’exécution, de torture ou de traitements, respectivement de sanctions inhumains ou dégradants.
A cet égard, le tribunal est amené à retenir que s’il est exact que, compte tenu de leur répétition sur une période d’une durée approximative de 21 années, les menaces, les actes de violence et les séquestrations dont Madame ….. a fait l’objet sont d’une gravité manifeste, il n’en reste pas moins que leur auteur, en l’occurrence l’ex-conjoint de la demanderesse, est une personne privée, sans lien avec l’Etat, de sorte qu’il ne saurait être qualifié d’acteur au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 que sous la condition que les entités définies à l’article 29 de la loi du 5 mai 2006 ne veulent ou ne peuvent pas accorder à la demanderesse une protection adéquate.
Dans ce contexte, le tribunal est amené à relever que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.
En l’espèce, il se dégage des déclarations de la demanderesse, faites au cours de ses auditions par un agent du ministère, qu’à chaque fois qu’elle aurait fait appel à la police kosovare suite aux maltraitances lui infligées par son ex-conjoint, des policiers seraient venus sur les lieux pour arrêter ce dernier.2 Le simple fait qu’il aurait toujours été remis en liberté au bout de vingt-
quatre heures3 ne permet pas au tribunal de retenir que les autorités kosovares seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas accorder une protection appropriée à la demanderesse, l’affirmation de cette dernière, selon laquelle cette circonstance serait liée aux connaissances que Monsieur ….. aurait au sein de la police n’étant appuyée par aucun élément concret. Par ailleurs, le tribunal est amené à relever que, compte tenu des exigences découlant de la présomption d’innocence garantie par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rom le 4 novembre 1950, le placement d’une personne en détention préventive ne saurait être ordonné systématiquement, chaque fois qu’une infraction a été commise, mais doit rester une mesure exceptionnelle. Dès lors, à défaut d’autres éléments, aucun reproche ne saurait être fait à cet égard aux autorités kosovares.
Force est ensuite au tribunal de constater qu’il se dégage des déclarations de la demanderesse qu’en 2008 ou 2009, elle aurait été placée avec ses enfants dans un foyer pour femmes en détresse pendant trois mois par son assistante sociale et la police de ….., son ancien époux ayant eu l'ordre de ne pas se rapprocher du bâtiment et que durant ce temps, elle n’aurait pas rencontré de problèmes4. Pendant cette période, la demanderesse a dès lors effectivement bénéficié d’une protection étatique.
2 Rapport d’audition de Madame …. des 21 et 26 août 2014, page 5.
3 Ibid., page 3.
4 Rapport d’audition de Madame .… des 21 et 26 août 2014, pages 7 et 8.
16 Par ailleurs, le tribunal est amené à retenir qu’il ressort tant du récit de la demanderesse que des pièces versées en cause que Monsieur ….. a fait l’objet de plusieurs condamnations par les juridictions répressives kosovares du fait des maltraitances infligées à son ex-épouse. En effet, par jugement du Tribunal du district de ….. du 17 mai 2005, il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 6 mois pour l’infraction de « coups et blessures corporelles légères », dont la demanderesse a été victime le 5 mai 2005. Compte tenu de circonstances atténuantes consistant dans « (…) l’attitude de l’accusé vis-à-vis de la cour, [son] jeune âge et [le fait] que les époux vivent ensemble (…) », cette peine a été assortie du sursis. Par jugement du même tribunal du 12 septembre 2005, Monsieur ….. a été condamné à une peine d’emprisonnement de 6 mois pour avoir, le 9 juin 2004, porté des coups et fait des blessures légères à la demanderesse, cette peine ayant été assortie du sursis, compte tenu de circonstances atténuantes consistant dans « (…) l’attitude de l’accusé vis-à-vis de la cour, le fait d’avoir tout avoué, les remords et les excuses [du prévenu] et son casier judiciaire vierge (…) ». Par jugement du même tribunal du 21 février 2007, Monsieur ….. a été condamné à une peine d’emprisonnement de 6 mois pour des faits analogues, commis le 3 février 2007, cette peine ayant, de nouveau, été assortie du sursis en raison des mêmes circonstances atténuantes que celles retenues dans le jugement, précité, du 12 septembre 2005. S’il est exact qu’en assortissant ces condamnations du sursis, les juridictions répressives kosovares ont fait preuve d’indulgence à l’égard de Monsieur ….., il n’en reste pas moins que les décisions en question ont été dûment motivées et que le bénéfice du sursis fut accordé à Monsieur ….. en raison de circonstances atténuantes clairement identifiées. S’il est encore exact que le jugement du 21 février 2007 concerne des faits commis avant l’expiration du délai d’épreuve de deux ans fixé par les jugements des 17 mai et 12 septembre 2005, de sorte que les peines d’emprisonnement prononcées à l’égard de Monsieur ….. aux termes de ces dernières décisions de justice auraient a priori dû être exécutées, ce qui n’aurait pas été le cas, selon la demanderesse, le tribunal ne saurait en déduire, à défaut d’autres éléments concernant notamment le système kosovare de l’exécution des peines, que les autorités kosovares seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas accorder à la demanderesse une protection adéquate, étant encore précisé que l’affirmation de Madame ….. selon laquelle son ex-mari n’aurait pas purgé ses peines au motif qu’il aurait des relations au sein de la police et de la magistrature n’est corroborée par aucun élément concret soumis à l’appréciation du tribunal. Par ailleurs, dans l’hypothèse où la demanderesse devait se sentir lésée par l’attitude de l’autorité kosovare compétente en matière d’exécution des peines, il lui aurait été loisible de s’adresser à l’Ombudsman, pour faire valoir ses doléances, ce qu’elle n’a pourtant pas fait.
Eu égard aux développements qui précèdent le tribunal est amené à retenir qu’il ne se dégage pas des éléments soumis à son appréciation que les autorités kosovares seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas fournir une protection adéquate à la demanderesse. Cette conclusion n’est pas énervée par la circonstance selon laquelle les poursuites engagées à l’encontre de Monsieur ….. du chef des infractions de « coups et blessures corporelles légères » dont la demanderesse a été victime les 29 avril 2004 et 27 octobre 2006 n’ont pas abouti en raison de la prescription de l’action publique, constatée par des jugements du Tribunal du district de ….. des 2 décembre 2009 et 31 janvier 2013, étant donné qu’il ne se dégage pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que les autorités judiciaires kosovares auraient volontairement laissé s’écouler le délai de prescription de l’action publique.
17 Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.
2) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse.
Le recours en annulation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
En l’espèce, la demanderesse sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire, au motif, d’un côté, qu’elle aurait invoqué des motifs sérieux de craintes de persécution et, de l’autre côté, qu’eu égard au principe de précaution, il serait en tout état de cause préférable de ne pas reconduire une personne vers un pays où elle aurait fait l’objet de discriminations et de « (…) menaces attentatoires à sa sécurité et à son intégrité (…) ».
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en annulation.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour (…) ». En vertu de l’article 2. r) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale de la demanderesse, et que par conséquent un retour dans son pays d’origine ne la soumet ni à des persécutions, ni à des atteintes graves au sens de la loi du 5 mai 2006, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer le principe de précaution.
Partant, le moyen afférent laisse d’être fondé.
A défaut d’autres moyens soulevés par la demanderesse, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire pris à son égard, de sorte que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;
reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 7 novembre 2014 portant refus d’une protection internationale ;
18 au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y pas lieu d’ordonner une expertise psychiatrique ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 7 novembre 2014 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 18 mai 2015 par le premier juge, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 mai 2015 Le greffier du tribunal administratif 19