La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/05/2015 | LUXEMBOURG | N°36238

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 mai 2015, 36238


Tribunal administratif N° 36238 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mai 2015 3e chambre Audience publique extraordinaire du 13 mai 2015 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L.29.8.2008)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36238 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mai 2015 par Maître Martine Krieps, avocat à la Cour, in

scrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (...

Tribunal administratif N° 36238 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 mai 2015 3e chambre Audience publique extraordinaire du 13 mai 2015 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L.29.8.2008)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 36238 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mai 2015 par Maître Martine Krieps, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Monténégro), de nationalité monténégrine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 29 avril 2015 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 mai 2015 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Martine Krieps au greffe du tribunal administratif en date du 11 mai 2015 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Roland Michel, en remplacement de Maître Martine Krieps, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mai 2015.

Monsieur … se maria le 9 décembre 2003 à … avec Madame …, de nationalité luxembourgeoise, laquelle donna naissance à un enfant commun, …, le ….

Le 24 février 2004, le ministre de la Justice accorda à Monsieur … une autorisation de séjour en sa qualité de membre de famille d’un citoyen luxembourgeois valable jusqu’au 31 janvier 2005. Suite aux demandes afférentes de Monsieur … des 13 avril et 12 septembre 2007, cette autorisation de séjour fut prolongée jusqu’au 7 août 2008.

Le mariage entre Monsieur … et Madame … fut dissous par jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 6 décembre 2007, inscrit sous le numéro … du rôle.

Le 10 novembre 2008, Monsieur … demanda le renouvellement de sa carte de séjour, demande à laquelle le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration n’avait cependant pas fait droit, étant donné que Monsieur … n’avait pas donné suite à plusieurs demandes de pièces supplémentaires de la part dudit ministre.

Monsieur … se maria le 5 septembre 2013 à … (République du Monténégro) avec Madame …, de nationalité portugaise, détentrice, au Luxembourg, d’une carte de séjour de ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne valable jusqu’au 21 novembre 2017, laquelle donna naissance à un enfant réputé commun, …, à … (Suisse) le ….

Le 29 avril 2015, Monsieur … fit l’objet d’un mandat d’amener et fut placé en détention préventive au Centre Pénitentiaire de Luxembourg pour faux.

Par décision du 29 avril 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-

après par « le ministre », prit à l’encontre de Monsieur … une décision de retour assortie d’une interdiction de territoire pour une durée de trois ans. Cette décision fut notifiée à l’intéressé le même jour.

Par décision du même jour, notifiée à l’intéressé le même jour, le ministre plaça Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision précitée.

La décision de placement en rétention est libellée comme suit :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 29 avril 2015 comprenant une interdiction de territoire de 3 ans ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressé, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mai 2015, inscrite sous le numéro 36238 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle de placement en rétention précitée du 29 avril 2015.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur fait en premier lieu valoir que la décision portant interdiction d’entrée sur le territoire du 29 avril 2015 et la décision déférée du même jour seraient contraires à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en ce qu’il n’aurait pas eu l’occasion de présenter ses observations, respectivement sa demande de régularisation. Il fait valoir qu’il aurait l’intention de s’installer durablement au Luxembourg avec son épouse, Madame …, et leur fils commun, …, en vue de quoi il entendrait demander une autorisation de séjour en qualité de membre de famille d’un citoyen d’un Etat membre de l’Union européenne.

Il précise également avoir un autre enfant, …, issu d’un premier mariage au Luxembourg.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.

Quant au reproche de la violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, force est de prime abord au tribunal de constater que la décision portant interdiction d’entrée sur le territoire du 29 avril 2015 n’a pas été déférée dans le cadre du présent recours, de sorte que le demandeur ne saurait invoquer une violation de l’article 9 précité par rapport à cette décision.

Le moyen afférent est dès lors à rejeter en ce qu’il vise la décision portant interdiction d’entrée sur le territoire du 29 avril 2015.

Concernant, ensuite, le reproche de la violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 par rapport à la décision déférée, l’article précité dispose : « Sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de p rendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir ».

S’il est exact qu’en l’espèce la décision déférée est à qualifier de décisions qui a été prise en dehors d’une initiative d’une partie concernée, de sorte que l’article 9 précité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est a priori applicable, il n’en reste pas moins qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article 125, paragraphe (1). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] » Une mesure de placement est dès lors plus particulièrement conditionnée, d’une part, par le fait que l’exécution d’une mesure d’éloignement est en cours et, d’autre part, par l’existence d’un risque de fuite, qui, en vertu de l’article 111, paragraphe (3) c) de la loi du 29 août 2008, est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, respectivement si l’étranger s’est soustrait aux obligations prévues aux articles 111 et 125 de la même loi.

En l’espèce, il n’est pas contesté, d’une part, qu’une décision de retour a été prise à l’encontre du demandeur en date du 29 avril 2015 et qu’elle lui a été notifiée le même jour et, d’autre part, que la mesure d’éloignement est en cours, le ministre ayant fait parvenir une demande de réadmission du demandeur aux autorités monténégrines en date du 30 avril 2015.

Quant à la présomption du risque de fuite en vertu de l’article 111 de la loi du 29 août 2008, force est au tribunal de constater que le demandeur, dont le passeport a expiré le 16 janvier 2014 et à l’encontre duquel le ministre a pris une interdiction d’entrée sur le territoire le 29 avril 2015, ne remplit pas les conditions de l’article 34 de cette même loi, de sorte que le risque de fuite est présumé. Confrontée à une situation où, comme en l’espèce, le ministre doit prendre les mesures nécessaires pour endiguer tout risque de soustraction du demandeur à un retour dans son pays d’origine, mesures qui, dans la présente matière, se traduisent par une décision de placement en rétention du demandeur, le tribunal est amené à conclure qu’ il y a péril en la demeure, de sorte que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne trouve pas application.

Par voie de conséquence le moyen afférent laisse d’être fondé.

Le demandeur fait ensuite état d’une violation des articles 121, paragraphe (1) et 122, paragraphes (2) et (3) de la loi du 28 août 2008 relatifs à la langue à utiliser pour la notification de la décision de placement en rétention et pour l’information de l’intéressé de ses droits de contacter sa famille, de se faire examiner par un médecin et de choisir un avocat pour la défense de ses intérêts. Il fait valoir qu’il ne comprendrait pas la langue, à savoir le français, dans laquelle serait rédigé le procès-verbal de notification de la décision déférée, tout en soulignant, cependant, que ledit procès-verbal indiquerait qu’il aurait voulu faire ses déclarations en allemand et que la langue dans laquelle l’officier de police judiciaire aurait notifié la mesure de placement en rétention aurait été l’allemand.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet des moyens.

Aux termes de l’article 121, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « La notification des décisions visées à l’article 120 est effectuée par un membre de la Police grand-ducale qui a la qualité d’officier de police judiciaire. La notification est faite par écrit et contre récépissé, dans la langue dont il est raisonnable de supposer que l’étranger la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés. » L’article 122, paragraphes (2) et (3) de la loi du 29 août 2008 dispose : « (2) La personne retenue est immédiatement informée, par écrit et contre récépissé, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’elle la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés, de son droit de prévenir sa famille ou toute personne de son choix. Un téléphone est mis à sa disposition à titre gratuit à cet effet.

(3) La personne retenue est immédiatement informée, par écrit et contre récépissé, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’elle la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés, de son droit de se faire examiner dans les vingt-

quatre heures de son placement en rétention, par un médecin et de choisir un avocat à la Cour d’un des barreaux établis au Grand-Duché de Luxembourg ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Luxembourg. […] » Il résulte de ces dispositions que l’arrêté de placement doit être notifié par écrit dans une langue dont il est raisonnable de supposer que l’étranger la comprend, sauf impossibilité matérielle dûment constatée. Il y a lieu de souligner que ces garanties tendent à assurer à la fois que l’étranger retenu soit en mesure de comprendre les raisons d’être de cette mesure et qu’il soit informé des droits lui garantis par la loi afin de préserver ses droits de la défense.

En l’espèce, il ressort du procès-verbal de notification de la décision litigieuse du 29 avril 2015 que la décision de rétention ainsi qu’une copie du procès-verbal de notification de ladite mesure, tous les deux rédigés en français, ont été remises au demandeur le 29 avril 2015 à 12.30 heures, alors que le demandeur déclare dans le cadre du présent recours ne pas comprendre la langue française. Il ressort encore dudit procès-verbal que le demandeur y a apposé sa signature.

Le tribunal constate que le procès-verbal de notification mentionne que le demandeur a déclaré comprendre la langue allemande et que l’officier de la police judiciaire a procédé à la notification, comprenant l’information du demandeur de son droit de contacter sa famille, ainsi que de son droit à un examen médical et à un avocat, de la décision litigieuse en langue allemande, affirmations qui ne sont pas contestées par le demandeur, de sorte qu’il se dégage suffisamment des pièces soumises au tribunal que le demandeur s’est au moins vu expliquer le contenu de la décision de placement en allemand.

Le tribunal constate, par ailleurs, quant à la préservation des droits de la défense du demandeur, que celui-ci a pu contacter après la notification de la décision déférée son avocat actuel en vue de la défense de ses intérêts et qu’il a introduit le 6 mai 2015 fructueusement un recours contentieux contre ladite décision de placement en rétention, de sorte que le tribunal ne saurait, en l’état du dossier, déceler de lésion de ses droits de la défense.

Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.

Le demandeur fait encore plaider que la décision déférée ne serait pas motivée dans la mesure où elle indiquerait seulement qu’il n’existerait pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement, au motif que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne seraient pas remplies, sans cependant préciser en quoi il y aurait risque de fuite ou empêchement de l’éloignement en l’espèce.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.

Quant au défaut d’indication des motifs au regard de la possibilité éventuelle de recourir à une mesure moins coercitive que celle du placement en rétention, force est de constater qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, cette obligation s’étend en effet aux seules hypothèses énumérées de manière limitative à l’alinéa 2 dudit article 6. Or, le cas d’espèce sous examen ne tombe dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité ne trouve pas application en l’espèce. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen fondé sur un défaut de motivation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au fond, le demandeur conteste qu’il existe un risque de fuite dans son chef ou qu’il empêche la préparation de son éloignement, seules conditions pouvant justifier une mesure de placement en rétention en vertu de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, et conclut que les conditions d’une assignation à résidence seraient remplies en l’espèce.

A cet égard, le demandeur donne à considérer qu’il serait marié à Madame …, ressortissante portugaise, depuis le 5 septembre 2013, laquelle résiderait et travaillerait légalement au Luxembourg, que le 31 mai 2011, Madame … aurait donné naissance à un enfant commun du couple, …, et qu’il aurait encore un autre enfant, …, de nationalité luxembourgeoise, issu d’un premier mariage avec une citoyenne luxembourgeoise.

Le délégué du gouvernement fait valoir que le demandeur se trouverait sur le territoire luxembourgeois en situation irrégulière depuis le 7 août 2008 et que, au moment de la prise de la décision litigieuse, l’Etat n’avait connaissance ni du mariage du demandeur avec une ressortissante portugaise, mariage qui avait été célébré au Monténégro et qui n’a pas été transcrit sur le registre de l’état civil luxembourgeois, ni de l’existence d’un enfant commun du couple, un tel lien de filiation entre ledit enfant et le demandeur ne ressortant ni de l’acte de naissance de l’enfant, ni des fichiers luxembourgeois. Par ailleurs, l’épouse du demandeur se serait enregistrée seule avec son fils le 16 octobre 2014 à …. Finalement, le délégué du gouvernement prétend qu’il ne ressortirait ni du dossier administratif, ni des pièces du demandeur, que celui-ci aurait un contact régulier avec son enfant … issue d’un premier mariage.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article 125, paragraphe (1). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] » Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite, le cas échéant, en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

Une mesure de placement est dès lors plus particulièrement conditionnée, d’une part, par le fait que l’exécution d’une mesure d’éloignement est en cours et, d’autre part, notamment par l’existence d’un risque de fuite, qui, en vertu de l’article 111, paragraphe (3) c) de la loi du 29 août 2008, est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, respectivement si l’étranger s’est soustrait aux obligations prévues aux articles 111 et 125 de la même loi.

En l’espèce, tel que cela a déjà retenu ci-dessus, il n’est pas contesté qu’une décision de retour a été prise à l’encontre du demandeur en date du 29 avril 2015, qu’elle lui a été notifiée le même jour et qu’il n’a pas obtempéré à l’obligation de quitter le territoire luxembourgeois à sa charge.

S’agissant de la question de savoir si l’éloignement est en cours, force est au tribunal de constater, d’un côté, que l’identité du demandeur ne fait pas l’objet de doutes, et, de l’autre côté, que le jour-même de la décision, à savoir le 29 avril 2015, le ministre a demandé au service compétent de la police grand-ducale la prise de photos et des empreintes digitales du demandeur et qu’il a fait parvenir une demande de réadmission du demandeur aux autorités monténégrines en date du 30 avril 2015, demande à laquelle les autorités monténégrines n’ont pas encore répondu, de sorte les démarches nécessaires afin d’organiser l’éloignement du demandeur sont en cours.

Quant à la présomption du risque de fuite en vertu de l’article 111 de la loi du 29 août 2008, force est au tribunal de constater qu’il est exact que le demandeur ne remplit pas les conditions de l’article 34 de cette même loi, de sorte que le risque de fuite est présumé.

Il n’en reste pas moins qu’il ressort encore des pièces versées par le demandeur, en l’occurrence, notamment, d’un certificat de mariage établi par le Consulat général du Portugal à Genève en Suisse, ainsi que d’un certificat de résidence établi le 11 mai 2015 par la ville de Luxembourg, que le demandeur est marié avec une ressortissante portugaise, Madame …, et qu’ils sont tous les deux déclarés, ensemble avec l’enfant …, dont le demandeur déclare être le père, à la même adresse au Luxembourg, éléments desquels il se dégage, le cas échéant, l’existence d’une vie familiale stable entre le demandeur et une ressortissante d’un Etat membre de l’Union européenne résidant légalement sur le territoire luxembourgeois. Ainsi, le tribunal est amené à conclure que, même si les conditions d’un placement en rétention sont remplies, un tel placement, mesure privative de liberté qu’il y a lieu d’appliquer avec doigté, constitue une faculté pour le ministre. En l’espèce, au regard des liens familiaux retracés dorénavant, le tribunal est amené à retenir que ledit placement du demandeur, avant toute clarification de ses liens familiaux et de sa situation au Luxembourg, constitue une mesure manifestement disproportionnée.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est fondé, de sorte que, par réformation de la décision déférée, il y a lieu d’ordonner la libération immédiate du demandeur du Centre de rétention.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, par réformation de la décision déférée, ordonne la libération immédiate de Monsieur … ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la partie étatique aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Jackie Maroldt, attaché de justice, et lu à l’audience publique extraordinaire du 13 mai 2015, à 17.00 heures, par le vice-

président, en présence du greffier Goreti Pinto.

s. Goreti Pinto s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 mai 2015 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 36238
Date de la décision : 13/05/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-05-13;36238 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award