Numéro 27387 du rôle Tribunal administratif Inscrit le 19 octobre 2010 N° 33688 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 décembre 2013 3e chambre Audience publique du 13 mai 2015 Recours formé par la société anonyme … S.A., …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 33688 du rôle et déposée le 3 décembre 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Lionel Noguera, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., en liquidation, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro fiscal …, représentée aux fins de sa liquidation par Monsieur …, liquidateur actuellement en fonction, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 30 août 2013, répertoriée sous le numéro … du rôle, déclarant la réclamation introduite contre le bulletin de fixation d’avances pour l’année 2013, émis le 12 juin 2013, non fondée ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2014 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2014 par Maître Lionel Noguera, au nom et pour compte de la société anonyme … S.A. ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 avril 2014 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Patrick Anderson, en remplacement de Maître Lionel Noguera, et Monsieur le délégué du gouvernement Sandro Laruccia en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 novembre 2014.
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Lors de l’assemblée générale extraordinaire du 30 novembre 2009, la société …, ayant son siège principal à …, actionnaire unique de la société anonyme … S.A., créée en date du 16 novembre 1972 sous la dénomination de …, ci-après désignée par « la société », décida de dissoudre la société et de la mettre en liquidation à compter du même jour. L’actionnaire unique préqualifié nomma par ailleurs Monsieur …, réviseur d’entreprises, comme liquidateur de la société.
Le 12 juin 2013, l’Administration des Contributions directes, bureau d’imposition sociétés 6, émit à l’encontre de la société un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités portant fixation des avances trimestrielles de l’impôt sur le revenu, s’élevant pour l’année 2013 à … euros par trimestre et pour l’année 2014 à … euros par trimestre.
Par écrit daté au 23 juillet 2013, déposé au bureau d’imposition sociétés 6, le 24 juillet 2013, Monsieur …, préqualifié, introduisit une réclamation devant le directeur de l’Administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », contre le bulletin de fixation des avances trimestrielles précité.
Par décision du 30 août 2013, répertoriée sous le numéro … du rôle, le directeur déclara cette réclamation comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :
« […] Nach Einsicht der am 24. Juli 2013 eingegangenen Rechtsmittelschrift, mit welcher Herr …, Abwickler, im Namen der Aktiengesellschaft … S.A., L-…, die Festsetzung der Vorauszahlungen zur Körperschaftsteuer des Jahres 2013, ergangen am 12. Juni 2013, anficht ;
Nach Einsicht der Steuerakte ;
Nach Einsicht der §§ 228 und 301 der Abgabenordnung (AO) ;
In Erwägung, dass das Rechtsmittel form- und fristgerecht eingelegt wurde ;
In Erwägung, dass sich die Rechtsmittelführerin beschwert fühlt, weil das zuständige Steueramt Vorauszahlungen festgesetzt hat für das Steuerjahr 2013, obwohl sich die Reklamantin in der Abwicklung befände ;
In Erwägung, dass gemäß § 243 AO die Rechtsmittelbehörden die Sache von Amts wegen zu ermitteln haben und nicht an die Anträge des Rechtsmittelführers gebunden sind ;
In Erwägung, dass eine Anfechtung der Festsetzung der Vorauszahlungen zur Einkommensteuer zulässig ist (cf Staatsrat vom 16. Juli 1947, N.° 4278) ;
In Erwägung dass laut Artikel 135, Absatz 1 des Einkommensteuergesetzes (L.I.R.) der Steuerpflichtige vierteljährliche Vorauszahlungen auf die durch Veranlagung festzusetzende Steuer zu entrichten hat ; dass jede Vorauszahlung grundsätzlich ein Viertel der Steuer, die sich nach Anrechnung der Steuerabzugsbeiträge bei der letzten Veranlagung ergeben hat, beträgt (135, Absatz 2 L.I.R.) ;
dass laut Artikel 135 Absatz 3 L.I.R., der Betrag der Vorauszahlungen auf begründeten Antrag des Steuerpflichtigen hin geändert werden muss und von Amts wegen geändert werden kann, wenn die Verwaltung über Angaben verfügt, die eine Ermäßigung oder eine Erhöhung rechtfertigen ;
In Erwägung, dass das Steueramt die strittigen Vorauszahlungen auf Grund von Artikel 174 Absatz 6 L.I.R. festgesetzt hat ;
dass dieser Artikel in seiner ab dem Steuerjahr 2013 gültigen Fassung, vorsieht, dass alle im Grossherzogtum Luxemburg ansässigen Organismen mit kollektivem Charakter einer Mindeststeuer unterliegen ;
dass Artikel 174 Absatz 6 L.I.R. in der neuen Fassung, abweichend von den Absätzen 1, 3 und 4, zwei Arten von Mindeststeuer vorsieht ;
dass einerseits gemäß Artikel 174 Absatz 6 Nummer 1 L.I.R., die Körperschaftsteuer für Organismen mit kollektivem Charakter bei denen die Summe der Finanzanlagen, der Wertpapiere, der Guthaben bei Kreditinstituten, der Postscheckguthaben, der Schecks und des Kassenbestands 90% der Bilanzsumme übersteigt, auf mindestens 3.000 Euro festgesetzt wird ;
dass andererseits gemäß Artikel 174 Absatz 6 Nummer 2 L.I.R., die Körperschaftsteuer für alle anderen im Grossherzogtum Luxemburg ansässigen Organismen mit kollektivem Charakter von der Bilanzsumme abhängig ist und mindestens 500, 1.500, 5.000, 10.000, 15.000 oder 20.000 Euro beträgt ;
In Erwägung, dass im vorliegenden Fall auf Grund der von der Reklamantin vorlegten Zwischenbilanz die Körperschaftsteuer sogar eventuell gemäß Artikel 174 Absatz 6 Nummer 1 L.I.R.
festgesetzt werden könnte, i.e. 3.000 Euro ;
dass die Körperschaftsteuer für das Jahr 2013 aber erst definitiv im Jahr 2014 veranlagt wird, außer im Fall, wo die sich in der Abwicklung befindende Reklamantin die Abwicklung noch im Steuerjahr 2013 abschließen würde ;
In Erwägung, dass die Mindeststeuer noch um den Beschäftigungsfonds von 7% zu erhöhen ist;
dass der niedrigste Betrag der Mindeststeuer also insgesamt 535 Euro beträgt ;
In Erwägung, dass hieraus hervorgeht, dass die vom zuständigen Steueramt festgesetzten Vorauszahlungen für das Jahr 2013 von jeweils … für das 3. und 4. Trimester, insgesamt … Euro, zu bestätigen sind ;
AUS DIESEN GRÜNDEN ENTSCHEIDET:
die Anfechtung ist zulässig, sie ist als unbegründet zurückzuweisen. […] » Par requête déposée le 3 décembre 2013, la société a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du directeur du 30 août 2013.
Force est au tribunal de constater de prime abord que si la partie étatique déclare, dans le cadre de son mémoire en réponse du 3 mars 2014, se rapporter à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours en réformation, elle conclut néanmoins, quant au fond, à ce que le recours n’aurait pas d’objet au motif qu’un bulletin d’impôt portant fixation d’avances trimestrielles conformément à l’article 135 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-
après désignée par « LIR », n’aurait qu’un caractère provisoire dans la mesure où le bulletin d’impôt portant fixation d’un impôt minimum pour l’année 2013 au sens de l’article 174, paragraphe (6), 1. LIR n’aurait pas encore été émis.
Cependant, le défaut d’objet d’un recours s’analyse dans le cadre de la recevabilité d’un recours et vise plus particulièrement la circonstance où un demandeur a introduit un recours contre une manifestation de volonté, explicite ou implicite, qui n’est pas à qualifier de décision administrative susceptible de recours.
Dès lors, le moyen fondé sur le caractère provisoire du bulletin contre lequel la société a introduit une réclamation devant le directeur, motivation d’ailleurs non retenue par le directeur, sera tranchée dans le cadre de l’analyse de la compétence du tribunal pour connaître du recours et de la recevabilité de ce dernier.
A cet égard, c’est à bon droit que la demanderesse se réfère à un arrêt de la Cour administrative du 14 juillet 2009, inscrit sous le numéro 25437C du rôle, ayant déclaré un recours en réformation introduit contre les décisions du directeur ayant statué sur le sort d’une réclamation introduite contre des décisions de fixation des avances trimestrielles pour l’impôt sur le revenu comme recevable, et, par la force des choses, s’est également déclaré compétent pour en connaître.1 Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation sous analyse, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit selon les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Quant au fond, la société expose, quant aux faits, ne plus avoir de ressources propres et qu’elle aurait déjà dû recourir à des paiements volontaires de ses actionnaires afin de couvrir ses frais de fonctionnement.
En droit, la demanderesse donne en premier lieu à considérer que l’impôt minimum institué à travers l’article 174, paragraphe (6) LIR aurait été établi pour la première fois par la loi du 17 décembre 2010 et le projet afférent aurait été déposé à la Chambre des députés le 30 juillet 2010, avec effet au 1er janvier 2011. Comme le liquidateur aurait été nommé en 2009, il aurait été dans l’impossibilité tant de connaître l’institution de l’impôt minimum litigieux que de provisionner, sur l’actif éventuel de la liquidation, des réserves afférentes. Or, le but d’une liquidation serait de liquider les actifs, de satisfaire les créanciers connus et ayant des créances non contestées, et de convoyer le solde aux actionnaires. Par principe, la liquidation exclurait la continuation de l’activité et donc l’entrée de produits courants. Dans une liquidation à l’actif surabondant, il serait bien souvent demandé au liquidateur d’estimer les charges à couvrir et de faire une distribution anticipée d’une partie du bonus prévisible de liquidation. En appliquant l’impôt minimum aux sociétés dont la liquidation aurait été ouverte antérieurement à son entrée en vigueur, l’administration méconnaîtrait le principe de non-rétroactivité de la loi fiscale, car il aurait été impossible de prévoir l’institution de cet impôt avant les premières liquidations et distributions d’actif.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.
Sans vouloir entrer plus amplement dans le débat sur l’existence du principe de non-rétroactivité de la loi fiscale, esquissé, notamment, par le tribunal administratif dans un jugement du 19 novembre 2003, inscrit sous le numéro 15402 du rôle,2 force est au tribunal de constater que l’impôt minimum litigieux a été introduit par l’article 2 de la loi du 17 décembre 2010 portant introduction des mesures fiscales relatives à la crise financière et économique, ayant modifié l’article 174, paragraphe (6) LIR, et qu’en vertu de l’article 5 de cette même loi, cette disposition est applicable à partir de l’année 1 Voir CA 14 juillet 2009, n° 25437C du rôle, Pas. adm. 2012, v° Impôts, n° 293 2 Voir TA 19 novembre 2003, n° 15402 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n° 151, confirmé par CA 9 mars 2004, n° 17366C du rôle d’imposition 2011. Force est dès lors au tribunal de constater, contrairement à ce qui est soulevé par le demandeur, que la loi de base de l’impôt minimum n’a pas d’effet rétroactif.
En ce qui concerne plus particulièrement les années d’imposition litigieuses, en l’occurrence les années 2013 et 2014, l’article 2 de la loi du 21 décembre 2012 portant modification, notamment, de LIR, ayant, entre autres, pour objet de modifier l’article 174, paragraphe (6) de LIR, est entré en vigueur, en vertu de l’article 9 de cette même loi, à partir de l’année d’imposition 2013, de sorte que la disposition sur base de laquelle le bulletin litigieux a été établi, n’a pas d’effet rétroactif.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’argument de la demanderesse selon lequel les dispositions précitées auraient un effet rétroactif en ce sens que le liquidateur, nommé en 2009, n’aurait pas, par la force des choses, eu connaissance, par la suite, de l’introduction de l’impôt minimal, de sorte qu’il n’aurait pas pu estimer les charges à couvrir.
En effet, le liquidateur n’a pas pu ignorer, au moment de sa nomination, qu’une société en liquidation n’est pas épargnée de son obligation de payer des impôts, selon des principes qui lui sont, du moins partiellement, propres, de sorte que, justement sur base des principes de l’annuité de l’impôt et de la non-rétroactivité de l’impôt, il n’a pas pu, par la nature des choses, prévoir les impôts auxquels il devra, dans le futur, faire, le cas échéant, face. Or, cette circonstance ne viole pas le principe de la non-
rétroactivité de la loi, étant donné que le liquidateur aurait dû avoir conscience de l’éventualité d’une modification ultérieure des lois fiscales.
Il s’ensuit que le moyen afférent laisse d’être fondé.
La demanderesse fait par ailleurs valoir que l’application de la loi du 21 décembre 2012 au cas d’espèce méconnaîtrait les finalités du texte car elle tendrait à créer des charges supplémentaires pour l’Etat. En effet, l’introduction de l’impôt minimum aurait été motivée par le souci d’endiguer la détérioration des finances publiques, soit essentiellement le déficit du budget et la hausse de la dette publique et se serait inscrite dans le cadre de mesures prises par le gouvernement pour réduire le déficit budgétaire.
Or, compte tenu de leur responsabilité limitée à la mise initiale de capital, les actionnaires n’auraient aucune obligation de régler les frais de la liquidation au-delà de cette mise initiale. Ainsi, un enchérissement du coût de la liquidation serait susceptible soit de créer un impôt déguisé à charge des actionnaires, soit de pousser un plus grand nombre de sociétés vers la liquidation judiciaire ou la faillite dont les frais, en cas d’insuffisance d’actifs, se trouveraient à la charge de l’Etat.
En l’espèce, si les actionnaires n’avaient pas accepté un apport supplémentaire, la société se trouverait en état de cessation de paiement et les frais de la faillite, dont les honoraires du curateur, seraient à la charge de l’Etat, ce qui serait contraire au but de la loi ayant créée un impôt minimum, à savoir celui d’endiguer la détérioration des finances publiques.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.
Si le tribunal n’entrevoit aucune raison pour ne pas souscrire à l’affirmation de la demanderesse que la recherche de l’intention du législateur est la méthode d’interprétation privilégiée en droit luxembourgeois pour comprendre le sens et la portée de certaines dispositions législatives moins claires, on ne saurait conclure à la non-application d’une disposition fiscale à une personne morale ou physique au seul motif que l’application de cette disposition aurait, le cas échéant, comme résultat que le but recherché par le législateur par l’introduction de cette disposition n’est pas concrètement respecté.
En effet, une telle façon de procéder non seulement exigerait de la part de l’administration de se perdre dans des calculs hypothétiques, mais serait par ailleurs de nature à violer le principe de l’égalité devant la loi. Par ailleurs, force est de constater que le rôle du tribunal est celui de contrôler l’application faite par une autorité administrative des dispositions légales à un cas d’espèce déterminé et non pas celui de commenter les motifs sous-tendant l’introduction de dispositions législatives, et partant la volonté du pouvoir législatif.
Il s’ensuit que le moyen afférent laisse d’être fondé.
Finalement, la demanderesse conclut en l’espèce à la violation du principe de capacité contributive et de celui de l’égalité devant l’impôt. Ainsi, la demanderesse conclut à la violation des articles 10bis, 11, alinéas 1er, et 6, article 12, articles 16 et 101 de la Constitution. Plus particulièrement, elle estime qu’une société en liquidation ne serait pas comparable à une société poursuivant une activité commerciale normale et que cette différence de situation commanderait une différence de traitement en faveur de la société en liquidation, étant donné qu’elle ne réaliserait plus aucun bénéfice.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.
Force est au tribunal de constater qu’aux termes de l’article 169 LIR : « (1) Les organismes à caractère collectif dont la dissolution est survenue sont imposables sur le bénéfice net réalisé pendant leur liquidation.
(2) Toutefois, si des opérations de liquidation dépassent un délai de trois ans, il y aura imposition à la fin de chaque exercice. […] ».
En l’espèce, étant donné que la liquidation de la société a été décidée par l’actionnaire unique, tel que relevé ci-avant, au courant de l’année 2009, la conclusion s’impose que la liquidation perdure pendant une période allant au-delà de trois ans, de sorte que c’est à bon droit, qu’en vertu de l’article 169, paragraphe (2) L.I.R. précité, l’administration des contributions directes a appliqué le principe de l’imposition de la société à la fin de chaque exercice.
Par ailleurs, l’article 174 LIR, et plus particulièrement son paragraphe (6), ne fait pas de différence entre une société poursuivant normalement son activité économique et une société dont la liquidation a été décidée, mais dont la procédure de liquidation n’est pas encore achevée. Par voie de conséquence, les avances litigieuses ont été fixées conformément à la loi.
En ce qui concerne la conformité du régime de l’impôt minimal, prévu à l’article 174 LIR, aux dispositions de la Constitution, et notamment à son article 10bis, paragraphe (1), aux termes duquel « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi », et de l’article 101 disposant « Il ne peut être établi de privilège en matière d’impôts. Nulle exemption ou modération ne peut être établie que par une loi », force est de prime abord au tribunal de constater qu’aux termes de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, ci-après désignée par « la loi du 27 juillet 1997 », « Lorsqu'une partie soulève une question relative à la conformité d'une loi à la Constitution devant une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.
Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu'elle estime que:
a) une décision sur la question soulevée n'est pas nécessaire pour rendre son jugement ;
b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ;
c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet. », de sorte qu’une juridiction est en principe tenue de saisir la Cour Constitutionnelle si une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution se pose, à moins que l’affaire sous analyse tombe dans une des hypothèses inscrites aux points a), b) ou c) précités.
Etant donné que la question soulevée en l’espèce n’est pas couverte par les point a) et c) de la loi du 27 juillet 1997, il y a lieu d’analyser si l’argumentation de la demanderesse, en l’occurrence qu’une société en liquidation n’est pas dans la même situation qu’une société ayant une activité économique normale, de sorte que ces deux sociétés ne sauraient être traitées de la même façon sous peine de violer l’article 10bis de la Constitution, est susceptible d’être suivie.
La mise en œuvre de la règle constitutionnelle d’égalité ancrée à l’article 10bis précité de la Constitution suppose, selon la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle, que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée,3 ou encore qu’une inégalité contraire à la disposition en question ne se conçoit qu’au cas où deux ou plusieurs catégories de personnes sont, par rapport à une situation donnée, chacune soumise à un régime juridique différent,4 mais que le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes comparables à des régimes légaux différents à la condition que la disparité existant entre elles soit objective, qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but.5 Cependant, en l’espèce, la demanderesse conclut à une violation de l’article 10bis, respectivement de l’article 101 de la Constitution non pas au motif que le législateur aurait traité de façon différente des personnes se trouvant dans la même situation ou des situations comparables, mais au motif qu’elle se trouverait dans une situation différente qu’une société poursuivant une activité économique, de sorte qu’un régime fiscal différent devrait lui être appliqué. Dès lors, indépendamment de la question de savoir si un organisme collectif en liquidation et un organisme collectif ne se trouvant pas en liquidation se trouvait dans une situation comparable, le tribunal est amené à conclure que l’hypothèse de base invoqué en l’espèce ne rentre pas dans le champ d’application des dispositions constitutionnelles visées, étant par ailleurs relevé que l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 26 mars 1999, cité par la demanderesse dans son mémoire en réplique,6 est étranger à la présente matière. Par voie de conséquence, en application du point b) de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997, il n’y a pas lieu de saisir la Cour Constitutionnelle.
Finalement, l’allégation de la demanderesse que les dispositions légales afférentes violeraient encore les articles 6, 11, 12 et 16 de la Constitution, sans que ce moyen n’est basé sur une motivation d’une précision suffisante pour permettre au tribunal d’en déduire la portée exacte est à rejeter pour avoir été simplement suggérée et non réellement soutenue.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
3 Voir Cour Constitutionnelle, arrêt n° 9/2000 du 5 mai 2000 4 Voir Cour Constitutionnelle, arrêt n° 67/11 du 20 mai 2011 5 Voir Cour Constitutionnelle, arrêt n° 29/06 du 7 avril 2006 6 Voir mémoire en réplique du 3 avril 2014, note de bas de page n° 13, page 5 Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non fondé et partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne la partie demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Jackie Maroldt, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 13 mai 2015 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 mai 2015 Le greffier du tribunal administratif 8