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12/05/2015 | LUXEMBOURG | N°35119

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mai 2015, 35119


Tribunal administratif N° 35119 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 août 2014 3e chambre Audience publique du 12 mai 2015 Recours formé par Monsieur …et consorts, Luxembourg contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35119 du rôle et déposée le 25 août 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au ta

bleau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à …(Serbie), et d...

Tribunal administratif N° 35119 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 août 2014 3e chambre Audience publique du 12 mai 2015 Recours formé par Monsieur …et consorts, Luxembourg contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35119 du rôle et déposée le 25 août 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à …(Serbie), et de son épouse, Madame …, née le … à …, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour compte de leurs enfants mineurs, …, né le … à …, et …, née le … à …, tous de nationalité serbe, demeurant actuellement ensemble à L-…, Foyer …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 5 août 2014 portant refus de leur octroyer une autorisation de séjour pour raisons médicales ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 mai 2015.

Le 15 février 2011, Monsieur …et son épouse, Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs … et … , ci-après désignés par « les consorts …-… », introduisirent une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 ».

Cette demande fut définitivement rejetée par un arrêt de la Cour administrative du 14 juin 2012, inscrit sous le numéro 29900C du rôle.

Par décision du 21 août 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration accorda aux consorts … un sursis à l’éloignement jusqu’au 27 janvier 2013. Le sursis à l’éloignement fut renouvelé à plusieurs reprises, la dernière décision, datée du 27 novembre 2013, ayant accordé aux consorts … un sursis à l’éloignement jusqu’au 4 mai 2014.

Le 19 mars 2014, le mandataire des consorts … sollicita la délivrance d’une autorisation de séjour pour raisons médicales dans le chef de ses mandants.

Sur base d’un avis du médecin délégué du 31 juillet 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », entretemps en charge du dossier, refusa l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons médicales par décision du 5 août 2014, qui comporta encore une décision de retour à l’encontre des consorts …. Cette décision est libellée comme suit :

« […] J'ai l'honneur de me référer à votre courrier du 19 mars 2014 dans lequel vous sollicitez le renouvellement du sursis à l'éloignement de vos mandants, respectivement « la délivrance d'une autorisation de séjour médical » dans le chef de vos mandants.

Il y a lieu de rappeler que vos mandants ont bénéficié d'un sursis à l'éloignement d'un total de 24 mois en raison de l'état de santé de Monsieur …, sursis qui est venu à expiration le 4 mai 2014. Ce sursis à l'éloignement ne saurait être renouvelé une nouvelle fois alors qu'il ressort clairement du paragraphe (1) l'article 131 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration que le « sursis est renouvelable, sans pouvoir dépasser la durée de deux ans ».

Selon ce même article, une autorisation de séjour pour raisons médicales ne saurait être accordée uniquement si à l'expiration du délai de deux ans de bénéfice d'un sursis à l'éloignement, l'étranger apporte la preuve que son état tel que décrit à l'article 130 de la loi citée persiste. Le paragraphe 3 de l'article 131 de la loi citée prévoit que « les décisions visées aux paragraphes (1) et (2) qui précèdent, sont prises par le ministre, sur avis motivé du médecin délégué visé à l'article 28 ». Par conséquent, le médecin délégué du Service Médical de l'Immigration de la Direction de la Santé a été saisi en date du 20 mars 2014 de l'état de santé de Monsieur …et suivant son avis du 31 juillet 2014, reçu en date du 4 août 2014 et dont vous trouverez une copie en annexe, l'état de santé de Monsieur …ne nécessite pas une prise en charge médicale dans [sic] le défaut entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et il ne remplit pas les conditions médicales pour bénéficier d'un sursis à l'éloignement. En effet, le médecin délégué a précisé que « (…) Vu l'examen clinique réalisé le 31 juillet 2014 par le médecin délégué ; Considérant que la pathologie du domaine psychologique dont souffre Monsieur …est ancienne et a été bien prise en charge au Luxembourg et que cette pathologie ne peut plus être considérée comme majeure ;

Considérant que la prise en charge de Monsieur …peut être réalisée dans le pays d'origine ».

Votre mandant n'apporte donc pas la preuve que son état de santé tel que décrit à l'article 130 de la loi citée persiste.

Par conséquent, je suis au regret de vous informer que l'octroi d'une autorisation de séjour pour raisons médicales est refusé à vos mandants en raison de l'état de santé de Monsieur …conformément aux articles 101, paragraphe (1), point 1. et 131 de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée.

Etant donné que vos mandants ne remplissent pas les conditions fixées à l'article 34 de la loi précitée et qu'ils ne sont pas en possession d'une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, leur séjour est considéré comme irrégulier, conformément à l'article 100, paragraphe (1), points a) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée.

Au vu des développements qui précèdent et en application de l'article 111, paragraphes (1) et (2) de la loi précitée, vos mandants sont obligés de quitter le territoire endéans un délai de trente jours à partir de la notification de la présente, soit à destination du pays dont ils a la nationalité, la République de Serbie, soit à destination du pays qui leur a délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d'un autre pays dans lequel ils sont autorisés à séjourner.

À défaut de quitter le territoire volontairement, l'ordre de quitter sera exécuté d'office et ils seront éloignés par la contrainte. […] » Par requête déposée le 25 août 2014 au greffe du tribunal administratif, Monsieur …et son épouse, Madame …, agissant en leur nom propre ainsi qu’au nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 5 août 2014.

Etant donné qu’aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs soutiennent que l’état de santé de Monsieur … tel que décrit dans les certificats médicaux versés, nécessiterait une prise en charge au Luxembourg. En effet, l’éloignement des lieux où il aurait vécu les événements traumatisants aurait amélioré la symptomatologie et le défaut de prise en charge médicale entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité.

Sur base d’un article publié sur internet, les demandeurs font valoir que la pathologie de Monsieur …ne pourrait pas être soignée en Serbie, étant donné que s’il existait certes des hôpitaux psychiatriques en Serbie et que si les malades y bénéficiaient certes de soins, ils perderaient cependant le contact avec le monde extérieur. D’autre part, en ce qui concerne l’hôpital psychiatrique de …, il tomberait en ruine.

Le délégué du gouvernement fait valoir que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que le recours serait à rejeter pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 130 de la loi du 29 août 2008 : « Sous réserve qu’il ne constitue pas une menace pour l’ordre public ou la sécurité publique, l’étranger ne peut être éloigné du territoire s’il établit au moyen de certificats médicaux que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, et s’il rapporte la preuve qu’il ne peut effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays vers lequel il est susceptible d’être éloigné. » et de l’article 131 de la même loi : « (1) L’étranger qui satisfait aux conditions énoncées à l’article 130 peut obtenir un sursis à l’éloignement pour une durée maximale de 6 mois. Ce sursis est renouvelable, sans pouvoir dépasser la durée de deux ans.

(2) Si, à l’expiration du délai des deux ans visé au paragraphe (1) qui précède, l’étranger rapporte la preuve que son état tel que décrit à l’article 130 persiste, il peut obtenir une autorisation de séjour pour raisons médicales pour la durée du traitement, sans que cette durée ne puisse dépasser un an. Le cas échéant cette autorisation peut être renouvelée, après réexamen de sa situation. […] » Il suit d’une lecture combinée des deux articles précités, que l’étranger ayant bénéficié d’un sursis à l’éloignement pendant deux ans, qui prouve que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et qu’il ne peut effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays vers lequel il est susceptible d’être éloigné, peut obtenir une autorisation de séjour pour raisons médicales pour la durée du traitement, sans que cette durée ne puisse dépasser un an.

En l’espèce, il ressort des pièces versées en cause, et notamment du dossier administratif, que les demandeurs ont bénéficié pendant deux ans d’un sursis à l’éloignement, de sorte qu’ils sont éligibles pour bénéficier de l’autorisation de séjour pour raisons médicales de l’article 131 précité à condition de prouver que l’état tel que décrit à l’article 130 de la loi du 29 août 2008 persiste.

Cependant, l’analyse des certificats médicaux versés par les demandeurs ne sont pas de nature à prouver que l’état de santé de Monsieur … est tel que le défaut de prise en charge entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, c’est-à-dire qu’une telle absence mettrait en cause son pronostic vital ou serait susceptible d’entraîner un handicap grave.

En effet, le certificat médical du 18 mars 2014, s’il retient certes que la poursuite du traitement psychothérapeutique et médicamenteux est indispensable à l’équilibre psychique de Monsieur …, il reste muet quant aux conséquences de l’arrêt de tel traitement. Quant au certificat du 13 mars 2014, s’il préconise également la continuation du traitement thérapeutique et, si le psychologue qui a établi ledit certificat exprime l’avis que Monsieur … aurait besoin d’un environnement sécurisant, de sorte qu’un retour en Serbie nuirait à sa santé psychique, il ne met pas non plus en évidence que l’arrêt des traitements aurait des conséquences d’une gravité exceptionnelle telles que prévues par la loi.

Le tribunal est dès lors amené à conclure que le demandeur n’a pas prouvé qu’il remplit la première condition pour bénéficier d’une autorisation de séjour pour raisons médicales, de sorte que la décision de refus déférée est à confirmer sans qu’il n’y ait lieu d’analyser si le demandeur remplit la deuxième condition, étant donné que les deux conditions doivent être remplies cumulativement.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge Jackie Maroldt, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 12 mai 2015, par le vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.

s. Goreti Pinto s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 mai 2015 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 35119
Date de la décision : 12/05/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-05-12;35119 ?

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