Tribunal administratif N° 35985 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mars 2015 3e chambre Audience publique du 6 mai 2015 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 35985 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2015 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Bosnie-
Herzégovine), et de son épouse, Madame …, née le … à … (Bosnie-Herzégovine), accomagnés de leur fille majeure, …, née le … à … (Allemagne), tous de nationalité bosniaque, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 26 février 2015 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 mars 2015 ;
Vue le mémoire en république déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 avril 2015 au nom et pour compte de Monsieur … et consorts ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis Tinti et Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 avril 2015.
En date du 7 novembre 2014, Monsieur … et son épouse, Madame …, accompagnés de leur fille majeure, …, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».
Au moment du dépôt de leur demande de protection internationale, les consorts … indiquèrent comme raisons sous-tendant leur départ de la Bosnie-Herzégovine le non-respect des droits de l’homme, ainsi que l’insécurité qui règnerait dans leur pays d’origine.
Les déclarations des consorts … sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du 7 novembre 2014.
En date du 21 novembre 2014, les consorts … firent, séparément, l’objet d’un entretien auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, Direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leur demande de protection internationale en vertu du règlement UE 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».
Monsieur et Madame …, ainsi que leur fille, Madame …, furent ensuite entendus séparément le 29 janvier 2015, respectivement le 3 février 2015 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, Direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.
A l’occasion de ses auditions, Monsieur …, déclarant être de nationalité bosniaque et de confession musulmane, exposa qu’il aurait quitté la Bosnie-Herzégovine pour deux raisons, d’une part, en raison de la destruction de sa maison par une catastrophe naturelle et son manque de moyens financiers pour réparer sa maison ou pour louer un autre logement et, d’autre part, puisque sa sécurité et celle de sa famille n’aurait pas été assurée dans son pays d’origine, puisque les autorités bosniaques ne respecteraient pas les droits de l’homme.
Concernant sa maison, il relata que, suite à des inondations et à un glissement de terrain en mai 2014, elle aurait été endommagée au point de ne plus être habitable, raison pour laquelle il aurait demandé à trois ou à quatre reprises du soutien aux autorités communales de Teocak. Or, celles-ci n’auraient ni mis un logement à sa disposition ni fourni une aide financière, au motif, concernant cette dernière, qu’elles n’auraient elles-mêmes pas encore touché de dons, lui promettant cependant de le contacter dès qu’elles en auraient reçus. Il précisa que, étant restés sans réponse de la part de la commune et n’ayant pas, en tant que demandeurs d’emploi, les moyens financiers pour louer un autre logement, lui, son épouse et sa fille … auraient quitté la Bosnie-Herzégovine fin octobre 2014 pour venir au Luxembourg.
Pour ce qui est du non-respect des droits de l’homme par les autorités bosniaques, tel qu’invoqué par Monsieur …, celui-ci relata s’être réfugié en Autriche et, ensuite, en Allemagne pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine de 1992 à 1997 et être retourné volontairement dans son pays d’origine en 1997. Il expliqua qu’en raison de sa non-
participation à la guerre de Bosnie-Herzégovine il aurait perdu tous ses droits dans son pays, étant donné que seuls les anciens soldats combattants se seraient vus délivrer un certificat de participation à la guerre par les autorités bosniaques, certificat qui serait réclamé par la commune lors de chaque introduction d’une demande d’aide financière. Or, faute pour lui et pour sa famille de pouvoir présenter un tel certificat à l’appui de leurs différentes demandes, l’octroi de ces aides leur aurait été refusé. Il précisa encore qu’il n’aurait pas été le seul à ne pas avoir participé à la guerre et à avoir quitté la Bosnie-Herzégovine, mais qu’en tout, trois autres familles de sa commune se seraient trouvées dans la même situation.
A ce sujet, il précisa qu’après son retour en 1997, il aurait introduit une demande auprès de la commune en vue de l’obtention d’une aide pour la reconstruction de sa maison, endommagée par la guerre, mais que, bien que l’Allemagne aurait spécialement envoyé de l’argent à ces fins à la commune de Teocak, le bourgmestre aurait rejeté sa demande d’aide au motif qu’il n’y aurait pas droit puisqu’il n’aurait pas participé à la guerre.
Par ailleurs, Monsieur … déclara qu’entre 2008 et 2012, une de ses filles se serait chaque année vue refuser une bourse d’études, faute de pouvoir présenter ledit certificat de participation à la guerre. Son épouse se serait encore en vain adressée à la commune afin d’obtenir une aide pour la rénovation du toit de leur maison, l’agent communal l’ayant insultée et lui ayant reproché d’avoir fui la Bosnie-Herzégovine pendant la guerre.
Monsieur … indiqua encore qu’il n’aurait pas pu se plaindre personnellement des agissements de la commune de Teocak auprès d’une institution supérieure, puisque cette institution se trouverait au niveau du canton de Tuzla et seule la commune pouvait communiquer directement avec le canton. Par contre, il se serait adressé une fois en 2007 à une organisation, laquelle lui aurait aidé à résoudre un problème, organisation qui, cependant, entre-temps, n’existerait plus.
Finalement, Monsieur … précisa qu’il n’aurait jamais eu l’intention de déménager dans une autre commune ou de s’enquérir sur les conditions d’octroi d’aides financières appliquées dans les autres communes bosniaques, notamment sur la question de savoir si le certificat de participation à la guerre y serait également réclamé systématiquement.
En cas de retour en Bosnie-Herzégovine, sa situation serait difficile, puisqu’il n’aurait plus de maison dans laquelle il pourrait retourner.
Lors de son audition, Madame … confirma les dires de son époux. Elle précisa que, quant à leur demande d’aide adressée à la commune, celle-ci leur aurait répondu que, faute de fonds nécessaires, elle se trouverait dans l’impossibilité de leur accorder une quelconque aide dans l’immédiat, mais que elle transmettrait leur demande au canton de Tuzla et qu’une aide financière pourrait éventuellement leur être accordée l’année prochaine. Si des experts du canton de Tuzla étaient effectivement venus et avaient mesuré le glissement de terrain sur leur propriété et déclaré leur maison inhabitable, la commune n’aurait mis aucun logement à leur disposition. Elle déclara que seuls les membres du parti politique SDA auraient touché une aide.
Elle expliqua encore que toutes leurs demandes d’aides financières seraient systématiquement refusées en raison de la non-participation de son époux à la guerre de Bosnie-Herzégovine, puisque chaque institution réclamerait, à l’appui de n’importe quelle demande, un certificat attestant de la participation de son époux à la guerre de 1992 à 1997.
Ainsi, elle relata que, contrairement aux familles dont l’époux aurait participé à la guerre, ils n’auraient obtenu aucune aide financière pour l’inscription scolaire d’une de leurs filles et auraient dû payer eux-mêmes l’intégralité des frais. Sa famille aurait encore dû payer 900.-
Mark pour le raccordement téléphonique, alors qu’avec un certificat de participation à la guerre, ce service n’aurait coûté que 400.- Mark. Elle ajouta que la commune leur aurait également refusé l’octroi d’une aide pour planter des arbres fruitiers, ainsi que l’octroi d’une bourse d’études à l’une de ses filles.
Madame … indiqua encore que sa famille vivrait toujours dans la peur, puisqu’il y aurait des manifestations en ville lors desquelles des gens auraient été assassinés.
Elle déclara qu’après la guerre, la Bosnie-Herzégovine aurait compté un grand nombre d’organisations et d’institutions destinées à aider la population bosniaque, mais que ces organisations n’existeraient plus aujourd’hui et qu’elle ne saurait pas à qui s’adresser pour demander de l’aide ou pour réclamer contre les agissements de sa commune, puisque même la police serait corrompue.
Finalement, elle relata ne pas avoir pu s’installer dans une autre région de la Bosnie-
Herzégovine faute de moyens financiers et puisque la situation serait partout pareille.
Lors de son audition, Madame … confirma les dires de ses parents. Concernant sa situation personnelle, elle ajouta que, lorsqu’elle aurait été à l’école primaire, ses parents n’auraient obtenu aucune aide financière, contrairement aux autres parents, et que ce traitement discriminatoire aurait perduré. Ainsi, suite au refus d’octroi d’une bourse pour l’école secondaire à sa sœur, elle aurait été découragée et elle n’aurait même pas introduit de demande dans ce sens. Début 2014, elle aurait alors demandé un prêt pour la création d’une petite entreprise, qui lui aurait cependant été refusé au motif qu’elle ne remplirait pas les conditions nécessaire, par référence à la non-participation de son père à la guerre de 1992 à 1997. La personne en charge de l’aide au bureau de chômage lui ayant, par ailleurs, annoncé que la procédure serait très compliquée et lui ferait perdre beaucoup de temps, elle aurait fini par baisser les bras.
Elle relata encore qu’elle n’aurait plus osé sortir en ville, puisque des jeunes, sous influence d’alcool, auraient souvent jeté des bombes, qui auraient causé des blessés et des morts, tout en admettant qu’elle n’aurait jamais été touchée personnellement par ces problèmes.
Finalement, elle indiqua qu’il n’aurait pas été possible de demander de l’aide à une autre institution que la commune, puisque toutes les demandes devraient obligatoirement passer par la commune.
Par décision du 26 février 2015, notifiée aux intéressés par lettre recommandée envoyée le 27 février 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa les consorts … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20 (1) sous a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination de la Bosnie-Herzégovine ou de tout autre pays dans lequel ils seraient autorisés à séjourner.
La décision du ministre est tout d’abord motivée par la considération que, selon les dispositions de l’article 1er (1) du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », les consorts … proviendraient d’un pays d’origine sûr au sens des dispositions de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, c’est-à-dire d’un pays dans lequel il n’existerait généralement et de façon constante pas de persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci -après désignée par « la Convention de Genève ». De plus, il n’existerait pas de motifs sérieux de croire qu’ils courraient un risque réel de subir une atteinte grave au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.
Par ailleurs, les faits invoqués par les consorts … à l’appui de leur demande ne sauraient établir dans leur chef une crainte fondée d’être persécutés motivée par un des critères de fond définis par la Convention de Génève et la loi du 5 mai 2006. A ce sujet, le ministre considéra en premier lieu que les problèmes rencontrés par les consorts … après leur retour en Bosnie-
Herzégovine en 1997 seraient trop éloignés dans le temps pour être pris en compte dans le cadre de leurs demandes de protection internationale.
Concernant ensuite l’endommagement de leur maison, le ministre indiqua que des raisons matérielles ne rentreraient pas dans le champ d’application de la Convention de Genève et ne sauraient fonder une demande en obtention du statut de réfugié.
Le ministre souligna encore, sources internationales à l’appui1, que l’Union Européenne serait intervenue en Bosnie-Herzégovine pour apporter de l’aide aux victimes touchées par la catastrophe naturelle ayant dévasté certaines régions du pays, précisant, par ailleurs, que les catastrophes naturelles ne rentreraient pas non plus dans le champ d’application de la Convention de Genève.
Concernant le non-respect par les autorités bosniaques des droits de l’homme invoqué par les consorts …, le ministre releva que ces difficultés se seraient réparties sur une période de dix-sept ans, pendant laquelle les consorts … n’auraient jamais essayé de porter plainte contre les traitements subis de la part de la commune. En se basant sur diverses sources internationales2,3, le ministre affirma que les consorts … auraient pu s’adresser à l’Ombudsman pour les droits de l’homme afin de se défendre contre les injustices dont ils se seraient sentis lésés.
Le ministre releva encore que ni les actes discriminatoires dont les consorts … auraient été victimes, ni le problème d’insécurité qu’ils invoqueraient ne présenteraient un arrière-fond politique ou ethnique et ne seraient pas d’une gravité telle qu’ils pourraient être assimilés à une persécution au sens de la Convention de Genève. Concernant les bombes jetées par des jeunes alcoolisés, le ministre souligna encore que les consorts … n’auraient jamais été personnellement visés par une telle bombe.
Le ministre ajouta qu’ils n’auraient présenté aucune raison valable pour justifier leur impossibilité de s’installer dans une autre commune bosniaque afin d’échapper aux difficultés rencontrées, lesquelles n’auraient qu’un caractère local.
S’agissant enfin de la protection subsidiaire, le ministre conclut que les consorts … ne feraient état d’aucun motif sérieux et avéré de croire qu’ils courent un risque réel de subir les atteintes graves définies par l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour dans leur pays d’origine.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2015, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 26 février 2015 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre 1 Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), OSCE opens five temporary premises following floods and landslides in Bosnia and Herzegovina, 11 juillet 2014.
2 The Institution of Human Rights Ombudsman, Information – On the situation in the Institution of Human Rights Ombudsman for Bosnia and Herzegovina.
3 The Institution of Human Rights Ombudsman, Annual report on results of the activities of the the Institution of Human Rights Ombudsman of Bosnia and Herzegovina for 2011.
d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision du ministre portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale et à l’annulation de la décision du même jour portant ordre de quitter le territoire.
1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 26 février 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre la décision du ministre déférée.
Le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est dès lors recevable.
A l’appui de leur recours, les demandeurs estiment tout d’abord que ce serait à tort que le ministre, pour traiter leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, s’est notamment basé sur le fait que la Bosnie-Herzégovine est désignée comme étant un pays d’origine sûr par le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007.
Les demandeurs contestent l’application par le ministre de l’article 20, paragraphe (1) c) de la loi du 5 mai 2006 au motif qu’ils auraient soumis des raisons valables de penser que leur situation personnelle est telle que leur vie est en danger en Bosnie-Herzégovine, puisque, du fait de la non-participation du demandeur à la guerre de Bosnie-Herzégovine de 1992 à 1997, ils se trouveraient exposés à de graves formes de discrimination.
Ce serait pareillement à tort que le ministre aurait fait application de l’article 20, paragraphe (1) a) de la loi du 5 mai 2006 au motif que les faits invoqués par eux seraient, de par leur nature et de par leur gravité, tels qu’ils sont pertinents au regard des critères visant à déterminer s’ils remplissent les conditions d’obtention d’une protection internationale.
Les demandeurs contestent encore l’application par le ministre de l’article 20, paragraphe b) de la loi du 5 mai 2006 en estimant que leur demande de protection internationale répondrait au moins en apparence aux critères visés par la loi du 5 mai 2006.
Le délégué du gouvernement estime que ce serait à juste titre que le ministre a statué sur la demande de protection internationale des demandeurs dans le cadre de la procédure accélérée et conclut au rejet du recours.
Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 :
« Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;
b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;
c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; […] » Il s’ensuit, qu’en vertu de l’article 20, paragraphe (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit s’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi modifiée du 5 mai 2006.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.
Il appartient au tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 de vérifier, sur base des moyens invoqués, si c’est à bon droit que le ministre a fait application du prédit article afin de décider de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.
Concernant plus particulièrement le point c) de l’article 20 (1) précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, il convient de rappeler qu’un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.
(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.
(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :
a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;
c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Il est constant en cause que par règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant la liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006 la Bosnie-Herzégovine a été retenue comme constituant un pays d’origine sûr.
En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que les demandeurs ont la nationalité bosniaque et qu’ils ont vécu en Bosnie-Herzégovine avant de venir au Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer en l’espèce dans le cadre de la procédure accélérée.
Au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21 (2) de la même loi oblige le ministre nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, en tout état de cause de procéder, avant de pouvoir conclure que les demandeurs proviennent d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si les demandeurs possèdent la nationalité de ce pays ou s’ils avaient précédemment leur résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si les demandeurs ne lui ont pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de leur situation personnelle.
En l'espèce, il ressort de la lecture de la décision litigieuse que le ministre a bien procédé à un examen de la situation particulière des demandeurs avant de conclure qu'ils proviennent d’un pays qui, dans leur chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si les demandeurs lui soumettent, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de leur situation personnelle.
Or, ni l’analyse de la situation personnelle décrite par les demandeurs lors de leurs auditions à l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, ni les moyens et arguments invoqués dans le cadre du recours sous analyse ne permettent d’en dégager des éléments convaincants pour renverser cette présomption en ce qui les concerne et pour pouvoir conclure en conséquence à l’illégalité de la décision ministérielle.
En effet, il ressort des propos des demandeurs que le traitement en matière de demande d’aides financières, dont ils ont fait l’objet de la part de la commune de Teocak, perdure depuis leur retour volontaire en Bosnie-Herzégovine en 1997. Or, entre cette date et leur départ le 27 octobre 2014, le demandeur affirme ne s’est adressé qu’une seule fois, en 2007, à une organisation d’aide, laquelle l’avait assisté pour résoudre un problème. Il se dégage encore sans équivoque des explications consignées par les services du ministère que les demandeurs ne se sont jamais adressés à une quelconque institution supérieure pour se plaindre des agissements des agents communaux de Teocak.
Si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection, s’il n’a pas lui-même tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée à une autorité administrative supérieure ou à l’institution de l’ombudsman pour les droits de l’homme prend, en présence d’un acte discriminatoire par un agent étatique, communément la forme d’une plainte.
Les demandeurs n’ayant ainsi pas fourni d’éléments de nature à renverser le constat du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 précité, selon lequel la Bosnie-
Herzégovine est à considérer comme pays d’origine sûr, c’est à bon droit que le ministre, après analyse de leur situation concrète, a conclu qu’ils sont originaires d’un pays d’origine sûr et a pu statuer sur leurs demandes de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20 (1) c) de la loi du 5 mai 2006.
Partant, le recours en annulation dirigé contre la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé sans qu’il n’y ait lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 26 février 2015 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de leur recours, les demandeurs font valoir que le ministre aurait eu tort de décider que les discriminations qu’ils auraient subies dans leur pays d’origine ne seraient pas motivées par un des critères de fond définis par la Convention de Génève et par la loi du 5 mai 2006, alors que la non-participation du demandeur à la guerre de Bosnie-Herzégovine de 1992 à 1997, manifestation de l’attitude d’opposition politique des demandeurs au pouvoir en place, serait à l’origine de leurs difficultés.
Quant à la gravité de ces actes, les demandeurs soutiennent que ces discriminations répétées à leur égard impacteraient gravement leur vie dans la mesure où elles les traiteraient de manière particulièrement dégradante, de sorte qu’elles seraient d’une gravité suffisante pour pouvoir être qualifiées de persécution au sens des dispositions de la Convention de Genève.
Concernant le volet de leur recours relatif à leur demande en obtention de la protection subsidiaire, les demandeurs invoquent les mêmes faits et estiment qu’en cas de renvoi dans leur pays d’origine, ils seraient exposés au risque de subir des traitements inhumains ou dégradants au sens des dispositions de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. A ce sujet, ils citent des jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme relatives, d’une part, à la définition des actes visés à l’article 37, point b)4,5 et, d’autre part, à l’appréciation des atteintes aux valeurs fondamentales des sociétés démocratiques6.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine a ppréciation de la situation des demandeurs et conclut partant au rejet du recours.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».
Aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] » L’article 31 (2) précise que : « Les actes de persécution, au sens du paragraphe (1), peuvent notamment prendre les formes suivantes :
a) violences physiques ou mentales, y compris les violences sexuelles ; » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », 4 Annuaire de la convention européenne des droits de l'homme, Volume 12 (1969), p. 186.
5 Annuaire de la convention européenne des droits de l'homme, Volume 25 (1978), p. 25.
6 Cour européenne des droits de l’homme 28 juillet 1999, Selmouni c. France, requête n° 25803/94.
et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection conte les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par l’un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier d’acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que les demandeurs ne sauraient bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que les demandeurs aient été persécutés avant leur départ de leur pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption simple que des persécutions antérieures d’ores et déjà subies se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que les demandeurs avancent, du risque d’être persécutés qu’ils encourent en cas de retour dans leur pays d’origine.
Concernant les motifs à la base de la demande de protection internationale des demandeurs consistant, d’une part, dans la destruction de leur maison suite à une catastrophe naturelle et leur situation économique précaire et, d’autre part, dans l’absence d’octroi d’aides financières par la commune de Teocak, force est au tribunal de constater que ces difficultés ne trouvent leur origine dans aucun des motifs de persécution énoncés par la Convention de Genève et repris à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir leur race, leur religion, leur nationalité, leurs opinions politiques ou leur appartenance à un certain groupe social. En effet, concernant la destruction de la maison des demandeurs, celle-ci est liée à un cas de force majeur, notamment à une catastrophe naturelle, qui est étrangère auxdits critères de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006. Quant à l’absence d’octroi d’aides financières, il est vrai que les demandeurs lient ces difficultés à la non-participation du demandeur à la guerre de Bosnie-Herzégovine. Or, il ne ressort pas des éléments du dossier que de tels reproches s’expliquent par des considérations politiques prêtées au demandeur. En effet, si, dans leur requête introductive d’instance, les demandeurs affirment que le comportement manifesté à leur égard par des agents communaux aurait été motivé par les opinions politiques attribuées au demandeur, sans qu’ils ne donnent de plus amples précisions à ce sujet, cette affirmation n’est cependant pas confirmée par les déclarations faites lors de leurs entretiens des 29 janvier et 3 février 2015, desquelles il ne ressort ni que la non-
participation du demandeur à la guerre de Bosnie-Herzégovine ni que le refus d’octroi d’aides financières par les autorités communales reposeraient sur une toile de fond politique. Dès lors, force est au tribunal de retenir qu’il s’agit là de motifs exclusivement d’ordre économique et financier n’entrant pas dans le champ d’application des dispositions précitées.
Partant il y a lieu de retenir que les demandeurs ne remplissent pas les conditions prévues pour l’octroi du statut de réfugié, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a déclaré leur demande non fondée.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef des demandeurs d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par les demandeurs, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2 f), précité définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que les demandeurs avancent, du risque réel de subir des atteintes graves qu’ils encourent en cas de retour dans leur pays d’origine.
Comme il n’y a pas de conflit armé en Bosnie-Herzégovine et que les demandeurs n’allèguent pas risquer la peine de mort ou l’exécution dans leur pays d’origine, il y a seulement lieu de vérifier si les traitements dont ils font état peuvent être qualifiés de torture ou de traitements, respectivement sanctions inhumains ou dégradants au sens de l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006.
Seul un mauvais traitement revêtant un minimum de gravité est à considérer comme acte de torture ou de traitement inhumains et dégradants. Or, force est au tribunal de constater qu’il n’existe pas d’éléments susceptibles d’établir dans le chef des demandeurs l’existence de motifs sérieux et avérés de croire qu’en cas de retour en Bosnie-Herzégovine, ils s’exposeraient à un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité, et plus particulièrement, des traitements ou des sanctions inhumains ou dégradants. Les difficultés rencontrées par les demandeurs avant leur départ de leur pays d’origine, à savoir le refus d’octroi d’aides financières par les autorités bosniaques, ainsi que l’endommagement de leur maison par une catastrophe naturelle et leur situation précaire afférente, ayant certes constitué des vécus pénibles et accablants pour eux, ne sont pas d’une gravité suffisante au regard de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 pour pouvoir être qualifiés de torture ou de traitements, respectivement de sanctions inhumains ou dégradants.
Il s’ensuit, en l’absence d’autres éléments, que c’est à juste titre que le ministre a retenu que les demandeurs n’ont pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courraient le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il leur a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de ladite loi.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.
3) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 26 février 2015 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 26 février 2015 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
En l’espèce, les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision de refus de leur accorder une protection internationale.
Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale des demandeurs, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
A défaut d’autres moyens, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 26 février 2015 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 26 février 2015 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 26 février 2015 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par :
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Jackie Maroldt, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 6 mai 2015 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 mai 2015 Le greffier du tribunal administratif 15