Tribunal administratif N° 34318 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 avril 2014 3e chambre Audience publique du 5 mai 2015 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 34318 du rôle et déposée le 8 avril 2014 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée Loyens & Loeff Luxembourg s.à r.l., avocat à la Cour, ayant son siège social à L-2540 Luxembourg, 18-20, rue Edward Steichen, représenté par Maître Jean-Pierre Winandy, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 8 janvier 2014 portant rejet d’une réclamation introduit le 2 septembre 2013 contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2008 et 2009, tous émis le 24 juillet 2013 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 juillet 2014 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en sa plaidoirie à l’audience publique du 11 février 2015.
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Le 21 juin 2010, respectivement le 27 février 2012, Monsieur … et son épouse, Madame …, ci-après désignées par « les consorts… », déposèrent leurs déclarations pour l’impôt sur le revenu des années 2008 et 2009.
Le 12 juin 2013, le bureau d’imposition … sollicita le dépôt de pièces supplémentaires.
Le 26 juin 2013, le bureau d’imposition … informa les consorts……, conformément au § 205, alinéa 3 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », qu’il projette de s’écarter de leurs déclarations pour l’impôt sur le revenu précitées et les invita de formuler leurs éventuelles objections face à la mesure projetée jusqu’au 19 juillet 2013.
Par courrier du 10 juillet 2013, Monsieur… contesta exercer une activité commerciale et qualifia les transactions immobilières comme gestion de son patrimoine privé.
Le 24 juillet 2013, le bureau d’imposition … émit à l’égard des consorts…… les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2008 et 2009.
Le 27 août 2013, Monsieur… introduisit une réclamation contre ces bulletins.
Par décision du 8 janvier 2014, le directeur prit position comme suit :
« […] Vu la requête introduite le 2 septembre 2013 par le sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des années 2008 et 2009, tous les deux émis le 24 juillet 2013 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que si l'introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n'est incompatible, en l'espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d'examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu'il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ;
Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition d'avoir qualifié son activité en tant qu'entreprise commerciale ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elles sont partant recevables ;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d'impôt étant d'ordre public ;
qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-
fondé ;
qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;
Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition d'avoir qualifié, pour les années d'imposition en question, de bénéfice commercial un revenu réalisé à l'occasion de la vente des appartements litigieux à … rue …, alors qu'il s'agirait en effet, en l'occurrence, uniquement d'une gestion d'un patrimoine privé d'immeubles ; que le bureau d'imposition a adressé au réclamant en date du 26 juin 2013 un courrier destiné à l'informer, en application du § 205, alinéa 3 AO, de la cause de l'avoir traité en tant que commerçant ;
Considérant qu'en ce qui concerne les appartements litigieux, il y a lieu de faire valoir que suivant acte de vente du 28 juillet 2005, le requérant a acquis sept appartements dans une résidence située à …, rue … pour le prix de … euros (frais d'acte compris) ; que l'acte notarié certifie que le réclamant a déclaré avoir voulu acquérir six des sept appartements en vue de la revente ; qu'après avoir conclu que les opérations d'achat et de vente d'immeubles effectuées en 2008 et 2009 sortiraient du cadre de la gestion normale du patrimoine privé, le bureau d'imposition, négligeant jusque-là le grand nombre d'opérations d'achat et de vente effectuées par le requérant au passé, admettait dorénavant que ces activités seraient à qualifier d'opérations commerciales ;
2 Considérant que l'instruction du dossier fiscal a révélé que le réclamant a procédé depuis l'année 2004 à une pléiade d'opérations d'achat et de vente d'immeubles :
Situation de l'immeuble Acquisition Vente … 4/11/1994 9/02/2004 ….
27/09/2002 8/07/2004 … 27/09/2002 14/07/2004 … 21/07/2004 … 28/07/2005 - 16/11/2005 - 11/12/2006 - 27/12/2006 (1/2) - 4/09/2008 - 20/02/2009 (1/2) - 7/08/2009 - 2011 … 14/01/2000 24/08/2005 … 2005 … 25/01/2006 … 2006 … 3/02/2000 3/02/2006 … 2007 Considérant que les cinq immeubles toujours en possession du requérant à la fin de l'année 2009, sont donnés en location depuis leur acquisition ;
Considérant qu'en vertu de l'article 14 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.), est considéré comme bénéfice commercial le revenu net provenant d'une entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale ; qu'est réputée entreprise commerciale toute activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale, lorsque ladite activité ne forme ni une exploitation agricole ou forestière ni l'exercice d'une profession libérale ;
Considérant que dans son jugement du 25 mars 2010, n° 25466 du rôle le tribunal administratif a retenu notamment : « En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition, l'article 14, alinéa 1er LIR dispose qu'est à considérer comme bénéfice commercial, le revenu net provenant d'une entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale, l'entreprise commerciale étant définie par le même texte comme « toute activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale (…) ». Cette définition énonce quatre critères, à savoir 1) l'indépendance, 2) le but de lucre, 3) le caractère de permanence et 4) la participation à la vie économique générale, 3qui doivent être cumulativement réunis pour qu'une activité soit constitutive d'une entreprise commerciale au sens du droit fiscal. L'activité en cause doit en outre dépasser les limites de la gestion normale d'un patrimoine privé pour pouvoir être qualifiée de commerciale. En effet, il se dégage des distinctions inhérentes aux différentes catégories de revenus que « quelle que soit l'importance d'un patrimoine privé, les opérations de gestion y relatives ne constituent pas une activité commerciale, si les actes posés ne sortent pas du cadre de la gestion normale d'un patrimoine privé » (Emile Stoffel, Le bénéfice commercial, commentaire des articles 14 à 18 de la loi du 4 décembre 1967, in Etudes fiscales décembre 1997, n° 109-
111, p. 15, n° 14.14). La notion de la gestion d'un patrimoine privé («Vermögensverwaltung») ne faisant pas l'objet d'une définition légale, elle est cependant délimitée par le biais des deux exemples énoncés au paragraphe 7 (4) de l'ordonnance du 16 décembre 1941 relative à l'exécution des paragraphes 17 à 19 StAnpG qui prévoit que : « Vermögensverwaltung liegt in der Regel vor, wenn Vermögen genutzt wird, zum Beispiel wenn Kapitalvermögen verzinslich angelegt oder unbewegliches Vermögen vermietet oder verpachtet wird ». Le concept de la gestion d'un patrimoine privé ne se limite cependant pas aux exemples de jouissance sus-énoncés (cf. Emile Stoffel, op.cit.). D'une manière générale, il y a administration d'un patrimoine privé aussi longtemps que les activités d'achat et de vente s'analysent en de simples accessoires d'une jouissance des fruits d'un patrimoine immobilier privé dont la substance est conservée. Au contraire, de telles activités dépassent le cadre de la gestion d'un patrimoine privé lorsque le contribuable recherche une exploitation de la substance de son patrimoine par transfert (« Umschichtung ») d'éléments substantiels de sa fortune. Parmi les critères de la loi, il convient d'examiner en premier lieu celui de la permanence de l'activité litigieuse, la délimitation entre l'activité commerciale et la gestion normale du patrimoine privé impliquant une appréciation de l'activité développée par le contribuable à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. Il résulte des travaux préparatoires de la loi du 4 décembre 1967 concernant l'article 14 LIR que « le caractère de permanence n'implique pas nécessairement que l'activité se répète. Pour qu'il y ait permanence, il suffit que l'activité ait lieu avec l'intention de la répéter si l'occasion s'en présente et de constituer de la sorte une source de revenu sur la base d'opérations répétées, Projet de loi n° 5714, commentaire des articles, p. 18. », le même commentaire de l'article 14 précisant que « le caractère de permanence sépare l'activité commerciale (…) d'actes similaires isolés qui ont lieu dans le cadre de l'administration du patrimoine privé du contribuable.» ;
Considérant qu'en l'espèce, on ne peut guère affirmer que les opérations de ventes effectuées au cours des années en cause ne soient que le fruit d'une mise à profit occasionnelle ; qu'au contraire, le réclamant a vendu depuis l'année 2004 plusieurs immeubles, acquis récemment, pour promouvoir sa propre activité d'agent immobilier ; que l'activité en matière d'immobilier du réclamant, pour avoir pu constituer jusque-là une gestion de patrimoine privé, gagne par la suite nettement et de plus en plus en envergure ;
Considérant que pour les opérations d'acquisition et de vente du réclamant au cours des dernières années, il y a lieu de constater non seulement une période de détention relativement courte, mais encore des actions répétitives, desquelles on ne peut guère prétendre qu'elles soient seulement occasionnelles ou encore qu'elles rentrent dans le cadre d'une gestion normale du patrimoine privé ; que bien au contraire, elles marquent la volonté des requérants de traiter les immeubles, même destinés initialement à la location, comme autant d'objets commerciaux, acquis dans un but de revente lucratif ;
4Considérant que dès lors, en prenant en considération l'aperçu général de son activité et de son patrimoine, le réclamant sort nettement du cadre normal de la gestion pure et simple du patrimoine privé, d'usage lors de la simple location d'immeubles, pour entrer dans le domaine de l'agent immobilier qui s'adonne à une activité à caractère commercial, en recherchant moins la conservation et la jouissance à long terme des dites propriétés immobilières, mais essentiellement une valorisation rapide du patrimoine, caractéristique essentielle d'un esprit de lucre et d'une entreprise commerciale ; qu'en outre les quatre critères prévues par l'article 14 L.I.R. pour qu'une activité soit constitutive d'une entreprise commerciale au sens du droit fiscal, à savoir 1) l'indépendance, 2) le but de lucre, 3) le caractère de permanence et 4) la participation à la vie économique générale, sont cumulativement réunies en l'espèce ; que de ce chef l'activité du réclamant est constitutive d'une entreprise commerciale au sens du droit fiscal ; qu'en conséquence, les bénéfices tirés des ventes immobilières litigieuses sont à considérer comme bénéfice commercial ; qu'il importe dès lors de confirmer le bureau d'imposition pour ce qui est des calculs relatifs au bénéfice commercial concernant les opérations de vente des appartements sis à … rue …, qu'il a effectués pour les années 2008 et 2009, ceux-ci ne prêtant nullement à critique ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que tous les immeubles, acquis par le réclamant depuis l'année 2004 et mentionnés dans le tableau ci-avant, doivent nécessairement faire partie de l'actif net investi de l'entreprise commerciale du réclamant ;
qu'il s'ensuit que dès l'année 2008, il y a lieu de qualifier de bénéfice commercial les revenus résultant de la location ou de la cession desdits immeubles ; qu'en outre les immeubles acquis avant l'année 2004, restent néanmoins dans le patrimoine privé du réclamant, une séparation claire et nette entre la gestion de son patrimoine familial au travers des immeubles qui sont depuis toujours dans sa possession et ceux récemment acquis en bloc à des fins commerciales, se laissant aisément retracer dans le cas d'espèce ; que de ce chef, le bénéfice commercial du requérant est constitué pour les années litigieuses des recettes en relation avec les immeubles de l'actif net investi, moins les dépenses d'exploitation y correspondantes ;
Considérant qu'en vertu du principe de l'annualité de l'impôt, ancré en la Constitution même et entériné par l'article 1er L.I.R., une appréciation nouvelle des activités déclarées doit être entreprise à chaque nouveau stade d'une imposition annuelle, au constat de tous les faits y compris les aspects nouveaux, corroborant au fur et à mesure de plus en plus les desseins commercial et entrepreneurial du réclamant ;
Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d'ailleurs pas autrement contestées ;
Considérant que les redressements de l'impôt sur le revenu des années 2008 et 2009 font l'objet des annexes 1 et 2 qui constituent des parties intégrantes de la présente décision ;
PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, réformant in pejus en ce qui concerne l'année litigieuse 2008, fixe l'impôt sur le revenu dû pour l'année 2008, y compris la contribution au fonds pour l'emploi, à … euros, 5 réformant en ce qui concerne l'année litigieuse 2009, ramène l'impôt sur le revenu dû pour l'année 2009, y compris la contribution au fonds pour l'emploi, à … euros, renvoie au bureau d'imposition pour exécution, notamment pour imputation des retenues.[…] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 avril 2014, inscrite sous le numéro 34318 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale déférée du 8 janvier 2014, inscrit sous le numéro C … du rôle.
Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur le mérite d’une réclamation contre un bulletin d’impôt sur le revenu. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur expose que le bénéfice commercial serait défini comme tout revenu réalisé par une entreprise commerciale et que serait considérée comme telle toute activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale. Dès lors, cette catégorie de revenu se définirait par quatre critères positifs cumulatifs : indépendance, recherche d'un profit, permanence et participation à la vie économique. Or en l'espèce, il ne remplirait pas l'ensemble de ces conditions.
En effet, il ne participerait pas à l'activité économique générale dans la mesure où il n'entendrait entrer en relation d'affaires qu'avec un nombre limité d'acheteurs, à l'occasion d'un nombre défini de ventes à caractère exceptionnel. En aucun cas il n'entendrait se positionner sur le marché immobilier en tant que marchand de biens immobiliers.
S’il avait, par acte notarié du 28 juillet 2005, acheté divers lots au sein d'un même immeuble en l'état futur d'achèvement en vue de les revendre, le but recherché aurait été celui de bénéficier de l'économie de droits d'enregistrement accordée en cas de revente à court terme d'un bien immobilier. Il ajoute que l'intégration d'une clause de revente dans l'acte de vente dont il est question, énumérant limitativement les lots sujets à revente, ne suffirait pas à déterminer la participation à la vie économique générale. Par voie de conséquence, la condition de la participation à la vie économique générale ne serait pas remplie.
Le demandeur précise en outre, que si une telle clause avait bien été insérée dans l'acte d'achat, elle n'aurait pas été stipulée pour l'intégralité des lots dont il serait question, puisque certains d'entre eux auraient été destinés à la location. Or, il serait de jurisprudence que l'activité de location de biens immobiliers relève de l'administration du patrimoine privé et ne saurait ainsi être qualifiée d'activité commerciale.
6 De plus, la règle que l'administration d'un patrimoine immobilier a pour but principal d'en recueillir les fruits n'exclurait pas que, dans le cadre d'une gestion normale de ce patrimoine, il puisse y avoir des mutations, c'est-à-dire des acquisitions et des ventes d'immeubles.
En l’espèce, ces ventes auraient été entreprises à titre accessoire, et son activité principale serait celle d’une activité salariée.
Le caractère de participation à l'activité économique générale faisant défaut, il serait impossible en l'espèce de caractériser l'existence d'une activité commerciale, d'autant plus qu’il aurait été agent d'assurance salarié jusqu'au 1er janvier 2013, date à laquelle il aurait été contraint de prendre sa retraite de manière anticipée en raison de problèmes de santé. Ainsi, ni les revenus issus de la vente de biens immobiliers, ni les revenus de location ne pourraient être qualifiés de bénéfice commercial.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Aux termes de l’article 14, alinéa 1er LIR, est à considérer comme bénéfice commercial, le revenu net provenant d’une entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale, l’entreprise commerciale étant définie comme « toute activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale, lorsque ladite activité ne forme ni une exploitation agricole ou forestière ni l’exercice d’une profession libérale ».
Il résulte de cette disposition qu’une activité consistant en des transactions immobilières ne peut être qualifiée d’entreprise commerciale dépassant le cadre de la simple gestion de la fortune privée que si les quatre critères y énoncés, à savoir celui de l’indépendance, celui du but de lucre, celui de la permanence et celui de la participation à la vie économique générale, se trouvent simultanément réunis.
Concernant plus particulièrement la distinction de l’activité commerciale par rapport à la simple administration du patrimoine privé, dans le contexte spécifique des transactions immobilières, il y a lieu de relever que si la notion de gestion du patrimoine privé (« Vermögensverwaltung ») ne fait pas l'objet d'une définition légale, elle est cependant délimitée par le biais de deux exemples énoncés au paragraphe 7 (4) de l'ordonnance du 16 décembre 1941 relative à l'exécution des paragraphes 17 à 19 de la loi d'adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934 qui prévoit que : « Vermögensverwaltung liegt in der Regel vor, wenn Vermögen genutzt wird, zum Beispiel wenn Kapitalvermögen verzinslich angelegt oder unbewegliches Vermögen vermietet oder verpachtet wird ». Le concept de gestion d'un patrimoine privé ne se limite cependant pas aux exemples de jouissance sus-énoncés. D'une manière générale, il y a administration du patrimoine privé aussi longtemps que les activités d'achat et de vente s'analysent en de simples accessoires d'une jouissance des fruits d'un patrimoine immobilier privé dont la substance est conservée. Au contraire, de telles activités dépassent le cadre de la gestion d'un patrimoine privé lorsque le contribuable recherche une exploitation de la substance de son patrimoine par transfert (« Umschichtung ») d'éléments substantiels de sa fortune.1 1 Voir TA 10 septembre 2008, n° 23434 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n° 84 et les références y citées 7L’acquisition ou la location d’objets immobiliers par un particulier peut certes être considérée objectivement comme une opération de gestion de patrimoine privé dont le but aurait été de simplifier la gestion de son patrimoine privé et d’augmenter ainsi ses revenus nets de location, de même que la revente d'immeubles est compatible avec la gestion d'un patrimoine immobilier privé, aussi longtemps que ce patrimoine sert au contribuable principalement à dégager des revenus de location. Si l’administration d’un patrimoine immobilier privé n’exclut pas qu’il puisse y avoir des mutations, c’est-à-dire des acquisitions et des ventes d’immeubles, il faut que ces mutations soient comprises comme début ou fin d’une activité orientée essentiellement vers une jouissance des fruits, par notamment la location, et qu’elles ne s’analysent pas comme un négoce déguisé d’immeubles.2 Parmi les critères de la loi, il convient d’examiner en premier lieu celui de la permanence de l’activité litigieuse, la délimitation entre l’activité commerciale et la simple gestion du patrimoine privé impliquant une appréciation de l’activité développée par le contribuable à la lumière de l’ensemble des circonstances de la cause.
Il résulte des travaux préparatoires concernant l’article 14 LIR que « le caractère de permanence n’implique pas nécessairement que l’activité se répète. Pour qu’il y ait permanence, il suffit que l’activité ait lieu avec l’intention de la répéter si l’occasion s’en présente et de constituer de la sorte une source de revenu sur la base d’opérations répétées », le même commentaire de l’article 14 précisant encore que « le caractère de permanence sépare l’activité commerciale […] d’actes similaires isolés qui ont lieu dans le cadre de l’administration du patrimoine privé du contribuable ».3 Par ailleurs, selon le Bundesfinanzhof allemand, c’est essentiellement le nombre des acquisitions d’immeubles ou de constructions, ainsi que le fait qu’elles soient rapidement suivies de leur revente, qui est déterminant pour distinguer la gestion d’un patrimoine privé d’une entreprise commerciale (BHF, arrêt du 22 mars 1990, BStBI 1990, Il, 637, 638), la vente rapide des objets (« enger zeitlicher Zusammenhang zwischen Kauf und Verkauf von Wohnungen ») étant définie par une jurisprudence constante du Bundesfinanzhof comme une revente dans un délai maximal de cinq ans à partir de l’acquisition de l’objet en question :
« Besteht ein enger zeitlicher Zusammenhang zwischen der Errichtung und der Veräusserung […], so liegt nach der Rechtsprechung des BFH regelmässig ein Gewerbebetrieb vor ; ein enger zeitlicher Zusammenhang wird angenommen, wenn die Zeitspanne zwischen der Errichtung und dem Verkauf der Wohnungen nicht mehr als fünf Jahre beträgt ».
En l’espèce, il se dégage des éléments d’appréciation soumis au tribunal par le délégué du gouvernement et non autrement contestés par le demandeur, qu’entre le 27 septembre 2002 et le 28 juillet 2005, le demandeur a acheté huit biens immobiliers qu’il a revendus endéans un délai de cinq années, dont un a été vendu la même année de leur acquisition.
Ainsi, contrairement à l’argumentation du demandeur, la brièveté de la durée de détention des immeubles en cause se trouve en parfaite logique avec plusieurs clauses de revente que le demandeur a fait insérer dans les actes de vente y relatifs, dans la mesure où il paraît difficilement concevable qu’un acquéreur soit disposé à payer les droits d’enregistrements dus en cas d’acquisition en vue de la revente4 plus élevés que les droits 2 Voir TA 4 janvier 2010, nos 25664 et 25666 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n° 89 et les références y citées 3 Voir Projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. n° 571, commentaire des articles, p. 18 4 7,2% (art.XII de la loi du 28 décembre 1976 relative aux ventes d’immeubles à construire et à l’obligation de garantie en raison de vices de construction) 8d’enregistrements dus en cas d’acquisition ordinaire sans clause de revente5, si telle n’était pas son intention réelle.
Au vu de ces considérations, le tribunal est amené à retenir que s’il est certes exact que les éléments de fait lui soumis de part et d’autre sont de nature à conclure que le demandeur a acquis un grand nombre d’immeubles dans un but de la gestion de son patrimoine privé, il n’en demeure pas moins que le nombre élevé d’immeubles vendus entre 2004 et 2009, ainsi que la relative courte durée de détention de plusieurs de ces immeubles, met en évidence que ces acquisitions ont été moins motivées par la volonté de rechercher une conservation et une jouissance à long terme de ces propriétés immobilières, notamment par leur mise en location, mais plutôt par la volonté de valoriser rapidement son patrimoine moyennant des remises en vente lucratives, caractéristique essentielle d’un esprit de lucre et d’une entreprise commerciale.
En ce qui concerne le critère de la participation à la vie économique, il y a lieu de souligner que ce critère implique que le contribuable prenne part, d’une façon perceptible au public intéressé, à l’échange général des biens et prestations et qu’il soit prêt à entrer en relation d’affaires avec un nombre indéterminé de personnes, compte tenu naturellement de l’étendue et du genre de son entreprise et de sa propre capacité de prestation. Ainsi, le commerçant prend part au trafic économique général en approvisionnant le marché en biens pour lesquels il existe un besoin et en les échangeant contre des équivalents en nature ou en argent. Cet élément de la participation est à apprécier dans chaque cas d’espèce en considération du but recherché ainsi que de la nature des opérations exécutées.6 En l’espèce, force est de constater qu’à travers le nombre élevé d’opérations d’aliénation d’immeubles, le demandeur a participé à la vie économique générale, et a ainsi, du moins en partie, participé de la sorte à l’échange général des biens et prestations, de manière perceptible au public.
En ce qui concerne le critère du but de lucre, un tel but est encore avéré, étant donné qu’il est constant en cause que le demandeur a réalisé des plus-values pour la grande majorité des cessions d’immeubles réalisées, notamment en ce qui concerne deux sur trois des immeubles vendus au cours des années litigieux, à savoir 2008 et 2009.
Quant au critère de l’indépendance, l’activité devant être exercée pour le compte et aux risques et périls du contribuable, cette condition se trouve être vérifiée en l’espèce.
Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que le directeur a fait application de l’article 14 LIR en l’espèce et qu’il a retenu un bénéfice commercial du fait de la plus-value réalisée en 2008 et 2009 sur les ventes des immeubles en question.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, 5 6% (art. 37, § IX, n°2, de la loi du 7 août 1920, portant majoration des droits d’enregistrement, de timbre, de succession, etc., telle que complétée) 6 Cf. TA 21 juin 2000, n° 11582 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n° 84 et les références y citées 9le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le dit non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Jackie Maroldt, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 5 mai 2015 par le vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.
s. Goreti Pinto s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 mai 2015 Le greffier du tribunal administratif 10