Tribunal administratif Numéro 34579 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 mai 2014 3e chambre Audience publique du 18 mars 2015 Recours formé par Madame … et consorts, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 34579 du rôle et déposée le 23 mai 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Sandra Cortinovis, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Russie), agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de ses enfants mineurs, …, né le … à …, et …, née le … à …, tous de nationalité russe et demeurant actuellement ensemble à L…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 25 février 2014 portant refus d’accorder une autorisation de séjour pour raisons médicales à l’enfant …, subsidiairement refus d’accorder une autorisation de séjour à Madame … et à leurs enfants mineurs, et décision de retour ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 août 2014 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 14 octobre 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Sandra Cortinovis pour compte de la demanderesse;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 octobre 2014 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en sa plaidoirie à l’audience publique du 11 mars 2015.
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Le 10 mai 2004, Madame … et son époux, Monsieur …, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».
1 Cette demande fut définitivement rejetée par un arrêt de la Cour administrative du 10 janvier 2006, inscrit sous le numéro 20275C du rôle.
Entre le 6 août 2007 et le 1er mai 2009, les consorts … firent l’objet d’une tolérance en raison de l’état de santé de leur fils mineur, …, qui s’était grièvement brûlé en date du 15 mars 2007. Ils se virent encore accorder successivement des sursis à l’éloignement entre la période du 24 septembre 2009 au 24 décembre 2011 pour raisons médicales de leur enfant ….
Par télécopie du 21 décembre 2011, le mandataire des consorts … introduisit une demande en obtention d’une autorisation de séjour en raison de l’état de santé de leur fils …. Par décision du 15 mars 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration informa les consorts … que leur fils … pouvait bénéficier d’une autorisation de séjour pour raisons médicales sous réserve de lui faire parvenir une copie conforme de son passeport, ainsi que la preuve du paiement de la taxe de délivrance à hauteur de 30,- euros. Il précisa encore que les consorts …, ainsi que leur fille mineure … avaient, en tant que membres de la famille accompagnant …, le droit de se voir étendre le bénéfice de l’autorisation de séjour accordée à … et les invita, au vu de l’analyse de leur situation, à se présenter le 23 mars 2012 à la direction de l’Immigration.
Or les consorts … ne se sont ni présentés à la date fixée pour le rendez-vous, ni n’ont-ils envoyé les documents demandés.
Le 18 novembre 2013, la Fondation Caritas Luxembourg introduisit une demande d’autorisation de séjour pour le compte de Madame …, ainsi que de ses enfants mineurs, … et …, seuls, Madame … vivant séparée de son époux depuis 2012.
Par décision du 25 février 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à la demande introduite le 18 novembre 2013.
Cette décision est libellée comme suit :
« […] Il y a lieu de rappeler que Madame … et ses enfants ont bénéficié d'un sursis à l'éloignement d'un total de 24 mois en raison de l'état de santé de l'enfant …, sursis qui est venu à expiration le 24 décembre 2011. Selon l'article 131 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration une autorisation de séjour pour raisons médicales ne saurait être accordée uniquement si à l'expiration du délai de deux ans de bénéfice d'un sursis à l'éloignement, l'étranger apporte la preuve que son état tel que décrit à l'article 130 de la loi citée persiste. Par courrier ministériel du 15 mars 2012 les intéressés ont été informés qu'une autorisation de séjour sera accordée à l'enfant … jusqu'au 11 janvier 2013 à condition qu'il présente une copie conforme de son passeport. Selon le paragraphe (4) de l'article 131 de la loi précitée, le ministre peut étendre le bénéfice des mesures prévues aux paragraphes (1) et (2) du même article aux membres de la famille qui accompagne l'étranger et qui sont également susceptibles d'être éloignés du territoire pour une durée identique à celle accordée au bénéficiaire principal. A cette fin et pour analyser leur situation, Madame …, Monsieur … et l'enfant … ont été convoqués en date du 23 mars 2012.
2Or, force est de constater que les intéressés n'ont jamais présenté de copies conformes de leurs passeports.
Par courrier du 18 novembre 2013 vous sollicitez une autorisation de séjour pour le compte de Madame … et de ses enfants … et …. Vous présentez une copie certifiée conforme d'un passeport au numéro … établi au nom de Madame … en date du 21 août 2013 avec une validité jusqu'au 21 août 2018.
Selon le paragraphe (2) de l'article 131 précité l'étranger doit rapporter la preuve que son état de santé tel que décrit à l'article 130 persiste pour qu'une autorisation de séjour pour raison médicales pour la durée du traitement lui puisse être accordée, sans pour autant que cette durée ne puisse dépasser un an. De même cette autorisation peut être renouvelée, après réexamen de sa situation.
En l'espèce une autorisation de séjour n'a été accordée à l'enfant … qu'au 11 janvier 2013 suivant avis médical du médecin délégué du 11 janvier 2012. Ainsi, un nouvel avis a été sollicité au médecin délégué en date du 28 octobre 2013 sur base d'une ordonnance médicale du 13 juin 2013. En effet, selon le paragraphe 3 de l'article 131 de la loi modifiée du 29 août 2008 « les décisions visées aux paragraphes (1) et (2) qui précédent, sont prises par le ministre, sur avis motivé du médecin délégué visé à l'article 28 ».
Suivant son avis du 13 décembre 2013, reçu en date du 8 janvier 2014 et dont vous trouverez une copie en annexe, le médecin délégué a retenu que l'état de santé de l'enfant … ne nécessite pas une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne remplit pas les conditions médicales pour bénéficier d'un sursis à l'éloignement. En effet, le médecin délégué a précisé que « Considérant que le dernier certificat médical soumis au Professeur … datant de mai 2011 et le Centre Hospitalier Universitaire de Liège déplore le non-respect des différents rendez-vous proposés à la famille de l'enfant ; Considérant que la prise en charge de l'enfant … peut être réalisée dans le pays d'origine ». L'enfant … n'apporte donc pas la preuve que son état tel que décrit à l'article 130 de la loi citée persiste.
Par conséquent, je suis au regret de vous informer que l'octroi d'une autorisation de séjour pour raisons médicales est refusé à l'enfant … conformément aux articles 101, paragraphe (1), point 1. et 131 de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée et ainsi également à Madame … et l'enfant ….
A titre subsidiaire, une demande en obtention d'une autorisation de séjour est irrecevable alors que selon l'article 39, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, une telle demande introduite par le ressortissant d'un pays tiers auprès du ministre, doit être favorablement avisée avant son entrée sur le territoire.
Selon l'article 39, paragraphe (2) de la prédite loi, le ressortissant de pays tiers séjournant régulièrement sur le territoire pour une période allant jusqu'à trois mois, peut, dans des cas exceptionnels, être autorisé à introduire endéans ce délai auprès du ministre une demande en obtention d'une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, s'il 3rapporte la preuve qu'il remplit toutes les conditions exigées pour la catégorie d'autorisation qu'il vise, et si le retour dans son pays d'origine constitue pour lui une charge inique.
Du fait que les intéressés se trouvent en séjour irrégulier, qu'ils ne prouvent ni que toutes les conditions exigées pour la catégorie d'autorisation de séjour qu'ils visent soient remplies, ni que le retour dans leur pays d'origine constitue une charge inique, ils ne sont pas autorisés à déposer une demande en obtention d'une autorisation de séjour pour l’une des catégories d'autorisation de séjour fixées à l'article 38 de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée.
Par ailleurs, ils ne font également pas état de motifs humanitaires d'une exceptionnelle gravité tels que prévus à l'article 78(3) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg. Les pathologies médicales de l'enfant … ne sauraient pas être considérées comme un tel motif humanitaire d'une exceptionnelle gravité Étant donné que les intéressés ne remplissent pas les conditions fixées à l'article 34 de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée et qu'ils ne sont pas en possession d'une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, leur séjour est considéré comme irrégulier, conformément à l'article 100, paragraphe (1), points a) et c) de la même loi.
Au vu des développements qui précèdent et en application de l'article 111, paragraphe (2), Madame … et ses enfants … et … disposent d'un délai de trente jours à compter de la notification de la présente pour quitter volontairement le Luxembourg, soit à destination du pays dont ils ont la nationalité, la Russie, soit à destination du pays qui leur a délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d'un autre pays dans lequel ils sont autorisés à séjourner.
A défaut de quitter le territoire volontairement, l'ordre de quitter sera exécuté d'office et ils seront éloignés par la contrainte. […] » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2014, Madame … a fait déposer un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 25 février 2014.
Dans la mesure où ni la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », ni aucune autre disposition n’instaure un recours au fond en matière de refus d’une autorisation de séjour, l’article 113 de la loi du 29 août 2008 prévoyant au contraire expressément un recours en annulation, le présent recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et les délais, est recevable.
A l’appui de son recours, la demanderesse explique tout d’abord ne pas avoir été en mesure de remettre les copies conformes des passeports des membres de sa famille tel que requis par le ministre afin de faire bénéficier … et le reste de la famille de l’autorisation de séjour pour raisons médicales accordée le 15 mars 2012, étant donné que lesdits passeports n’auraient pas pu être établis en temps et en heure utiles dû à des retards administratifs de l’ambassade russe.
4Elle reproche ensuite au ministre d’avoir fait un examen superficiel et insuffisant des faits à la base de sa demande d’autorisation de séjour. Ainsi, il aurait pris la décision déférée sans tenir compte d’un certificat médical du Centre Hospitalier de Luxembourg du 13 juin 2013, selon lequel l’enfant … présenterait des séquelles cutanées importantes avec brides lui causant une gêne fonctionnelle aux aisselles, rendant une chirurgie plastique nécessaire. Ledit certificat médical établirait encore la nécessité d’une prise en charge médicale, laquelle ne pourrait être effectivement réalisée qu’au Luxembourg.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse fait encore référence à un certificat médical du Docteur … du 13 mai 2014 relatif à l’état de santé de l’enfant …, duquel il ressortirait que … présenterait d’ores et déjà des symptômes nécessitant une chirurgie réparatrice. Elle prétend encore que les soins nécessités par son enfant ne pourraient être réalisés dans son pays d’origine, ce que le ministre aurait confirmé par sa décision du 15 mars 2012, en vertu de laquelle il aurait accordé une autorisation de séjour à l’enfant … pour raisons médicales en vue d’une opération devant être effectuée au Luxembourg, reconnaissant par là qu’une telle opération ne pourrait pas être réalisée en Russie.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.
Aux termes de l’article 130 de la loi du 29 août 2008 : « Sous réserve qu’il ne constitue pas une menace pour l’ordre public ou la sécurité publique, l’étranger ne peut être éloigné du territoire s’il établit au moyen de certificats médicaux que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, et s’il rapporte la preuve qu’il ne peut effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays vers lequel il est susceptible d’être éloigné ».
L’article 131 de la même loi précise : « (1) L’étranger qui satisfait aux conditions énoncées à l’article 130 peut obtenir un sursis à l’éloignement pour une durée maximale de six mois. Ce sursis est renouvelable, sans pouvoir dépasser la durée de deux ans.
(2) Si, à l'expiration du délai de deux ans visé au paragraphe (1) qui précède, l'étranger rapporte la preuve que son état tel que décrit à l'article 130 persiste, il peut obtenir une autorisation de séjour pour raisons médicales pour la durée du traitement, sans que cette durée ne puisse dépasser un an. Le cas échéant cette autorisation peut être renouvelée, après réexamen de sa situation.
(3) Les décisions visées aux paragraphes (1) et (2) qui précèdent, sont prises par le ministre, sur avis motivé du médecin délégué visé à l’article 28, selon les modalités à déterminer par règlement grand-ducal. Le médecin délégué procède aux examens qu’il juge utiles. L’avis du médecin délégué porte sur la nécessité d’une prise en charge médicale, les conséquences d’une exceptionnelle gravité et la possibilité de bénéficier d’un traitement approprié dans le pays vers lequel l’étranger est susceptible d’être éloigné.
(4) Le ministre peut, le cas échéant, étendre le bénéfice des mesures prévues aux paragraphes (1) et (2) qui précèdent, aux membres de la famille qui accompagnent l’étranger et 5qui sont également susceptibles d’être éloignés du territoire, pour une durée identique à celle accordée au bénéficiaire principal.» Il résulte de ces dispositions qu’une autorisation de séjour pour raisons médicales ne peut être accordée que si, à l’expiration d’une période de deux ans au cours de laquelle l’intéressé a bénéficié d’un sursis à l’éloignement, il apporte la preuve que son état tel que décrit à l’article 130 de la loi du 29 août 2008 persiste. Aux termes dudit article, deux conditions cumulatives doivent être remplies, à savoir, en premier lieu, la nécessité d’une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour l’étranger des conséquences d’une exceptionnelle gravité et, en second lieu, l’absence d’un traitement effectif, approprié et suffisamment accessible dans le pays vers lequel il est susceptible d’être éloigné.
Quant à la maladie susceptible d’être prise en compte aux termes de l’article 130, précité, les travaux préparatoires ayant abouti à la loi du 29 août 20081 renseignent au sujet de l’article 131 : « Les personnes ne résidant pas ou plus légalement sur le territoire ne peuvent être éloignées, malgré une décision d’éloignement à leur égard, si elles sont atteintes d’une maladie grave qui nécessite impérativement une prise en charge médicale dont elles ne pourront bénéficier dans le pays vers lequel elles sont susceptibles d’être éloignées. La maladie qui est prise en compte est celle qui, sans traitement ou soins médicaux, entraîne des conséquences d’une exceptionnelle gravité pour la personne concernée, notamment celle qui peut causer la mort de la personne, réduire son espérance de vie ou entraîner un handicap grave. La question de savoir s’il existe un traitement approprié et suffisamment accessible dans le pays d’origine devra s’analyser au cas par cas, en tenant compte de la situation individuelle du demandeur ».
En l’espèce, par un avis du 13 décembre 2013, le médecin délégué du Service Médical de l’Immigration de la Direction de la Santé, ci-après désigné par « le médecin délégué », a estimé que l’état de santé de l’enfant … ne nécessitait pas une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et qu’il ne remplissait partant pas les conditions pour bénéficier d’un sursis à l’éloignement. Le médecin délégué a plus particulièrement retenu que le dernier certificat médical soumis du Professeur … datant de mai 2011 du Centre Hospitalier Universitaire de Liège déplore le non-respect des différents rendez-
vous proposé à la famille de l’enfant et qu’une prise en charge serait possible dans son pays d’origine.
A l’appui de sa demande d’autorisation de séjour du 18 novembre 2013, la demanderesse a soumis au ministre un certificat médical du 13 juin 2013 du docteur … du Centre Hospitalier de Luxembourg, médecin spécialiste en dermato-vénérologie.
Force est de constater qu’aux termes du certificat précité, l’enfant … présente toujours des séquelles cutanées importantes avec brides, lesquelles lui causent une gêne fonctionnelle aux aisselles et limitent sa mobilisation, rendant une kinésithérapie utile. Ledit certificat précise encore qu’une intervention en chirurgie plastique peut être utile pour lever chirurgicalement les brides. Cependant, ces certificats ne permettent pas de retenir que l’état de santé de … soit d’une gravité telle qu’il nécessite, dans l’immédiat, un traitement, et notamment une intervention 1 Doc. parl. n° 5802, p. 86, sous ad article 131.
6chirurgicale, dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et partant réponde aux conditions de gravité posées par l’article 131 précité.
Force est encore au tribunal de constater qu’il ressort du dossier administratif que le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration a transmis le certificat médical précité du 13 juin 2013 au médecin délégué pour avis en date du 28 octobre 2013. Ledit transmis précise, par ailleurs, que le dernier avis médical du médecin délégué date du 11 janvier 2012, que, selon les courriers des 10 mars 2011 et 23 mai 2011 du docteur …, des interventions avaient été fixées aux 4 mars 2011 et 8 août 2011 et que, selon confirmation de rendez-vous du docteur … par télécopie du 21 décembre 2011, une opération avait été prévue pour le 17 février 2012, et demande au médecin délégué de vérifier si ces interventions ont effectivement eu lieu et, dans la négative, quelles en étaient les raisons.
Bien que ne faisant pas explicitement référence au certificat médical du 13 juin 2013, l’avis médical du médecin déléguée du 13 décembre 2013 a cependant été pris sans aucun doute suite au transmis du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 28 octobre 2013 ayant, quant à lui, directement visé ledit certificat médical. C’est dès lors sur base de ce certificat médical et des informations et demande de vérification contenues dans le transmis du 28 octobre 2013 que le médecin délégué a souligné que les parents de … n’avaient pas respecté les derniers rendez-vous médicaux fixés pour leur enfant, faits d’ailleurs non contestés par la partie demanderesse, et que sa prise en charge pouvait être réalisée dans son pays d’origine, pour en conclure que … ne nécessite pas de traitement dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité.
Face au certificat du 13 juin 2013 et au regard de la conclusion retenue par le médecin délégué dans son avis du 13 décembre 2013, le ministre pouvait a priori, sans violer la loi et sans commettre une erreur manifeste d’appréciation, retenir dans sa décision du 25 février 2014 que … ne remplit pas les conditions posées par les articles 130 et suivants de la loi du 29 août 2008 et partant rejeter la demande d’autorisation de séjour pour raisons médicales de la demanderesse.
En ce qui concerne la référence faite par la demanderesse au certificat médical du docteur … du 13 mai 2014, il convient de relever que s’il est de principe que la légalité d’une décision administrative s’apprécie, dans le cadre d’un recours en annulation, en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise et que la vérification de la matérialité des faits s’effectue d’après les pièces et éléments du dossier administratif2, respectivement en fonction des éléments dont l’autorité a connaissance ou aurait dû avoir connaissance au moment où elle statue, en ce sens qu’il ne saurait a priori être reproché à l’autorité administrative de ne pas avoir tenu compte d’éléments qui ne lui ont pas été présentés en temps utile3, il n’en reste pas moins qu’une pièce postérieure, mais se rapportant à une situation de fait ayant existé au jour de la prise de la décision, est susceptible d’être prise en compte puisqu’elle peut affecter la légalité de la décision litigieuse qui a alors été prise, le cas échéant, sur base d’une situation de fait erronée, même si objectivement aucun reproche ne peut être fait au ministre puisqu’il n’avait pas 2 F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, 1996, n° 276.
3 Trib. adm. (prés) 23 mars 2012, n° 29992, Pas. adm. 2012, V° Recours en annulation, n° 15 et les autres références y citées.
7connaissance de cette preuve. Ainsi, le certificat médical du 13 mai 2014, certes postérieur à la décision du ministre du 25 février 2014 et partant pas à la disposition de celui-ci lors de la prise de sa décision, est susceptible d’être pris en compte dans la mesure où il constitue un élément de preuve se rapportant à une situation de fait ayant existé au moment de la décision litigieuse.
Néanmoins, le contenu de ce certificat médical ne permet pas de retenir que l’état de santé de … soit à qualifier de maladie grave qui sans traitement ou sans soins médicaux entraînerait pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, notamment celle qui peut causer la mort, réduire l’espérance de vie ou entraîner un handicap grave. En effet, le docteur … précise dans son certificat du 13 mai 2014 que « Même si le jeune … ne nécessite pas de chirurgie dans l’immédiat, il doit néanmoins rester en contrôle, au moins une fois par an, dans un Centre spécialisé jusqu’à la fin de sa croissance.
Au cours de la croissance, des brides rétractiles vont apparaître préférentiellement au niveau des zones fonctionnelles […] à la frontière peau brûlée / non brûlée et qui vont nécessiter des interventions de chirurgie réparatrice. […] » S’il résulte dès lors certes de ce certificat médical que l’enfant … va devoir continuer à se soumettre à un contrôle régulier jusqu’à la fin de sa croissance, ces contrôles peuvent cependant être limités à un contrôle par an. Il ressort encore de ce certificat médical qu’une intervention chirurgicale n’est pas nécessaire dans l’immédiat, mais va devenir utile au cours de sa croissance, confirmant en ce point l’avis médical du docteur … du 13 juin 2013. Il ne se dégage dès lors pas, de façon générale, des certificats en question que les pathologies dont souffre … soient d’une gravité telle que sans traitement ou soins médicaux ils entraîneraient pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, notamment qu’ils soient susceptibles de causer sa mort, de réduire son espérance de vie ou d’entraîner un handicap grave.
La preuve de l’existence d’une maladie grave au sens de l’article 130 de la loi du 29 août 2008 n’étant pas rapportée, l’examen de la question de savoir si l’enfant … peut bénéficier d’un traitement adéquat dans son pays d’origine et des moyens afférents présentés par les demandeurs devient surabondant.
La demanderesse invoque ensuite un moyen tiré de la violation de l’article 39, paragraphes (1) et (2), ainsi que de l’article 78 (3) de la loi du 29 août 2008. A cet égard, elle fait valoir que ses enfants seraient nés au Luxembourg, y seraient scolarisés et en parleraient la langue et qu’ils n’auraient aucun lien avec la Russie, pays qu’ils n’auraient jamais connu et dont ils ne maîtriseraient pas la langue. La demanderesse en conclut qu’un retour dans son pays d’origine constituerait pour elle et pour ses enfants une charge inique, respectivement que les raisons invoquées à la base de la demande litigieuse seraient à qualifier de motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.
En ce qui concerne la recevabilité de la demande d’une autorisation de séjour, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 39 de la loi du 29 août 2008 : « (1) La demande en obtention d’une autorisation de séjour visée à l’article 38, point 1, à l’exception des autorisations régies 8par les articles 78, paragraphe (3) et 89, doit être introduite par le ressortissant d’un pays tiers auprès du ministre et doit être favorablement avisée avant son entrée sur le territoire. La demande doit sous peine d’irrecevabilité être introduite avant l’entrée sur le territoire du ressortissant d’un pays tiers. L’autorisation ministérielle doit être utilisée dans les quatre-vingt-
dix jours de sa délivrance. Elle facilite la procédure en obtention d’un visa, s’il est requis.» (2) Dans des cas exceptionnels, le ressortissant de pays tiers séjournant régulièrement sur le territoire pour une période allant jusqu’à trois mois, peut être autorisé à introduire endéans ce délai auprès du ministre une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, s’il rapporte la preuve qu’il remplit toutes les conditions exigées pour la catégorie d’autorisation qu’il vise, et si le retour dans son pays d’origine constitue pour lui une charge inique. (..) » Il s’ensuit que, sauf l’hypothèse du paragraphe (2) de l’article 39 de la loi du 29 août 2008, une demande en autorisation de séjour doit être introduite, sous peine d’irrecevabilité, avant l’entrée sur le territoire. Sont cependant exceptées les demandes en autorisation de séjour pour motifs humanitaires au sens de l’article 78, paragraphe (3) de la même loi, qui dispose « A condition que leur présence ne constitue pas de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité au ressortissant de pays tiers. La demande est irrecevable si elle se base sur des motifs invoqués au cours d’une demande antérieure qui a été rejetée par le ministre. En cas d’octroi d’une autorisation de séjour telle que visée ci-dessus, une décision de retour prise antérieurement est annulée. » En l’espèce, le dernier sursis à l’éloignement accordé aux consorts … en raison de l’état de santé de l’enfant … étant venu à expiration le 24 décembre 2011 et les consorts … n’étant pas titulaires d’une autorisation de séjour valable, la demanderesse se trouvait de façon irrégulière sur le territoire luxembourgeois au moment du dépôt de sa demande d’autorisation de séjour du 18 novembre 2013, ne remplissant dès lors pas la condition de l’article 39, paragraphe (2) de la loi du 29 août 2008 tenant à la réglementation du séjour pour être admis à introduire une demande en autorisation de séjour à partir du Luxembourg. Ainsi, force est au tribunal de constater que le ministre a valablement pu opposer, sur base de l’article 39, paragraphe (1) précité de cette même loi, l’irrecevabilité de la demande d’un titre de séjour pour des raisons autres qu’humanitaires pour avoir été présentée après l’entrée sur le territoire.
Est partant seule recevable la demande d’autorisation de séjour pour motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité spécifiquement exemptée de cette sanction.
En ce qui concerne les faits et motifs invoqués à la base de la demande d’une autorisation de séjour pour motifs humanitaires graves, force est de retenir que la demanderesse reste en défaut d’établir de manière suffisamment plausible que les raisons soulevées par elle pour justifier son séjour au Luxembourg soient à considérer comme des motifs d’une exceptionnelle gravité. En effet, il ne ressort pas de l’état actuel de l’instruction du dossier, que la situation dans laquelle seraient placés la demanderesse et ses enfants en cas de retour dans leur pays d’origine soit de nature à mettre en danger leur vie ou leur liberté, respectivement de porter gravement atteinte à leurs droits fondamentaux de l’Homme. Ainsi, le tribunal est amené à retenir que le fait 9pour ses enfants de devoir abandonner leur scolarité au Luxembourg, aussi regrettable qu’il soit, n’est pas d’une gravité suffisante pour être qualifié de motif humanitaire d’une exceptionnelle gravité, d’autant plus que la demanderesse n’établit pas que ses enfants ne sauraient bénéficier d’un accès aux institutions scolaires de son pays d’origine. Par ailleurs, l’affirmation de la demanderesse que ses enfants ne parleraient pas le russe est en contradiction avec les pièces du dossier4, desquelles il ressort que la langue véhiculaire de la famille … est le russe, de sorte qu’il n’est pas établi en l’espèce que les enfants de la demanderesse rencontreraient des problèmes d’intégration en Russie en raison d’une barrière linguistique.
Le moyen afférent est dès lors à rejeter pour être non fondé.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 25 février 2014 portant refus d’octroi d’une autorisation de séjour à la demanderesse et à ses enfants est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Jackie Maroldt, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 18 mars 2015 par le vice-président en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 mars 2015 Le greffier du tribunal administratif 4 Cf. dossier adminsitratif, transmis des 6 mai 2009 et 8 mars 2010 au docteur …, respectivement au docteur …, médecins délégués au Service Médical de l’Immigration de la Direction de la.