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21/01/2015 | LUXEMBOURG | N°35492

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 janvier 2015, 35492


Tribunal administratif N° 35492 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 novembre 2014 Ire chambre Audience publique du 21 janvier 2015 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35492 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2014 par Maître Martine Krieps, avocat à la Cour,

inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à ...

Tribunal administratif N° 35492 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 novembre 2014 Ire chambre Audience publique du 21 janvier 2015 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35492 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2014 par Maître Martine Krieps, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Tunisie), demeurant actuellement à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 octobre 2014 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à l’annulation sinon à la réformation de la décision du même ministre du 27 octobre 2014 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2014 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 décembre 2014 par Maître Martine Krieps pour compte de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2015 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Martine Krieps et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives.

En date du 16 avril 2014, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

A une date non autrement déterminée, Monsieur … passa un entretien auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement UE 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, dit « règlement Dublin III ».

Monsieur … fut encore entendu en date du 15 septembre 2014 par un agent du ministère des Affaires étrangères sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 27 octobre 2014, notifiée à l’intéressé en mains propres en date du 7 novembre 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20, paragraphe (1) a), b) et h) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 novembre 2014, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 27 octobre 2014 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à l’annulation sinon à la réformation de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à sa demande de protection internationale, et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la dema nde de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre la décision du ministre déférée. Le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est dès lors recevable.

A l’appui de ce volet de son recours, le demandeur reproche tout d’abord au ministre de ne pas avoir respecté le délai de deux mois tel que prévu à l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, en ce qu’il n’aurait pas rejeté la demande tendant à la reconnaissance d’un statut de protection internationale dans ledit délai. Il estime à cet égard que le délai en question courrait à partir du jour où la demande de protection internationale aurait été déposée. Ainsi, en ce qui concerne plus particulièrement l’hypothèse visée par le point h) de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, le demandeur soutient que le ministre aurait été au courant de ce qu’il n’a pas introduit plus tôt, et sans motif valable, sa demande de protection internationale, alors qu’il aurait eu la possibilité de ce faire depuis le 16 avril 2014, de sorte que la décision sous examen prise en date du 27 octobre 2014 serait manifestement tardive pour avoir été prise en dehors dudit délai de 2 mois tel que légalement prévu par l’article 20, paragraphe (2) précité.

L’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006 est libellé comme suit :

« Le ministre prend sa décision au plus tard dans un délai de deux mois à partir du jour où il apparaît que le demandeur tombe sous un des cas prévus au paragraphe (1) qui précède. (…) ».

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce premier moyen en soutenant que ledit délai de deux mois, tel que prévu par l’article 20, paragraphe (2) précité, ne commence à courir qu’à partir du jour où le ministre a été en mesure de constater que les conditions d’application d’un des critères de l’article 20, paragraphe (1) sont remplies.

Ainsi, en ce qui concerne plus particulièrement le critère prévu au point h) de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, si le ministre a pu constater le dépôt tardif ensemble les raisons retenues comme n’étant pas valables pour justifier celui-ci c’est la date dudit constat, dûment établi, qui doit être prise en considération en vue du calcul du délai de deux mois prévu par l’article 20, paragraphe (2) précité.

En l’espèce, s’il est vrai que déjà lors de l’audition du demandeur dans le cadre du règlement Dublin III, à une date d’ailleurs non autrement déterminée, le ministre a pu constater un dépôt tardif de la demande de protection internationale, les raisons de cette tardiveté n’ont été révélées que lors de l’audition du 15 septembre 2014, de sorte que le délai de deux mois n’a pu commencer à courir que le 15 septembre 2014 pour expirer en date du 15 novembre 2014. Or, dans la mesure où la décision sous examen a été prise en date du 27 octobre 2014, et notifiée en mains propres à l’intéressé le 7 novembre 2014, le délai légal de deux mois a été respecté, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le moyen en question.

Le demandeur soutient encore que ce serait à tort que le ministre s’est basé sur la procédure accélérée pour rejeter sa demande de protection internationale, alors qu’il aurait développé des faits ayant trait au champ d’application de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006. Ainsi, il expose avoir fait état de « problèmes avec les islamistes et aussi avec la police » et expliqué avoir « été agressé et hospitalisé car ils m’ont torturé de plusieurs manières ». Il soutient par ailleurs que ces faits seraient d’une gravité suffisante, en ce qu’il aurait fait l’objet d’actes de torture et d’un emprisonnement « avec et sans jugement », qui seraient à la base de sa crainte de persécution en raison de son appartenance à la communauté des musulmans.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée.

En l’espèce, il échet de constater que la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a), b) et h) de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, aux termes duquel :

« Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; (…) h) le demandeur n’a pas introduit plus tôt sa demande, sans motif valable, alors qu’il avait la possibilité de le faire ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20, paragraphe (1) a), b) et h) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit s’il apparaît clairement que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons de nature à justifier dans son chef une crainte fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social, respectivement un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la même loi, soit s’il n’a pas introduit plus tôt sa demande de protection internationale, sans motif valable, alors qu’il avait la possibilité de le faire.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire et qu’en vertu de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « réfugié » est définie comme « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays », tandis qu’aux termes de l’article 2, f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est de constater que tant la notion de réfugié que celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent, outre nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine, une absence de protection dans le pays d’origine, soit que la personne concernée refuse d’accepter la protection des autorités du pays dont elle a la nationalité, soit qu’elle n’y a pas accès.

Dès lors, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.1 En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui 1 Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, UNHCR, décembre 2011, p.21, n° 100.

consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut.2 Or, il appert que le demandeur n’a pas établi ne pas disposer de la protection de son pays d’origine, en ce qu’au contraire il fait lui-même état d’une enquête qui aurait été initiée par la police elle-même3 afin d’identifier les auteurs qui l’ont torturé. D’ailleurs sur question spécifique lui posée par l’agent chargé de son audition quant à l’existence d’« une enquête sur les personnes qui vous ont torturé », le demandeur a répondu par l’affirmative, en soutenant toutefois être « parti après », sans attendre le résultat de l’enquête policière.

Il suit partant des éléments de fait qui précèdent que le demandeur a pu introduire une plainte auprès de la police, qu’il déclare d’ailleurs lui-même avoir été assisté d’un avocat dans le cadre de l’enquête entamée par la police au sujet des actes de torture dont il prétend avoir fait l’objet, de sorte qu’il échet d’en conclure que les autorités tunisiennes, loin d’encourager ou de tolérer les actes dont le demandeur affirme avoir fait l’objet, se sont montrées prêtes à lui offrir une protection appropriée en donnant une suite positive à la plainte déposée par lui.

Il se dégage partant de l’ensemble des éléments qui précèdent que le demandeur pouvait bénéficier, dans son pays d’origine, et en raison des actes dont il déclare avoir été victime, d’une protection appropriée de la part des autorités publiques, de sorte qu’il apparaît clairement qu’il ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale. Il s’ensuit que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 20, paragraphe (1) b) de la loi du 5 mai 2006 pour statuer dans le cadre d’une procédure accélérée. Dès lors, il échet de rejeter le recours tendant à l’annulation du volet de la décision ayant trait à la procédure accélérée, pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait besoin d’analyser les conditions retenues à l’article 20, paragraphe (1) a) et h) de la loi du 5 mai 2006.

2) Quant au recours tendant à l’annulation sinon à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, seul un recours en réformation a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours subsidiaire en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation.

A l’appui de ce volet de son recours, le demandeur fait soutenir qu’il aurait été torturé et incarcéré à plusieurs reprises, en raison du fait qu’il aurait « fait la prière à la mosquée ». Il estime que les actes de persécution qui auraient été ainsi dirigés à son encontre proviendraient des « membres du gouvernement, en l’espèce le Ministre du Transport, et du Président du poste de la police » partant de personnes relevant directement de l’Etat. Il conteste également que la situation sécuritaire serait en train de se normaliser en Tunisie en faisant état de ce qu’après les élections législatives du 26 octobre 2014, le parti Nida Tunis, présidé par un 2 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

3 p. 5 de son rapport d’audition proche du parti de l’ex-président, serait revenu « en force », en soutenant que les « anciens acteurs », voire des personnes proches de ceux-ci, seraient susceptibles de reprendre à l’avenir le pouvoir, de sorte que ses craintes resteraient d’actualité.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours.

Le tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation, vient ci-avant de retenir dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée que le ministre a valablement pu considérer que les éléments produits lui ont permis de conclure qu’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, étant donné qu’il a lui-même fait état d’une protection dans son pays d’origine.

Actuellement, le tribunal, statuant par rapport au volet du rejet de la demande en obtention de la protection internationale en tant que juge de la réformation, ne saurait que réitérer son analyse précédente au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale dans le cadre de son audition ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que Monsieur … ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

En effet, il ressort des explications du demandeur qu’il a pu déposer une plainte auprès de la police au sujet des actes dont il déclare avoir été la victime, que la police a entamé une enquête au sujet des faits en question et qu’au cours de l’enquête ainsi initiée, il a pu se faire assister par un avocat.

Il y a, à cet égard, lieu de rappeler l’article 29, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006 qui définit la protection comme suit : « Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. ».

Si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Dès lors, le demandeur n’a fourni, dans le cadre de la procédure contentieuse, aucun élément complémentaire pertinent permettant de conclure que les autorités tunisiennes seraient actuellement dans l’incapacité de lui fournir une protection au sens de l’article 29, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, ou qu’elles n’auraient pas la volonté de le protéger, de sorte qu’il ne saurait, à travers la protection internationale, réclamer la protection d’un autre Etat ; il s’ensuit que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, pris en son double volet.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

Aux termes de l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. r) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».

A l’appui de ce volet du recours, le demandeur sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire « à la vue de ce qui précède », sans autres explications à cet égard.

Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale du demandeur comme non justifiée, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 27 octobre 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours subsidiaire en réformation introduit contre la décision ministérielle du 27 octobre 2014 portant refus d’une protection internationale à Monsieur … ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation y relatif ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 27 octobre 2014 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 21 janvier 2015 par le premier vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.

s. Goreti Pinto s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 janvier 2015 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 35492
Date de la décision : 21/01/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-01-21;35492 ?

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