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12/01/2015 | LUXEMBOURG | N°35437

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 janvier 2015, 35437


Tribunal administratif Numéro 35437 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 novembre 2014 2e Chambre Audience publique du 12 janvier 2015 Recours formé par Monsieur ….., contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35437 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2014 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, insc

rite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., né le …. à...

Tribunal administratif Numéro 35437 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 novembre 2014 2e Chambre Audience publique du 12 janvier 2015 Recours formé par Monsieur ….., contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35437 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2014 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., né le …. à …. (Serbie), de nationalité serbe, demeurant actuellement à …., tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 23 octobre 2014 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même jour portant refus de lui accorder le statut de la protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 novembre 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Martial Barbian en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 décembre 2014.

Le 25 juillet 2014, Monsieur ….. introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Monsieur ….. sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du même jour.

Monsieur ….. fut entendu en date des 10 et 18 septembre 2014 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 23 octobre 2014, envoyée par pli recommandé du 24 octobre 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur ….. qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

La décision est motivée par la considération que Monsieur ….. proviendrait d’un pays d’origine sûr dans lequel il n’existerait pas, généralement et de façon constante, de persécution au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut de réfugié, ci-après désignée par « la Convention de Genève », constat qui n’aurait pas été contredit par un examen individuel de sa demande de protection internationale. Elle est également motivée par la circonstance que les raisons qui ont amené Monsieur ….. à quitter son pays d’origine n’auraient été motivées ni par un des critères de fond définis par ladite convention, ni par les dispositions de la loi du 5 mai 2006 dès lors que les faits qu’il rapporte constitueraient des crimes et délits de droit commun. Elle indique encore qu’en tout état de cause il ne serait pas démontré que l’Etat serbe ou d’autres organisations étatiques présentes sur le territoire ne pourraient ou ne voudraient pas lui accorder une protection à l’encontre de ses agresseurs et ce, en particulier, en raison de ce que Monsieur ….. aurait déposé plainte contre ses agresseurs dont certains auraient écopé d’une peine de prison avec sursis de sorte qu’aucun reproche ne pourrait être formulé à l’encontre des forces de l’ordre serbes. Elle indique que la situation des membres de la communauté LGTB se serait améliorée ces dernières années en Serbie. Elle fait état qu’il serait loisible à des personnes se sentant lésées par des abus de pouvoir ou des écarts de conduite de policiers de s’adresser à un organe de contrôle interne, au Médiateur dont le mandat consisterait, notamment, en la protection des droits et des libertés des civils et au contrôle de l’administration et autres organes législatifs, voire au bureau de l’Ombudsman. Elle mentionne ensuite qu’il apparaîtrait que les raisons gisant à la base de sa demande de protection internationale tiendraient à des motifs économiques et matériels, étant donné que l’exploitation agricole de Monsieur ….. se serait trouvée arrêtée et serait déficitaire. Elle indique que Monsieur ….. n’aurait soulevé aucune raison valable qui puisse justifier l’impossibilité d’une fuite interne. Elle retient enfin qu’il n’existerait en l’espèce pas de motif sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2014, Monsieur ….. a fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 23 octobre 2014 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du ministre portant refus de lui accorder le statut de la protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision.

Il ressort en substance du rapport d’audition du demandeur, serbe de confession orthodoxe, qu’il a quitté son pays d’origine, la Serbie, en raison de son appartenance à la communauté LGTBI. En effet, il rapporte que depuis que l’homosexualité de son partenaire aurait été rendue publique, ils se seraient fait agresser à de nombreuses reprises. Il indique avoir pu bénéficier de la protection des forces de l’ordre et des autorités judiciaires. Il mentionne encore avoir eu des difficultés financières étant donné que son exploitation agricole se serait trouvée arrêtée et aurait été déficitaire.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de ce volet de la requête introductive d’instance, s’agissant de la décision de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le fondement des articles 20 a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le demandeur estime que le ministre aurait considéré à tort que ses déclarations ne soulèveraient que des faits sans pertinence afin de justifier l’application d’une procédure accélérée au sens de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006 étant donné qu’il aurait fait l’objet d’agressions à caractère homophobe. Il conteste encore que la Serbie serait un pays d’origine sûr dans son chef en raison de l’absence de sécurité qui y règnerait pour les membres de la communauté LGTBI.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours pour manquer de fondement.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 :

« Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

(…) c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi (…) ;».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier à suffisance la décision ministérielle.

Quant à la décision du ministre se basant notamment sur l’article 20 (1) c) de la loi du 5 mai 2006 disposant que le demandeur provient d’un pays sûr au sens de l’article 21 de ladite loi, il échet de rappeler qu’un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de cet article dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » En l’espèce, il est constant en cause que par règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant la liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006 la Serbie a été retenue comme constituant un pays d’origine sûr, tandis qu’il se dégage des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité serbe et qu’il a vécu en Serbie avant de venir au Luxembourg.

Comme l’énumération d’un pays d’origine sûr dans la liste du prédit règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 ne constitue qu’une présomption que ce pays est à considérer comme un pays d’origine sûr et qu’aux termes de l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, un examen de la situation individuelle du demandeur de protection internationale est indispensable pour pouvoir considérer que concrètement pour le demandeur de protection internationale considéré individuellement, le pays de provenance est à considérer comme pays d’origine sûr, il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si le demandeur lui soumet, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

Or, l’analyse de la situation personnelle décrite par le demandeur lors de son audition par l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères ne permet pas d’en dégager des éléments suffisants pour conclure à l’illégalité de la décision ministérielle.

En effet, il ressort sans équivoque des propos du demandeur d’une part, que la police a découvert et identifié les auteurs des messages de menace et, d’autre part, que lesdites personnes ont été condamnées à une peine de prison de deux ans avec sursis. Ainsi, contrairement aux affirmations du demandeur, en considération du fait qu’il est utopique de s’attendre à un taux de résolution des affaires criminelles à hauteur de 100% ou de se voir accorder une protection policière infaillible dans une société démocratique, il a pu bénéficier d’un accès effectif aux autorités policières et judiciaires. Il s’y ajoute qu’il ressort d’un extrait de rapport de Amnesty International sur la Serbie cité par le demandeur que le ministre serbe compétent aurait interdit une marche des représentants de la communauté LGTB pour des raisons sécuritaires et qu’une personne ayant incité à la discrimination des participants aurait été condamnée de sorte que lesdites informations sont de nature à renforcer la conclusion retenue plus en avant par le tribunal.

Le demandeur n’ayant ainsi pas fourni d’éléments de nature à renverser le constat du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 précité, selon lequel la Serbie est à considérer comme pays d’origine sûr, c’est à bon droit que le ministre, après analyse de sa situation concrète, a conclu qu’il est originaire d’un pays d’origine sûr, et qu’il a, à bon droit, pu statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20 de la loi du 5 mai 2006, les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte que la seule condition de l’article 20 c) de la loi du 5 mai 2006 valablement remplie a pu à suffisance justifier la décision ministérielle.

Ainsi, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser les conditions de l’article 20 (1) a).

2. Quant au recours tendant à la réformation de la décision de refus d’une protection internationale Dans la mesure où l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

En droit, il estime en substance que le ministre aurait fait une appréciation erronée des faits pour ne pas avoir considéré qu’il aurait subi des agressions et menaces tant à caractère psychique que physique en raison de son appartenance à la communauté LGTBI qui seraient de nature à justifier l’attribution du statut de protection internationale étant donné qu’elles tomberaient dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut partant au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…)».

Par ailleurs, aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : «(1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » (3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière.» Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Force est au tribunal de constater qu’il ressort du rapport d’audition du demandeur qu’il a été victime de menaces par sms ainsi que d’agressions homophobes violentes au moyen de couteaux, battes ou barres en fer sur la voie publique à sept ou huit reprises par des personnes non identifiées de sorte à conclure a priori qu’il a été victime d’actes ayant été motivés par un des critères de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir des actes ayant été commis en raison de son appartenance à un groupe social, soit la communauté homosexuelle dès lors qu’il ressort à suffisance de droit de ses déclarations que la motivation des agresseurs étaient de porter intentionnellement atteinte à son intégrité physique en raison de son orientation sexuelle, leurs propos « regarde ce sont des gays » ne laissant aucun doute sur cette question. Eu égard à l’intensité des agressions et à leur caractère répété, il y a lieu de retenir que la condition de gravité posée à l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 est remplie en l’espèce. S’agissant de personnes privées ayant commis les agressions relevées, il y a lieu d’examiner la question de savoir si elles sont à qualifier comme acteurs au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Or, le tribunal ayant retenu plus en avant que le demandeur a pu bénéficier d’un accès effectif aux autorités policières et judiciaires de sorte qu’il ne remplit pas les conditions prévues pour l’octroi du statut de refugié et que c’est à bon droit que le ministre a déclaré sa demande non fondée.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef du demandeur d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 f), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas.

L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Ni le demandeur ni le délégué du gouvernement ne prennent spécifiquement position sur ce volet de la décision déférée.

Force est au tribunal de constater qu’il ne ressort pas des propos livrés dans le cadre de son audition que les actes subis par le demandeur puissent être qualifiés de peine de mort ou d’exécution; respectivement de torture ou de traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés ou de menaces graves et individuelles contre sa vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens de l’article précité. En effet, bien que les agressions et menaces dont il a été victime sont hautement condamnables et qu’elles revêtent un certain degré de gravité, le tribunal relève qu’il ne ressort pas des éléments soumis à son appréciation que les autorités serbes ne peuvent ou ne veulent pas lui apporter une protection adéquate de sorte que les agresseurs, personnes privées ne sauraient être qualifiées d’auteurs d’atteintes graves au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 de sorte qu’il n’est pas non plus fondé à invoquer l’article 37 c) de la loi du 5 mai 2006.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire L’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoyant un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Le demandeur sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de l’octroi d’une protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

A défaut d’autres moyens, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 23 octobre 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle du 23 octobre 2014 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 23 octobre 2014 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 12 janvier 2015 par le premier juge, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 janvier 2015 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 35437
Date de la décision : 12/01/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-01-12;35437 ?

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