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05/01/2015 | LUXEMBOURG | N°33282

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 janvier 2015, 33282


Tribunal administratif N° 33282 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 août 2013 2e chambre Audience publique du 5 janvier 2015 Recours formé par Monsieur ….. et consorts, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33282 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 août 2013 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieu

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Tribunal administratif N° 33282 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 août 2013 2e chambre Audience publique du 5 janvier 2015 Recours formé par Monsieur ….. et consorts, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33282 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 août 2013 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., né le …. à …. (Kosovo) et de son épouse, Madame ….., née le …., à …., agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs ….., née le …. à …., ….., née le …. à …. (Serbie) et de ….., né le 12 juillet 2008 à Vranje, tous de nationalité kosovare et demeurant actuellement ensemble à …., tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 24 juillet 2013 portant refus de leur demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Cigdem Kutlar en remplacement de Maître Olivier Lang, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 mai 2014.

Le 23 avril 2012, Monsieur ….., et son épouse, Madame ….., agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs ….., ….., et ….., désignés ci-

après par « les consorts ….. », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations des consorts ….. sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du 26 avril 2012.

Monsieur ….. fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, en date des 5 et 7 juillet 2012, tandis que Madame ….. fut entendue les 6 et 20 juillet 2013, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.

Par décision du 24 juillet 2013, notifiée par courrier recommandé envoyé le 26 juillet 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa les consorts ….. que leur demande en obtention d’une protection internationale avait été rejetée, tout en leur enjoignant de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 23 avril 2012.

En application de la loi précitée du 5 mai 2006, vos demandes de protection internationale ont été évaluées par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 26 avril 2012 et les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères des 5 et 6 juillet 2012.

Madame, Monsieur, il résulte du rapport du Service de Police Judiciaire que vous êtes entrés illégalement en territoire Schengen à l'aide d'un passeur. Vous auriez payé 3000 euros, mais vous ne vous rappelleriez plus du trajet. Vous présentez des cartes d'identité kosovares établies les 22 septembre 2010 et 8 octobre 2010.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté le Kosovo à cause des problèmes qui vous auraient été causés par le bourgmestre de ….., …… Votre épouse aurait été élue déléguée de la commune de ….. et aurait rejoint le parti de …… Cependant, depuis juin 2011, elle n'aurait plus voulu cautionner sa politique, qui, selon vos dires, serait corrompue. C'est alors que ce dernier aurait commencé à causer des problèmes à vous deux.

Vous dites que ….. vous aurait appelé en juin 2011 afin que vous influenciez votre épouse dans le sens qu'elle soutiendrait à nouveau sa politique; vous auriez cependant refusé.

Le 22 septembre 2011, la police serait venue vous arrêter. Selon vos dires, elle aurait d'abord caché des drogues dans votre voiture et vous aurait ensuite confronté avec ce fait. Par la suite, les policiers vous auraient frappé et vous auriez été arrêté puis « maltraité » dans le but de vous faire avouer le délit en question. Vous dites que vous auriez été innocent et incarcéré pendant deux mois; en plus, vous auriez eu le diabète en prison.

Vous précisez que le 18 novembre 2011, vous auriez été convoqué au tribunal et, grâce à l'aide de l'EULEX, vous auriez encore été libéré ce même jour.

Cependant, le maire n'aurait pas arrêté de vous tracasser. Ainsi, vous auriez reçu une visite d'un dénommé ….., qui vous aurait expliqué qu'il aurait des remords parce que vous auriez été innocent en prison. Quelques jours plus tard, la police serait passée et vous aurait demandé une déclaration, du fait que ….. aurait porté plainte contre vous, puisque vous l'auriez accusé d'avoir caché les drogues dans votre voiture. ….. se trouverait d'ailleurs également au Luxembourg et vous auriez peur que ….. l'aurait envoyé.

Vous ajoutez que votre épouse aurait reçu un appel anonyme en février 2012, exigeant qu'elle retire sa plainte contre …… 2 Madame, vous confirmez les dires de votre époux. Vous précisez qu'au début 2011, …..

aurait tenté de vous corrompre afin que vous votiez pour ses projets. Ayant refusé cette offre, le maire aurait alors menacé de vous détruire. Vous dites qu'il aurait une fois tenté de vous harceler sexuellement, mais vous auriez réussi à sortir de son bureau. Vous auriez déclaré cet incident au bureau de police de ….. Vous auriez par la suite quitté le parti de ….. et rejoint les bancs de l'opposition, tentant de faire remplacer le président de l'assemblée communale, ….., qui serait un allié du maire. Le 22 septembre 2011, vous auriez reçu un appel anonyme vous demandant de renoncer à ce plan, sinon vous seriez « éliminée ». Le jour du vote, la police aurait alors arrêté votre époux. Vous auriez pu le visiter en prison une semaine plus tard, après avoir eu recours à un avocat. Ce dernier vous aurait conseillé de vous adresser à un procureur et de ne pas renoncer à votre fonction politique. Vous ajoutez qu'un membre du jury relatif au procès contre votre époux vous aurait confié que le parti du maire aurait arrangé le procès. Cette confession vous aurait fait perdre confiance dans les tribunaux.

Le 27 février 2012, vous auriez reçu un appel anonyme, exigeant que vous retiriez toutes vos déclarations que vous auriez prononcées à l'encontre de ….. auprès de la police et du procureur, sinon, vous seriez tuée au chemin du tribunal. Vous auriez également déclaré cet incident à la police de …. Celle-ci vous aurait répondu qu'il serait difficile d'entreprendre des suites quant à cet appel parce qu'ils ne pourraient pas enquêter quand il s'agirait d'un numéro serbe. Elle ne serait pas non plus en charge du suivi de votre plainte, vous signalant que vous devriez vous adresser au procureur. La police vous aurait également fait comprendre qu'elle ne pourrait pas vous protéger 24 heures sur 24. Vous auriez alors décidé de quitter votre pays.

Madame, Monsieur, il y a lieu de noter que vous avez versé plusieurs documents.

Monsieur, le document N°1 constitue le rapport de vos déclarations faites en présence de votre avocat dans le bureau régional de la police de ….. à propos de votre accusation en date du 22 septembre 2011. Vous expliquez que vous seriez innocent et que vous ne sauriez pas comment le sachet de drogues aurait pu se retrouver dans votre voiture. Vous n'auriez jamais été impliqué dans le trafic de drogues. Vous avez également remis votre convocation au tribunal de district de ….. (document N°6). Le document N°2 constitue le jugement prononcé à votre encontre par le tribunal de district de ….. en date du 18 novembre 2011. Il confirme que vous avez été condamné une peine de six mois de prison et à une amende de 300 euros pour « achat illégal, possession, distribution et vente de stupéfiants dangereux et de substances psychotropes (…) ». Le document N°3 constitue le recours de votre avocat, déposé le 29 novembre 2011 contre ce jugement, demandant son annulation ou bien un recommencement du procès. Il signale que votre avocat aurait déposé plainte « pour non-respect du code pénal de Kosovo (KPPK), pour abus de la loi pénale, pour attestation erronée et incomplet (sic) de la situation, pour la peine ». Le document N°4, du 8 décembre 2011, constitue la réponse du procureur du parquet public du district de ….. au recours de votre avocat. Il en ressort que le procureur a exigé que votre peine soit augmentée puisque des circonstances atténuantes, telles votre jeune âge ou votre maladie, n'auraient pas dû être prises en compte. Le document N°5, datant du 13 décembre 2011, constitue de nouveau une réponse de votre avocat à la demande du procureur de ….. ; il souligne que vous n'auriez pas bénéficié de circonstances atténuantes, mais, bien au contraire, d'une peine alourdie et injustifiée.

De plus, Madame, vous avez versé un certificat émis par le compartiment des administrations générales de la commune de ….. (document N°7), attestant que vous auriez occupé la fonction d'échevin du conseil communal à partir du 19 août 2010. Le document N°8, un rapport du conseil communal de ….. du 22 septembre 2011, prouve qu'une partie des échevins aurait essayé de licencier le président du conseil communal et de faire voter un 3 nouveau président. Le vote n'aurait toutefois pas eu lieu. De même, vous avez remis un document de l'avocat (N°9) qui retient que vous êtes « autorisé (sic) à représenter dans tous les domaines son mari ….. qui se trouve dans le centre de détention à ….. (…) ». Il précise que vous auriez avancé la somme de 2500.-euros à l'avocat pour couvrir les frais liés au procès.

Enfin, il convient de noter que vous avez remis plusieurs articles de journaux pour corroborer vos dires. Ainsi, l'article du « BLIC » du 22 septembre 2011 informe que les conseillers du parti serbe social-démocrate (SSDS) clameraient que votre arrestation, Monsieur, constituerait un coup monté parce que votre épouse aurait rejoint l'opposition.

L'article publié par « Novosti » le 22 mars 2012 concerne l'arrestation de cinq personnes serbes, suite à la délation de …… Il informe notamment que 4 accusations auraient été déposées contre ….. au Kosovo, ainsi que deux plaintes pour harcèlement sexuel, dont une de vous, Madame. Ce dernier aurait également été condamné à 3 ans de prison pour viol en 1996. L'article du « Kurir» du 28 février 2012 reprend vos dires, Monsieur, selon lesquels vous auriez été arrêté parce que votre épouse aurait démissionné du parti de …… Madame, Monsieur, il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il s'agit dans un premier temps de soulever que vos récits ne coïncident pas avec les documents que vous avez remis. Ainsi, Monsieur, vous dites que vous auriez été incarcéré de septembre à novembre 2011. Vous auriez par la suite été libéré en novembre 2011 avec l'aide de l'EULEX. Il ressort cependant du document N°2 que vous auriez été condamné à une peine de prison de 6 mois en date du 18 novembre 2011. Les documents N°3, 4 et 5 ne permettent pas non plus de soutenir vos dires puisque vous restez en défaut de remettre le jugement final du tribunal, confirmant que vous auriez été libéré en novembre 2011. De même, Madame, vous signalez qu'un membre du jury serait venu s'excuser auprès de vous, après le jugement du tribunal; il vous aurait expliqué qu'il aurait été obligé de condamner votre époux à 6 mois de prison. Or, comme mentionné plus haut, votre époux affirme qu'il aurait été libéré le jour même de sa convocation au tribunal en novembre 2011 ; d'après ses dires, il n'aurait donc pas été condamné à cette peine de prison. Or, ces deux constats ne sont pas compatibles.

Hormis ces incohérences, il s'agit surtout de préciser que les procédures judiciaires kosovares ne prévoient pas de jury. Il est donc tout simplement impossible que le maire aurait essayé de corrompre un jury. Il s'en suit que des sérieux doutes doivent être émis quant à la véracité de vos récits.

Il faut ensuite soulever que les articles versés, proviennent tous de journaux serbes établis a Belgrade. Mis à part le fait que ces articles n'avancent pas de nouvelles preuves, mais répètent en gros vos dires, il n'est en tout cas pas à exclure que ces journaux auraient eu un intérêt à discréditer le maire de ….. En effet, ce dernier est réputé pour soutenir activement l'intégration de la population serbe au sein de l'Etat kosovar et d'ignorer les structures parallèles serbes qui existent au Kosovo : « The municipal administration (of Partesh/Partes) does not communicate with Belgrade institutions. Though Serb citizens hardly ever communicate with their Albanian countrymen, no ethnically motivated problems or incidents have been registered (…) Partesh/Partes and Gjilan/….. set an example of interethnic cooperation based on shared economic interests ». En plus, en février 2012, ….. a loué l'arrestation de cinq serbes, dont quatre policiers, qui auraient terrorisé la population de ….. afin qu'elle boycotte les institutions kosovares. II va de soi qu'une telle politique ne puisse 4 pas plaire à une partie de la société serbe. Il ressort d'ailleurs d'informations en nos mains que la police kosovare confirme qu'il n'existe pas de dossier au sujet de ….. auprès de leur institution.

Quoi qu'il en soit, même à supposer les faits que vous alléguez comme établis, ceux-ci ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutés dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006. Le simple fait d'appartenir à une minorité ethnique n'est pas suffisant pour prétendre au statut de réfugié. Selon la jurisprudence de la Cour administrative une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, les demandeurs risquent de subir des traitements discriminatoires.

Madame, Monsieur, vous vous estimez [être] victimes d'un complot monté par …… Force est cependant de constater, Monsieur, qu'il paraît plutôt probable que vous auriez été placé en détention provisoire de septembre 2011 à novembre 2011, jusqu'à l'attente de l'ouverture de votre procès, puisqu'on aurait trouvé des drogues dans votre voiture. En effet, il s'agit de signaler qu'une arrestation ou une incarcération pour possession de stupéfiants, basées sur des témoignages de policiers et des preuves (comme il en découle des documents versés) ne constitue pas une persécution ou un acte arbitraire, mais une pratique tout à fait normale et compréhensible. Il ressort en effet des informations en nos mains que légalement parlant, un bourgmestre ne contrôle pas les forces de police dans sa municipalité, et du moins légalement il n'est pas en mesure de faire procéder à des arrestations arbitraires. Les mandats d'arrêts [ne] sont d'ailleurs signés que par le parquet.

Néanmoins, si comme vous le dites, vous seriez innocent et victime d'un complot, il y a lieu de noter qu'il existe différents moyens pour faire valoir vos droits et vous défendre contre les injustices dont vous vous estimez victime. En effet, il ressort de votre rapport d'entretien que vous auriez eu accès à un avocat et que vous auriez bénéficié du soutien de l'EULEX. De même, Madame, vous signalez avoir eu recours à un avocat pour soutenir votre époux. En plus, vous dites que vous auriez informé le procureur du complot monté par …..; vous dites qu'il serait responsable du suivi de votre plainte. Vous auriez d'ailleurs également porté plainte contre ….. pour une tentative d'harcèlement sexuel. Il faut également préciser, Madame, que l'appel anonyme du 27 février 2012 laisse sous-tendre que vous auriez pu déposer des plaintes contre le bourgmestre de ….. et que cette affaire ne serait donc pas encore close. [Il] en découle, que vous auriez donc eu accès à toutes ces instances. Bien que des policiers vous aient expliqué qu'ils ne pourraient garantir […] votre sécurité 24 heures sur 24 et qu'ils ne pourraient que difficilement enquêter contre des personnes anonymes, appelant depuis un numéro serbe, ces constats ne permettent pas de déduire un défaut de volonté de protection de la part des autorités présentes sur le territoire kosovar envers vos personnes. En effet, vous auriez eu accès à ces instances et il vous aurait été possible de déposer des plaintes à l'égard du bourgmestre de …… En plus, l'EULEX et l'OSCE au Kosovo ont au centre de leur mandat la protection des minorités. Vous auriez donc certainement eu la possibilité de rechercher leur soutien contre les injustices dont vous dites avoir été victimes.

De plus, l'inspectorat de Police du Kosovo a été établi indépendamment de la Police kosovare et est compétent pour toute plainte envers les forces de l'ordre : « As defined in the Rules of Procedure 2005/54, the Police Inspectorate of Kosovo is established as an executive 5 body of the Ministry of Internal Affairs. The Police Inspectorate of Kosovo consists of the executive manager and inspection officers, who are civilian officials and completely independent of the Kosovo Police Service. These officials are mandated with range of competencies for entry into and inspection of the police stations and departments, to interview police officers of all categories, to collect data on manners of tasks accomplishment, investigate disciplinary complaints and, if necessary, to seize the police documents. (…) The Police Inspectorate of Kosovo is an independent mechanism for monitoring police and it has two main functions: Inspection of the manner in which the tasks are accomplished by KPS in a defined range of management functions in the context of appropriateness, effectiveness and application of the applicable laws, as well as to conduct review of all the complaints for misconduct of the KPS police officers regardless of their ranks ». Si vous estimez que des policiers auraient placé les drogues dans votre voiture, vous auriez à tout moment pu vous joindre (sic) à l'inspectorat de Police du Kosovo.

Madame, il faut mentionner que vous signalez avoir perdu la confiance dans les tribunaux à cause du procès de votre époux ; vous pointez tous les deux du doigt la corruption qui régnerait sous les ordres de …… Hormis le constat susmentionné, qu'il n'est pas possible qu'un jury aurait été instrumentalisé par le bourgmestre, il y a lieu de préciser que la justice kosovare fonctionne de mieux en mieux selon la Commission Européenne dans son rapport de 2011:

« Kosovo has made progress in the judicial sector. The Constitutional Court has issued a number of key decisions, which made a significant impact. Institutions ensured that these judgments were followed. (…) Salaries for judges and prosecutors have been increased, as provided for in the relevant laws, further strengthening the independence of judges. The Kosovo Judicial Council has started to address shortcomings within the judiciary. The Council adopted an action plan for the implementation of the law on courts. It adopted a strategy to reduce the backlog of cases in October 2010 and started implementing it on 1 January 2011.

De même: « The feasibility study concluded that the basic institutions of the judiciary have started to perform their role, and that legislation provides for strong guarantees of the independence of the judiciary. On 1 January, the laws on courts and on prosecution entered into force, introducing a new court and prosecution structure. It replaces the former structure of municipal and district courts by seven basic courts and one court of appeal. Its implementation has started without major difficulties. The new legal framework contributes to the independence, effectiveness, accountability and impartiality of the judicial system in Kosovo and its implementation will be subject to further review in the future ».

Quant à la corruption présumée de la justice, il convient de signaler que : « Kosovo has made some progress on tackling corruption. The implementation of the anticorruption strategy is monitored by an Anti-Corruption Agency. The Agency is also the responsible authority to monitor the implementation of the law on preventing conflicts of interest in exercising public functions, which was amended in August. The law on declaration, origin and control of property of senior public officials and on declaration, origin and control of gifts of all public officials, the law on protection of informants (whistleblowers) and the law on public procurement were also adopted at the end of August. An anti-corruption coordinator was appointed within the Office of the State Prosecutor and one prosecutor per district prosecution office was assigned to corruption cases. Steps have been taken to strengthen the Kosovo anti-corruption task force and to ensure that seconded police officers and appointed experts will be able to contribute effectively. Similar steps have been taken to 6 improve cooperation between prosecutors. A mixed panel of local and EULEX judges has convicted senior officials and politicians. (…) The increase in the salaries of judges and the completion of the reappointment process were positive steps to prevent corruption in judiciary. The 2011 campaign on the declaration of assets led to an increase in the number of declarations by officials. 96% (1830) of officials made declarations, which were published online. Cases have been initiated against 84 persons who did not disclose their assets. The Anti-corruption Agency has stepped up its awareness-raising activities, by means of campaigns and targeted training. The Agency has sufficient capacity to perform its tasks. Law enforcement agencies have strengthened their disciplinary structures. ».

Enfin, il s'agit également de noter que « ….. municipality does not have courts. Gjilan/ ….. municipal, minor offences and district courts cover the municipality (source: Gjilan/…..

municipal court and minor offences court). ». Les affaires pénales concernant la municipalité de ….. sont donc traitées à ….., une municipalité qui ne se trouve plus sous le « contrôle » de …… Citons dans ce contexte l'arrêt de la Cour administrative du 5 juin 2012 (n°30.197C du rôle):

« Quant à l'analyse des faits concrets de l'espèce, la Cour est amenée à rejoindre les premiers juges en ce qu'ils ont décidé que considérés tant globalement que dans leur contexte, les faits avancés par les appelants actuels ne revêtent pas le caractère de gravité suffisant requis par la loi et que les actes mis en avant émanent de personnes privées sans que les conditions prévues à l'article 29 de la loi du 5 mai 2006 soient remplies. Ici encore, la Cour est amenée à rejoindre les premiers juges lorsqu'ils retiennent que le Kosovo dispose en dernière analyse d'un système judiciaire permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et que les appelants actuels avaient accès à cette protection. Ainsi la Cour ne saurait suivre les appelants lorsqu'ils déclarent que, d'une manière générale, l'Etat kosovar et les organisations internationales ne peuvent ou ne veulent pas leur accorder une protection contre les persécutions dont ils estiment faire l'objet. D'une part, les différents rapports des organisations internationales sur place ne contiennent pas d'indication d'une réticence générale des autorités en place d'assurer la protection des minorités du pays. D'autre part, c'est à bon droit que le tribunal a mis l'accent sur l'évolution au pays qui va dans le sens de l'amélioration de la situation des minorités. Il est à noter que la Serbie a abandonné sa position intransigeante à l'égard de son ancienne province et que les gouvernements serbe et kosovar sont entrés dans des négociations, ce qui devrait logiquement influer favorablement sur le sort des Serbes du Kosovo. (…) ».

On peut en déduire des constats, rapports et jurisprudence susmentionnés, que les autorités kosovares n'auraient jamais refusé de vous venir en aide. Il vous aurait en tout cas toujours été possible de faire valoir droits et de vous défendre contre d'éventuelles injustices.

Monsieur, concernant votre problème avec le dénommé ….., il s'agit de soulever que le dépôt d'une plainte à votre encontre ne constitue pas un acte de persécution au sens de la Convention de Genève ou de la loi modifiée du 5 mai 2006. Vous signalez uniquement que des policiers vous auraient demandé des déclarations, suite à ses accusations. Bien que vous craigniez que ….. ait envoyé ….. au Luxembourg à cause de vous, vous ne faites pas état d'un incident quelconque. Ainsi, on est amené à juger que les craintes que vous exprimez, 7 traduisent donc plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention.

En dernier lieu, notons à titre d'information que le rapport du Helsinki Committee for Human Rights in Serbia de juin 2012 explique que « About 60 percent of population (in Partesh/Partes) is unemployed. This causes social tensions and brain drain. About 50% of young people have emigrated mostly to Luxembourg. All in all, 70 percent of population has emigrated abroad so far. ». Il ressort donc des informations en nos mains qu'une grande partie de la population de la commune de ….. a émigré pour des raisons économiques et qu'en plus, la majorité des jeunes habitants serait venue au Luxembourg pour ces raisons.

Relevons finalement que vous possédez la nationalité kosovare et qu'en vertu de l'article 21 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection et du règlement grand-ducal du 19 juin 2013 modifiant le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, la République du Kosovo doit être considérée comme pays d'origine sûr où il n'existe pas, généralement et de façon constante de persécution au sens de la Convention de Genève. Ce constat n'a pas pu être contredit par l'examen individuel de vos demandes de protection internationale.

Un pays est considéré comme sûr s'il veille au respect des principes de liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

De plus, lorsque sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques, il peut être démontré que, d'une manière générale et de manière durable, il n'existe pas de recours à des persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, ni des motifs sérieux de croire que le demandeur de protection internationale court un risque réel de subir une atteinte grave telle que déterminée à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006, le pays d'origine concerné peut valablement être considéré comme pays d'origine sûr.

A titre complémentaire, il convient également de relever qu'au Kosovo, les critères suivants sont garantis :

 l'existence d'un système judiciaire indépendant  la reconnaissance des libertés et des droits démocratiques de base, y compris de mécanismes de recours si ces droits ou libertés sont violés;

 l'existence d'organisations de la société civile.

Cet aspect est d'autant plus conforté par le fait qu'en date du 13 avril 2013, la Commission a estimé que le Kosovo a atteint ses objectifs concernant plusieurs priorités à court terme recensées dans l'étude de faisabilité de l'année dernière dans les domaines de l'État de droit, de l'administration publique, de la protection des minorités et du commerce.

Suite à ces avancées, « The Commission submits its proposal for a Council decision authorising the opening of negotiations on a Stabilisation and Association Agreement between the European Union and Kosovo».

Notons à cet égard que lors de sa visite à Pristina en date du 1er juillet 2013, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy a félicité le Premier Ministre du Kosovo, Hashim Thaçi, des progrès réalisés au Kosovo : « Kosovo has taken a big step on its path towards the European Union. Your country has worked hard to meet the expectations of 8 EU governments and institutions, and it has delivered. All member states commend you, unanimously, for this work and express their appreciation with this decision. ».

Compte tenu des constatations qui précèdent concernant la situation juridique, l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et la mesure dans laquelle une protection est offerte dans votre pays d'origine contre d'éventuels persécutions ou mauvais traitements, le Ministère des Affaires étrangères est d'avis que, d'une manière générale et uniformément, il n'est pas recouru au Kosovo à la persécution au sens de la Convention relative au statut des réfugiés. Ainsi, force est donc de constater que les critères du paragraphe 4 de l'article 21 sont clairement remplis. De plus, il n'existe pas de motif sérieux de croire que vous courez un risque réel de subir une atteinte grave telle que déterminée à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006.

Citons dans ce contexte le jugement de la Cour Admnistrative du 25 mars 2013 qui retient que: « Quant à la situation générale au Kosovo, la Cour a été amenée à de nombreuses reprises à évaluer la situation au Kosovo pour retenir que par rapport à une toile de fond restée constante concernant une relative stabilisation de la situation, il s'agit pour l'essentiel d'incidents mineurs. Si certains de ces incidents doivent être qualifiés de majeurs, il ne convient pas de perdre de vue que pour l'essentiel la situation est restée stable, les tensions récentes étant à mettre sur le compte des préparatifs et de la tenue du référendum du mois de février 2012, dans la partie nord-est du Kosovo, essentiellement habitée par des ressortissants d'origine serbe. Le récent accord intervenu entre la République serbe et l'Etat du Kosovo concernant notamment la reconnaissance d'une certaine autonomie à la minorité serbe vivant au Kosovo avec l'obligation de cette dernière de reconnaître les autorités kosovares n'apparaît pas comme étant de nature à voir empirer la situation des minorités à l'avenir, dont les membres de la minorité serbe, tels les appelants. » (CA ; n° 32231C du rôle ; 25 mars 2013) Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vos récits ne contiennent pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Etant donné que les faits invoqués à la base de vos demandes de protection internationale ne sauraient être actuellement admis comme justifiant à suffisance une crainte de persécution ; dès lors, et a fortiori, l'absence matérielle de crainte actuelle fondée s'impose également en ce qui concerne les demandes tendant à obtenir la protection subsidiaire.

En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Par ailleurs, la constitution kosovare du 8 avril 2008 interdit dans son article 25-2 la peine de mort. Vous ne faites également pas état de risque réel de 9 subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou de risques réels émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international. En s'appuyant sur tous les rapports et jurisprudence cités la situation actuelle au Kosovo ne saurait être considérée comme conflit armé interne ou international.

Ainsi, les faits que vous alléguez ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Kosovo, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner.

(…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 août 2013, les consorts ….. ont fait introduire un recours tendant, d’une part, à la réformation de la décision du ministre du 24 juillet 2013 portant refus de leur demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision.

Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Ledit recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

De même, dans la mesure l’article 19, paragraphe (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans une décision statuant sur une demande de protection internationale, le recours en annulation introduit contre pareil ordre contenu dans la décision déférée du 24 juillet 2013 est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs, déclarent avoir quitté leur pays d’origine, le Kosovo, en raison des problèmes y rencontrés du fait de l’engagement politique de Madame ….. au sein de sa commune …… Ainsi, les demandeurs expliquent que Madame ….. aurait été déléguée au sein du comité de la politique et des finances de la commune de ….. depuis 2010. Elle aurait fait partie du même parti politique que le maire ….., avec lequel elle n’aurait plus été d’accord, de sorte qu’elle aurait commencé à voter contre ses propositions. Au printemps 2011, il l’aurait convoquée dans son bureau pour lui offrir de l’argent en échange de son soutien politique.

Face au refus de Madame ….., le maire serait devenu agressif et vulgaire et aurait même menacé de lui porter atteinte physiquement. Il lui aurait encore proposé d’avoir des relations sexuelles avec lui et, lorsqu’elle aurait voulu quitter son bureau, il l’aurait prise par le bras, giflée et jetée par terre en la menaçant. Finalement, elle aurait réussi à s’échapper de son bureau. Par la suite, elle aurait quitté le parti politique de ….. pour rejoindre le parti de l’opposition dénommé « Jedinstvena Srpska Lista », luttant, entre autres, pour remplacer le président de l’assemblée communale ….. qui aurait soutenu les décisions du maire …… Parallèlement Madame ….. aurait déposé une plainte auprès du bureau de police de ….. en raison de l’agression et des menaces proférées à son égard par le maire.

En juin 2011, le maire …. aurait appelé Monsieur ….. pour lui dire d’empêcher son épouse de quitter son parti politique et de faire attention à elle.

Le 22 septembre 2011, Madame ………. aurait reçu un appel téléphonique d’une personne anonyme lui disant d’arrêter ses tentatives de remplacer le président et la menaçant d’être éliminée.

Le même jour, elle se serait rendue avec un collègue de travail à la mairie pour prendre part à 10.00 heures au vote sur le budget ainsi que sur le sort de Monsieur …… Les demandeurs expliquent qu’au même moment la police se serait rendue à l’épicerie exploitée par Monsieur ….. et qu’elle l’aurait arrêté au motif de la présence de drogues dans sa voiture.

L’arrestation aurait eu lieu devant les yeux du fils des époux ….., âgé de trois ans et demi.

Madame ………. explique avoir quitté la réunion à la maison communale, suspendue par le parti politique, pour rejoindre son mari. Cependant, elle aurait dû introduire une demande par un avocat visant à pouvoir rendre visite à son mari, lequel lui aurait demandé de régler d’abord 2.500 euros. Lorsqu’elle aurait finalement pu voir son mari, une semaine plus tard, elle aurait été choquée de voir l’état dans lequel il se serait trouvé.

Sur le conseil de son avocat, Madame ………. serait restée membre du conseil communal, mais elle n’aurait plus émis que des votes blancs, de même, elle ne se serait plus promenée seule et aurait évité des endroits peu fréquentés. Toujours, sur conseil de son avocat elle aurait contacté le procureur, qui lui aurait recommandé de contacter la police de ….., qui l’aurait, à son tour, dirigée vers le commissariat de police de Pasjane, laquelle aurait finalement dressé un procès-verbal.

Après deux mois de détention préventive, Monsieur ….. aurait été libéré le 18 novembre 2011, jour de l’audience au tribunal. Madame ………. déclare qu’une semaine après la libération de son mari, une personne faisant parti du jury populaire au tribunal leur aurait rendu visite pour s’excuser d’avoir condamné Monsieur ….. à un emprisonnement de six mois et pour expliquer que le « parti » aurait tout arrangé et qu’ils auraient été obligés de condamner Monsieur …… Les époux ….. déclarent que suite à ces aveux, ils auraient perdu toute confiance dans les autorités kosovares.

Le 27 février 2012, Madame ………. aurait de nouveau reçu un appel anonyme lui disant de retirer toutes ses plaintes contre le maire. Le lendemain elle aurait signalé cet appel au commissariat de police de …. qui lui aurait cependant expliqué qu’il serait difficile de pouvoir retracer l’origine d’un appel émanant d’un numéro serbe. Lorsqu’elle aurait déclaré ses craintes, la police lui aurait également expliqué qu’elle ne pourrait pas assurer sa sécurité 24 heures sur 24 et que « tout ce qu’[elle faisait] était [son] problème ». La famille ……….

aurait ensuite décidé de quitter le Kosovo, ce qu’elle aurait fait le 21 avril 2012.

En droit, les demandeurs critiquent d’abord de manière générale le ministre pour avoir mis en doute la crédibilité de leur récit. Ils affirment, à ce titre, que si le ministre soutient que leur récit ne coïnciderait pas avec les documents qu’ils lui auraient remis, il ne leur aurait pas rendu les documents à lui transmis et au jour de l’introduction de leur recours, il ne leur aurait toujours pas communiqué le dossier administratif.

Quant à la prétendue intervention d’EULEX dans le procès pénal intenté contre Monsieur ….., les demandeurs expliquent que si dans un premier temps Monsieur ….. avait déclaré qu’EULEX serait intervenu dans son procès en sa faveur, il n’aurait en réalité pas euconnaissance d’une telle intervention, mais il aurait cru que ce serait la seule explication pour sa libération de prison.

Afin d’élucider les interrogations du ministre sur la durée de l’emprisonnement de Monsieur ….., les demandeurs expliquent qu’il aurait été condamné à une peine d’emprisonnement de six mois, mais qu’en raison de la prise en compte par le tribunal de différentes circonstances, il aurait pu bénéficier d’une remise de peine de sorte qu’il aurait été libéré le jour du prononcé du jugement.

Si le ministre a encore mis en doute la crédibilité du récit des demandeurs au motif que Madame ………. aurait expliqué qu’une personne faisant parti du « jury populaire » se serait présentée à leur domicile pour s’excuser d’avoir condamné Monsieur ….., alors même que la procédure judiciaire kosovare ne prévoirait pas de jury, les demandeurs expliquent qu’une erreur de traduction des explications de Madame ………. serait à la base de ce malentendu. En effet, le terme employé par la demanderesse ne correspondrait pas au terme français de « jury populaire », mais plutôt au terme anglais de « panel of judges », de sorte qu’elle aurait visé un juge faisant partie de la composition de juges ayant condamné Monsieur ….., et non point un membre du jury populaire.

Quant à la critique du ministre relative aux articles de presse versés en cause par les demandeurs, du fait qu’ils émaneraient tous de journaux serbes et n’avanceraient pas de nouvelles preuves, les demandeurs reprochent d’abord au ministre de ne pas avoir désigné avec précision les articles auxquels il se serait référé. Par ailleurs, le ministre ne pourrait pas tout simplement écarter ces articles de presse en raison du seul fait qu’ils émaneraient de journalistes serbes et qu’ils confirmeraient leurs dires.

Enfin, les demandeurs reprochent au ministre de s’être basé sur un courrier électronique échangé entre les autorités ministérielles et le bureau de coopération du ministère des Affaires étrangères à Pristina pour conclure au défaut d’existence de dossier au sujet de ….., sans pour autant annexer ledit courrier à la décision déférée.

Les demandeurs concluent à la crédibilité de leur récit.

Le délégué du gouvernement insiste sur le fait que le récit des demandeurs contiendrait des incohérences de sorte que le ministre en aurait à juste titre mis en doute la crédibilité de celui-ci.

Force est au tribunal de constater que les incohérences dans le récit des demandeurs soulevées par la ministre, ne sont pas de nature à énerver la crédibilité de celui-ci dans son intégralité, étant donné que, d’une part, elles portent essentiellement sur des détails dudit récit des demandeurs et ne concernent pas les raisons les ayant amené à quitter leur pays d’origine et se trouvant à la base de leur demande de protection internationale, et, d’autre part, que les demandeurs ont fourni des explications cohérentes à leur sujet à travers leur requête introductive d’instance. Ainsi, les demandeurs ont expliqué de manière crédible que le demandeur n’a pas eu réellement connaissance d’une intervention d’EULEX dans son procès mais qu’il a supposé que tel aurait été le cas étant donné qu’une telle intervention lui paraissait être la seule explication pour sa libération de prison. Ils ont encore expliqué de manière convaincante et non contestée que Madame ………. ne s’est pas référée à la notion de « membre du jury populaire », mais qu’elle a visé un membre du « panel of judges » et que la confusion entre les deux termes est due à une erreur de traduction, lors de l’audition de la demanderesse au ministère.

Le tribunal est partant amené à considérer les déclarations des demandeurs comme avérées, d’autant plus, que le ministre s’est limité à soulever certaines incohérences du récit sans pour autant en tirer une quelconque conclusion et surtout, sans conclure au rejet de leur demande de protection internationale au motif que le récit n’était pas crédible, mais en procédant, en revanche, à une analyse détaillée du fond de la demande introduite par les consorts ………..

1) Quant au recours en réformation de la décision du ministre du 24 juillet 2013 portant refus d’une protection internationale A titre liminaire, les demandeurs reprochent au ministre d’avoir, en application de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, considéré le Kosovo comme pays d’origine sûr où il n’existe pas généralement et de façon constante de persécution au sens de la Convention de Genève. Ils expliquent qu’ils auraient l’intention d’introduire un recours en annulation au greffe du tribunal administratif contre le règlement grand-ducal du 19 juin 2013 modifiant le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 19 juin 2013 » et ils demandent au tribunal de surseoir à statuer en attendant le sort réservé à ce recours.

Pour l’hypothèse où ledit règlement grand-ducal ne devrait pas être annulé ils avancent que le Kosovo ne saurait pas être considéré comme pays d’origine sûr dans leur chef en raison de leur situation personnelle.

Le tribunal rappelle de prime abord qu’aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants : (…) c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;

(…) ».

Aux termes de l’article 21 de cette même loi, auquel l’article 20 (1) c) fait expressément référence : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

13 a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. ».

Ainsi, la faculté pour le ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée lui est notamment ouverte dans le cas où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr tel que défini à l’article 21 de la loi du 5 mai 2006.

Force est en l’espèce de constater que la décision déférée a été adoptée sur base non de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006 établissant le régime de la procédure dite « accélérée » mais bien sur base de l’article 19 de la loi du 5 mai 2006 qui régit le cas de la procédure ordinaire en matière de demande de protection internationale.

Il s’y ajoute que le libellé de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 est suffisamment explicite en indiquant que nonobstant la désignation du pays d’origine d’un demandeur comme pays déclaré d’origine sûr par le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, le ministre procède à un examen individuel de la demande de protection internationale et ne conclut que le pays d’origine d’un demandeur est considéré comme étant un pays d’origine sûr que si ce dernier n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agirait pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

Force est de constater qu’en l’espèce, eu égard à la motivation détaillée de la décision déférée, il n’y a pas lieu de conclure que le ministre n’aurait pas procédé à un examen individuel de la demande de protection internationale concernée.

En tout état de cause, la conclusion du ministre suivant laquelle le pays d’origine d’un demandeur d’asile serait à qualifier de pays d’origine sûr conformément à l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 est sans incidence sur le traitement de sa demande dans le cadre de l’article 19 de la loi du 5 mai 2006, étant donné que cette conclusion n’est décisive que dans le cadre de l’examen d’une demande de protection internationale conformément à l’article 20 de la loi du 5 mai 2006 ainsi que le tribunal l’a retenu plus en avant.

Enfin quant à la demande de surseoir à statuer en attendant l’issue d’une procédure contentieuse introduite par les demandeurs à l’encontre du règlement grand-ducal du 19 juin 2013, il échet de constater que par un arrêt rendu le 2 octobre 2014, inscrit sous le numéro 34778C du rôle, la Cour administrative a rejeté par réformation d’un jugement du tribunal administratif du 19 mai 2014, inscrit sous le numéro 33385 du rôle, le recours tendant à l’annulation du règlement grand-ducal du 19 juin 2013 portant inscription de la République du Kosovo sur la liste des pays d'origine sûrs. La demande de surseoir à statuer est partant à rejeter pour ne plus être pertinente.

En ce qui concerne ensuite, en droit, l’analyse du bien-fondé de leur demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que l’analyse de leur situation personnelle, les demandeurs reprochent au ministre d’avoir retenu à tort que les faits dont ils font état ne constitueraient pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié puisqu’ils ne rentreraient pas parmi les critères énoncés par la Convention de Genève dans la mesure où ils ne serait pas motivés par la race, la religion, la nationalité l’appartenance à un groupe social ou, enfin, les convictions politiques des demandeurs. Ces derniers affirment que contrairement aux développements du ministre, ils n’auraient à aucun moment prétendu avoir été persécutés en raison de leur appartenance à la minorité serbe au Kosovo. Il ressortirait au contraire à suffisance de leurs explications qu’ils auraient quitté le Kosovo en raison des fonctions politiques de Madame ………., qui aurait été déléguée au sein du comité de la politique et des finances de la commune de ….. depuis 2010. Ils se réfèrent dans ce contexte à l’article 32 e) de la loi du 5 mai 2006 selon lequel : « la notion d’opinions politiques recouvre, en particulier, les opinions, les idées ou les croyances dans un domaine lié aux acteurs de la persécution potentiels, ainsi qu’à leurs politiques et à leurs méthodes, que ces opinions, idées ou croyances se soient ou non traduites par des actes de la part du demandeur ». Ils estiment qu’il serait incontestable que les opinions et les idées de Madame ………., en raison desquelles ils auraient été persécutés, relèveraient des politiques et des méthodes du maire qui se trouverait directement ou indirectement à l’origine de ces persécutions. Toujours dans le même contexte, les demandeurs ajoutent que les persécutions subies en raison des opinions politiques de Madame ………., constitueraient bien les seules raisons qui les auraient fait fuir leur pays d’origine. L’argument du ministre, selon lequel une partie de la population de la commune de ….. aurait émigré en raison de la situation économique, argument par lequel le ministre tenterait de jeter le discrédit sur leurs explications, serait partant à rejeter.

Les demandeurs avancent encore que les persécutions dont ils font état auraient émané d’agents étatiques au sens de l’article 28 a) de la loi du 5 mai 2006, à savoir du maire de la commune de …… Il serait ainsi indéniable que Madame ………. aurait été menacée par le maire, voire même agressée physiquement et sexuellement. Par ailleurs, contrairement aux affirmations du ministre, les agissements des autorités policières kosovares à l’égard de Monsieur ….. ne constitueraient pas une pratique tout à fait normale et compréhensible, mais constitueraient des abus de droit et des voies de fait des forces de l’ordre instrumentalisées par le pouvoir corrompu en place.

Les demandeurs ajoutent que Monsieur ….. aurait été mis en prison et condamné pour des faits qu’il n’aurait pas commis, uniquement en raison des opinions politiques de son épouse. Cette condamnation aurait été le fruit d’une application discriminatoire de la loi au sens de l’article 31 (2) b) de la loi du 5 mai 2006. En faisant abstraction de l’influence que le maire de ….. exercerait sur les forces de l’ordre, le ministre aurait ignoré la complexité du fléau de la corruption pouvant notamment prendre la forme du trafic d’influence. D’ailleurs Monsieur ….. aurait personnellement reçu des menaces de la part du maire de la commune de ….. pour le contraindre à inciter son épouse à voter pour lui. Il aurait encore personnellement subi des violences physiques de la part de la police kosovare.

Les demandeurs concluent qu’ils auraient subi des persécutions au sens de l’article 31 (2) a) et b) de la loi du 5 mai 2006.

Ils expliquent encore en substance, qu’en raison des différentes expériences vécues avec la police et les juridictions, ils ne se seraient pas adressés aux autorités supérieures de leur pays pour rechercher une protection. Une absence de recherche de protection nationale ne pourrait partant pas leur être reprochée. Les demandeurs se réfèrent dans ce contexte encore àdifférents rapports et articles de presse pour soutenir que l’inspectorat de police du Kosovo, auquel ils auraient dû avoir recours, selon le ministre, serait inefficace et influencé, voire contrôlé par le pouvoir politique. Par ailleurs, l’état du système judiciaire, au sens large, du Kosovo confirmerait que les institutions, qui en feraient partie, seraient incapables de protéger les demandeurs.

Les demandeurs signalent encore que le fait que la justice fonctionnerait « de mieux en mieux », tel que le ministre l’aurait affirmé, ne signifierait pas pour autant qu’elle fonctionnerait bien, bien au contraire, il serait quasiment unanimement reconnu que le système judiciaire, au sens large, au Kosovo serait calamiteux. A l’appui de leurs affirmations, les demandeurs se réfèrent encore à différents rapports et articles de presse.

Le délégué du gouvernement affirme que les faits invoqués par les demandeurs ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’ils ne pourraient établir dans leur chef une crainte fondée d’être persécutés dans leur pays d’origine du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social ou encore de leurs convictions politiques. Il affirme en substance que le simple fait d’avoir été un membre actif d’un parti politique pour ensuite changer d’orientation ne serait pas suffisant pour prétendre au statut de réfugié. Quant aux déclarations des demandeurs selon lesquelles ils auraient été victimes d’un complot monté par ….., le délégué du gouvernement estime qu’il serait plus probable que Monsieur ….. aurait été placé en détention provisoire de septembre 2011 à novembre 2011 dans l’attente de l’ouverture de son procès puisque des drogues auraient été trouvées dans sa voiture.

Le délégué du gouvernement affirme encore que même si les demandeurs ont fait l’objet d’injustice ils auraient disposé des moyens pour se défendre. Ainsi, Monsieur …..

aurait bénéficié de l’assistance d’un avocat et de celle de l’EULEX durant son procès, tout comme Madame ………. qui aurait pu recourir aux services d’un avocat pour soutenir son époux. De plus, Madame ………. aurait à différentes reprises pu porter plainte contre les agissements de …… Le délégué du gouvernement estime encore que si jamais les policiers avaient abusé de leur pouvoir, les demandeurs auraient toujours eu la possibilité de faire enregistrer leur plainte par devant d’autres policiers, voire des autorités supérieures. Il ajoute en se fondant sur un rapport de la Commission européenne d’octobre 2011 intitulé « Commission staff working paper – Kosovo 2011 progress report », que la police kosovare fonctionnerait de mieux en mieux et que le Kosovo aurait fait des progrès dans la gestion de la corruption. Il soulève encore que les affaires pénales concernant la municipalité de …..

seraient de la compétence des juridictions de Gnijlane, municipalité qui serait hors du « contrôle » de …… Enfin, et toujours dans le même contexte, le délégué du gouvernement soutient que même à supposer qu’en sollicitant de l’aide auprès des agents de police et des autorités supérieures, les demandeurs se seraient vus confrontés à des écarts de conduite, ils auraient toujours disposé de la possibilité de s’adresser à l’ombudsman au Kosovo. Le délégué du gouvernement conclut que les autorités kosovares n’auraient jamais refusé de venir en aide aux demandeurs et qu’il auraient été possible pour les demandeurs de faire valoir leurs droits et de se défendre contre d’éventuelles injustices.

Quant aux agissements du dénommé ….., le délégué du gouvernement argumente que le simple fait d’avoir déposé une plainte contre Monsieur ….. ne constituerait pas un acte de persécution et même si Monsieur ….. se trouvait actuellement au Luxembourg, les demandeurs n’auraient fait état d’aucun incident à cet égard.

Le délégué du gouvernement affirme, par ailleurs, d’une part, qu’une grande partie de la population de la commune de ….. serait sans emploi et, d’autre part, que les demandeurs auraient soumis des certificats médicaux au tribunal relatifs aux analyses médicales de Monsieur ….., de sorte qu’il ne saurait être exclu que des raisons économiques ou médicales seraient à la base de leur demande de protection internationale. Or, de tels motifs ne sauraient être pris en considération pour ne pas entrer dans le champ d’application de la loi du 5 mai 2006.

Enfin, le délégué du gouvernement conclut au rejet des extraits de textes et des rapports versés en cause par les demandeurs, pour défaut de pertinence évidente, puisqu’ils n’auraient établi aucun lien avec leur cas d’espèce.

Aux termes de l'article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l'article 2 c) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d'un pays tiers qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. (…) » Par ailleurs, l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. » et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection peut être accordée par :

a) l’Etat, ou 17 b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci.

(2) Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) » L’octroi du statut de réfugié est donc notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, il ressort des déclarations des demandeurs telles qu’actées aux rapports d’audition respectifs que les faits qui les ont amenés à quitter leur pays d’origine sont motivés par des critères de fond définis à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir, le fait que les opinions de Madame ………. occupant depuis 2010 la fonction de déléguée au sein du comité de la politique et des finances de la commune de ….., ne sont pas tolérées par le maire …..

actuellement au pouvoir dans ladite commune puisqu’elles constituent des critiques des méthodes employées par lui. Ainsi, les menaces que les demandeurs déclarent avoir subies de la part du maire de la commune de ….., constituent des motifs qui s’inscrivent sur une toile de fond politique pouvant ainsi justifier la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’il s’agit d’actes dont la motivation des auteurs se fonde sur un des critères de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.

Par ailleurs, force est de constater que les demandeurs ont fait état de manière crédible du fait que Madame ………. a occupé la fonction de déléguée au sein du comité de la politique et des finances de la commune de ….. depuis 2010 et qu’en raison d’un désaccord sur desquestions politiques entre elle-même et le maire de la commune, ….., ce dernier a commencé à la menacer, voire même à l’agresser physiquement. La demanderesse a ainsi relaté de manière crédible qu’au printemps 2011 le maire l’avait convoquée pour la convaincre de continuer à le soutenir politiquement et que face à son refus, il l’aurait agressée physiquement en la giflant, en la jetant par terre et en lui faisant des attouchements aux jambes, tout en lui proposant une relation sexuelle. Il ressort encore des déclarations de la demanderesse que suite à cette agression elle a quitté le parti politique du maire pour rejoindre le parti de l’opposition. Les demandeurs ont encore relaté de manière crédible que malgré les plaintes déposées par Madame ………. auprès de la police, les agissements du maire de la commune à son encontre ont continué. Ainsi, en juin 2011 le maire a appelé Monsieur ….. pour lui dire d’empêcher son épouse de quitter son parti politique et de faire attention à elle. Par la suite, le 22 septembre 2011, Madame ….. a elle-même reçu un appel téléphonique d’une personne anonyme lui disant d’arrêter ses tentatives de remplacer le président de l’assemblée nationale, appartenant au même parti politique que le maire ….., et la menaçant d’être éliminée. En date du même jour, Madame ………. aurait dû participer à la commune au vote sur le budget ainsi que sur le sort du président de l’assemblée communale, cependant son mari a été arrêté par les policiers kosovars pour avoir caché des stupéfiants dans sa voiture. Les demandeurs ont encore expliqué que suite à la condamnation de Monsieur ….. et à sa libération de prison un membre du tribunal ayant prononcé la condamnation se serait présenté à leur domicile pour s’excuser et expliquer qu’il aurait été obligé de condamner Monsieur ….. par le parti politique du maire.

Finalement le 27 février 2012 Madame ………. aurait de nouveau reçu un appel téléphonique anonyme la menaçant.

Les faits relatés par les demandeurs sont d’ailleurs dans leurs grandes lignes confirmés par les traductions d’articles de presse figurant au dossier administratif, dont ni l’authenticité ni le contenu n’ont été utilement contestés par la partie étatique, qui s’est, en effet, limitée à affirmer de manière vague et générale que ces articles auraient été rédigés par des serbes opposés à …… Il ressort ainsi desdits articles que le maire de la commune de ….., ….., coopérerait avec la police kosovare et qu’il aurait fait procéder à l’arrestation du mari de Madame ………. puisque cette dernière aurait rejoint l’opposition.

Il ressort, par ailleurs, d’un échange de courriers électroniques, s’étant déroulé du 20 au 28 juin 2013, entre les autorités ministérielles luxembourgeoises et un agent du bureau de coopération au Kosovo, échange, auquel le ministre s’est d’ailleurs référé dans la décision déférée et que le tribunal a expressément invité le délégué du gouvernement à verser en cause à l’audience publique des plaidoiries, que, contrairement à ce que le ministre a affirmé dans la décisions déférée, il n’est pas exclu qu’il existe un dossier auprès de la police kosovare concernant …… En effet, le correspondant du ministère, agent du bureau de coopération au Kosovo, a informé l’agent ministériel de ce que : « (…) la police kosovare nous confirme qu’il n’y a pas de dossier au sujet de M. …… Malheureusement cela n’indique rien, car s’il y a eu une plainte, les K-Serbes de Partesh l’auraient vraisemblablement fait plutôt chez les policiers de l’administration parallèle serbe- que nous ne pouvons pas contacter (il n’y a pas de voie de communication). Mais cela ne veut bien entendu pas dire non plus qu’il y ait vraiment eu plainte ou enquête. (…) ». Si ce document ne permet certes pas d’établir qu’une poursuite ou enquête pénale soit en cours au Kosovo à l’encontre de Monsieur ….., elle ne permet pas non plus de confirmer la présentation des faits du ministre, ayant laissé sous-

entendre qu’il serait avéré qu’il n’existait pas de dossier à l’encontre de ….. auprès de la police kosovare. De même ledit document ne permet pas, tel que le ministre l’a affirmé, d’infirmer les déclarations des demandeurs, mais laisse plutôt planer un doute sur les agissements de …… Le même document ne permet pas non plus d’exclure catégoriquement, tel que le ministre l’a pourtant fait, que le maire d’une commune kosovare puisse avoir une emprise sur les autoritéspolicières. Si ledit document affirme, en effet, que légalement une telle mainmise sur les agents de police de la part du maire serait exclue, il indique pourtant qu’en réalité de telles situations existeraient.

Dès lors, eu égard à l’engagement politique de Madame ………. et aux agressions et menaces subies de ce fait, le tribunal est amené à retenir que les demandeurs peuvent craindre avec raison de risquer des persécutions graves en cas de retour dans leur pays d’origine, au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006. Le tribunal venant d’ores et déjà de retenir que les actes invoqués par les demandeurs à la base de leur demande de protection internationale sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, il est encore amené à constater au vu des développements qui précèdent que ces actes, en raison de leur caractère cumulé, sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006.

Tel qu’énoncé ci-avant, l’octroi du statut de réfugié est subordonné à une troisième condition, à savoir celle que les actes invoqués émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

En l’espèce, les demandeurs font état d’agressions émanant du maire de la commune de ….., donc d’une autorité officielle censée représenter l’Etat kosovar, de sorte qu’il y a lieu de retenir en l’espèce que les persécutions subies par les demandeurs émanent d’acteurs au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006.

Sans contester que les demandeurs aient été agressés voire menacés directement et indirectement par le maire de …., le ministre ainsi que le délégué du gouvernement font valoir que les demandeurs ne se seraient pas adressés aux supérieurs hiérarchiques des policiers ayant enregistré leurs plaintes pour critiquer leur inefficacité et des agissements de ….. et pour requérir une protection. Au vu des menaces et agressions d’ores et déjà subies par les demandeurs et face à la situation de corruption à laquelle ils ont été confrontés lors de l’arrestation de Monsieur ….., il y a lieu de les considérer comme personnes se trouvant hors de leur pays d’origine et qui, du fait de leur crainte d’être persécuté n’ont pas voulu se réclamer de la protection de ce pays, au sens de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006.

Il résulte des développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et au vu des moyens invoqués par les demandeurs, que ces derniers prétendent à juste titre à la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef. La décision critiquée du 24 juillet 2013 encourt partant la réformation en ce sens, sans qu’il n’y ait lieu de prendre position par rapport au volet de la décision portant refus du statut de protection subsidiaire.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 19, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut décision de retour.

Dans la mesure où le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que les demandeurs sont fondés à se prévaloir du statut de réfugié et que la décision de refus de laprotection internationale est à réformer dans cette mesure, il y a lieu d’annuler l’ordre de quitter le territoire tel que contenu dans la décision ministérielle déférée du 24 juillet 2013.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 24 juillet 2013 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, déclare le recours justifié, partant, par réformation de la décision ministérielle du 24 juillet 2013, reconnaît à Monsieur ….. et à son épouse, Madame ….. ainsi qu’à leurs enfants mineurs ….., ….. et ….. le statut de réfugié et renvoie l’affaire devant le ministre de l’Immigration et de l’Asile pour exécution ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, annule l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision ministérielle du 24 juillet 2013 ;

donne acte aux demandeurs de ce qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique du 5 janvier 2015 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 janvier 2015 Le greffier du tribunal administratif 21


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 33282
Date de la décision : 05/01/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-01-05;33282 ?

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