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02/01/2015 | LUXEMBOURG | N°35644

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 janvier 2015, 35644


Tribunal administratif no 35644 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2014 3e chambre Audience publique extraordinaire du 2 janvier 2015 Recours formé par Monsieur XXX, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 10 L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35644 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 décembre 2014 par Maître Ardavan Fatholah

zadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no...

Tribunal administratif no 35644 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2014 3e chambre Audience publique extraordinaire du 2 janvier 2015 Recours formé par Monsieur XXX, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 10 L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35644 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 décembre 2014 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX, né le 13 septembre 1983 à Téhéran, de nationalité iranienne, actuellement retenu au Centre de rétention à L-1750 Findel, 10, beim Haff, tendant à la réformation d’une décision du 22 décembre 2014 par laquelle le ministre de l’Immigration et de l’Asile a ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée de trois mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2014 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2014 par Maître Ardavan Fatholahzadeh au nom de Monsieur XXX ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 31 décembre 2014 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 janvier 2015.

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En date du 17 octobre 2014, Monsieur XXX déposa une demande de protection internationale auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et des Affaires européennes, direction de l’Immigration, sur le fondement de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 ».

Il apparut que Monsieur XXX dispose d’un visa italien valable du 22 août jusqu’au 16 septembre 2014.

Suite à une demande afférente des autorités luxembourgeoises du 28 octobre 2014, les autorités compétentes italiennes confirmèrent en date du 12 novembre 2014 de prendre en charge Monsieur XXX, ceci sur le fondement l’article 12, paragraphe 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement 604/2013 ».

Par une décision du 22 décembre 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur XXX que le Grand-Duché de Luxembourg n’était pas compétent pour examiner sa demande en reconnaissance d’un statut de protection internationale, en se référant aux dispositions de l’article 15 de la loi du 5 mai 2006 et à celles de l’article 12, paragraphe 4 du règlement 604/2013, au motif que ce serait l’Italie qui serait responsable du traitement de sa demande d’asile, du fait qu’il serait titulaire d’un visa italien valable du 22 août 2014 jusqu’au 16 septembre 2014. Ladite décision fit encore état de ce que l’Italie aurait accepté, en date du 12 novembre 2014, de prendre en charge l’examen de sa demande d’asile. Dans la même décision, le ministre annonça à Monsieur XXX que son transfert vers l’Italie serait organisé dans les meilleurs délais.

En date du 22 décembre 2014, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur XXX au Centre de rétention pour une durée de trois mois à partir de la notification de ladite décision. Ledit arrêté, notifié le même jour, est motivé comme suit :

« Vu l’article 10 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport N° SPJ/15/2014/39952.1/GURO du 28 octobre 2014 établi par le Service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

-

qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 17 octobre 2014 ;

-

qu’une demande de prise en charge en vertu de l’article 12§4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 a été adressée aux autorités italiennes en date du 28 octobre 2014 ;

-

que les autorités italiennes ont marqué leur accord de reprise en charge en date du 12 novembre 2014 ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite non négligeable, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ;

-

que la mesure de placement est nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert de l’intéressé vers l’Italie ».

Par requête déposée le 24 décembre 2014 au greffe du tribunal administratif, Monsieur XXX a fait introduire un recours en réformation contre la décision précitée du 22 décembre 2014 ordonnant son placement en rétention.

Etant donné que l’article 10 (4) de la loi du 5 mai 2006, par renvoi à l’article 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », prévoit un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative prise sur le fondement de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que l’impossibilité d’exécuter une mesure d’expulsion ou de refoulement, pourtant requise en l’espèce, ferait défaut, étant donné que les autorités italiennes ont marqué leur accord pour sa prise en charge, de sorte qu’à l’heure actuelle aucune circonstance de fait empêcherait son éloignement vers l’Italie.

D’autre part, le demandeur conteste le déploiement des diligences nécessaires pour organiser son éloignement et écourter au maximum sa privation de liberté et fait plus particulièrement état de ce que les autorités italiennes auraient marqué leur accord de prise en charge déjà le 12 novembre 2014 et reproche au ministre d’avoir attendu jusqu’au 22 décembre 2014 pour organiser son transfert.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ces moyens.

En l’espèce, le demandeur a fait l’objet d’une mesure de placement en rétention sur base de l’article 10 (1) d) de la loi du 5 mai 2006, en vertu duquel « (1) Le demandeur peut, sur décision du ministre, être placé dans une structure fermée pour une durée maximale de trois mois dans les cas suivants:

(…) d) le placement s’avère nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert du demandeur vers le pays qui, en vertu d’engagements internationaux auxquels le Luxembourg est partie, est considéré comme responsable de l’examen de la demande. (…) » et qui autorise ainsi le ministre à placer un demandeur de protection internationale dans une structure fermée pour une durée maximale de trois mois, notamment lorsque le placement s’avère nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert du demandeur vers le pays qui, en vertu d’engagements internationaux auxquels le Luxembourg est partie, est considéré comme responsable de l’examen de la demande.

Il convient de prime abord de relever qu’aucune condition tenant à une impossibilité matérielle de procéder à un éloignement n’est expressément inscrite à l’article 10 (1) d) de la loi du 6 mai 2006, de sorte que le moyen afférent est à rejeter comme étant non fondé.

Cependant, le placement dans une structure fermée sur le fondement de l’article 10 (1) d) de la loi du 5 mai 2006 est plus particulièrement soumis à la condition que le ministre se trouve dans l’hypothèse d’un transfert envisagé vers le pays qui, en vertu d’engagements internationaux auxquels le Luxembourg est partie, est considéré comme responsable de l’examen de la demande et que le placement s’avère nécessaire afin de ne pas compromettre ce transfert, impliquant dès lors que la mesure de placement doit s’inscrire dans le cadre de l’organisation d’un tel transfert qui doit dès lors être en cours.

En l’espèce, il ressort des pièces du dossier administratif que le demandeur, avant de déposer une demande de protection internationale au Luxembourg le 17 octobre 2014, s’était trouvé en Italie, puisqu’il s’est avéré qu’il disposait d’un visa italien valable jusqu’au 16 septembre 2014, de sorte que le ministre a saisi les autorités italiennes d’une demande de prise en charge sur le fondement de l’article 12, paragraphe 4 du règlement 604/2013 et que les autorités italiennes se sont déclarées d’accord à prendre en charge le demandeur. Il ressort encore des éléments du dossier administratif qu’en date du 22 décembre 2014, le ministre s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande de protection internationale. Il s’ensuit que la condition tenant au transfert envisagé vers un pays qui, en vertu d’engagements internationaux auxquels le Luxembourg est partie, est considéré comme responsable de l’examen de la demande se trouve vérifiée.

Il s’ensuit que le demandeur rentre dans les prévisions des dispositions de l’article 10 (1) d) de la loi du 5 mai 2006.

Quant au reproche du demandeur relatif aux démarches entreprises par le ministre, il convient de relever que la concrétisation d’un transfert nécessite un minimum d’organisation, dont notamment des démarches de concertation entre les autorités compétentes des deux pays concernés et c’est précisément afin d’entreprendre ces démarches que le législateur a envisagé la possibilité d’un placement en rétention pour une durée de trois mois.

Cependant, étant donné qu’une mesure de placement en rétention constitue une mesure de privation de liberté, le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour organiser dans les meilleurs délais le transfert de l’intéressé vers le pays responsable de l’examen de la demande.

En l’espèce, le ministre a le jour même du placement du demandeur au centre de rétention, à savoir le 22 décembre 2014, chargé les services de la police judiciaire d’organiser le transfert vers l’Italie, tout en informant ceux-ci que le transfert ne pourrait pas avoir lieu avant le 2 janvier 2015 compte tenu des délais de recours ouverts au demandeur.

Il se dégage des éléments du dossier que le demandeur a renoncé le 24 décembre 2014 à son droit de recours lui garanti par l’article 27 du règlement 604/2013, qui dispose en ses paragraphes (1) et (2) que « 1. Le demandeur ou une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), dispose d’un droit de recours effectif, sous la forme d’un recours contre la décision de transfert ou d’une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction.

2. Les États membres accordent à la personne concernée un délai raisonnable pour exercer son droit à un recours effectif conformément au paragraphe 1 », de sorte que le ministre a en conséquence informé les services de la police judiciaire que le transfert peut être organisé immédiatement.

Le tribunal conclut dès lors qu’en l’espèce, les démarches nécessaires en vue de l’organisation du retour du demandeur ont débuté dès le placement du demandeur au centre de rétention, de sorte qu’aucun reproche ne peut être fait aux autorités luxembourgeoises à cet égard.

S’agissant des démarches entreprises par la suite, la partie étatique a précisé dans son mémoire en duplique que les diligences en vue d’organiser le transfert du demandeur ont abouti au résultat que le vol vers l’Italie est prévu le 29 janvier 2015 et que le délai jusqu’au 29 janvier s’expliquerait par la circonstance que les autorités italiennes n’acceptent, compte tenu des jours fériés, aucun transfert jusqu’au 15 janvier 2015. A l’audience des plaidoiries et sur question afférente du tribunal, le délégué du gouvernement a encore précisé que le délai d’organisation du vol s’expliquerait encore par la circonstance qu’actuellement un certain nombre de personnes se trouveraient au centre de rétention dont le retour devrait aussi être organisé vers l’Italie et que leur retour devrait être effectué au fur et à mesure, de sorte que compte tenu des disponibilités des autorités italiennes pour accueillir les personnes transférées, qui ne seraient pas seulement restreintes en l’espèce en raison des jours fériés en Italie, mais aussi en raison des problèmes logistiques d’accueil de demandeurs d’asile auxquels l’Italie serait actuellement confrontée vue le déferlement récent de plusieurs centaines d’entre eux par voie navale, le vol de retour n’aurait pas pu être organisé plus tôt.

Le tribunal relève qu’il est certes vrai que le délai entre la date à laquelle les services de police judiciaire ont été chargés d’organiser le transfert, soit le 22 décembre 2014, et celle du vol prévu pour le 29 janvier 2015 paraît long. Néanmoins, au regard des explications fournies par la partie étatique, qui sont cohérentes et qui justifient, d’une part, de l’existence d’une succession de circonstances exceptionnelles qui échappent à la volonté des autorités ministérielles luxembourgeoises, qui, en matière de transfert vers un autre pays de l’Union européenne responsable de la demande de protection internationale, sont principalement tributaires de la collaboration des autorités du pays devant accueillir l’intéressé, et qui, d’autre part, visent des contraintes propres aux autorités luxembourgeoises telles que l’organisation d’un escorte et la coordination de plusieurs transferts vers la même destination, le tribunal est amené à retenir que les démarches entreprises dans le contexte particulier de l’espèce par les autorités luxembourgeoises sont à considérer comme suffisantes.

Si les autorités luxembourgeoises avaient certes déjà reçu l’accord de prise en charge de la part des autorités italiennes le 12 novembre 2014, c’est à tort que le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir commencé à organiser son transfert dès cette date. En effet, d’une part, la décision d’incompétence des autorités luxembourgeoises, qui est un préalable à l’exécution du transfert, n’a été adoptée que le 22 décembre 2014, et, d’autre part, la décision de placement n’a aussi été prise que le 22 décembre, de sorte que les diligences sont à apprécier à partir de cette seule date puisque c’est uniquement à partir de cette dernière que le demandeur est privé de sa liberté. Par ailleurs, il ne peut pas non plus être reproché au ministre de ne pas avoir attendu de placer le demandeur au centre de rétention jusqu’à l’obtention de la date du vol, tel que cela a été relevé par le demandeur à l’audience des plaidoiries, puisque, d’une part, au moment du placement en rétention, le ministre ne savait pas encore que le demandeur allait renoncer aux voies de recours lui garanties par le règlement 604/2013 et que partant le transfert aurait pu avoir lieu plus rapidement que prévu, et que, d’autre part, il n’est pas critiquable non plus que le ministre attende d’organiser une escorte et un vol seulement une fois que l’intéressé est retenu au centre de rétention puisque cette mesure est justement prévue pour assurer que l’organisation du transfert ne soit pas compromise.

L’ensemble des considérations qui précèdent amènent le tribunal à conclure que dans ces conditions, le ministre a entrepris les diligences nécessaires afin d’écourter le plus possible la durée du placement.

S’agissant de la demande du demandeur formulée à l’audience des plaidoiries que le tribunal ordonne au ministre d’organiser un vol à une date plus rapprochée, cette demande est à rejeter étant donné qu’une telle mesure dépasse les pouvoirs du tribunal dans le cadre du présent recours, qui sont limités par la portée de la décision déférée, qui est limitée au placement du demandeur au centre de rétention, mais qui ne porte pas sur les mesures concrètement entreprises pour organiser le transfert du demandeur.

Enfin, l’assignation à résidence proposée par le demandeur à l’audience des plaidoiries comme alternative au placement au centre de rétention, n’est pas envisageable non plus en l’espèce, à défaut par le demandeur d’avoir fourni d’éléments permettant de conclure à l’existence de garanties de représentation suffisantes.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens que le recours sous analyse n’est pas justifié et est partant à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, premier juge, Anne Gosset, premier juge Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 2 janvier 2015, par le premier juge Annick Braun, en présence du greffier André Weber.

s. André Weber s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 janvier 2015 Le Greffier du Tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 35644
Date de la décision : 02/01/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2015-01-02;35644 ?

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