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16/12/2014 | LUXEMBOURG | N°35398

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 décembre 2014, 35398


Tribunal administratif Numéro 35398 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 novembre 2014 3e chambre Audience publique du 16 décembre 2014 Recours formé par Madame …et consorts, … contre trois décisions du Ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20 L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35398 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 2014 par Maître Brahim Sahki, avoca

t à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, ...

Tribunal administratif Numéro 35398 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 novembre 2014 3e chambre Audience publique du 16 décembre 2014 Recours formé par Madame …et consorts, … contre trois décisions du Ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20 L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35398 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 2014 par Maître Brahim Sahki, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Kosovo), agissant en son nom personnel ainsi qu’au nom de ses deux enfants mineurs …, née le … à … (Kosovo), et …, née le … à .., toutes de nationalité kosovare, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 20 octobre 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée, de celle portant refus d’octroyer la protection internationale et de l’odre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Brahim Sahki et Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 décembre 2014.

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En date du 10 juillet 2014, Madame …, accompagnée de ses enfants mineurs … et …, déposa une demande de protection internationale au Luxembourg au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-

après par la « loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Madame …sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

Madame …fut entendue le 12 août 2014 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, afin de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale et en date du 8 octobre 2014 sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

A cette occasion, Madame …fit en substance valoir qu’elle serait venue au Luxembourg ensemble avec ses deux enfants pour y faire soigner sa fille de ses problèmes de santé, en l’occurrence des problèmes de reins, et pour venir rejoindre son ex-mari et père de ses deux enfants, dont elle aurait divorcé et qui vivrait légalement au Luxembourg depuis environ sept ans.

Elle déclara en outre que, si jusqu’à maintenant elle aurait pu faire soigner sa fille au Kosovo, ces soins coûteraient très chers et, comme elle n’aurait jamais travaillé, elle aurait du mal à s’en sortir, ce qui expliquerait qu’elle a pris la décision de rejoindre son ex-mari.

Par décision du 20 octobre 2014, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée envoyée le 21 octobre 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Madame …qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20 (1) sous a), b), c), h) et i) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Le ministre releva que Madame …est de nationalité kosovare et que la République du Kosovo devrait être considérée comme pays d’origine sûr conformément à l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 ainsi que du règlement grand-ducal du 19 juin 2013 modifiant le règlement grand-

ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûr au sens de la loi du 5 mai 2006.

Par ailleurs, le ministre estima que les raisons ayant amené Madame …à quitter le Kosovo ne seraient pas liées aux critères de fond définis par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève».

Le ministre souligna ensuite que la demanderesse est arrivée au Luxembourg le 3 avril 2014 et que sa demande de protection internationale ne date que du 10 juillet 2014, sans qu’elle n’ait présenté un motif valable expliquant pourquoi la demande de protection internationale n’avait pas été introduite plus tôt.

Le ministre considéra que Madame …aurait déposé sa demande de protection internationale uniquement pour retarder une décision entraînant son éloignement du territoire, étant donné que sa demande en obtention d’une autorisation de séjour sur base d’un regroupement familial aurait été refusée en date du 16 juin 2014 et qu’elle aurait été dans ce contexte informée qu’elle se trouvait en situation irrégulière après un séjour dépassant une période de trois mois.

Le ministre estima encore que les problèmes ayant poussé Madame …à quitter le Kosovo seraient d’ordre économique et médical qui n’entreraient pas dans le champ d’application de la Convention de Genève.

S’agissant de la protection subsidiaire, le ministre conclut que Madame …ne ferait état d’aucun motif sérieux et avéré de croire qu’elle court un risque réel de subir les atteintes graves définies par l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour dans son pays d’origine.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 2014, Madame …, agissant pour son compte et pour celui de ses deux enfants mineurs … et …, a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre du 20 octobre 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée, de celle portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, et de la décision du même jour portant ordre de quitter le territoire.

1) Quant au recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 20 octobre 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

Il est revanche compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation, qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, sans invoquer des moyens spécifiquement par rapport à la décision du ministre d’avoir statué dans le cadre d’une procédure accélérée, la demanderesse réitère en substance ses explications en fait telles qu’actées dans le rapport d’audition. Par ailleurs elle fait valoir avoir quitté son pays d’origine pour permettre à ses enfants d’avoir des meilleurs chances de guérison au Luxembourg tout en donnant à considérer qu’en retournant au Kosovo elle ne serait plus en mesure d’assumer les traitements médicaux de son enfant mineur …, de sorte que la vie de son enfant serait en danger.

Ce serait dès lors à tort que le ministre aurait retenu l’application de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet de la requête.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 :

« Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi; […] h) Le demandeur n’a pas introduit plutôt sa demande, sans motif valable, alors qu’il avait la possibilité de le faire ;

i) Le demandeur ne dépose une demande qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision antérieure ou imminente qui entraînerait son éloignement du territoire. […] ».

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie est susceptible de justifier la décision ministérielle à suffisance.

Plus particulièrement, en ce qui concerne le point i) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, visant l’hypothèse où le demandeur de protection internationale n’a introduit sa demande qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision antérieure ou imminente qui entraînerait son éloignement du territoire, le tribunal relève que la demanderesse a déclaré être arrivée sur le territoire luxembourgeois le 3 avril 2014, y avoir été accueillie par son ex-conjoint qui aurait fait les démarches administratives pour la déclarer auprès de la commune de sa résidence. Il se dégage encore du dossier administratif que le 8 avril 2014, le mandataire de celui -

ci a introduit une autorisation de séjour pour la demanderesse et ses deux enfants sur base d’un regroupement familial et que par une décision du 16 juin 2014, le ministre a refusé de faire droit à cette demande, tout en informant la demanderesse et ses enfants qu’elles auraient le droit de séjourner sur le territoire luxembourgeois pour une période allant jusqu’à trois mois sur une période de six mois sur base d’un passeport et d’un visa en cours de validité et si elles remplissent les conditions fixées à l’article 34 de la loi du 29 août 2008 et qu’à défaut de quitter le territoire après cette période, leur séjour serait considéré comme irrégulier et qu’elles seraient alors obligées de quitter le territoire.

C’est seulement le 10 juillet 2014, soit après la réception du refus d’octroi d’une autorisation de séjour et après l’expiration de la période de trois mois visée à l’article 34 de la loi du 29 août 2008, que la demande de protection internationale a été introduite.

Le tribunal constate encore que lors de son entretien auprès du ministère des Affaires étrangères et européenne, la demanderesse a déclaré en substance a voir fait des démarches administratives pour pouvoir rejoindre son ex-mari au Luxembourg, mais que vu qu’elle n’avait pas le droit de rester au Luxembourg, elle aurait été obligée d’introduire une demande d’asile (voir rapport d’entretien du 8 octobre 2014, page 3).

Au regard du déroulement chronologique des faits et au regard des propres déclarations faites par la demanderesse au cours de son audition, le tribunal est amené à retenir que c’est à bon droit que le ministre a fait application de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 en considérant que la demanderesse n’a déposé sa demande de protection qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision entraînant son éloignement du territoire, en l’occurrence de la décision de refus d’octroi d’une autorisation de séjour en qualité de membre de famille, dont la conséquence, après l’écoulement de la période de trois mois visée à l’article 34 de la loi du 29 août 2008, est l’obligation pour la demanderesse et ses deux enfants de quitter le Luxembourg, le ministre ayant annoncé l’exécution d’office de l’ordre de quitter le territoire par la contrainte.

Il s’ensuit que le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y a lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a), b), c) et h) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.

2) Quant au recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 20 octobre 2014 portant refus d’une protection internationale L’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoyant un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours principal en réformation dirigé contre la décision ministérielle de refus d’une protection internationale. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de ce volet du recours, la demanderesse reprend en substance les mêmes explications que celles fournies à l’appui du recours dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, en faisant en substance état de sa volonté de faire soigner la maladie de sa fille au Luxembourg et de ses difficultés financières pour ce faire au Kosovo.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient déposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière.» Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 29 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

En l’espèce, la demanderesse a déclaré qu’elle a quitté le Kosovo pour faire soigner la maladie de sa fille au Luxembourg au vu des difficultés éprouvées par elle de financer les soins médicaux au Kosovo et qu’ainsi elle a rejoint son ex-époux au Luxembourg.

Le tribunal est amené à retenir que c’est à bon droit que le ministre a décidé que la volonté de soigner la maladie de sa fille ne constitue pas un motif de reconnaissance du statut de réfugié, puisque les problèmes de santé et les difficultés financières mises en avant par la demanderesse ne sont pas motivés par des considérations tenant à un des critères de fond de la Convention de Genève, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social. Pareillement, la volonté de rejoindre son ex-époux au Luxembourg ne traduit pas une crainte de persécution au Kosovo pour un des motifs de persécution définis à la Convention de Genève.

C’est dès lors à bon droit que le ministre a refusé à la demanderesse l’octroi du statut de réfugié.

S’agissant de la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) précitées de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 f) précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que», si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Force est de constater que la demanderesse ne déclare pas risquer elle-même ou ses enfants, en cas de retour au Kosovo, la peine de mort, l’exécution ou la torture au sens des points a) et b) de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. Elle n’a pas non plus fait état d’une situation dans laquelle elle-même ou ses enfants risqueraient des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en tant que civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international, le Kosovo ne se trouvant plus particulièrement pas en l’état d’un tel conflit, de sorte que la demanderesse n’est pas non plus fondée à invoquer l’article 37 c) de la loi du 5 mai 2006.

En ce qui concerne la question de savoir si elle-même ou ses enfants risquent, en cas de retour dans leur pays d’origine, des atteintes graves au sens de l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006, le tribunal relève que la demanderesse s’est limitée à faire valoir les problèmes de santé de sa fille qu’elle espère pouvoir faire traiter au Luxembourg, alors qu’elle aurait eu des difficultés financières pour ce faire dans son pays d’origine. Or, cette circonstance ne s’analyse pas en une atteinte grave au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. En effet, l’article 37 énumère en tant qu’atteintes graves, notamment sous son point b), « des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ». Or, force est de constater à cet égard, d’une part, que l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 se réfère à des traitements ou des sanctions « infligées », tandis que l’article 28 de la même loi énumère les acteurs des persécutions et des atteintes graves, de sorte à nécessiter une intervention, une responsabilité humaine et à exclure de son champ d’application l’éventualité d’« atteintes graves» lorsqu’aucun acteur ne peut en être tenu responsable. Il en résulte que des problèmes de santé ou des problèmes économiques, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire qu’ils auraient été infligés ou qu’ils résulteraient d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constituent pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de la loi du 5 mai 2006.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, que la demanderesse n’a pas établi encourir un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a rejeté sa demande en obtention du statut conféré par la protection subsidiaire, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

3) Quant au recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire L’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoyant un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

Il est en revanche compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

La demanderesse sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision de refus de lui accorder une protection internationale.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006, la notion de «décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale de la demanderesse, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

A défaut d’autres moyens, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision ministérielle du 20 octobre 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

reçoit en la forme le recours subsidiaire en annulation dirigé contre cette décision ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision ministérielle du 20 octobre 2014 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision ministérielle du 20 octobre 2014 portant ordre de quitter le territoire ;

reçoit en la forme le recours subsidiaire en annulation introduit contre cette décision ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Jackie Maroldt, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 16 décembre 2014, par le vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.

s. Goreti Pinto s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 décembre 2014 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 35398
Date de la décision : 16/12/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-12-16;35398 ?

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