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15/12/2014 | LUXEMBOURG | N°34844

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 décembre 2014, 34844


Tribunal administratif N° 34844 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2014 Ire chambre Audience publique du 15 décembre 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34844 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2014 par Maître Arnaud Ranzenberger, avocat à la Cour,

inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Gu...

Tribunal administratif N° 34844 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juillet 2014 Ire chambre Audience publique du 15 décembre 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34844 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2014 par Maître Arnaud Ranzenberger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, tendant 1) à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 9 mai 2014 lui refusant une protection internationale et 2) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 septembre 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Arnaud Ranzenberger et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives.

Le 3 février 2012, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

Il fut encore entendu les 24 janvier et 8 février 2013 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 9 mai 2014, notifiée en mains propres le 10 juin 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-après « le ministre », informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée comme étant non fondée au sens de l’article 19 de la loi du 5 mai 2006. Par la même décision, le ministre enjoignit à Monsieur … de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :

« J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 niai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Maires étrangères en date du 3 février 2012.

Quant à vos déclarations auprès du Service de Police Judiciaire En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 3 février 2012.

Il ressort dudit rapport que vous auriez quitté votre pays d’origine en date du 23 décembre 2011 en direction du Maroc. Du Maroc vous aunez voyagé à Malaga en Espagne à bord d’un bateau. Vous auriez vécu pendant une semaine en Espagne avant de prendre le train afin de gagner le Luxembourg, en passant par la France et la Belgique. Vous seriez arrivé en date du 28 janvier 2012.

Vous ne présentez aucun document d’identité.

Quant à vos déclarations auprès du Service des Réfugiés En mains le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères du 24 janvier 2013 et du 8 février 2013, ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande de protection internationale.

Il résulte de vos déclarations que votre père, aurait été président du parti « Union des Forces Démocratiques du Guinée (UFDG) » au niveau communal. Pour soutenir vos déclarations, vous avez déposé une photo qui montre …, le président du parti, ainsi qu’une personne qui serait votre père. En 2011, vous seriez devenu vous-même membre de ce parti et vous présentez une carte de membre de l’UFDG établie à …. Vous auriez été membre du comité des affaires politiques et représentant de la jeunesse de votre quartier.

Vous et vos parents auriez reçu des menaces par des hommes militaires dû (sic) à votre soutien de l’UFDG. En mai 2011 des soldats auraient blessé vos pieds et mains afin de vous intimider. Ces mêmes personnes seraient passées chez vous à deux reprises afin de menacer vos parents.

En date du 5 juin 2011, des militaires seraient revenus une deuxième fois pendant la nuit dans votre domicile et ils auraient fouillé toutes les chambres. Ces hommes auraient frappé et questionné vos parents au salon pour savoir s’ils soutiendraient le président de votre parti. Vous auriez pu suivre cette conversation depuis votre chambre avant de fuir par la porte de secours et d’alerter vos voisins. A l’extérieur, vous auriez entendu des coups de feu et les militaires seraient sortis de votre maison en tirant en l’air. Ensemble avec vos voisins, vous seriez retourné dans votre domicile et vous auriez retrouvé les corps de vos parents. Pendant deux jours, vous auriez fait le deuil. Vous avez remis des photos qui montreraient ces corps couverts d’un drap.

Depuis cet incident vous vous seriez caché chez des amis et des membres de votre famille pendant sept mois pour trouver « la somme nécessaire, pour que je puisse sortir » (p.

5/10). De plus, vous auriez arrêté vos études universitaires par peur que quelque chose puisse vous arriver à l’école. Vous auriez eu une menace des mêmes hommes militaires après la mort de vos parents mais vous ne vous rappelleriez plus de la date (p. 5/10). L’assassinat de vos parents et cette menace seraient selon vos déclarations la preuve que vous seriez recherché dans votre pays d’origine. Plus tard vous dites que vous n’auriez « plus revu les autorités » (p. 7/10) après la mort de vos parents.

En date du 13 juin 2011, vous auriez porté plainte contre les hommes militaires auprès de la police de …. Vous présentez une copie du dépôt de plainte datée au 13 juin 2011 afin d’étayer vos dires. Vous dites que la plainte aurait été enregistrée et qu’une enquête allait être menée mais vous n’auriez pas reçu de nouvelles quant à votre plainte et vous ne vous seriez jamais renseigné sur les résultats de l’enquête. Selon vos dires vous auriez pris contact avec des ONG et des journaux pour faire des interviews. Ainsi vous présentez un article du journal « Le populaire » pour soutenir vos déclarations.

Selon vos dires vous auriez quitté la Guinée en date du 12 décembre 2011, six ou sept mois après la mort de vos parents, avec l’argent que ceux-ci vous auraient laissé. Vous auriez payé à un passeur 6.000 euros qui vous aurait conduit au Maroc en passant par le Sénégal et la Mauritanie. Après trois jours vous auriez pris le bateau en direction de Majorque. Vous auriez suivi une personne de votre groupe qui se serait dirigée vers l’Allemagne en prenant plusieurs trains mais vous auriez décidé de descendre au Luxembourg en date du 28 janvier 2011 et vous seriez allé au foyer Don Bosco dont vous auriez entendu parler. Vous auriez voyagé avec un passeport falsifié qui aurait été retenu par votre passeur.

Enfin, il ressort du rapport d’entretien qu’il n’y a plus d’autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte.

Analyse ministérielle en matière de Protection internationale En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale est évaluée par rapport aux conditions d’obtention du statut de réfugié et de celles d’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

Soulignons dans ce contexte que l’examen et l’évaluation de votre situation personnelle ne se limitent pas à la pertinence des faits allégués, mais qu’il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de vos déclarations.

1. Quant à la Convention de Genève Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des Réfugiés.

Rappelons à cet égard que l’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 c) de la loi modifiée du 5 mai 2006, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31(1) de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 28 de la loi susmentionnée.

Selon l’article 1A paragraphe 2 de ladite Convention, le terme de réfugié s’applique à toute personne qui craigne avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays : ou qui si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.

* En l’espèce, il ressort de votre dossier administratif que les raisons qui vous ont amenées à quitter votre pays d’origine pourraient à priori rentrer dans le champ d’application de ladite Convention. Néanmoins, votre vécu n’établit pas dans votre chef l’existence d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006.

Selon vos dires, vous seriez recherché dans votre pays d’origine parce que vous seriez membre de l’UFDG. Ainsi, vos parents auraient déjà été assassinés.

S’il est vrai que des activités dans un parti d’opposition peuvent justifier des craintes de persécution, il n’en résulte pas automatiquement que tout membre d’un parti d’opposition risque des persécutions de la part du pouvoir en place. En effet, vos parents auraient été tués en date du 5 juin 2011 et vous n’auriez quitté la Guinée qu’en date du 12 décembre 2011.

Vous ne faites pas état de quelconques problèmes au sens de la Convention de Genève durant ces sept mois suivant la mort de vos parents. Ce constat est encore plus frappant en constatant que, malgré vos dires selon lesquels vous vous seriez caché, vous vous seriez rendu visible en donnant des interviews auprès d’ONG et auprès du journal « Le populaire ». Vous présentez même l’article daté au 13 juin 2011 et portant votre photo afin d’étayer vos déclarations. Or, vous n’auriez « plus revu les autorités » (p. 7/10) après la mort de vos parents et par conséquent après la publication de cet article.

En date du 13 juin 2011 vous auriez même porté plainte auprès de la police à … contre les hommes militaires qui auraient tué vos parents. Or, bien que vous dites que vous soyez recherché, la police aurait pris compte de votre problème et vous auriez même eu un document prouvant le dépôt de votre plainte que vous avez présenté auprès du Ministère. Il est dans ce contexte surprenant que vous vous seriez présenté volontairement auprès des autorités guinéennes malgré le fait que vous pensez que vous seriez recherché dans votre pays d’origine. Votre peur d’être recherché est donc purement hypothétique.

Or, de simples craintes hypothétiques qui ne sont basées sur aucun fait réel ou probable ne sauraient cependant constituer des motifs vises par la Convention de Genève.

Vos motifs traduisent plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution.

Or, un sentiment général d’insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention.

Soulevons ensuite que l’autorité ministérielle a été amenée à émettre des doutes quant à la crédibilité de votre récit, alors qu’il résulte de l’examen des rapports d’entretien que vos déclarations présentent de nombreuses incohérences Relevons ainsi quelques incohérences qui entachent la crédibilité de votre récit. Ainsi, vous dites que votre père aurait été le « président du parti de la commune » (p. 2/10). Or, un tel titre n’est prévu ni par le règlement intérieur ni par les statuts de l’UFDG. De plus, il ne ressort pas des recherches ministérielles qu’un « Issa Rialto », président de l’UFDG au niveau communal, aurait été la victime d’un assassinat Même en supposant que votre père aurait réellement été président du parti de la commune, il est surprenant que son nom ne soit pas invoqué parmi les personnes importantes de l’UFDG qui ont été victimes de violences entre 2009 et 2012.

Relevons qu’en vertu de l’article 30 (1) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, le ministre peut estimer qu’un demandeur ne pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d’origine, il n’y a aucune raison de craindre d’être persécute ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu’il est raisonnable d’estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.

Ainsi, la conséquence d’une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d’origine, une existence conforme la dignité humaine.

Selon les lignes directrices de l’UNHCR, l’alternative de la fuite interne s’applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu’en termes de sécurité.

En l’espèce, comme déjà susmentionné, il ressort à suffisance de vos dires, que vous auriez vécu pendant sept mois auprès de membres de votre famille ou auprès d’amis, sans faire état de quelconques problèmes. Vous ne soulevez donc pas de raison valable qui puisse justifier l’impossibilité d’une fuite interne.

Ajoutons que la situation dans laquelle vous ont placé les mesures infligées n’a pas atteint une telle ampleur que vous ne pouviez-vous y soustraire qu’en fuyant à l’étranger Compte tenu des constatations qui précédent concernant les conditions générales dans cette partie du pays et votre situation personnelle, force est de retenir que les critères du paragraphe 2 de article 30 de la loi modifiée du 5 mai 2006 sont clairement remplis.

* En conclusion, les faits que vous alléguez ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d’être persécuté dans votre pays d’origine du fait de votre race, de votre religion de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.

De tout ce qui précède, les conditions permettant l’octroi du statut de réfugié ne sont pas remplies.

2. Quant à la Protection subsidiaire L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de le loi modifiée du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 37 de ladite lai, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 28 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

En l’espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié. En effet, vous indiquez que vous seriez recherché car vous seriez membre du parti politique UFDG. Pour cette raison, vos parents auraient été tués en date du 5 juin 2011.

Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2008 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l’appui de votre demande, ne nous permettent pas d’établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mat ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

De tout ce qui précède, les conditions permettant la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire ne sont pas remplies.

* Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 1951 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Guinée, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.

(…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2014, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 9 mai 2014 lui refusant une protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1. Quant au recours dirigé contre la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19, paragraphe 3 de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.

Le recours en réformation est recevable dans la mesure où il a été par ailleurs introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … explique qu’il serait de nationalité guinéenne et qu’il appartiendrait à l’ethnie Peulh. Etudiant en médecine, il aurait été, comme son père, adhérant et membre actif au niveau local du parti politique « Union des Forces Démocratiques de Guinée » dénommé ci-après « UFGD ».

Le demandeur fait valoir qu’en mai 2011, il aurait été persécuté et maltraité ensemble avec ses parents par des militaires en raison de leur appartenance à l’UFDG. Ces derniers lui auraient marché sur les mains et pieds, de sorte qu’il aurait non seulement les mains et pieds recouverts de cicatrices, mais également perdu depuis lors l’usage d’un doigt de sa main gauche. Le 5 juin 2011, les militaires auraient fait irruption au domicile qu’il aurait partagé avec ses parents, et auraient battu ces derniers tout en demandant au père s’il soutenait toujours Cellou Dalein et le parti UFDG. Après avoir scandé que les Peulh n’auraient jamais le pouvoir, les militaires auraient assassiné ses deux parents. Le demandeur explique qu’il aurait pu fuir la maison par une porte de secours et se cacher chez les voisins, de sorte qu’il aurait pu porter plainte auprès d’un poste de police. Il aurait également contacté une organisation non gouvernementale et donné une interview dans des journaux. N’ayant pas eu de nouvelles quant aux suites réservées à sa plainte, et ayant à nouveau été menacé par les militaires de subir le même sort que ses parents, le demandeur déclare avoir quitté l’université, ainsi que sa cachette auprès de sa famille et de ses amis pour chercher refuge au Luxembourg.

En droit, le demandeur fait valoir qu’il y aurait lieu de réformer la décision pour violation de la loi sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits en ce sens que ce serait à tort que l’autorité administrative a conclu que les faits en question ne justifient pas une crainte justifiée de persécution dans son chef. Il estime qu’une appréciation plus juste des éléments de la cause aurait dû amener le ministre à retenir à son égard l’existence de persécutions intolérables l’empêchant de mener une vie décente conformément à l’article 1A de la Convention de Genève sur le statut de réfugié du 28 juillet 1951, ainsi qu’à l’article 31 de la loi du 5 mai 2006.

En ce qui concerne la preuve des faits, le demandeur se réfère à la position du Conseil de l’Europe du 4 mars 2004 selon laquelle, une fois que la crédibilité des déclarations du demandeur aura été suffisamment établie, il ne serait pas nécessaire de chercher la confirmation détaillée des faits invoqués.

Quant aux craintes de persécution, le demandeur fait valoir qu’il éprouve de réelles craintes de persécution lors d’un retour dans son pays d’origine de la part des militaires à l’origine de la mort de ses parents, du fait de son implication personnelle dans le parti guinéen UFDG et des conséquences fatales que l’adhésion de son père à ce même parti a eu pour ses parents. Le demandeur fait valoir que malgré le fait d’avoir déposé une plainte et malgré le fait d’avoir alerté les médias, il aurait reçu une nouvelle menace de la part des militaires, qui seraient toujours à sa recherche pour attenter à sa vie.

Il se réfère dans ce contexte à un rapport d’Amnesty International du 11 juin 2013, relatant qu’une manifestation de l’opposition à Conakry les 27 février et 2 mars 2013 aurait entraîné de nombreux affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, puis entre les communautés Peulh et Malinké et que les forces de l’ordre n’auraient non seulement pas empêché les pillages dans les quartiers Peulh, mais y auraient même participé. Le demandeur en conclut à une discrimination directe de l’ethnie Peulh.

Il résulterait également d’un article de l’« Immigration Board of Canada » du 7 mai 2014 que les forces armées seraient largement composées de personnes d’ethnie Malinké et que, durant les vagues de protestations en 2010 et 2011, la communauté Peulh soupçonnée soutenir l’opposition aurait été soumise à des violences, injures et pillages. Il en aurait été de même au cours des années 2013 à 2014 où la majorité des manifestants tués auraient été d’origine Peulh, ethnie considérée comme opposée au président Alpha Condé et partant moins protégée par les forces de l’ordre.

Quant aux acteurs de persécutions, en l’occurrence les militaires, le demandeur invoque un rapport de l’organisation Human Rights Watch de janvier 2014, suivant lequel les membres de la police et de la gendarmerie auraient plusieurs fois eu recours à une force excessive et non professionnelle allant jusqu’à être personnellement impliqués dans des cas de vol, extorsion et autres délits visant les habitants de quartiers favorables à l’opposition politique. Selon ce même rapport, les forces de l’ordre seraient également mal entraînées et mal financées. Le demandeur se réfère encore à un rapport des Nations Unies de 2014 sur la situation des droits de l’Homme qui ferait état de mauvais traitements et de tortures systématiques envers les personnes en détention et en garde à vue, ainsi que de détentions arbitraires. Le demandeur en conclut que les forces de l’ordre se rendraient actuellement toujours coupables sinon complices de violences tant envers les opposants politiques qu’envers l’ethnie Peulh.

Le demandeur estime finalement que les faits invoqués seraient suffisamment graves pour lui permettre de bénéficier d’une protection internationale.

D’après le demandeur, toute fuite interne s’avérerait impossible du fait de la situation générale en Guinée, alors que les forces de l’ordre seraient présentes sur l’entièreté du territoire. Contrairement à ce qui est affirmé par le ministre, il n’aurait pas vécu sans problème pendant les sept mois entre la mort de ses parents et le moment de sa fuite, alors qu’il aurait été caché auprès de sa famille ou d’amis et qu’il aurait encore une fois été menacé par les militaires après avoir porté plainte et après la parution de l’article de journal relatant son histoire. Après avoir abandonné ses études, il aurait ainsi passé des mois difficiles, cloîtré de peur d’être éliminé par les militaires, tout en essayant de récolter l’argent nécessaire pour sa fuite.

A titre subsidiaire, le demandeur estime remplir les conditions d’octroi de la protection subsidiaire, étant donné qu’au vu de la situation générale en Guinée et plus spécialement les exactions commises contre les membres de l’UFDG et la communauté Peulh, il devrait s’attendre à subir, en cas de retour dans son pays d’origine, des traitements inhumains et dégradants.

Quant à la mise en cause de sa crédibilité, notamment sur ses déclarations relatives aux fonctions exercées par son père à l’UFDG, le demandeur rappelle que son père aurait été président du parti au niveau de sa commune, ce qui équivaudrait à un comité de base tel qu’il est décrit dans les statuts du parti, et ce, quelque soient les termes qu’il aurait utilisés.

Le fait que le ministre n’ait pas pu trouver le nom du père sur la liste des personnalités politiques assassinées établie par un article du Immigration and Refugee Board of Canada, ne serait pas de nature à mettre en doute sa mort, étant donné que la liste ne serait pas à considérer comme exhaustive.

Le demandeur souligne par contre que ses explications sur le parti politique UFDG seraient confirmées en tout point par l’article précité, de sorte qu’il serait déconcertant que sur base de la suspicion sur les fonctions exactes de son père au sein du UFDG, son récit serait mis en doute dans son entièreté, d’autant plus que ledit article spécifierait à sa fin qu’il n’aurait pas vocation à rapporter des preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile.

Le demandeur en conclut que son récit serait cohérent du début à la fin et que les suppositions de l’autorité administrative ne seraient nullement corroborées par des preuves tangibles.

Le délégué du gouvernement fait valoir pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : «(1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient déposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière.» Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, et indépendamment des doutes du ministre quant à la désignation du poste effectivement occupé par le père du demandeur au sein de l’UFDG, force est au tribunal de relever que la décision déférée n’a pas soulevé des incohérences de nature à ébranler le récit en sa globalité, sauf en ce qui concerne l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait à nouveau été menacé par des militaires à la suite de sa plainte et de son interview dans la presse, alors que le demandeur est formel, dans le cadre de son entretien et sur question spéciale de l’agent en charge de l’audition, pour affirmer qu’il n’a plus revu les militaires après la mort de ses parents1.

Les motifs invoqués relatifs à une crainte de persécution en raison de sa sensibilité politique, ainsi que celle de son père, s’ils rentrent a priori dans un des critères énumérés à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, le tribunal arrive cependant à la conclusion que le demandeur reste en défaut d’établir à suffisance une crainte fondée d’être personnellement persécuté de ce chef dans son pays d’origine.

En effet, le tribunal constate, dans un premier temps, que le demandeur lui-même n’établit pas à suffisance de droit qu’il risquerait des persécutions du chef de son appartenance au parti politique UFDG. Si le demandeur entend établir sur base des sources internationales que les forces de l’ordre de la Guinée ont commis par le passé de nombreuses exactions au moment de devoir faire face à des manifestations de l’opposition politique, il n’en résulte pas ipso facto que tout adhérant d’un parti politique opposant soit du seul fait de cette adhérence soumis à des persécutions de ce fait. Il en est de même en ce qui concerne l’appartenance à l’ethnie Peulh, qui n’est pas visée en soi, mais en relation avec l’appartenance politique supposée de la communauté Peulh et seulement dans le cadre d’affrontements publics entre l’opposition et le pouvoir en place. Il ressort encore d’un arrêt du 20 juin 2014 (n°125853) du Conseil du Contentieux des Etrangers de Belgique, cité par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, que « c’est le fait de s’opposer politiquement, de participer à une manifestation que l’on soit Peulh ou non qui est d’abord à prendre en considération dans l’analyse de la crainte de persécution alléguée ». Si le demandeur a certes versé une carte de membre du parti UFDG, il ne ressort cependant d’aucun élément du dossier administratif, ni des déclarations du demandeur, qu’il aurait participé à une manifestation politique dans le cadre de son adhérence à un parti d’opposition.

Malgré le fait qu’il affirme avoir été « membre du comité des affaires politiques » de son quartier et d’avoir dans cette fonction représenté « la jeunesse de son quartier », il reste en défaut de convaincre qu’il aurait eu une activité soutenue au sein du parti, tel que la partie étatique l’a relevé à juste titre en soulignant le peu de connaissances profondes du demandeur relatif au parti UFDG et à sa politique.

Le demandeur justifie encore la fuite de son pays d’origine par la peur de subir le même sort fatal que ses parents, le père ayant été un membre actif de l’UFDG. A ce titre, il y a lieu de rappeler que les faits non personnels mais vécus par d'autres membres de la famille ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève qu’à condition que le demandeur établisse dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières2. Or, cette preuve n’est pas rapportée en l’espèce du fait qu’il n’est pas établi que mis à part l’agression physique isolée qu’il a dû 1 Rapport d’audition du 8 février 2013, page 7/10 2 En ce sens : trib. adm., 10 janvier 2011, n° 27191 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Etrangers, n° 143 souffrir ensemble avec ses parents et au cours de laquelle il a été blessé aux pieds et aux mains, le demandeur ne fournit aucun élément de fait personnel suffisamment concret permettant de conclure de manière objective qu’il serait encore personnellement en danger en raison de ses opinions politiques, d’autant plus qu’il a été relevé ci-avant que ses activités politiques n’ont pas été très soutenues. Dans ce contexte, il échet également de retenir que le demandeur n’a pas connu de problèmes depuis la mort de ses parents, alors même qu’il s’est exposé publiquement, photo à l’appui, dans un article de presse. Il ressort également des pièces versées par le demandeur qu’il a pu déposer auprès du commissariat de police central de …, sans aucune conséquence néfaste pour lui, une plainte contre les militaires ayant tué ses parents. Il peut également être déduit du très bon résultat relevé par son bulletin semestriel de notes versé au dossier administratif que le demandeur a pu, avec succès, et sans autres problèmes, se présenter aux différentes épreuves du 1er semestre de l’année académique 2011-

2012 qui ont nécessairement dû se dérouler après la mort de ses parents en juin 2011.

Force est au tribunal de relever que le demandeur reste en défaut d’établir à suffisance de droit que, de ce fait, il craint avec raison d’être personnellement persécuté à cause de sa propre appartenance au parti UFDG respectivement du fait des activités politiques de son père. Ainsi, la crainte invoquée par le demandeur est plutôt à analyser comme un sentiment général d’insécurité qui, à lui seul, n’est pas suffisant pour accéder au bénéfice d’un statut de réfugié.

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a estimé que les faits invoqués à la base de la demande de protection internationale ne sauraient justifier l’octroi du statut de réfugié, de sorte que le recours relatif à ce volet de la demande est d’ores-et-déjà à rejeter.

En ce qui concerne la demande du statut de la protection subsidiaire, l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi.

Force est en l’espèce de constater qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que le demandeur fait état de motifs sérieux de croire qu’il courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. En effet, le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié, pour en conclure qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait de faire l’objet d’atteintes graves telles que mentionnées par l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, notamment de traitements inhumains ou dégradants.

Comme il n’a pas été soutenu que la situation actuelle en Guinée serait assimilable à un conflit armé interne, et, le demandeur n’établissant pas qu’il risquerait la peine de mort, sinon l’exécution dans son pays d’origine, il y a seulement lieu de vérifier si les traitements dont il fait état peuvent être qualifiés de torture ou de traitements, respectivement sanctions inhumains ou dégradants.

En ce qui concerne le risque invoqué par le demandeur de traitements inhumains et dégradants du fait de la répression musclée de la part des autorités guinéennes des activités politiques de l’opposition, il y a lieu de rappeler que le législateur, en insérant dans le texte de l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 la condition de « menaces graves et individuelles », y a introduit une dose d'individualisation, de sorte à distinguer le régime de la protection subsidiaire de celui de la directive 2001/55/CE du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées, transposée aux articles 56 et suivants de la loi 5 mai 2006 qui lui se suffit d'une référence à un contexte général3. Dès lors, la simple existence d’un sentiment général d’insécurité, tel qu’il a été retenu ci-avant dans le cadre de la demande d’un statut de réfugié et qui s’impose également au tribunal dans le cadre du volet de la demande d’une protection subsidiaire, ne saurait partant suffire pour établir l’existence d’un risque d’atteintes graves répondant aux critères de la loi du 5 mai 2006.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est également à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection subsidiaire sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation relatif à ce volet est également à rejeter comme non fondé.

2. Quant au recours dirigé contre la décision portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 9 mai 2014 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle entreprise.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur soutient que si la décision de refus d’octroi d’une protection internationale encourt la réformation, l’ordre de quitter devrait également être annulé.

Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour », laquelle est définie par l’article 2. r) de la même loi comme étant « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». L’ordre de quitter le territoire y prononcé comporte l’indication du délai pour quitter le territoire ainsi que le pays à destination duquel le demandeur sera renvoyé en cas d’exécution d’office.

Il se dégage des conclusions ci-avant retenues par le tribunal que le ministre a refusé à bon droit d’accorder au demandeur une protection internationale, de sorte qu’il a également valablement pu émettre l’ordre de quitter le territoire.

Le recours en annulation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

3 trib. adm. 24 juin 2009, n°24031a du rôle et trib. adm. 24 mars 2010, n° 26169 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Etrangers, n° 181 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 9 mai 2014 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 9 mai 2014 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

donne acte au demandeur de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi délibéré par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Laurent Lucas, juge, Olivier Poos, juge, et lu à l’audience publique du 15 décembre 2014 par le premier vice-président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Carlo Schockweiler 14


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 34844
Date de la décision : 15/12/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-12-15;34844 ?

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