Tribunal administratif N° 33492 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2014 2e chambre Audience publique du 8 décembre 2014 Recours formé par l’Administration communale de … contre deux décisions du ministre de l’Intérieur, et à la Grande Région en matière de subsides de l’Etat
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JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 33492 du rôle, déposée le 17 octobre 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Administration communale de …, ayant sa maison communale sise à L-…, représentée par son bourgmestre sinon par son collège des bourgmestres et échevins actuellement en fonctions, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du 25 juillet 2012 du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région leur refusant l’octroi de subsides pour des travaux relatifs à l’évacuation des eaux pluviales à la mise à ciel ouvert du ruisseau « … » dans le … à … ainsi qu’une décision du 16 juillet 2013 du ministre rejetant le recours gracieux introduit contre la décision précitée du 25 juillet 2012 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2014 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Rachel Jazbinsek ainsi que Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 6 octobre 2014.
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En date du 6 mai 2011, le conseil communal de la commune de … approuva un projet relatif à la construction de logements avec parc communal au lieu-dit « … » à ….
Ladite délibération fut approuvée par décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région, ci-après désigné par « le ministre », en date du 5 octobre 2011 sous réserve de la mise en conformité du plan d’aménagement général en vigueur de la commune de … étant donné que « (…) les terrains concernés par le projet sont situés en zone de verdure, zone d’am0énagement différée et en zone d’habitation pour personnes âgées ». Le ministre prit encore soin de préciser dans ladite décision « qu’au cas où le marché à conclure pour exécuter les travaux dont il s’agit dépassera les crédits inscrits au budget, les autorités communales devront soit demander un crédit supplémentaire, soit procéder à une modification budgétaire ».
Par délibération du 30 mars 2012, le conseil communal de … approuva la modification ponctuelle du plan d’aménagement général portant reclassement de différentes zones sises au lieu-dit « an … » à ….
Ladite délibération fut approuvée par le ministre de l’Intérieur et à la Grande Région en date du 18 juin 2012.
En date du 25 juillet 2012, le ministre de l’Intérieur et à la Grande Région, désigné ci-après par « le ministre », adressa au Commissaire de District de Luxembourg une décision aux termes de laquelle il l’informait qu’il se ralliait à l’avis négatif émis le 27 avril 2012 par le Comité de Gestion du Fonds pour la Gestion de l’Eau quant aux demandes de prise en charge relatives au « Réaménagement du « … » à …, -canalisation EP (ASS 24/12 – ASS 25/12) –mise à ciel ouvert du ruisseau « … » (400586) ». Cette décision est rédigée en ces termes :
« Selon les avis 400586 (HYD) du 16 avril 2012 et ASS 24/12 - ASS 25/12 du 19 avril 2012 de l'Administration de la Gestion de l'Eau et aux termes de l'article 66, § 2 de la loi du 19 décembre 2008 relative à l'eau - « l'engagement des dépenses est subordonné à l'approbation préalable des projets par le Ministre ».
Par engagement d'une dépense au sens de la comptabilité publique, il y a lieu d'entendre l'acte par lequel un organisme public crée ou constate à son encontre une dépense dont résulte une charge du budget, l'acte étant matérialisé par une commande, un marché ou un contrat.
Il s'ensuit que dans la mesure où la commande des travaux a été passée préalablement à l'introduction de la demande tendant à l'intervention du Fonds pour la Gestion de l'Eau, et sur base d'une visite des lieux par les agents de l'Administration de la Gestion de l'Eau lors de laquelle il a été constaté que les travaux ont été entamés voir même achevés, le Comité de Gestion du Fonds pour la Gestion de l'Eau a, en sa réunion du 27 avril 2012, avisé défavorablement les demandes de prise en charge, avis auquel je me rallie.
La commune de … est à informer de cette décision. » Par courrier du 24 septembre 2012, l’administration communale de … introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle sus-visée du 25 juillet 2012, recours qu’elle limita aux dossiers FGE 2010-025 lire (FGE 2012-025) et FGE 2010-025 (lire FGE 2012-026). Par contre, elle acquiesça la décision du ministre en ce qui concerne le dossier FGE 2012-024.
En date du 16 juillet 2013, le ministre confirma sa décision du 24 septembre 2012 en ces termes :
« En réponse à votre courrier du 24 septembre 2012, j'ai l'honneur de vous informer de ce qui suit:
En ce qui concerne le dossier FGE 2012-025 vous appuyez votre argumentation sur une approbation du dossier en date du 5 octobre 2011. Or cette approbation a été donnée sur base de l’article 106 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 en tant que ministre ayant les affaires intérieures dans ses attributions dans le cadre de la tutelle administrative et ne concerne en rien la procédure pour les demandes de prise en charge mise en place dans le cadre de la loi du 19 décembre 2008 relative à l'eau.
Les modalités spécifiques propres à l'intervention du Fonds pour la gestion de l'eau sont fixées dans l'article 66 de la loi du 19 décembre 2008 précitée et précisées dans les circulaires ministérielles n° 2793 du 26 mai 2009, n° 2873 du 23 août 2010 et n° 3083 du 8 juillet 2013.
L'article 66 stipule que « l'engagement des dépenses est subordonné à l'approbation préalable des projets par le ministre, l'avis du comité du Fonds pour la gestion de l'eau demandé ». Ici, est visée l'approbation préalable d'un point de vue financier par le ministre ayant la gestion de l’eau dans ses attributions. Le même article dispose encore que la prise en charge par l'Etat « n'est applicable que dans les limites des ressources disponibles du fonds », ce qui entraîne comme conséquence logique que le ministre ayant la gestion de l'eau dans ses attributions doit pouvoir approuver le projet avant le début des travaux afin de lui permettre de planifier sur plusieurs années les dépenses du Fonds pour la gestion de l'eau. C'est à cette fin que la circulaire n° 2793 du 26 mai 2009 insiste à ce que le ministre soit saisi dans un stade précoce de la planification.
En ce qui concerne le dossier référencé FGE 2012-025, il ressort du dossier administratif que la demande de prise en charge de l'Administration communale datée au 16 décembre 2011 a été transmise en date du 19 janvier 2012 du Ministère de l'Intérieur et à la Grande Région à l'Administration de la gestion de l'eau pour instruction. Or, il s'avère que l'Administration communale avait déjà lancé en juin 2011 une soumission publique pour «l'aménagement d'un Parc à loisirs avec chemin d'accès à … (…-) ». Dans le cadre d'une procédure restreinte, l'entreprise … SA a soumis en date du 27 janvier 2012 une offre supplémentaire au dossier de soumission du 29 juin 2011 relative aux travaux de canalisation. Cette offre a été approuvée le jour-même par le collège des bourgmestre et échevins de la Commune de ….
Etant donné que les dispositions de l’article 66 ne furent donc pas respectées en l'espèce, le comité du Fonds pour la gestion de l’eau a rendu un avis défavorable en date du 27 avril 2012. Dans ma décision du 25 juillet 2012, je me suis rallié à l'avis du comité du Fonds pour la gestion de l'eau.
Considérant que votre recours gracieux du 24 septembre 2012 contre cette décision ne comporte pas d'élément nouveau et considérant que l'approbation du dossier du 5 octobre 2011 dans le cadre de la tutelle administrative ne dispense pas d'une approbation du dossier en vertu des dispositions du Chapitre 10 de la loi du 19 décembre 2008 relative à l'eau, je maintiens ma décision de refus du 25 juillet 2012.
De même, en ce qui concerne le dossier FGE 2012-026, l'autorisation du 7 novembre 2011 émise sur base de l'article 23 de la loi du 19 décembre 2008 ne peut être invoquée pour justifier le début des travaux avant l'approbation préalable du projet par le ministre sur base de l'article 66 de la même loi.
Même s’il s'agit dans les deux cas du même ministre - celui ayant la gestion de l'eau dans ses compétences - il n'en reste pas moins qu'il s'agit de deux procédures indépendantes, ayant des finalités différentes.
La demande d'autorisation en vertu de l'article 23 de la loi du 19 décembre 2008 a comme objet la maîtrise des charges et pressions sur les eaux de surface et souterraines et de prévenir l'altération de leurs conditions physiques, chimiques ou biologiques. L'autorisation établie en vertu de l'article 23 permet de fixer les conditions techniques concernant l'aménagement, l'exécution, la réalisation ou l'exploitation des installations, ouvrages, travaux ou activités faisant l'objet de la demande d'autorisation.
L'approbation préalable des projets dans le cadre d'une demande de prise en charge étatique en vertu de l'article 66 de la même loi a par contre comme finalité de vérifier d'une part la compatibilité du projet avec la politique nationale de gestion de l'eau, définie notamment dans le plan de gestion des districts hydrographiques et d'autre part de considérer les aspects financiers d'un projet donné afin de pouvoir gérer et planifier les dépenses pluriannuelles du Fonds pour la gestion de l’eau.
L'indépendance de ces deux procédures est d'ailleurs illustrée par l'existence de deux formulaires distincts. Ainsi, en ce qui concerne l'autorisation sur base de l'article 23 de la loi du 19 décembre 2008, le bureau d'études Schroeder et associés a introduit en date du 20 juillet 2011 auprès de l'Administration de la gestion de l'eau une demande d'autorisation au nom et pour le compte de l'Administration communale de …. En date du 16 décembre 2011, l'Administration communale a fait parvenir au Ministère de l'Intérieur et à la Grande Région une demande de prise en charge financière et ceci en conformité avec les circulaires n° 2793 et 2983 précitées.
Lier le régime d'autorisation avec les modalités de prise en charge du Fonds pour la gestion de l'eau aurait d'ailleurs comme conséquence que les autorisations établies sur base de l'article 23 de la loi du 19 décembre 2008 seraient subordonnées a l'avis du comité du Fonds pour la gestion de l'eau, ce qui d'une part n'est pas prévue par la loi et d'autre part constituerait une lourdeur administrative supplémentaire non négligeable.
L'argument que l'autorisation du 7 novembre 2011 précise — conformément à l'article 23 de la loi du 19 décembre 2008 — que celle-ci devient caduque lorsque les installations, ouvrages, travaux ou activités autorisés n'ont pas été commencés, achevés ou mis en service dans un délai de deux ans ou ont chômé pendant deux années consécutives, n'est pas pertinent dans la mesure où l'Administration communale de … aurait valablement pu attendre l'approbation préalable du projet sans risque de ne pas pouvoir respecter le délai de deux ans précité.
Par conséquent de ce qui précède, je ne suis pas en mesure de donner une suite favorable à votre demande. (…) ».
Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 octobre 2014, l’administration communale de … introduisit un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation des décisions ministérielles précitées des 25 juillet 2012 et 16 juillet 2013.
Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation. En effet, dans la mesure où l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation lorsqu’un recours en réformation est prévu par la loi.
Aucune disposition légale ou règlementaire n’instituant un recours au fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit à titre principal.
En revanche, il est incompétent pour statuer sur le recours subsidiaire en réformation.
Quant à la recevabilité du recours en annulation, il y a lieu de constater que si la requête introductive d’instance entend viser dans son corps, tant le dossier FGE 2012-024 (identifié par les travaux de gestion et d’évacuation des eaux pluviales du PAP « … ») que les dossiers FGE 2012-025 (identifié par les travaux de canalisations d’eaux pluviales dans le parc « … ») et FGE 2012-026 (concernant la mise à jour du ruisseau « … »), il n’en demeure pas moins que la demanderesse indiqua au ministre dans son recours gracieux du 24 septembre 2012 qu’elle n’entendait pas contester le refus ministériel relatif au dossier FGE 2012-024. Elle s’exprima en effet en ces termes : « qu’en ce qui concerne le dossier FGE 2012-024 nous respectons votre décision de ne pas allouer une prise en charge du fait que le dossier a été présenté postérieurement à la réalisation des travaux (…) ». Le recours est partant irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre le dossier FGE 2012-024 qui n’a pas fait l’objet du recours gracieux pour lequel le délai de recours contentieux a expiré le 25 octobre 2012. Pour le surplus, le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
En droit, la commune de … fait valoir en substance qu’elle ne saurait admettre la lecture faite par le ministre du texte de l’article 66 (2) de la loi du 19 décembre 2008 relative à l’eau, ci-après désignée par « la loi du 19 décembre 2008 », étant donné que celle-ci aboutirait à une double approbation ministérielle, à savoir, d’une part, l’approbation préalable du projet au niveau technique et, d’autre part, l’approbation préalable du projet au niveau des prises en charge. Elle conteste l’interprétation du ministre appuyée par l’existence de deux formulaires différents, à savoir, un formulaire basé sur l’article 23 de la loi du 19 décembre 2008 (concernant l’autorisation de la partie technique) et l’autre basé sur l’article 66 de la même loi (concernant l’autorisation relative à la partie financière) et qui impliquerait que les deux autorisations soient données préalablement à l’engagement de toute dépense publique par une commune au motif que cette interprétation serait « totalement contradictoire avec l’esprit et la construction du texte légal ». Elle complète son argumentation en se référant à la situation de l’article 66 au sein même de la loi du 19 décembre 2008 soit au chapitre 10 s’intitulant « Fonds pour la gestion de l’eau » qui mettrait l’accent sur l’intervention propre et particulière du Fonds pour la gestion de l’eau mais qui n’aurait pas pour objet de créer une nouvelle attribution ministérielle. Elle estime en effet que les attributions du ministre seraient circonscrites à l’article 23 précité. Elle en déduit que l’approbation préalable du ministre quant à l’aspect financier des travaux constituerait un ajout qui ne serait pas prévu par une disposition légale. Elle cite encore à l’appui de son argumentation un arrêt de la Cour administrative du 12 janvier 2010 portant le numéro 24959C du rôle aux termes duquel bien qu’il fut retenu que le ministre doive approuver le projet avant le début des travaux il n’en reste pas moins que la forme de l’approbation ne serait pas précisée dans la loi du 19 décembre 2008. Elle fait valoir, par ailleurs, que les montants provisionnés par le Fonds pour la gestion de l’eau seraient suffisants pour couvrir les projets concernés.
Quant à l’application des principes dégagés ci-avant aux projets concernés, la commune de … fait valoir ce qui suit. En ce qui concerne le dossier FG 2012-025, elle indique qu’il se serait agi de travaux réalisés sur des canalisations existantes en mauvais état en vue de leur raccordement avec le projet d’aménagement particulier et ayant nécessité une intervention d’urgence afin d’éviter un surcoût du budget total. Elle rapporte que si les travaux auraient été commandés le 27 janvier 2012 et auraient débuté mi-février 2012, ils auraient néanmoins été portés à la connaissance de l’Administration de la gestion de l’eau en date du 1er décembre 2011 et seraient donc éligibles au titre de la prise en charge prévue à l’article 66 précité. En ce qui concerne le dossier FG 2012-026, elle indique qu’il se serait agi de travaux visant la mise à jour du ruisseau « … » dont l’Administration de l’eau aurait été informée depuis le 15 février 2011 étant donné que cela aurait été sur sa demande expresse qu’il aurait été décidé que le ruisseau « … » fasse l’objet d’une « renaturation ». Elle rapporte que l’autorisation ministérielle aurait été délivrée en date du 7 novembre 2011 et que les travaux commandés le 27 janvier 2012 auraient débuté en mai 2012. Elle en conclut que ce dossier, ayant été initié par l’Administration de la gestion de l’eau, validé par une autorisation ministérielle et dont le suivi de chantier aurait été assuré par l’Administration de la gestion de l’eau avant la commande ferme des travaux et leur exécution serait également éligible au titre de la prise en charge prévue à l’article 66 précité.
Enfin, elle conteste formellement pour les dossiers ci-avant désignés que l’exécution des travaux aurait été préalables à l’intervention du Fonds pour la gestion de l’eau. Elle critique, dans ce contexte, la Circulaire ministérielle n°3083 du ministre établissant les modalités d’application de l’article 66 de la loi du 19 décembre 2008 selon lesquelles l’obtention d’une aide du Fonds pour la gestion de l’eau serait subordonnée à la condition qu’aucune soumission ni commande n’ait été engagée avant l’arrêté du ministre allouant la participation étatique étant entendu que l’autorisation suivant l’article 23 de ladite loi ne vaudrait pas comme justificatif pour entamer les travaux. Elle estime que cette restriction créerait une inégalité entre le secteur public et le secteur privé au motif que ce dernier ne serait pas tenu de se conformer à la législation relative aux marchés publics. Elle est d’avis que le ministre aurait outrepassé ses pouvoirs en adoptant ladite circulaire dès lors qu’elle aurait pour objet de réaliser une vérification de comptabilité publique en dehors du prescrit légal et qu’elle serait, de surcroît, contraire au principe d’autonomie communale. Elle invoque pour conclure le principe de la légitime confiance qu’elle estime avoir été violé au motif que le projet aurait été suivi ab initio par l’Administration de la gestion de l’eau.
Le délégué du gouvernement sollicite le rejet du recours pour ne pas être fondé.
Il ressort des pièces et éléments soumis au tribunal et des jeux d’écriture des parties en cause que celles-ci sont en désaccord sur l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 66 (2) de la loi du 19 décembre 2008, la partie demanderesse estimant que la prise en charge financière des travaux d’évacuation des eaux pluviales, respectivement de la mise à ciel ouvert du ruisseau « … » devrait incomber au Fonds pour la gestion de l’eau au motif que les autorisations ministérielles auraient été obtenues préalablement au commencement des travaux et la partie étatique étant d’avis contraire.
L’article 66 de la même loi, définissant les modalités spécifiques propres à l’intervention du Fonds pour la gestion de l’eau, dispose que « (1) La prise en charge des coûts résultant des projets visés à l’article 65, paragraphe 1er, points d) et i) à l) n’est applicable que dans les limites des ressources disponibles du fonds.
(2) L’engagement des dépenses est subordonné à l’approbation préalable des projets par le ministre, l’avis du comité du Fonds pour la gestion de l’eau demandé.
(3) Le paiement des dépenses est subordonné à la présentation des factures. […] (6) L’engagement devient caduc lorsque les travaux ou études n’ont pas débuté dans un délai de deux ans après réception de l’engagement financier. » Ainsi, la prise en charge des coûts résultant des projets visés à l’article 65, paragraphe 1er, points d) et i) à l), à savoir en substance des travaux à réaliser dans le cadre de l’évacuation et de l’épuration des eaux usées (point d) i)), de l’adaptation des stations d’épuration communales existantes à de nouvelles technologies épuratoires (point d) ii)), ou encore des frais d’étude (point d) iii)) ainsi que des travaux de restauration et de renaturation des cours d’eau (point i)), des mesures régionales destinées à réduire les effets des inondations (point j), des mesures locales destinées à réduire les effets des inondations (point k) et, enfin, des travaux d’aménagement et d’entretien effectués sur les cours d’eau (point l) n’est applicable que dans les limites des ressources disponibles du Fonds pour la gestion de l’eau fonds qui, en vertu de l’article 63 de la loi du 19 décembre 2008, « prend à charge, dans les limites prévues à l’article 65, les dépenses occasionnées pour la réalisation des études et l’exécution des travaux (…). ». Il s’y ajoute que selon le paragraphe (2) de l’article 66 sus-visé, l’engagement des dépenses est subordonné à l’approbation préalable des projets par le ministre, l’avis du comité du Fonds pour la gestion de l’eau demandé.
La Cour administrative a eu l’occasion de préciser dans un arrêt du 12 janvier 2010 portant le numéro 24959C du rôle, la notion de « dépense » au sens de l’article 41, point 5 de la loi du 24 décembre 1999 concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’exercice 2000, ci-après désignée par « la loi du 24 décembre 1999 », article qui fut abrogé par la loi du 19 décembre 2008 et dont les termes ont été repris en substance par l’article 66 (2) sus-visé. En l’occurrence, la Cour a considéré que ladite notion de dépense, « vise clairement les dépenses occasionnées par l’exécution du programme des travaux » et non pas les subventions ou subsides accordés par l’Etat, tout en soulignant que le ministre doit pouvoir approuver le projet avant la réalisation des travaux et non pas seulement avant l’engagement d’un subside, au risque de réduire à néant le droit de décision du ministre se dégageant du libellé de la loi. A partir de cette analyse, la Cour administrative a confirmé que l’octroi d’une participation financière de l’Etat est subordonné à l’autorisation préalable du projet par le ministre avant la réalisation des travaux.
Ainsi, il y a lieu de retenir qu’avant l’engagement des dépenses occasionnées par l’exécution des travaux par rapport auxquels le subside étatique est sollicité, soit avant la passation de la commande, le projet doit être approuvé par le ministre et que partant l’octroi d’un subside est subordonné à l’approbation préalable du projet par le ministre dans de telles conditions1.
Etant donné que les parties sont en désaccord sur la question de savoir si les conditions de l’article 66 de la loi du 19 décembre 2008 sont réunies en l’espèce pour les projets portant les références FGE 2012-025 et FGE 2012-026 et, plus particulièrement, sur l’existence d’une autorisation ministérielle préalable au commencement des travaux, il appartient au tribunal d’examiner sur base des pièces et éléments lui soumis l’état de la situation pour chaque dossier concerné afin de lui permettre d’apprécier si cette condition est remplie, comme le prétend la demanderesse.
Quant au dossier FGE 2012-025, non autrement désigné par la partie demanderesse que suivant le vocable « renouvellement des canalisations existantes » en vue du raccordement au futur lotissement, il ressort des pièces et documents versés en la cause qu’en date du 4 juin 2011, l’Administration communale de … procéda par voie d’affichage à un avis d’adjudication concernant l’« Aménagment d’un Parc à loisirs avec chemin d’accès à … (…) ». Il découle du compte-rendu de la réunion du 1er décembre 2011 tenue entre l’Administration communale de …, la société … S.àr.l., l’Administration de la gestion de l’eau et la société anonyme … S.A., ci-après désignée par « la société … » qu’il fut notamment retenu au cours de cette réunion que « le bureau d’études … introduira 3 demandes de prise en charge distinctes, à savoir : 1) Mise à ciel ouvert du ruisseau « … » dans le … à … ; 2) Rétention pour eaux pluviales pour le PAP … à … ; 3) Canalisations d’eaux pluviales dans le … à … » » ainsi que « la demande d’autorisation relative à l’eau pour la rétention des eaux pluviales pour le PAP … sera seulement introduite au moment du projet détaillé du PAP en question. ».
Il ressort encore de l’avis de la société … du 18 janvier 2012 adressé à l’Administration communale de … qu’étant donné que « l’offre » de la société anonyme … S.A., ci-après désignée par la « société … », en relation avec « les travaux de canalisation au lieu-dit « An … » » visés plus en avant dans le compte-rendu sus-visé de la réunion du 1er décembre 2011 « étant conforme et ayant appliqué les prix unitaires de la soumission du 29/06/2011 », il fut recommandé à l’Administration communale de … « de bien vouloir adjuger les travaux ».
Par courrier du 27 janvier 2012, l’Administration communale de … transmit à la société …, conformément à l’avis de la société … du 18 janvier 2012 sus-visé, la première page du bordereau des masses qui vaut conclusion du contrat.
Force est au tribunal de constater qu’à l’exception des documents sus-mentionnés, il ne ressort pas des pièces et éléments soumis en cause que le ministre aurait délivré une « approbation préalable des projets […], l’avis du comité du Fonds pour la gestion de l’eau demandé » ainsi que cette exigence est posée par le prescrit de l’article 66 de la loi du 19 décembre 2008 dont le contenu a été rappelé plus en avant pour pouvoir bénéficier d’une prise en charge du Fonds pour la gestion de l’eau.
Il échet de relever que la demanderesse semble se prévaloir, à ce titre, de l’approbation du ministre du 5 octobre 2011 par laquelle ce dernier informait le Commissaire de district qu’il approuvait la délibération du 6 mai 2011 aux termes de 1 Voir en ce sens également, trib. adm. du 11 décembre 2013, n° 31991 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu laquelle le conseil communal de … avait approuvé le projet relatif à l’aménagement d’un parc de loisirs à … (…) pour un montant de 1.975.490,07 euros. Or, force est au tribunal de se rallier à l’argumentation du délégué du gouvernement selon laquelle ladite approbation ministérielle donnée conformément à l’article 106 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 en sa qualité de ministre ayant les affaires intérieures dans ses attributions dans le cadre de la tutelle administrative ne répond en rien aux critères posés par l’autorisation visée à l’article 66 précité, ces deux autorisations ayant des finalités différentes. En effet, l’autorisation établie en vertu de l’article 106 précité détermine les différentes catégories de délibérations des conseils communaux qui nécessitent l’approbation du ministre dans le cadre de la tutelle qu’il exerce sur les communes alors que l’autorisation établie en vertu de l’article 66 précité a pour finalité de vérifier, d’une part, la compatibilité du projet avec la politique nationale et la gestion de l’eau et, d’autre part, de considérer les aspects financiers d’un projet donné afin de pouvoir gérer et planifier les dépenses pluriannuelles du Fonds pour la gestion de l’eau.
Force est de relever que la demanderesse ne saurait elle-même se méprendre sur la nature même de l’approbation requise au titre de l’article 66 précité qui nécessite, tel que cela est spécifié de manière expresse par le prescrit dudit article, « l’avis du comité de gestion de l’eau demandé ». Or, au stade préliminaire d’approbation par le ministre du projet relatif à l’aménagement du parc de loisirs à … (…) en date du 5 octobre 2011, il était matériellement impossible que l’avis du comité de gestion de l’eau fut demandé, la nature des travaux à entreprendre n’ayant été déterminée définitivement que par courrier du 27 janvier 2012 aux termes duquel l’Administration communale de … transmit à la société … la première page du bordereau des masses valant conclusion du contrat ainsi que le tribunal l’a constaté plus en avant.
Or, selon les principes dégagés par la Cour administrative dans l’arrêt du 12 janvier 2010 tels que rappelés plus en avant, le projet doit être approuvé par le ministre avant l’engagement des dépenses occasionnées par l’exécution des travaux pour lesquels le subside étatique est sollicité. Etant donné que la partie demanderesse reste en défaut de rapporter la preuve de l’octroi d’une telle approbation du ministre et que le tribunal vient d’écarter la prétendue approbation du ministre à ce titre du 5 octobre 2011 avant le commencement même des travaux ainsi que la demanderesse en fait elle-même l’aveu dans son recours gracieux, c’est à juste titre que le ministre a refusé la prise en charge des frais des travaux relatifs au dossier FGE 2012-025 par le Fonds de la gestion des eaux dans sa décision du 16 juillet 2013. Partant le moyen d’annulation afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant au dossier FGE 2012-026, non autrement désigné par la partie demanderesse que suivant le vocable « mise à jour du ruisseau … », il ressort des pièces et éléments versés au dossier et notamment du compte-rendu de la réunion du 15 février 2011 tenue entre l’Administration communale de …, l’Administration de la gestion de l’eau, la société … S.àr.l., et la société … qu’il fut notamment retenu au cours de cette réunion que la « renaturation de la « … » est souhaitée par l’AGE2 ». Il ressort encore de l’arrêté ministériel du 7 novembre 2011 que le ministre en se basant sur « […] la demande du 20 juillet 2011 présentée par le bureau d’études … S.A., 8 rue des Girondins, L-1626 Luxembourg, au nom de l’Administration Communale de …, aux fins d’obtenir l’autorisation pour la remise à ciel ouvert du cours d’eau « … » sur une longueur de 82 m dans un parc à loisirs (…) à …, commune de … ; […] la loi du 19 décembre 2008 2 l’Administration de la gestion de l’eau relative à l’eau et notamment son article 23, […] le dossier de demande, notamment les plans y afférents ; [et] […] la proposition de l’Administration de la gestion de l’eau » arrêta que l’« Administration Communale de … est autorisée à réaliser la remise à ciel ouvert du cours d’eau « … » sur une longueur de 82 m dans un parc à loisirs (…) à …, selon les modalités suivantes : (…) ».
Par courrier précité du 27 janvier 2012, l’Administration communale de … transmit à la société …, conformément à l’avis de la société … du 18 janvier 2012 précité, la première page du bordereau des masses valant conclusion du contrat.
Force est au tribunal de constater qu’à l’exception des documents sus-mentionnés, il ne ressort pas des pièces et éléments soumis en cause que le ministre aurait délivré une « approbation préalable des projets […], l’avis du comité du Fonds pour la gestion de l’eau demandé » ainsi que cette exigence est posée par le prescrit de l’article 66 de la loi du 19 décembre 2008 dont le contenu a été rappelé plus en avant pour pouvoir bénéficier d’une prise en charge du Fonds pour la gestion de l’eau.
Il échet de relever que la demanderesse semble se prévaloir, à ce titre, de l’approbation précitée du ministre du 7 novembre 2011 aux termes de laquelle il arrêta que l’Administration Communale de … est autorisée à réaliser la remise à ciel ouvert du cours d’eau « … » dans un parc à loisirs (…) à …, selon les modalités qu’il détermina dans ledit arrêté. Or, force est au tribunal de se rallier à l’argumentation du délégué du gouvernement selon laquelle ladite approbation ministérielle, donnée conformément à l’article 23 de la loi 19 décembre 2008 ne saurait être équipollente à l’autorisation visée à l’article 66 précité, ces deux autorisations ayant des finalités différentes. En effet, l’article 23 de prédite loi a pour objet la maîtrise des charges et pressions sur les eaux de surface et souterraines et de prévention de l’altération de leurs conditions physiques, chimiques ou biologiques et permet ainsi de fixer les conditions techniques concernant l’aménagement, l’exécution, la réalisation ou l’exploitation des installations, ouvrages, travaux ou activités faisant l’objet d’une demande d’autorisation tandis que l’objet de l’article 66 précité a été défini plus en avant et a pour finalité de vérifier, d’une part, la compatibilité du projet avec la politique nationale et la gestion de l’eau et, d’autre part, de considérer les aspects financiers d’un projet donné afin de pouvoir gérer et planifier les dépenses pluriannuelles du Fonds pour la gestion de l’eau. Force est de relever qu’à ce titre non plus la demanderesse ne saurait elle-même se méprendre sur la nature même de l’approbation requise au titre de l’article 66 précité qui nécessite, tel que cela est spécifié de manière expresse par le prescrit dudit article, « l’avis du comité de gestion de l’eau demandé ». Or, il ressort à l’évidence de l’arrêté précité du 7 novembre 2011 qu’aucune mention n’est faite que l’avis du comité de gestion aurait été demandé. Cette circonstance s’explique par le fait qu’à ce stade-ci de la procédure d’autorisation des travaux par le ministre, il était matériellement impossible que l’avis du comité de gestion de l’eau fut demandé, la nature des travaux à entreprendre n’ayant été déterminée définitivement que par courrier du 27 janvier 2012 aux termes duquel l’Administration communale de … transmit à la société … la première page du bordereau des masses valant conclusion du contrat ainsi que le tribunal l’a constaté plus en avant.
Or, selon les principes dégagés par la Cour administrative dans l’arrêt du 12 janvier 2010 tels que rappelés plus en avant, le projet doit être approuvé par le ministre avant l’engagement des dépenses occasionnées par l’exécution des travaux pour lesquels le subside étatique est sollicité. Etant donné que la partie demanderesse reste en défaut de rapporter la preuve de l’octroi d’une telle approbation du ministre autre que celle du 7 novembre 2011 que le tribunal vient d’écarter comme approbation idoine au titre de l’article 66 (2) de la loi du 19 décembre 2008 avant le commencement même des travaux qui furent constatés par l’Administration de la gestion de l’eau, Division de l’Hydrologie – Service Régional Ouest lors d’une visite des lieux, ainsi que cela ressort d’un avis du 20 avril 2012, c’est à juste titre que le ministre a refusé la prise en charge des frais des travaux relatifs au dossier FGE 2012-026 par le Fonds de la gestion des eaux dans sa décision du 16 juillet 2013. Partant le moyen d’annulation afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.
Au vu des développements qui précédent et en l’absence d’autres moyens présentés par la partie demanderesse, il y a lieu de rejeter l’intégralité du recours pour ne pas être fondé.
Au regard de l’issue du litige, il y a lieu de rejeter la demande en indemnité de procédure d’un montant de 2.000 euros formulée par la partie demanderesse sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour statuer sur le recours subsidiaire en réformation ;
se déclare compétent pour connaître du recours principal en annulation ;
déclare le recours irrecevable en ce qu’il a trait au dosseir FGE 2012-024 ;
reçoit ledit recours en la forme ;
au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000 euros formulée par la partie demanderesse ;
condamne l’Administration communale de … aux frais.
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président Annick Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge et lu à l’audience publique du 8 décembre 2014 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Françoise Eberhard 12