Tribunal administratif N° 33818 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2013 1re chambre Audience publique du 26 novembre 2014 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 33818 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 décembre 2013 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à …(Afghanistan), de nationalité afghane, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation de la décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 20 novembre 2013 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale comme n’étant pas fondée et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2014 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 novembre 2014.
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Le 13 octobre 2010, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par « la loi du 5 mai 2006 ».
Monsieur… fut entendu le 15 octobre 2010 par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.
Monsieur… fut également entendu le 4 octobre 2011 ainsi que le 21 mai et 5 décembre 2012 par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 20 novembre 2013, remise en mains propres le 2 décembre 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », 1informa Monsieur… que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :
« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères en date du 13 octobre 2010.
En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 15 octobre 2010 et le rapport d'entretien de l'agent du ministère des Affaires étrangères du 4 octobre 2011 ainsi que du 21 mai et du 5 décembre 2012.
Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez d'abord déposé une demande de protection internationale sous le nom de …, né le … à …/Afghanistan. Puis, vous auriez révélé votre vraie identité de…, né le …à …/Afghanistan. Vous disposez d'une copie de votre passeport, mais vous dites que le passeur aurait gardé l'original.
Vous dites que vous auriez quitté l'Afghanistan en août 2009 avec un passeport et un visa pour l'Iran. Un passeur vous aurait emmené en Turquie avec un faux passeport iranien qu'il vous aurait retiré à l'arrivée. De la Turquie, vous auriez voyagé avec un passeur en Grèce par voie maritime. En Grèce, vous auriez obtenu une carte d'identité fausse et vous auriez pris un vol pour Paris. Vous vous seriez rendu en Slovaquie où vous auriez déposé une demande de protection internationale le 17 septembre 2009. Votre demande aurait été refusée et vous auriez quitté la Slovaquie fin mars 2010. Vous auriez passé deux mois en Autriche et deux mois en Italie pour vous rendre enfin en Allemagne et de l'Allemagne au Luxembourg.
Les recherches de la Police Judiciaire ont révélé que vous auriez reçu un ordre « refuser entrée/expulser » de la part des autorités suisses pour les motifs suivants : « Atteinte et mise en danger de la sécurité et l'ordre publics en raison de son comportement (recel, lésions corporelles simples, mise en danger de la vie d'autrui, rixe, ne s'est pas conformé à un ordre de départ) ».
L'interdiction d'entrée aurait été prononcée le 30 avril 2008 par le canton du Valais et resterait valable jusqu'au 29 avril 2018. Vous auriez été renvoyé en Afghanistan.
Il résulte de vos déclarations transcrites dans le rapport d'entretien quant à votre trajet que vous auriez quitté l'Afghanistan en août 2009. Avec votre passeport afghan, vous seriez allé jusqu'à la ville frontalière d'…. Avec l'aide d'un passeur, vous auriez traversé l'Iran et la Turquie. A Istanbul, vous auriez appelé un deuxième passeur pour qu'il vous emmène en Grèce en bateau.
Arrivé à l'île de Lesbos, vous auriez dormi une nuit dans un hôtel à Mytilène. Le lendemain, à Athènes, vous auriez trouvé un troisième passeur qui vous aurait procuré une carte d'identité fausse avec laquelle vous auriez pris un vol pour Paris. Vous dites avoir payé 7 000,-€ pour le trajet d'Afghanistan à Paris.
De Paris, vous seriez d'abord allé en Slovaquie pour y déposer une demande de protection internationale. Par peur d'être renvoyé en Grèce, vous vous seriez rendu d'abord en l'Autriche, puis en Italie, en Suisse, en France, en Allemagne et finalement au Luxembourg. Dans chaque pays, vous 2ne seriez resté qu'un à deux mois, chez des amis qui n'étaient pas au courant de votre situation illégale. Vous dites avoir voyagé en train et sans documents et n'avoir jamais été contrôlé.
Vous déclarez avoir quitté l'Afghanistan une première fois en 1984 avec vos parents. Vous auriez vécu en Iran de 1984 à 1998, puis vous seriez retourné en Afghanistan. En 2001, vous auriez commencé à vous engager pour le Parti de l'Unité (Vahdat). Vous auriez été arrêté la même année par les Talibans quand vous auriez été en train de coller des affiches et de distribuer des tracts. Vous auriez été torturé et vous auriez fini par donner trois noms de jeunes qui auraient travaillé avec vous. Les Talibans les auraient arrêtés et vous auraient demandé les noms de membres plus importants du parti. Afin de vous intimider, ils auraient tué un des jeunes, …, devant vos yeux. Vous auriez dit que vous consentiez à leur montrer les membres importants que vous pourriez reconnaître en ville. Mais comme ça aurait été le jour du marché, il y aurait eu beaucoup de monde et vous auriez réussi à vous échapper. Vous auriez quitté l'Afghanistan et vous vous seriez présenté à une ambassade européenne à Téhéran. Muni d'un visa Schengen, vous auriez pris un avion vers Rome et de Rome, vous seriez allé en Suisse où vous auriez déposé une demande de protection internationale. Vous auriez eu dix-sept ans à l'époque. Pendant que vous étiez en Suisse, les Talibans auraient harcelé votre famille et ils auraient même marié de force votre soeur de douze ans avec un des leurs. Les harcèlements auraient continué jusqu'en 2002 quand votre famille aurait disparu. Vous dites ignorer leur sort.
Votre demande de protection internationale aurait été refusée en Suisse et vous seriez retourné à… en 2008. Vous y auriez habité chez un ami auquel vous auriez envoyé de l'argent gagné en Suisse pour qu'il puisse monter une société d'import-export. Peu après votre arrivée, vous auriez reçu un appel anonyme. Un homme vous aurait demandé de l'argent et vous aurait menacé de mort.
Vous dites avoir signalé cet appel au service de renseignement qui aurait enregistré votre plainte (document 1) et vous aurait donné un document que vous pourriez montrer à la police en cas de difficultés (document 2). Vous auriez continué à vivre normalement, mais un soir, en rentrant d'une fête avec des amis, vous auriez été enlevé par trois personnes armées. Votre ami aurait porté plainte après votre enlèvement (documents 2, 3 et 4). Après trois jours, vos kidnappeurs vous auraient donné un téléphone pour que vous puissiez demander …dollars de rançon à vos proches. Vos amis auraient payé la rançon avec l'argent que vous leur auriez envoyé de la Suisse et vous auriez été libéré. Le lendemain, vous seriez parti à Machhad en Iran. Après un mois, on vous aurait arrêté dans la rue et comme vous n'auriez pas eu de documents ni de visa, les autorités iraniennes vous auraient renvoyé en Afghanistan.
De retour à…, vous auriez commencé à travailler avec votre ami dans la société d'import-export. Muni d'un passeport et d'un visa pour l'Iran, valide pendant trois mois, vous vous seriez rendu en Iran pour aller chercher de la marchandise. Vous auriez fait ainsi deux allers-retours jusqu'en fin 2008.
Un jour, quand vous étiez à Kaboul, vous auriez reçu un deuxième appel menaçant. L'homme à l'appareil vous aurait dit clairement qu'il serait au courant que vos affaires seraient prospères et que vous devriez payer sinon vous seriez kidnappé encore une fois, mais cette fois-ci vous seriez assassiné.
Il aurait dit qu'il vous rappellerait pour fixer un rendez-vous auquel vous devriez apporter l'argent.
Cet homme aurait paru au courant de tout et vous croyez qu'il serait un Taliban ou un membre d'un autre groupe opposant qui aurait des contacts parmi la police et d'autres organes étatiques. Deux heures après cet appel, une personne anonyme vous aurait appelé et vous aurait conseillé de quitter le pays le plus vite possible. Elle vous aurait informé que l'homme qui vous aurait menacé serait le frère d'…, le garçon tué devant vos yeux en 2001, et qu'il vous tuerait certainement après avoir pris votre argent. Le lendemain matin, vous seriez allé porter plainte. Vous auriez pris avec 3vous tous les documents des plaintes précédentes, mais le responsable vous aurait dit que le kidnapping serait devenu un «acte banal » (p. 9/13) et qu'il ne pourrait rien faire pour vous. Vous auriez alors appelé immédiatement une voiture qui vous aurait emmené à Machhad en Iran.
Vous dites qu'il vous aurait été impossible de vous installer dans une autre région de l'Afghanistan parce que les Talibans auraient des contacts partout et ils vous rechercheraient partout à cause de ce que vous leur auriez fait en 2001. Vous pensez que le frère d'Ali collaborerait avec les Talibans et avec le service de renseignement afghan et les Talibans ne vous lâcheraient pas facilement à cause du mariage de votre soeur avec un des leurs. En plus, après sept ans en Suisse, vous auriez changé, votre façon de vous exprimer et votre façon d'être auraient changé ce qui fait que tout le monde pourrait vous reconnaître et vous trahir. Vous êtes sûr d'être tué lors d'un retour en Afghanistan.
Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.
En effet, en l'espèce, vous auriez quitté l'Afghanistan après avoir été menacé et enlevé.
Vous dites que l'auteur de l'enlèvement voudrait se venger sur vous pour la mort de son frère que vous auriez dénoncé aux Talibans. Il serait en contact avec les Talibans et ceux-ci vous rechercheraient à cause de ce qui se serait passé en 2001 et à cause du lien familial que vous auriez avec eux. Après qu'on vous aurait avoué qu'on ne pourrait pas vous protéger d'un nouvel enlèvement, vous auriez décidé de quitter le pays.
Je relève d'abord que les faits qui se seraient déroulés en 2001 sont, à eux seuls, trop éloignés dans le temps pour être pris en compte dans l'examen de votre demande de protection internationale déposée en octobre 2010. Votre affiliation au Vahdat remonte à 2001 et vous n'en faites plus état après votre retour en 2008. De toute façon, selon une recherche de l'United States Bureau of Citizenship and Immigration Services, il n'y a pas d'indications que les membres du Vahdat retournés en Afghanistan après la chute des Talibans auraient fait objet de persécutions.
Le Vahdat a participé à la Loya Jirga qui a élu l'actuel président, Hamid KARZAI, et soutient le nouveau gouvernement. De plus, le fait de s'être échappé sans avoir donné les noms des membres importants du Vahdat ne semble pas être un acte assez grave pour être persécuté par les Talibans pour le reste de votre vie.
Rien ne prouve le lien que vous établissez entre les évènements de 2001 et ceux de 2008.
Concernant l'appel anonyme vous avertissant que l'auteur des menaces et de votre enlèvement serait motivé par un désir de vengeance, celui-ci reste à l'état de simple affirmation. Rien ne prouve que la mort d'Ali soit à l'origine des actes que vous auriez subis en 2008. Votre enlèvement s'explique plutôt par votre succès économique.
4Il ne ressort pas de votre entretien que vous auriez fait connaissance du frère d'Ali.
Pourtant, vous paraissez convaincu qu'il collaborerait avec les Talibans et le service de renseignement afghan ce qui est peu logique, étant donné qu'Ali a été tué par les Talibans. Même si tel serait le cas, il n'est pas établi que les actes que vous auriez subis en 2008 seraient en relation avec les évènements de 2001 ou avec les activités des Talibans dans votre région d'origine, généralement peu perturbée par leurs activités. Même le prétendu lien familial créé par le mariage de votre soeur avec un Taliban ne permet pas d'expliquer une implication des Talibans dans les évènements de 2008.
Il convient encore de soulever que l'on s'attendrait à ce qu'une personne persécutée dans son pays cherche protection dans le premier pays sûr rencontré ce que vous n'avez pas fait. Vous avez mis pied dans plusieurs pays membres de l'Union européenne sans essayer de déposer une demande de protection internationale, à l'exception de la Slovaquie. De plus, vous avez des liens étroits avec l'Iran qui a récemment confirmé qu'il continuerait à offrir un espace de protection aux réfugiés afghans. Le fait que votre père était un martyr aurait même pu s'avérer avantageux, car « Iran issues Special Identity Cards (SIDs) with greater privileges to Afghan refugees who are religious students, disabled in the Iran-Iraq war, relatives of martyrs, or married to Iranians. ».
Force est de constater que les menaces, le kidnapping et le racket de 2008 - en les supposant établis - constituent des délits de droit commun commis par des personnes privées et punissables en vertu de la législation afghane. Une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités politiques pour l'un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l'existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d'asile. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. Les copies des plaintes que vous avez transmises au ministère montrent bien que vous et vos amis auriez pu porter plainte suite aux menaces et à l'enlèvement. Les enlèvements suivis de racket sont effectivement devenus assez fréquent à…, mais les autorités afghanes semblent capables et de bonne volonté pour poursuivre ce genre de délit. Ainsi, le tribunal de… vient de condamner deux hommes pour avoir enlevé et tué un garçon de neuf ans.
Vous reprochez aux autorités dans votre dernière plainte (document 7) que les services de sécurité ne seraient pas venus à votre aide. Il y a lieu de rappeler que la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violences, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée. Il ressort à suffisance du présent dossier que les autorités nationales n'ont pas refusé de prendre en compte vos problèmes.
Il convient de relever que les autorités allemandes mettent en garde contre des documents afghans falsifiés et des documents authentiques mais contenant des informations fausses. Ainsi, l'Asylgerichtshof écrit dans une de ses décisions:
5« Bei der Bewertung des vorgelegten Beweismaterials ist zu berücksichtigen, dass afghanische Dokumente einerseits höchst fälschungsanfällig sind und andererseits regelmäßig echte Dokumente mit falschem Inhalt ausgestellt werden. Dies ergibt sich einerseits aus dem Amtswissen und andererseits aus den Länderberichten. Während das (britische) Home Office keine Berichte zu Fälschungen hat, führt der Bericht des (deutschen) Auswärtigen Amtes zu diesem Themenbereich auf S. 26 des aktuellen Berichtes aus:
" … 1.1. Echte Dokumente unwahren Inhalts Echte Dokumente unwahren Inhalts gibt es in erheblichem Umfang. So werden Pässe und Personenstandsurkunden von afghanischen Ministerien offenkundig ohne adäquaten Nachweis ausgestellt. Maßgebliche Ursache ist ein nach 23 Jahren Bürgerkrieg lückenhaftes Registerwesen sowie mangelnde administrative Qualifikation.
1.2. Zugang zu gefälschten Dokumenten Unechte Dokumente existieren ebenfalls in erheblichem Umfang. Es ist bekannt, dass insbesondere in der von vielen Exilafghanen bewohnten, in der Nähe zum Grenzübergang Torkham gelegenen pakistanischen Stadt Peshawar, gefälschte afghanische Dokumente und Bescheinigungen praktisch jeglichen Inhalts erhältlich sind…. " » Concernant les copies des plaintes que vous avez transmises au ministère, je relève quelques éléments qui jettent un doute sur leur authenticité. Ainsi, la plainte déposée par vos amis (document 2) porte bien le nom d'un de vos amis, mais le reste du tableau demandant le numéro de la carte d'identité, l'adresse et un numéro de téléphone est vide. Il en va de même pour votre dernière plainte (document 7). Vous dites avoir reçu un seul appel anonyme menaçant et que vous l'auriez signalé à la police. Il est alors étonnant que la lettre que vous auriez reçue par le responsable de la sécurité à… (document 8) dise que vous vous seriez fait menacer plusieurs fois et cela par des opposants. Il est également peu logique que le responsable en question ordonnerait aux forces de sécurité de vous aider en cas de problèmes sécuritaires, comme si tel ne serait pas évident. Il est également étonnant que la plainte de vos amis dise que vous vous seriez fait enlever en traversant la route, bien que vous disiez dans l'entretien que vous ayez été en route en voiture. De même, il est étonnant que le Bureau général de sécurité vous ait donné une copie d'un document « confidentiel » (document 4).
Force est aussi de constater que les problèmes de réintégration en Afghanistan sont sous-jacents à votre demande. Vous avez déclaré lors de votre arrivée que l'Afghanistan ne vous accepterait pas et l'Iran non plus. Vous auriez grandi en Iran où vos parents se seraient réfugiés, mais vous n'auriez pas obtenu la nationalité iranienne. Maintenant les Afghans ne vous accepteraient pas comme un des leurs. Pourtant, il convient de soulever que vous n'étiez pas exclu socialement en Afghanistan. Vous y avez travaillé, vous avez eu la possibilité de créer votre entreprise d'import-export avec votre ami, vous avez obtenu une carte d'identité, un passeport et un visa pour l'Iran, et surtout, selon votre récit, vous avez eu de nombreux amis qui vous auraient aidé, qui auraient porté plainte lors de votre enlèvement et qui vous auraient cherché un passeur.
Il serait compréhensible qu'après avoir vécu quatorze ans en Iran et sept ans en Suisse, vous auriez des problèmes à vous réintégrer dans la société afghane à…. Cependant, l'environnement culturel à… ne devrait pas différer énormément de celui que vous auriez connu en Iran, car la communauté tadjike parlant farsi est majoritaire dans la région et fait partie du même groupe ethnique que les perses de l'Iran de l'Est. Selon un article du Monde, « L'annexion politique a échoué, mais l'influence culturelle reste déterminante, surtout par le biais de la langue - le farsi - parlé par la population locale. Entre 1981 et 2001, les trois millions de réfugiés afghans en Iran, fuyant l'occupation soviétique, la guerre civile puis le règne des talibans, ont ravivé cette intimité ancestrale. » De plus, l'UNHCR est sur place et offre de l'assistance aux réfugiés afghans rapatriés : « UNHCR has assisted almost 886,000 Afghan refugees to return home voluntarily since 2002. The repatriation continues under the auspices of tripartite agreements signed by the Islamic Republic of Iran, Afghanistan and UNHCR. Beginning in 2008, there was a steady decline in the number of Afghan refugees opting to return to Afghanistan. But in 2011, this trend has appeared to be turning, with the number of people wishing to repatriate increasing. » En 2012, des 50 000 personnes rapatriées 10 000 viennent de l'Iran et… figure parmi les destinations les plus populaires.
Votre désir de devenir sédentaire et de vous construire une vie normale au Luxembourg n'entre pas non plus dans le cadre de la Convention de Genève.
Vos déclarations concernant la situation sécuritaire à… - en les supposant vraies -
traduisent plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une réelle crainte de persécution. À part des deux appels menaçants, dont le premier aurait été suivi par un enlèvement, vous ne faites pas état d'autres incidents de sécurité qui auraient directement mis en danger votre vie. Vous auriez vécu et travaillé tranquillement entre les deux incidents qui se seraient produits quand même séparés par un intervalle d'environ un an. Or, un sentiment général d'insécurité ne saurait constituer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Je vous informe qu'… compte parmi les villes les plus sûres et économiquement prospère de l'Afghanistan. De toute façon, votre déclaration que « [j]e me promenais dans les rues du quartier dans lequel j'ai grandi et passé mon enfance et puis je vois l'image de mon père, de ma mère, de ma soeur dans ma tête. Il y a cette sensation d'insécurité qui grandit en moi. » (p.
11/13) est sujette à caution, car vous n'avez pas grandi à…. Selon vos dires, vous auriez passé votre enfance en Iran, de 1984 à 1998, et vous seriez retourné à… à l'âge de 15 ans. Deux ans plus tard, vous auriez quitté l'Afghanistan pour la Suisse. Il en va de même pour votre déclaration qu'… soit une ville plutôt petite où tout le monde soit au courant de tout. Je vous informe qu'… est la deuxième ville la plus grande d'Afghanistan et compte actuellement 424 428 habitants.
Il convient de relever certaines contradictions dans votre récit qui jettent un doute sur la véracité des faits relatés et sur le degré de gravité de votre situation en Afghanistan.
Vous expliquez dans votre fiche de données personnelles que vous avez remplie lors de votre arrivée que vous n'auriez pas de passeport avec vous parce que vous n'en auriez jamais eu besoin et parce que vous ne sauriez pas si vous pouvez l'avoir. Pourtant, il ressort du rapport de la Police Judiciaire ainsi que du rapport des entretiens que vous auriez bien eu un passeport et même, à plusieurs reprises, un visa pour l'Iran. De plus, il paraît peu crédible qu'on ne vous aurait pas demandé une preuve d'identité dans les hôtels à Izmir et à Mytilène dans lesquels vous auriez séjourné et qu'on ne vous aurait jamais demandé une pièce d'identité pendant vos nombreux voyages en Europe. Il reste à savoir comment vous auriez payé les hôtels, en pièce ou par carte de crédit, et comment vous auriez versé de l'argent à Athènes sur le compte au nom de la personne qui vous aurait présenté au troisième passeur.
Concernant les documents que vous auriez transmis au ministère, il paraît étonnant que vous les ayez eus sur vous lors de votre fuite de l'Afghanistan. Vous dites que vous seriez allé porter plainte le lendemain après le deuxième appel anonyme. Comme le responsable aurait avoué qu'il ne pourrait pas vous protéger, vous auriez appelé « tout de suite une voiture (une sorte de taxi) qui (vous aurait] emmené jusqu'à Mashhad en Iran » (p. 9/13). Vous ne seriez plus rentré chez vous ni n'auriez-vous informé votre ami par peur qu'il vous trahirait.
Vous dites que vous auriez pris les documents concernant votre premier enlèvement avec vous pour les montrer au responsable, mais il reste à savoir quand et comment vous vous seriez muni des 7 000.- € que votre voyage aurait coûté ainsi que de la business licence, de la carte de martyr de votre père et des billets d'avion du mai 2008. Il est peu crédible que vous auriez porté ces documents et l'argent sur vous quand vous vous seriez rendu à la police. De plus, il est peu logique que vous auriez gardé les billets d'avion de mai 2008, mais que vous n'auriez gardé aucun billet d'avion ou de train, ni de quittance d'hôtels ou de taxis permettant de retracer votre voyage de l'Afghanistan en Europe en 2009 ainsi qu'à l'intérieur de l'Union européenne.
Vous dites avoir été d'accord de retourner en Afghanistan en 2008 parce que vous auriez cru que le pays aurait changé et que vous pourriez y construire une nouvelle vie. Or, vous auriez fait l'objet de la part des autorités suisses d'un ordre « refuser entrée/expulser » entre autre parce que vous ne vous seriez pas conformé à un ordre de départ. Ainsi, votre retour n'a pas été volontaire comme vous le prétendiez.
Finalement, il ne ressort pas clairement de votre récit quand vous auriez fait des allers-
retours entre l'Afghanistan et l'Iran. Au début de votre entretien du 4 octobre 2011, vous évoquez des allers-retours dès votre retour en Afghanistan, puis, le 21 mai 2012, vous dites que vous seriez parti sans visa en Iran en juillet 2008 après avoir été kidnappé et que vous auriez commencé à faire des allers-retours une fois que vous auriez reçu votre visa. Vous dites aussi avoir été arrêté sans papiers sur la rue en Iran, un mois après votre arrivée, donc en août 2008.
Vous auriez encore passé trois mois dans un centre de rétention et vous seriez retourné en Afghanistan fin octobre ou début novembre. Puis, selon l'entretien du 4 octobre 2011 vous auriez demandé un visa et vous auriez fait des allers-retours pendant cinq mois. Comme vous dites avoir dû attendre trois ou quatre mois pour obtenir un visa valide pour trois mois, vous n'auriez pu commencer vos voyages en janvier ou février 2009. Donc, vous auriez dû faire vos allers-retours jusqu'en juin ou juillet 2009, mais vous dites explicitement que vous auriez « fait ce travail jusqu'à la fin 2008 » (p. 9/13).
Les contradictions et confusions mentionnées ci-avant ainsi que le fait que vous déclarez l'Iran comme dernier pays de résidence et « …» comme dernière adresse au pays d'origine sur votre fiche de données personnelles, fait douter que vous auriez effectivement vécu en Afghanistan après votre retour de la Suisse en mai 2008 et que vous auriez vécu les faits relatés. Ainsi, vous dites clairement lors de votre premier entretien qu'« [a]vant de venir au Luxembourg je vivais à …» (p. 2/13).
Je relève encore que vous êtes dépourvu de document d'identité original et que vous vous êtes présenté sous une fausse identité au ministère des Affaires étrangères lors de votre arrivée. Par ailleurs, vous admettez avoir voyagé avec un faux passeport iranien ainsi qu'avec une carte d'identité fausse. De ce fait, votre identité véritable est sujette à caution.
Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, 'de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.
Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Vos déclarations ne permettent pas d'établir avec certitude que vous auriez été effectivement persécuté par les Talibans après sept années d'absence de l'Afghanistan. Il en va de même pour les menaces et l'enlèvement que vous prétendez avoir subis. De plus, supposant l'authenticité des documents transmis au ministère, les autorités ont bien enregistré vos plaintes et celle de vos amis et un jugement récent établit que ce genre de crime ne reste pas impuni en Afghanistan.
Même si vos allégations s'avéreraient vraies, vous auriez eu la possibilité de vous installer dans une autre ville afghane, d'autant plus qu'il ressort de vos déclarations dans l'entretien que vous disposez de ressources financières suffisantes. Ainsi, « [l]e HCR estime qu'à la mi-2012, près de 425 000 Afghans étaient déplacés à l'intérieur du pays. Le HCR applique des pratiques novatrices pour avoir accès aux personnes relevant de sa compétence ;
ainsi, il suit les mouvements de population et prodigue une assistance aux personnes vulnérables par un réseau de partenaires dans l'ensemble du pays. » D'une façon générale, il convient de rappeler que, selon un rapport de 2013 du Centre for Strategic and International Studies, « Herat Province remains secure and is thriving. » Je relève aussi que le Bundesamt für Migration und Flüchtlinge rapporte que „Das Gefährdungsniveau des Konflikts in der Provinz Herat ist nicht derart hoch, dass praktisch für jede Zivilperson allein aufgrund ihrer Anwesenheit eine ernsthafte individuelle Bedrohung i. S. d. § 60 VII 2 AufenthG besteht. Eine Risikoabschätzung anhand der realistischen aktuellen Zahlen von UNAMA bzw. ANSO ergibt nur eine Gefahrendichte im Promillebereich.
Für alleinstehende, arbeitsfähige, gesunde männliche Rückkehrer besteht auch dann keine hohe Wahrscheinlichkeit, nach einer zwangsweisen Rückkehr alsbald zu verhungern oder ähnlich existenzbedrohenden Mangellagen ausgesetzt zu sein, wenn sie kein nennenswertes Vermögen und keine abgeschlossene Berufsausbildung besitzen. Durch Gelegenheitsarbeiten in ihrer Heimatprovinz oder in Kabul können sie wenigstens ein kleines Einkommen für ein Leben am Rande des Existenzminimums erzielen und sich allmählich reintegrieren. » Ainsi, les faits que vous alléguez ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19 §1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de l'Afghanistan, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.
La décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif.
Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l'ordre de quitter le territoire.
Les deux recours doivent faire l'objet d'une seule requête introductive, sous peine d'irrecevabilité du recours séparé. Le recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente. (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 décembre 2013, Monsieur… a fait introduire un recours tendant, d’une part, à la réformation de la décision du ministre du 20 novembre 2013 portant refus de sa demande en obtention d’une protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, contenu dans le même document.
1) Quant au recours en réformation de la décision portant rejet de la demande de protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, un recours en réformation a pu être valablement dirigé contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur renvoie pour l’essentiel aux faits et rétroactes de sa demande en obtention d’une protection internationale tels que retranscrits dans les rapports d’entretien auprès de l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères.
En droit, le demandeur soutient que la décision déférée du 20 novembre 2013 devrait être réformée pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits alors que ce serait à tort que le ministre aurait conclu que les faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale ne justifieraient pas dans son chef une crainte justifiée de persécution.
En effet, le demandeur aurait quitté son pays d’origine non pas pour des motifs économiques mais parce que l’état de crainte constante de subir des persécutions et d’être tué y aurait rendu sa vie intolérable. Le demandeur donne à cet égard à considérer que son dossier administratif renseignerait qu’il aurait subi de graves persécutions en Afghanistan, d’une part, de la part des Talibans et, d’autre part, de la part du frère d’un jeune homme tué par les Talibans après que le demandeur l’aurait dénoncé à ces derniers, Monsieur… précisant à cet égard que le frère du jeune homme l’aurait en effet menacé à plusieurs reprises et qu’il l’aurait enlevé, puis libéré après le paiement d’une rançon. De ce fait, le demandeur craindrait de se faire exécuter en cas de retour forcé dans son pays d’origine.
Après avoir renvoyé encore une fois en substance et pour l’essentiel aux faits invoqués à la base de sa demande de protection internationale tels que relatés lors de ses entretiens auprès de l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères, le demandeur insiste sur le fait que la police afghane n’aurait ni la capacité, ni la volonté de lui accorder une protection suffisante contre les agissements dont il aurait été victime. En se référant plus particulièrement à un extrait d’un article du site Realpolitik.tv intitulé « Afghanistan : l’insurrection qui vient (première partie) », le demandeur dénonce plus particulièrement la corruption qui règnerait au sein de la police afghane.
Le demandeur donne ensuite à considérer qu’il ressortirait à suffisance de son récit que l’arrestation arbitraire par les Talibans, les tortures, l’assassinat du jeune homme sous ses yeux, son kidnapping, sa libération contre le paiement d’une rançon de …dollars et les menaces de mort dont il aurait été victime seraient des faits qui devraient être qualifiés de par leur nature comme étant constitutifs d’actes de persécution au sens de l’article 31, paragraphe 1, de la loi du 5 mai 2006.
Ces mêmes faits constitueraient également un comportement caractéristique d’une violence physique et mentale au sens de l’article 31, paragraphe 2, points a) et b) de la loi du 5 mai 2006.
Le demandeur fait encore valoir que le ministre aurait implicitement mais nécessairement renoncé à se prévaloir de l’article 16 (4) de la loi du 5 mai 2006 en examinant le fond de sa demande de protection internationale et sans avoir sollicité sa prise en charge sur base des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers par un des Etats dans lesquels le demandeur aurait séjourné avant de venir au Luxembourg.
En se fondant ensuite sur l’article 28 de la loi du 5 mai 2006, le demandeur donne à considérer que la République Islamique d’Afghanistan ne présenterait à ce jour aucun caractère démocratique, de sorte qu’il n’aurait pu y demander aucune protection. Par ailleurs, si les forces internationales étaient certes présentes, celles-ci n’arriveraient toutefois pas à se protéger elles-mêmes, de sorte qu’il n’aurait aucun espoir d’obtenir une aide de leur part.
Le demandeur insiste encore sur le fait que les Talibans, qui auraient continué à harceler sa famille après son premier départ d’Afghanistan et qui auraient marié sa sœur de force, n’auraient pas été ses seuls persécuteurs puisque des personnes privées auraient également essayé de lui nuire par pur esprit de vengeance et sans que les autorités en place n’aient été en mesure de le protéger efficacement.
En tout état de cause, le demandeur est d’avis qu’eu égard à la violence dont il aurait été victime de la part des Talibans qui seraient des acteurs non étatiques que l’Etat et les organisations internationales ne pourraient pas combattre, il ne serait pas en mesure de se voir accorder dans son pays d’origine une protection contre les persécutions ou les atteintes graves dont il risquerait d’être victime.
Le demandeur fait ensuite valoir que contrairement aux conclusions qu’aurait tirées le ministre, il ne pourrait pas être exclu que la personne qui serait responsable de son enlèvement et qui l’aurait racketté travaille avec les services de renseignements afghans et les Talibans, puisque les informations concernant sa détention et tout ce qui a pu s’y passer, ainsi que les différentes plaintes qu’il aurait déposées seraient des informations qui ne pourraient pas être obtenues par tout un chacun.
Le demandeur prend ensuite encore position par rapport à un certain nombre d’incohérences soulevées par le ministre en donnant tout d’abord à considérer que si le ministre lui reprochait certes de ne pas avoir présenté son passeport au ministère des Affaires étrangères, il n’en demeurerait pas moins qu’il aurait activement collaboré avec les autorités luxembourgeoises en indiquant son identité, son parcours et les conditions de son départ d’Afghanistan. Il aurait également indiqué que les passeurs auraient saisi son passeport. Le demandeur donne par ailleurs à considérer que le ministre pourrait demander toutes les informations qu’il jugerait utiles auprès des autorités afghanes.
Le demandeur précise encore que comme les passeurs auraient arrangé ses différents séjours à Izmir et à Mytilène, son identité n’aurait jamais été remise en cause dans les hôtels. A cela s’ajouterait qu’en Europe il aurait séjourné chez des amis qui n’auraient pas été au courant qu’il était en situation irrégulière.
Pour ce qui est de l’argent en liquide avec lequel il aurait payé son voyage, le demandeur explique qu’il s’agirait d’argent qu’il aurait mis de côté lorsqu’il aurait travaillé avec son ami en Afghanistan et en Iran.
En ce qui concerne encore son rapatriement depuis la Suisse, le demandeur donne à considérer qu’il s’agirait de données établies et passées, de sorte qu’elles n’auraient pas à être mises en cause dans le cadre de sa demande de protection internationale au Luxembourg.
Face aux doutes émis par le ministre quant aux dates de séjour du demandeur en Iran, ce dernier renvoie à ses déclarations auprès de l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères, tout en précisant qu’il aurait quitté l’Afghanistan illégalement au mois de juillet 2008 pour se rendre en Iran où il aurait été appréhendé après environ un mois et placé pendant trois mois dans un centre de rétention. Il aurait finalement été refoulé en Afghanistan fin octobre, début novembre 2008. Après avoir obtenu un passeport en date du 13 novembre 2008, il aurait effectué ses aller-retours vers l’Iran jusqu’en août 2009 avec un visa. Le demandeur donne à cet égard à considérer qu’au vu de la densité des informations qu’il aurait données un minimum de confusion entre les dates ne pourrait pas être exclu sans qu’une telle confusion ne puisse toutefois suffire à remettre en cause la véracité de son récit.
Finalement, en ce qui concerne le doute soulevé par le ministre concernant sa dernière adresse, le demandeur souligne avoir cru devoir indiquer l’endroit où il se serait trouvé en dernier lieu, à savoir sa dernière adresse en Iran. Par ailleurs, s’il admet avoir utilisé une fausse identité, il justifie cet acte, qu’il juge regrettable, par sa peur d’être renvoyé en Grèce s’il donnait son véritable nom.
En ce qui concerne finalement la situation générale en Afghanistan, le demandeur, en s’appuyant sur l’article du site Realpolitik.tv intitulé « Afghanistan :
l’insurrection qui vient (première partie) » du 27 avril 2013, ainsi que sur le rapport de l’organisation suisse d’aide aux réfugiés (« OSAR ») du 20 octobre 2011 intitulé « Afghanistan : capacité protectrice de l’Afghan National Police et situation sécuritaire à Kaboul », affirme qu’un retour forcé dans son pays d’origine serait exclu alors que la situation sécuritaire y serait très fragile et imprévisible, ce d’autant plus au vu de l’inefficacité et de la corruption des autorités policières afghanes.
Le délégué du gouvernement soutient quant à lui que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut au rejet du recours.
A titre liminaire, le tribunal est amené à relever que le moyen du demandeur, tiré de l’article 16 (4) de la loi du 5 mai 2006 en vertu duquel « Le ministre peut appliquer la notion de pays tiers sûr uniquement lorsqu’il a acquis la certitude que dans le pays tiers concerné, le demandeur sera traité conformément aux principes suivants:
a) le demandeur n’a à craindre ni pour sa vie ni pour sa liberté en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social particulier ou de ses opinions politiques;
b) le principe de non-refoulement est respecté conformément à la Convention de Genève;
c) l’interdiction, prévue par le droit international, de prendre des mesures d’éloignement contraires à l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, y est respectée;
d) la possibilité existe de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié et, si ce statut est accordé, de bénéficier d’une protection conformément à la Convention de Genève. » doit être écarté pour défaut de pertinence, dans la mesure où le ministre n’a pas déclaré la demande de protection internationale de Monsieur… irrecevable au sens de l’article 16 (2) de la loi du 5 mai 2006 en retenant l’existence d’un premier pays d’asile, respectivement d’un pays tiers sûr, mais procédé à une analyse au fond de sa demande de protection internationale.
Ensuite, quant au fond, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant «tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et que cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.
Une crainte de persécution au sens de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions.
Il convient de relever qu’aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 :
«Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
Le tribunal est à cet égard tout d’abord amené à rappeler qu’en tant que juge du fond en matière de demandes d’asile, il doit examiner, en plus de la situation générale du pays d’origine, la situation particulière du demandeur d’asile et vérifier, concrètement, si sa situation subjective a été telle qu’elle laissait supposer un danger pour sa personne.
Or, en ce qui concerne tout d’abord la circonstance qu’en 2001, le demandeur aurait été arrêté par les Talibans et torturé pour avoir distribué des tracts ensemble avec d’autres membres du parti VAHDAT, le tribunal est amené à retenir que cet incident, certes condamnable, est trop éloigné dans le temps pour justifier dans son chef une crainte actuelle et fondée de persécutions ce d’autant plus qu’il ne ressort pas du récit du demandeur que suite à son retour en Afghanistan après avoir passé plus de 7 ans en dehors du pays, il aurait de nouveau été impliqué dans des activités politiques opposantes pour lesquelles il aurait pu être la cible de nouvelles attaques de la part des Talibans.
Pour ce qui est ensuite de l’enlèvement dont le demandeur aurait été victime en 2008 ainsi que de la tentative d’extorsion avec menace de mort à laquelle il aurait dû faire face à la fin de l’année 2008, le tribunal est amené à relever qu’indépendamment de la crédibilité du récit du demandeur, il n’est aucunement établi que les agissements dont il déclare avoir été victime auraient trouvé leur fondement dans l’un des critères énumérés à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006. En effet, force est de relever que le demandeur a déclaré lors de son audition par l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères qu’il aurait été enlevé par le frère d’un jeune homme, un dénommé …, qu’il aurait dénoncé aux Talibans en 20011. Ce serait également cette même personne qui serait à l’origine de la deuxième tentative d’extorsion dont le demandeur aurait été victime immédiatement avant sa fuite de son pays d’origine. Si le demandeur estime certes que 1 Pages 9/13 et 10/13 du rapport d’audition.
son enlèvement et les tentatives d’extorsion dont il aurait été victime seraient indirectement liés aux Talibans dans la mesure où le frère du jeune … aurait collaboré avec les Talibans2, il n’en demeure pas moins que les agissements de cette personne semblent non pas avoir été motivés par les convictions politiques du demandeur mais par la volonté de venger la mort du jeune …, de sorte à s’inscrire dans un contexte strictement privé. Le demandeur ne fait d’ailleurs que supposer que le frère du jeune … serait lié aux Talibans au motif que d’après lui, seuls les Talibans ou des membres d’un autre groupe opposant avec des contacts au sein de la police pourraient savoir ce qui lui était arrivé par le passé et que ses affaires étaient prospères. Or, il ressort des déclarations du demandeur lui-même que… est une petite ville où tout le monde se connaît3, de sorte que le lien présumé de son agresseur avec les Talibans reste à l’état de pure allégation.
Le demandeur invoque encore la situation sécuritaire générale en Afghanistan pour soutenir que les persécutions qu’il aurait vécues s’inscriraient dans un contexte de persécutions généralisées à l’égard des personnes vivant en Afghanistan sans que les autorités en place soient en mesure de leur apporter une quelconque protection. Or, une crainte « avec raison » au regard de la Convention de Genève d’être persécuté implique à la fois un élément subjectif et un élément objectif qui doivent tous les deux être pris en considération. La situation générale du pays d’origine ne justifie partant pas à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié4. Dans la mesure où le tribunal a toutefois retenu ci-avant que l’élément subjectif fait défaut dans le chef du demandeur, la seule situation sécuritaire générale le cas échéant instable en Afghanistan, ne saurait suffire pour établir que la vie du demandeur est devenue intolérable pour lui dans son pays d’origine pour l’un des motifs énumérés à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 ou qu’elle le serait, pour les mêmes raisons, s’il y retournait. Force est à cet égard encore de relever que la Cour administrative a récemment eu l’occasion de retenir à ce sujet que « même les rapports les plus pessimistes concernant l’Afghanistan font état d’une situation sécuritaire qui change beaucoup d’une région à l’autre et de la campagne vers les villes. Le Nord et l’Ouest du pays, surtout dans les plus grandes villes, connaissent une situation sécuritaire beaucoup moins alarmante que le reste du territoire et l’on ne saurait inférer du fait de se trouver à n’importe quel endroit du pays, un danger de mort grave et individuel. L’on ne saurait partant considérer que le degré de violence en Afghanistan atteigne en général un niveau si élevé qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un civil y renvoyé courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire, un risque réel de subir des menaces graves et individuelles »5.
Il s’ensuit que le demandeur n’a pas fait état et n’a pas établi des raisons de nature à justifier dans son chef dans son pays d’origine une crainte justifiée de persécutions pour les motifs énumérés à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié présentée par le demandeur comme étant non fondée, et que le recours du demandeur est, pour autant 2 Page 10/13 du rapport d’audition.
3 Page 10/13 du rapport d’audition.
4 Cour adm. 12 juin 1997, n° 9879C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Etrangers, n° 103, et autres références y citées.
5 Cour adm. 20 novembre 2014, n° 34827C du rôle.
qu’il est dirigé contre le refus du ministre d’accorder au demandeur le statut de réfugié, à rejeter.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder au demandeur le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque en substance les mêmes moyens que ceux à la base de sa demande en obtention du statut de réfugié.
Force est à cet égard tout d’abord au tribunal de relever qu’en l’espèce, l’auteur de l’enlèvement et de la tentative d’extorsion dont le demandeur déclare avoir fait l’objet est une personne privée, sans lien avec l’Etat. Le demandeur ne saurait dès lors faire valoir un risque réel de subir des atteintes graves dans son pays d’origine que si les autorités afghanes ne veulent ou ne peuvent lui fournir une protection effective contre ces atteintes graves, en application de l’article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 ou si le demandeur est, du fait de sa crainte, en droit de ne pas vouloir se réclamer de la protection des autorités de son pays d’origine. C’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source des atteintes graves. A cet égard, il y a lieu de rappeler les termes de l’article 29 de la même loi, relatif à la notion de protection : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection ».
L’essentiel est d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. A cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une protection peut être considérée comme suffisante si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant des atteintes graves et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée. Cela inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des atteintes graves sans cependant que cette exigence n’impose pour autant un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100%, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policières et judiciaires les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux. En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et l’existence d’atteintes graves ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.
Or, en l’espèce, il ne ressort pas des déclarations du demandeur, ni des pièces du dossier, que les autorités afghanes compétentes auraient refusé ou auraient été dans l’incapacité de lui fournir une protection quelconque contre les agissements dont il déclare avoir été victime.
En effet, il ressort des pièces versées en cause qu’après avoir reçu le 1er juin 2008 la première menace par téléphone, le demandeur a déposé plainte auprès de la direction de la sécurité nationale de la ville de… qui a émis dès le 4 juin 2008 un avis que le demandeur pouvait montrer en cas de problème à un membre de la police et suivant lequel les officiers de sécurité de la ville avaient la consigne de l’assister s’il devait rencontrer le moindre problème de sécurité.
Le demandeur a par ailleurs versé deux documents dont il ressort que l’un de ses amis proches a informé la direction de la sécurité nationale de… que le demandeur aurait été enlevé le 13 juin 2008 et que dès le 15 juin 2008, ladite direction a émis un avis à l’adresse du chef de la sécurité de la police de… suivant lequel les démarches nécessaires devaient être effectuées en relation avec l’enlèvement du demandeur. Le même jour, le chef de la police de la sécurité de province de… a informé la direction de lutte contre les crimes, la police de province de… et de …, tous les responsables des autoroutes, les responsables des frontières et d’autres organes de sécurité de… de l’enlèvement du demandeur avec la consigne de suivre strictement cette affaire et d’informer la direction de la sécurité nationale de tout renseignement obtenu.
Le demandeur a dès lors bien eu accès aux autorités policières de son pays qui ont par ailleurs, suite au dépôt des plaintes relatives à son enlèvement, lancé des avis en vue de le rechercher.
La seule circonstance que les recherches des autorités n’aient rien donné n’est en tout état de cause pas de nature à remettre en cause l’efficacité du système policier afghan, ce d’autant plus qu’il ressort des plaintes déposées que le demandeur et ses amis ont indiqué qu’il avait été menacé, respectivement enlevé, par des personnes inconnues.
Or, même dans des pays dotés des structures policières et judiciaires les plus efficaces, la résolution de crimes ou de délits commis par des inconnus peut s’avérer difficile, voire impossible.
Par ailleurs, si au moment du dépôt de sa deuxième plainte, un agent de police devait effectivement avoir dit au demandeur que les autorités ne pourraient rien faire pour lui parce que les actes d’enlèvement seraient devenus monnaie courante, il n’en demeure pas moins que le comportement isolé, certes condamnable, d’un seul membre du corps de police n’est pas de nature à remettre en cause l’efficacité de l’ensemble du système policier et judiciaire afghan. A cela s’ajoute qu’au lieu de quitter immédiatement le pays, le demandeur aurait pu essayer de porter sa plainte par devant d’autres policiers ce d’autant plus que sa plainte aurait cette fois-ci eu plus de chances de succès du fait qu’il aurait pu dénoncer la personne dont il venait d’apprendre qu’elle serait responsable de son enlèvement et des tentatives d’extorsion, à savoir le frère du jeune Ali, ce qu’il n’a toutefois pas fait. En effet, le demandeur a déclaré qu’il n’aurait pas donné cette information à la police et qu’il aurait préféré quitter le pays dès le lendemain de la deuxième menace6.
En ce qui concerne encore le reproche de corruption des pouvoirs en place, respectivement le problème lié à l’infiltration des Talibans au sein des forces de sécurité afghanes, qui rendraient toute protection efficace impossible en Afghanistan, le tribunal relève que le demandeur lui-même n’a jamais été confronté personnellement à un problème de corruption lorsqu’il s’est adressé aux autorités policières de son pays. Le même constat s’impose en ce qui concerne les problèmes liés à l’infiltration des Talibans au sein des forces de sécurité. Or, en l’absence d’éléments pertinents à cet égard relatifs à la situation personnelle du demandeur, il est vain d’invoquer une situation générale de corruption pour discréditer la protection que peuvent apporter les autorités nationales aux victimes de racket et d’enlèvement. Par ailleurs, tel que relevé ci-avant, le seul fait qu’un policier ait fait part au demandeur de la prétendue incapacité de la police à combattre le problème lié aux actes d’enlèvement n’est en tout état de cause pas suffisant pour mettre en cause l’intégrité et la capacité de tous les membres des autorités policières et judiciaires afghanes.
En résumé, au regard des éléments à la disposition du tribunal, il n’est pas établi que le demandeur ne puisse pas obtenir une protection suffisante de la part des autorités de son pays d’origine.
Le tribunal est dès lors amené à constater qu’il ne s’est pas vu soumettre de la part du demandeur des éléments susceptibles d’établir, sur base des mêmes évènements ou arguments que ceux invoqués dans le cadre de la demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’il encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité. Plus particulièrement, le demandeur reste en défaut d’établir qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
6 Page 11/13 du rapport d’audition.
Il s’ensuit qu’en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que le demandeur n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il courrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de ladite loi.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est encore à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
En l’espèce, le demandeur estime que compte tenu des menaces réelles et sérieuses pesant sur sa vie, il y aurait lieu d’annuler l’ordre de quitter le territoire pour violation de la loi alors qu’il existerait dans son chef un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 et à l’article 39 paragraphes (1) et (2) de la loi du 5 mai 2006.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour (…) ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».
Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait en l’état actuel du dossier mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.
Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 20 novembre 2013 portant rejet d’un statut de protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 20 novembre 2013 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 novembre 2014 par :
Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26/11/2014 Le Greffier du Tribunal administratif 21