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19/11/2014 | LUXEMBOURG | N°33838

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 novembre 2014, 33838


Tribunal administratif N° 33838 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 janvier 2014 1re chambre Audience publique du 19 novembre 2014 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19 L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33838 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 janvier 2014 par Maître Hakima GOUNI, avocat Ã

  la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ...

Tribunal administratif N° 33838 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 janvier 2014 1re chambre Audience publique du 19 novembre 2014 Recours formé par Monsieur …, Luxembourg, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19 L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33838 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 janvier 2014 par Maître Hakima GOUNI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, demeurant, d’après le libellé de la requête introductive d’instance, à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, erronément désigné dans la requête introductive d’instance comme ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, du 30 octobre 2013 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Faisal QURAISHI, en remplacement de Maître Hakima GOUNI et Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 novembre 2014.

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Le 12 juin 2013, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après : « la loi du 5 mai 2006 ».

Le même jour, il fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en date du 23 juillet 2013 par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

1 Depuis le 16 septembre 2013, Monsieur … ne sollicita plus la prolongation de son attestation de demandeur de protection internationale.

Par décision du 30 octobre 2013, notifiée par affichage public conformément à l’article 6 (10) de la loi du 5 mai 2006 le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa le requérant que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 12 juin 2013.

En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d’obtention du statut de réfugié et de celles d’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 12 juin 2013 et le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères du 23 juillet 2013.

Monsieur, il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté votre pays d’origine en 2006. Contre paiement de 1.200 €, un passeur vous aurait amené à bord d’un bateau en France. Vous auriez vécu et travaillé illégalement en France et en Italie. Vous auriez finalement quitté la France, parce que vous n’y auriez pas de droits.

Il résulte de vos déclarations à l’agent ministériel que vous auriez quitté la Tunisie en août 2006. A bord d’un bateau, vous seriez entré en Sardaigne. Après avoir travaillé deux ans en Sardaigne, vous vous seriez rendu en France, où vous seriez resté trois ans dans la région de Marseille. En 2011, vous vous seriez déplacé en Belgique, où vous seriez resté jusqu’à votre arrivée au Luxembourg en mai 2013.

Dans les années 90, vous auriez été emprisonné pour un mois et vingt jours dans la prison du 9 avril à …, parce que vous auriez refusé « d’afficher des posters du président dans les quartiers » (p.4 du Rapport d’entretien du 23 juillet 2013). En Italie, vous auriez été condamné à une peine de prison de six mois, dont trois mois avec sursis, à cause d’une bagarre et parce que vous n’auriez pas été en possession de papiers. Vous auriez été frappé en prison. En Belgique, vous auriez été accusé pour vol de GSM, mais vous auriez été innocent.

Au Luxembourg, en date du 20 août 2013, votre droit à l’aide sociale vous a été retiré par décision ministérielle à cause d’un comportement violent et menaçant.

Monsieur, vous auriez quitté la Tunisie en 2006 « à cause des injustices et les problèmes liés à Ben Ali » (p.5 du Rapport d’entretien du 23 août 2013). Sous Ben Ali, on aurait dû travailler beaucoup pour un revenu faible. En plus, en tant que commerçant, vous auriez dû payer « une sorte 2de pot de vin » (p.5 du Rapport d’entretien du 23 juillet 2013) à la police, pour qu’elle vous laisse tranquille.

Aujourd’hui, vous ne voudriez plus retourner en Tunisie à cause « des salafistes » (p.6 du Rapport d’entretien du 23 juillet 2013). Votre frère, qui vivrait encore en Tunisie, aurait des problèmes avec « les religieux », qui obligeraient les gens « à faire la prière, de faire pousser la barbe et ainsi de suite » (p.5 du Rapport d’entretien du 23 juillet 2013). En plus, il vous aurait raconté qu’il aurait été frappé par eux. Vous ne voudriez plus retourner parce que « cette façon de vivre là-bas ne (vous) convient pas » (p.6 du Rapport d’entretien du 23 juillet 2013).

Selon les données manuscrites de votre fiche des motifs de votre demande de protection internationale, vous déclarez que vous auriez quitté la Tunisie à cause de l’injustice et de la pauvreté.

Vous ne faites pas état d’autres problèmes dans votre pays d’origine. Vous ne présentez aucun document d’identité.

Monsieur, il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’ils ne peuvent à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d’être persécuté dans votre pays d’origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, en l’espèce, votre demande de protection internationale est basée sur des motifs ne répondant à aucun des critères de fond définis par lesdites Convention et loi.

En effet, en ce qui concerne votre emprisonnement dans les années ’90, il est trop éloigné dans le temps pour être pris en compte dans l’examen de votre demande de protection internationale maintenant. Il en va de même des problèmes que vous auriez eus avec le régime de ben Ali, qui sont situés aussi trop loin dans le temps pour fonder une demande en obtention d’une protection internationale. En outre, force est de constater que les faits relatés, notamment une grande charge de travail pour un revenu faible, ne rentrent pas dans le champ d’application de la Convention de Genève et de la prédite loi du 5 mai 2006 et ne sauraient fonder une demande en obtention d’une protection internationale. Le fait de ne pas avoir une bonne situation économique dans votre pays d’origine ne rentre pas dans le cadre d’un motif de persécution prévu par la Convention de Genève.

Vous déclarez ensuite que votre frère, qui est toujours en Tunisie, aurait des problèmes avec les Salafistes. Il faut d’abord souligner que des faits non personnels mas vécus par d’autres membres de la famille ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un 3risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, vous restez en défaut d’étayer un lien entre le vécu de votre frère et les éléments liés à votre personne vous exposant à des actes similaires. Je relève ici qu’il est important de ne pas confondre l’Ennahdha, parti politique actuellement au pouvoir, avec les salafistes ou de supposer qu’ils entretiennent une relation de complémentarité, comme le souligne le rapport « Tunisie : violences et défi salafiste » du février 2013. Des délits éventuels de la part des salafistes restent des délits de droit commun commis par des personnes privées et punissables en vertu de la loi tunisienne.

Puisque vous admettez vous-même que vous n’auriez jamais eu de problèmes personnels avec les salafistes (p.5 du Rapport d’entretien du 23 juillet 2013), on peut conclure qu’un simple désaccord avec leur comportement ne saurait pour autant constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié. Vos dires reflètent tout au plus un sentiment d’insécurité mais ils ne peuvent pas être assimilés à une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

De plus, si vous aviez été persécuté en Tunisie, vous auriez pu déposer une demande de protection internationale dans le premier pays traversé. Or, vous auriez vécu en France, en Italie et en Belgique et vous n’avez pas déposé de demande de protection internationale dans ces pays.

Relevons aussi que vous auriez vécu depuis un mois au Luxembourg sans pour autant déposer une demande de protection internationale. Vous ne présentez aucune raisons valable pourquoi vous auriez été dans l’impossibilité d’introduire une demande de protection internationale à une date antérieure.

Vous ne soulevez donc que des motifs sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer si vous remplissez les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Par conséquent vous n’alléguez aucun fait susceptible d’établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d’opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d’appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l’octroi du statut de réfugié ne sont donc pas remplies.

Etant donné que les faits que vous invoquez à la base de votre demande de protection internationale ne démontrent aucune crainte de persécution, ceci s’impose également en ce qui concerne la demande tendant à obtenir la protection subsidiaire.

Ainsi, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des fromes complémentaires de protection. En effet, les motifs que vous invoquez ne nous permettent pas d’établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Votre récit démonte surtout un sentiment d’insécurté qui n’est basé sur rien de concret puisque vous avez quitté votre pays depuis plus de sept ans, mais celui-ci ne saurait fonder une protection subsidiaire.

En outre, comme vous n’avez présenté aucun document, votre identité n’est pas établie.

4 Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Tunisie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.

La décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif.

Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l’ordre de quitter le territoire.

Les deux recours doivent faire l'objet d'une seule requête introductive, sous peine d'irrecevabilité du recours séparé. Le recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d’un mois à partir de la notification de la présente.

Je vous informe par ailleurs que le recours gracieux n’interrompt pas les délais de la procédure (…) ».

Le 2 janvier 2014, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée par laquelle il s’est vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, incluse dans le même document, portant à son égard ordre de quitter le territoire.

1.

Quant au recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi modifiée du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, seul le recours en réformation introduit à titre principal a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée, lequel recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu d’analyser le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

A l’appui de son recours, Monsieur … expose les faits et rétroactes de sa demande en obtention d’une protection internationale, en précisant notamment qu’il mènerait actuellement une « vie occidentale », c’est-à-dire une vie qualifiée de vie « dans le péché » par les intégristes musulmans, mais à laquelle il ne voudrait pas renoncer. Par ailleurs, il aurait peur de subir le même traitement que son frère, resté en Tunisie, lequel aurait été torturé par les Salafistes.

En droit, le demandeur reproche au ministre d’avoir basé la décision litigieuse sur un examen superficiel et insuffisant des faits. A cet égard, il fait plaider que les menaces et agressions 5subies par son frère démontreraient le risque encouru par lui en cas de retour en Tunisie, emprunt actuellement à « des guerres intestines et religieuses », étant donné que les intégristes seraient soutenus par le régime en place même si celui laisserait croire qu’il serait plus libéral et soucieux des libertés individuelles. Il ajoute que ses agresseurs devraient être considérés comme des agents de persécution au sens de l’article 28 c) de la loi du 5 mai 2006. Il souligne encore que ses déclarations corroboreraient la situation extrêmement pénible vécue par les Tunisiens. Il estime dès lors avoir justifié dans son chef l’existence d’un risque de persécution au sens des articles 31 e 32 de la loi du 5 mai 2006 en raison de son train de vie occidental.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut partant au rejet du recours.

En vertu de l'article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l'article 2 d) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d'un pays tiers qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. (…) » Par ailleurs, l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. » et aux termes de l’article 29 6de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Il suit des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Par ailleurs, force est de relever que la définition de réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel aurait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption simple que des persécutions antérieures d’ores et déjà subies se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine. L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitif sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

7Lors de son entretien, le requérant a déclaré avoir quitté la Tunisie en 2006 au moment où le président BEN ALI était au pouvoir. Il a par ailleurs expliqué avoir été incarcéré pendant 2 mois dans son pays d’origine au début des années 1990 pour avoir refusé de coller des affiches du président dans son quartier, incarcération lors de laquelle il aurait également été battu. Sur la question de savoir pourquoi il a quitté son pays d’origine, le demandeur a répondu avoir quitté la Tunisie « à cause des injustices et problèmes liés à Ben Ali », en ayant précisé à cet égard que « on n’avait pas le droit de travailler et d’être payé. Si vous ouvriez votre propre commerce, vous deviez toujours payer la police pour qu’elle vous laisse tranquille. Par exemple, un moment je vendais des fruits et légumes sur une charrette dans la rue et tous les jours la police venait me demander de l’argent, une sorte de pot de vin pour qu’ils me laissent tranquille ». Par ailleurs, le demandeur a fait état de problèmes que son frère, resté en Tunisie, aurait rencontrés avec des Salafistes qui lui auraient ordonné de « faire la prière et ainsi de suite » et qui l’auraient frappé.

Dans sa fiche de données personnelles, le demandeur a encore souligné avoir quitté la Tunisie à cause « des injustices » et de la pauvreté.

En ce qui concerne l’incarcération dont le demandeur a fait état, si celle-ci semble certes avoir comme toile de fond ses convictions politiques, dans la mesure où ce dernier a marqué son opposition à l’ancien président BEN ALI en refusant de coller des affiches de celui-ci, il n’en reste pas moins qu’elle est non seulement trop éloignée dans le temps pour être prise en considération dans l’examen de la présente demande de protection internationale, mais que par ailleurs, l’ancien président BEN ALI a été entretemps destitué et a été remplacé par un nouveau dirigent, le président Moncef Marzouki MARZOUKI, de sorte qu’une opposition éventuelle du demandeur à l’ancien régime en place ne saurait actuellement justifier l’obtention dans son chef de la protection internationale.

En ce qui concerne l’affirmation du demandeur qu’il aurait dû verser des pots-de-vin à certains policiers, force est au tribunal de constater qu’il ne résulte pas des déclarations du demandeur que ces discriminations seraient dues à sa race, à sa religion, à sa nationalité, à ses opinions politiques ou à son appartenance à un certain groupe social, de sorte à ne pas tomber dans le champ d’application de la Convention de Genève.

La même conclusion s’impose en ce qui concerne les problèmes économiques mis en avant par Monsieur …. En effet, de tels problèmes économiques ne sauraient être qualifiés de persécutions au sens de la Convention de Genève, alors qu’il n’a fait état d’aucune discrimination basée sur sa race, sa religion, sa nationalité, ses opinions politiques ou son appartenance à un certain groupe social dont il aurait été victime en Tunisie et qui serait à l’origine de ces problèmes économiques.

Finalement et en ce qui concerne les problèmes que son frère aurait rencontrés avec les Salafistes, il y a lieu de rappeler que, pour vérifier si un demandeur de protection internationale craint avec raison d’être persécuté, il n’est pas absolument nécessaire que les motifs à la base de sa demande se fondent sur son expérience personnelle. Ainsi, le sort subi par des parents ou des amis ou par d’autres membres du même groupe social peut attester la crainte du demandeur d’être lui-

même tôt ou tard victime de persécutions est fondée1. Néanmoins, des faits non personnels, mais 1 Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, réédition Janvier 1992, p.13 8vécus par d'autres membres de la famille, ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières2.

A défaut par un demandeur de protection internationale d'avoir concrètement étayé un lien entre le traitement subi par des membres de sa famille et des éléments liés à sa propre personne l'exposant à des actes similaires, ces faits ne sont pas de nature à constituer des indications sérieuses d'une crainte fondée de persécution ou d’atteintes graves3. Or, en l’espèce, il y a lieu de retenir, à l’instar du délégué du gouvernement, que le demandeur reste en défaut d’établir un lien existant entre l’agression et les harcèlements subis par son frère et les éléments liés à sa personne l’exposant à des actes similaires, ce d’autant plus qu’il a quitté la Tunisie en 2006, c’est-à-dire bien avant la survenance des incidents dont son frère aurait été victime.

Par ailleurs, et à titre superfétatoire, il y a lieu de souligner que les auteurs des agressions morales et physiques dont le demandeur fait état, à savoir des Salafistes non autrement définis, sont des personnes privées sans lien avec l’Etat, étant souligné à cet égard, de concert avec la partie étatique, que le parti « Ennahda », lequel était initialement au pouvoir après la destitution de BEN ALI ne se confond pas avec le mouvement salafiste et que par ailleurs, c’est le parti anti-islamiste Nidaa Tounès, qui est sorti vainqueur des élections législatives du 26 octobre 2014.

Comme les agissements en cause émanent ainsi de personnes privées, sans lien avec l’Etat, la crainte du demandeur d’être persécuté ne saurait de toute façon être considérée comme fondée que si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas lui fournir une protection efficace ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection : c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution.4 A cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 reconnaît la possibilité pour des personnes persécutées par des acteurs non étatiques d’obtenir une protection internationale si l’Etat ne veut ou ne peut lui accorder une protection, tandis que l’article 29 (2) définit la protection comme suit : « Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Dès lors, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale5. En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut6.

2 Trib. adm. 10 janvier 2011, n° 27191, Pas. adm. 2012, V°Etrangers, n°143 3 Trib. adm. 19 février 2009, n°24649 du rôle, Pas. Adm. 2012, V° Etrangers, n°142.

4 Trib. adm . 5 octobre 2009, n°25765, Pas. adm. 2012, V°Etrangers, n°114.

5 Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, UNHCR, décembre 2011, p.21, n° 100.

6 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

9 Si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions - cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

En l’espèce, et au vu des développements qui précèdent, le tribunal constate que Monsieur … reste en défaut de prouver, voire même d’alléguer que les autorités tunisiennes ne seraient pas en mesure de lui offrir une protection suffisante, étant encore précisé à ce égard que l’appréciation de la juridiction administrative saisie d’un recours en réformation dirigé contre une décision de refus de l’octroi du statut de réfugié doit porter sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourt en cas de retour dans son pays d’origine et que s’agissant d’un recours en réformation, le juge administratif est amené à considérer les éléments de fait et de droit au moment où il statue7, c’est-à-dire en considération de la situation régnant en Tunisie après les élections législatives du 26 octobre 2014 et la victoire du parti Nidaa Tounès. En effet, vu la victoire du parti anti-islamiste Nidaa Tounès, les persécutions respectivement les atteintes graves mises en avant par le demandeur et ayant trait aux agissements de certains Salafistes, ne devraient plus être tolérés par les nouvelles autorités en place.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié présentée par le demandeur comme étant non fondée.

En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, f) de la loi du 5 mai 2006 précitée, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à 7 Trib. adm. 15 juillet 2004 n° 18355 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Recours en réformation, n° 17 10cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié, pour en conclure qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait de faire l’objet d’atteintes graves telles que mentionnées par l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, notamment de traitements inhumains ou dégradants.

Comme le tribunal a, dans le cadre de l’examen de la demande de Monsieur … en obtention du statut de réfugié, retenu que les faits invoqués par ce dernier sont, d’une part, trop éloignés dans le temps pour être pris en compte dans le cadre de la présente demande de protection internationale, et, d’autre part, et en ce qui concerne plus particulièrement sa crainte vis-à-vis des Salafistes suite aux incidents dont son frère aurait été victime, que celle-ci est non seulement purement hypothétique, mais qu’il n’est par ailleurs pas établi que les autorités tunisiennes ne veulent pas ou ne peuvent pas lui fournir une protection adéquate, il ne saurait établir, sur base des mêmes faits et motifs, l’existence d’un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

Par ailleurs et en ce qui concerne la situation économique précaire mise en avant par le demandeur dans sa fiche de données personnelles, il y a lieu de rappeler que qu’une telle situation économique précaire à elle seule, sinon avec la situation sociale du pays de destination, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire qu’elle aurait été infligée ou qu’elle résulterait d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constitue pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de la loi du 5 mai 20068.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, en son double volet de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

2.

Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi modifiée du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 30 octobre 2013 a pu valablement être dirigé contre la décision ministérielle entreprise.

8 Trib. adm. 9 juillet 2007, n° 22948, Pas. adm. 2012, V° Etrangers, n° 183 ; trib. adm. 10 décembre 2007, n° 23440 confirmé par arrêt du 10 avril 2008, n° 23943C; trib. adm. 14 janvier 2008, n° 23556, Pas. adm. 2012, V° Etrangers, n° 182.

11Le recours en annulation ayant été introduit pour sa part dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour (…) ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2005 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».

En l’espèce, le demandeur sollicite l’annulation de l’ordre de quitter le territoire au motif que cette annulation devrait être la conséquence de la décision de réformation sollicitée.

Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que le tribunal ne saurait en l’état actuel du dossier mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 30 octobre 2013 portant rejet d’un statut de protection internationale à Monsieur … ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’analyser le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 30 octobre 2013 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 novembre 2014 par :

Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

12 s. Michèle Hoffmann s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19/11/2014 Le Greffier du Tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 33838
Date de la décision : 19/11/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-11-19;33838 ?

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