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19/11/2014 | LUXEMBOURG | N°33553

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 novembre 2014, 33553


Tribunal administratif N° 33553 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 octobre 2013 3e chambre Audience publique du 19 novembre 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33553 du rôle et déposée le 30 octobre 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Karima Hammouche, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, te

ndant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre du Développ...

Tribunal administratif N° 33553 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 octobre 2013 3e chambre Audience publique du 19 novembre 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33553 du rôle et déposée le 30 octobre 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Karima Hammouche, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures du 31 juillet 2013 portant retrait de son permis de conduire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 janvier 2014 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 février 2014 par Maître Karima Hammouche au nom et pour compte de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mars 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Karima Hammouche et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 octobre 2014.

Par un courrier du 4 avril 2013, le ministre du Développement durable et des Infrastructures, ci-après désigné par le « ministre », chargea le directeur général de la police grand-ducale d’effectuer une enquête administrative en vue d’un retrait administratif éventuel du permis de conduire dont est titulaire Monsieur ….

La police grand-ducale dressa son rapport en date du 10 mai 2013.

Par des courriers des 27 mai 2013 et 25 juin 2013, Monsieur … fut invité à se présenter devant la commission spéciale des permis de conduire pour y être entendu en ses explications et moyens de défense sur le retrait administratif éventuel de son permis de conduire.

Monsieur … ne se présenta pas devant ladite commission.

Par un avis du 11 juillet 2013, la commission spéciale des permis de conduire proposa à l’unanimité de faire retirer le permis de conduire de Monsieur … par la voie administrative, au motif que les faits reprochés à l’intéressé permettraient d’admettre qu’il est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule.

Par un arrêté du 31 juillet 2013, le ministre se rallia audit avis et retira le permis de conduire à Monsieur …. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 2 et 13 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Vu l'article 90 de l'arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Considérant que Monsieur …, né le … à … et demeurant à L-…, a à plusieurs reprises enfreint les règles de la circulation routière ;

Considérant que l'intéressé a été convoqué le 18 juin 2013 et le 11 juillet 2013 pour être entendu dans ses explications et moyens de défense par la Commission spéciale prévue à l'article 90 de l'arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 précité, convocations auxquelles il n'a pas donné suite ;

Considérant que l'intéressé est ainsi censé avoir renoncé à faire valoir ses explications et moyens de défense et qu'il y a lieu de statuer par défaut ;

Vu l'avis du 11 juillet 2013 de la Commission spéciale précitée ;

Considérant que Monsieur … est dépourvu du sens des responsabilités requis dans l'intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d'un véhicule ; […]» Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 octobre 2013, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 31 juillet 2013 portant retrait de son permis de conduire.

Etant donné que ni la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désignée par « la loi du 14 février 1955 », ni l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désigné par « l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 », ni d’autres dispositions légales ne prévoient de recours en réformation en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

Il est en revanche compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation, recours qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il appartiendrait de prime abord au ministre de prouver la réalité de la notification des convocations devant la commission spéciale des permis de conduire et qu’à défaut de fournir une telle preuve, la procédure serait viciée, entraînant la nullité de la décision entreprise.

Il souligne qu’il ne serait pas en mesure de confirmer avoir reçu les deux convocations puisque durant la période en question il se serait trouvé dans une situation personnelle et financière très précaire qui l’aurait conduite à une grave dépression et qui l’aurait empêché de gérer sa vie quotidienne en bon père de famille.

Le délégué du gouvernement fait valoir que le demandeur aurait été convoqué à deux reprises devant la commission, à savoir le 27 mai 2013 et le 25 juin 2013, sans réserver de suite à ces convocations. Il souligne que le demandeur aurait omis de retirer les deux courriers précités au bureau de la poste. Ainsi, la deuxième convocation lui aurait été renvoyée le 29 juillet 2013 avec la mention « non réclamé ».

Face à cette argumentation, le demandeur fait valoir qu’il n’aurait pas été en mesure de récupérer les recommandés lui adressés tel que cela se dégagerait d’un certificat médical du docteur … du 31 janvier 2014. Il s’ensuivrait qu’il n’aurait pas pris connaissance de la convocation. Il donne à considérer que s’il avait été entendu en ses explications, il aurait pu fournir des explications susceptibles d’influencer l’administration dans la prise de la mesure litigieuse.

L’article 90 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, qui requiert l’avis motivé de la commission spéciale plus particulièrement en cas de retrait d’un permis de conduire sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3 de la loi du 14 février 1955, dispose que ladite commission a pour mission notamment d’entendre l’intéressé dans ses explications et moyens de défense et qu’« à ces fins, le ministre des Transports adresse quinze jours au moins avant la séance de la commission une convocation par lettre recommandée à l’intéressé, l’invitant à s’y présenter soit seul, soit assisté par un avocat ». L’article 90, précité dispose encore en son point 1, alinéa 4 que « si l’intéressé ne comparaît pas devant la commission spéciale malgré deux convocations par lettre recommandée la procédure déterminée ci-dessus est faite par défaut. », de sorte qu’à défaut par l’intéressé de se présenter, le ministre peut poursuivre la procédure par défaut à condition que l’intéressé ait été convoqué à deux reprises.

En l’espèce, il se dégage des pièces du dossier administratif qu’à deux reprises, à savoir le 27 mai 2013 et le 25 juin 2013, le demandeur a été convoqué à se présenter devant la commission spéciale pour le 18 juin 2013, respectivement le 11 juillet 2013.

Il se dégage encore du dossier administratif que le demandeur a été avisé le 28 mai 2013 du courrier du 27 mai 2013 et que le courrier en question a été retourné au ministère avec la mention « non réclamé ». La convocation du 25 juin 2013 a été expédiée au demandeur le 26 juin 2013 et que ledit courrier a été renvoyé à l’expéditeur le 29 juillet 2013 avec la mention « non réclamé », tel que cela se dégage d’un courrier d’explication du service des recherches postaux de l’Entreprise des Postes.

Il s’ensuit que le demandeur a été valablement convoqué à deux reprises conformément aux exigences de l’article 90 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, précité.

S’il est exact que les deux convocations lui adressées, dont la réalité ne peut, au regard des pièces à la diposition du tribunal, sérieusement être mise en doute, n’ont pas été réceptionnées par le demandeur, et si de la sorte il n’a pas été entendu devant la commission, ce défaut n’est pas de nature à empêcher le ministre de poursuivre la procédure par défaut, étant donné que le défaut d’avoir été entendu est entièrement imputbale au demandeur, puisqu’il s’explique par sa propre omission d’aller réclamer les deux lettres recommandées dont il a pourtant été valablement avisé par les services de la poste, étant précisé que les deux lettres ont été adressées à la même adresse que celle qu’il a indiquée également comme étant la sienne dans la requête introductive d’instance, de sorte qu’il y a lieu d’admettre que l’adresse à laquelle le demandeur a été convoqué est exacte.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur un défaut de notification des convocations est à rejeter comme étant non fondé.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur qu’il n’aurait pas pu récupérer les recommandés lui adressés en raison d’une situation personnelle difficile. En effet, il appartient au destinataire d’une lettre recommandée, qui lui a été dûment notifiée, de la récupérer, sauf hypothèse d’une impossibilité matérielle, non établie en l’espèce, la référence à une situation personnelle difficle étant insuffisante à cet égard. A défaut de l’avoir fait, le demandeur ne saurait reprocher au ministre de ne pas l’avoir entendu et d’avoir été dans l’impossibilité de fournir à celui-ci des explications qui auraient, le cas échéant, pu influencer le ministre dans sa décision. Admettre le contraire conduirait en effet à permettre à l’intéressé d’empêcher le ministre de poursuivre une procédure de retrait du permis de conduire en ne réclamant pas les lettres de convocations lui adressées.

Le demandeur critique ensuite la décision entreprise en ce que le ministre se serait contenté de mentionner qu’il aurait à plusieurs reprises enfreint les règles de la circulation routière et conclut partant à une absence de motivation puisqu’il ne serait pas à même de savoir de quelle infraction il s’agirait.

Le délégué du gouvernement soutient que les motifs de la décision litigieuse résideraient dans l’article 2, paragraphe 3 de la loi du 14 février 1955 et refute le reproche tenant à un défaut de motivation en relevant, après avoir énuméré les différentes infractions à la circulation routière commises par le demandeur et prises en compte par le ministre, que le demandeur se serait limité à récapituler les faits du 17 juin 2012 sans mentionner les autres infractions ayant entraîné sur une période de douze mois quatre condamnations.

En vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », non expressément invoqué par le demandeur, mais sur lequel le moyen afférent est nécessairement fondé, « Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.

La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle :

[…] - révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit ;[…] ».

Cette disposition consacre dès lors le principe que d’une manière générale toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux, et que certaines catégories de décisions, dont notamment celles révoquant une décision antérieure, doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base.

Cependant, un défaut ou une insuffisance de motivation ne saurait ipso facto emporter l’annulation de la décision, dans la mesure où l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (Cour adm.

20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 76).

En l’espèce, dans la mesure où la décision déférée porte retrait du permis de conduire du demandeur, elle est soumise à l’obligation de motivation inscrite à l’article 6 précité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, de sorte qu’il incombait au ministre d’indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui sert de fondement à sa décision et des circonstances de faits sur lesquels elle se base.

Force est de constater que l’arrêté du ministre du 31 juillet 2013 mentionne l’article 90 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, ainsi que les articles 2 et 13 de la loi du 14 février 1955, et que, par ailleurs, le ministre a indiqué à titre de motivation que le demandeur a, à plusieures reprises, enfreint les règles de la circulation routière et est ainsi dépourvu du sens des responsabilités requis dans l’intérêt de la sécurité routière pour la conduite d’un véhicule. Par ailleurs, le délégué du gouvernement a utilement complété cette motivation par l’énumération détaillée des différentes violations des règles de la circulation routière dont le demandeur a été reconnu poupable.

Le tribunal est dès lors amené à conclure que la motivation indiquée dans la décision déférée, ensemble avec les explications fournies par le délégué du gouvernement au cours de la présente instance, est suffisante au regard des prescriptions de motivation au sens de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, étant précisé que la question de savoir si la motivation est justifiée est une question étrangère à l’indication des motifs conformément à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, mais a trait à l’existence des motifs au sens du même article, examen qui sera effectué ci-après.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur un défaut de motivation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ailleurs, le demandeur soutient que l’affirmation du ministre qu’il aurait à différentes reprises enfreint la circulation routière serait erronnée.

A cet égard, il donne des explications sur les circonstances ayant donné lieu à la condamnation par le tribunal d’arrondissement siégeant en matière correctionnelle le 6 novembre 2012. Ainsi, il précise que voulant acquérir un véhicule, une connaissance lui aurait fait la proposition de racheter son véhicule qu’il aurait essayé, mais que malheureusement lors de cet essai il aurait eu un accident de la circulation et le contrôle de la police sur place lui aurait fait apprendre que le véhicule n’aurait pas été couvert d’une assurance valable. Cette version des faits serait corroborée par ses déclarations dans le cadre de la procédure pénale ayant donné lieu au jugement correctionnel du 6 novembre 2012.

S’agissant de l’infraction de défaut de contrat d’assurance valable retenue dans le jugement correctionnel du 6 novembre 2012, le demandeur donne encore à considérer qu’il s’agirait d’une infraction matérielle pour laquelle l’intention criminelle ne serait pas requise. Le ministre ne pourrait dès lors se baser sur le simple fait qu’il ne s’est pas présenté aux convocations lui adressées pour en déduire qu’il est dépourvu du sens des responsabilités requis.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Il fait valoir que le demandeur aurait fait l’objet de cinq condamnations, à savoir le 23 septembre 2005, le 23 mars 2012, le 29 mars 2012, le 6 novembre 2012 et le 18 mars 2013, tout en précisant que le casier judiciaire du demandeur, au 8 avril 2013, aurait énuméré les condamnations des 23 mars, 29 mars et 6 novembre 2012.

Il donne à considérer que le demandeur se trouverait suite aux dernières condamnations sous le coup d’une interdiction de conduire judiciaire ferme produisant ses effets du 26 mars 2013 jusqu’au 2 mars 2018 et que, par ailleurs, le demandeur se serait vu retirer huit points du capital dont est doté son permis de conduire suite aux faits des 2 octobre 2011 et 8 janvier 2012, de sorte que le capital restant de son permis de conduire serait de quatre points.

Dans son mémoire en réplique, et par rapport aux infractions lui reprochées, le demandeur soutient que son casier judiciaire ne ferait état que de trois condamnations et non pas de quatre condamnations tel qu’affirmé par le délégué du gouvernement.

S’agissant des condamnations de 2005, le demandeur fait valoir qu’il ne saurait plus être fait état d’une telle condamnation remontant à huit ans et que de plus, il n’y aurait aucune preuve des infractions alléguées dans le dossier administratif. Le demandeur conteste par ailleurs avoir subi une condamnation judiciaire le 18 mars 2013 pour des faits commis le 17 juin 2012, au motif que ces faits auraient déjà fait l’objet d’une peine par un jugement du 6 novembre 2012 en renvoyant à cet égard à son casier judiciaire.

Il donne ensuite à considérer que le retrait du permis de conduire aurait été justifié par la commission spéciale sur base des trois condamnations judiciaires intervenues et que le tribunal ne pourrait prendre actuellement en considération des éléments pour lesquels le respect du contradictoire n’aurait pas été garanti.

Le demandeur estime encore qu’il conviendrait de prendre en considération la date de la commission des faits et non pas celle des condamnations s’étant suivies, en relevant que la première condamnation judiciaire aurait trait à des infractions commises le 2 octobre 2011, soit plus de deux années avant la décision litigieuse, et que les autres infractions auraient été commises le 8 janvier, respectivement le 17 juin 2012, soit une année avant la prise de la décision du ministre.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement clarifie que les infractions commises le 17 juin 2012 auraient été regroupées dans deux affaires différentes et auraient fait l’objet de deux condamnations, en l’occurrence en date du 6 novembre 2012 et 18 mars 2013, tout en précisant que le deuxième jugement aurait été notifié le 13 juillet 2013.

L’article 2 de la loi du 14 février 1955, aux termes duquel, « Le ministre des Transports ou son délégué délivre les permis de conduire civil; il peut refuser leur octroi, restreindre leur emploi ou leur validité, les suspendre et les retirer, refuser leur restitution, leur renouvellement ou leur transcription et même refuser l’admission aux épreuves si l’intéressé:

[…] 3) est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule; […] », permet ainsi au ministre de procéder au retrait administratif du permis de conduire dans l’hypothèse où l’intéressé est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule.

A partir des pièces du dossier administratif, corroborées par les explications fournies par la partie étatique au cours de l’instance, le tribunal constate qu’au jour où le ministre a procédé au retrait administratif du permis de conduire du demandeur, à savoir le 31 juillet 2013, le demandeur a fait l’objet des condamnations suivantes :

-

Le 23 septembre 2005 pour excès de vitesse à l’intérieur d’une agglomération en date du 10 septembre 2004 ayant entraîné une interdiction de conduire de quatre mois, dont deux mois avec sursis ;

-

Le 23 mars 2012 pour défaut de payer la taxe sur les véhicules routiers, défaut d’un certificat de contrôle technique valable et pour conduite sous l’influence d’alcool le 2 octobre 2011 ayant entraîné une interdiction de conduire de trois mois ;

-

Le 29 mars 2012 pour défaut de se comporter raisonnablement et prudemment de façon à ne pas constituer un dommage aux propriétés privées, pour délit de fuite ainsi que pour défaut d’assurance en date du 8 janvier 2012 ayant entraîné une interdiction de conduire de trente-six mois ;

-

Le 6 novembre 2012 pour défaut d’assurance le 17 juin 2012 ayant entraîné une interdiction de conduire de vingt-quatre mois ;

-

Le 18 mars 2013 pour conduite sous influence d’alcool, défaut d’un certificat de contrôle technique valable, usage de pneumatiques ne présentant pas les rayures principales d’une profondeur d’au moins 1,6 mm, défaut d’exhiber le certificat d’immatriculation et pour défaut d’exhiber une vignette fiscale valable en date du 17 juin 2012 ayant entrainé une interdiction de conduire de six mois.

Ces condamnations visent des faits commis les 10 septembre 2004, 2 octobre 2011, 8 janvier 2012 et 17 juin 2012, étant précisé qu’une partie des faits ayant été commis le 17 juin 2012 ont fait l’objet d’une condamnation intervenue le 18 mars 2013, à laquelle le ministre ne s’est certes par expressément référé, mais dont le procès était nécessairement à sa connaissance puisque dans son rapport du 10 mai 2013, la police grand-ducale s’est référée aux faits commis le 17 juin 2012.

Pareillement, il se dégage des pièces du dossier administratif que le demandeur a fait l’objet déjà en 1999 d’un avertissement du ministre des Transports de l’époque suite à deux avertissements taxés le 17 mai et le 16 octobre 1998.

Le tribunal est dès lors amené à retenir que la réalité des violations des règles de la circulation routière et des condamnations judiciaires sur lesquelles le ministre s’est basé ne peut raisonnablement être contestée par le demandeur, étant précisé que contrairement à ce qui est soutenu par celui-ci, les faits lui reprochés ne se résument pas à une conduite d’un véhicule sans assurance valable, mais elles visent divers faits commis essentiellement au cours des années 2011 et 2012.

S’il est vrai que, tel que cela est soutenu par le demandeur, son comportement est à évaluer par rapport à la date à laquelle les faits ont été commis et non pas par rapport à la date des condamnations éventuelles qui s’en sont suivies, c’est cependant à tort que le demandeur conteste que des faits remontant à 2011, voire à 2004 puissent être pris en compte, étant donné que le ministre, amené à apprécier le comportement global du demandeur au fil du temps, doit dans cette démarche nécessairement prendre en compte tous les éléments susceptibles de donner une indication sur l’appréciation du sens de responsabilité du demandeur pour la conduite d’un véhicule, de sorte que des infractions plus anciennes peuvent utilement être prises en compte afin que le comportement global du demandeur puisse être évalué.

Il s’en suit que les contestations du demandeur sur la matérialité des faits sont à rejeter comme étant non fondées.

Le demandeur soutient encore que la mesure serait disproportionnée par rapport aux faits, puisque la loi ne prévoirait que le retrait de quatre points en cas de mise en circulation d’un véhicule automoteur sans être couvert par une assurance responsabilité, qu’il aurait conduit le véhicule sans assurance dans l’ignorance totale de cette absence d’assurance et que de ce fait, il ne serait pas irresponsable pour la conduite d’un véhicule puisque ce reproche relèverait plus d’un manque de prudence dans une vérification de la présence d’une assurance sur un véhicule ne lui appartenant pas, qu’il aurait besoin de son permis de conduire pour des raisons professionnelles, que le retrait effectué ne serait pas limité dans le temps, que les faits auraient été commis durant une époque où il aurait souffert d’une grave dépression dont il serait rétabli, tout comme de son addiction à l’alcool tel que cela se dégagerait d’un certificat du Dr…, et que la dernière infraction remonterait à juin 2012. Le demandeur soutient que s’il était bien conscient de la gravité des infractions commises, il estimerait que ces faits ne pourraient justifier une sanction disproportionnée qui conduirait à son licenciement pour défaut de permis de conduire.

Le délégué du gouvernement donne à considérer que le demandeur aurait fait l’objet de cinq condamnations endéans une période de douze mois, à savoir entre mars 2012 et mars 2013.

Il souligne que le demandeur aurait été averti formellement déjà le 4 février 1999 sur les éventuelles conséquences résultant d’un comportement irresponsable sur la route, le demandeur aurait fait preuve les dernières années d’un comportement pouvant être considéré comme irresponsable.

Il conclut qu’à l’heure actuelle le demandeur ne se rendrait toujours pas compte de la gravité des infractions commises et du danger résultant de ses comportements pour la circulation routière.

Vu la gravité des faits énoncés, une modulation de la décision en vue de tenir compte du besoin professionnel n’aurait pas été prise en considération.

Aux termes de l’article 2 de la loi du 14 février 1955, précité, le ministre peut procéder au retrait du permis de conduire si l’intéressé est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule.

A titre liminaire, le tribunal relève que lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinés à protéger des intérêts privés. Confronté à une décision relevant d’un pouvoir d’appréciation étendu, tel que cela est le cas en l’espèce, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, peut examiner si la mesure prise n’est pas manifestement disproportionnée par rapport aux faits établis, en ce sens que cette disproportion laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité, étant relevé que la sanction d’une disproportion est limitée au cas exceptionnel où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par cette autorité.

Au regard des infractions commises essentiellement durant une période couvrant à peine une année, d’octobre 2011 à juin 2012, qui, contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur et tel que cela a été retenu ci-avant, ne se sont pas résumés à la circulation avec un véhicule non couvert par une assurance, mais visent également des excès de vitesse et des cas de conduite d’un véhicule sous influence d’alcool, faits particulièrement pertinents pour l’appréciation du sens des responsablités du demandeur, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule, et qui ont été jugées par le tribunal correctionnel comme étant d’une gravité suffisante justifiant des interdictions de conduire de trois, vingt-quatre, respectivement de trente-six mois, appréciées à la lumière des incidents auxquels le demandeur avait d’ores et déjà été confronté dans le passé, plus particulièrement en 2004 et en 1998, et à défaut d’éléments permettant de retenir, au jour où le ministre a pris sa décision, un changement d’attitude du demandeur vers une plus grande prudence au regard des faits récents remontant à une année avant la prise de la décision, le tribunal est amené à retenir que le ministre, en prenant en considération le comportement global du demandeur, a, sans comettre une erreur manifeste d’appréciation et sans qu’une disproportion flagrante entre la mesure prise et les faits constatés puisse être constatée, pu retenir que le demandeur est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur que les faits se seraient produits durant une période où il se serait trouvé dans une situation de dépression et que depuis, son comportement se serait amélioré, puisqu’il convient de se référer aux éléments à la disposition du ministre lors de la prise de sa décision. Or, celui-ci n’avait pas eu à sa disposition les informations sur lesquelles se fonde le demandeur à l’heure actuelle pour conclure à une amélioration de sa situation. Il convient encore d’ajouter qu’il se dégage du certificat médical versé par le demandeur et daté du 31 janvier 2014 que durant les années 2012 et 2013, le demandeur était en traitement pour une dépression importante et a pris régulièrement des médicaments antidépressifs. Cet état de santé, loin d’énerver le constat du ministre que le demandeur est dépourvu du sens des responsabilités, conforte au contraire l’appréciation faite par le ministre au jour de la prise de la décision, soit le 31 juillet 2013. Si le médecin traitant affirme certes début 2014 que dans la suite, l’état de santé du demander s’est amélioré, ce constat, le cas échant susceptible d’être pris en considération dans le cadre d’une demande en mainlevée du retrait administratif, n’est néanmoins pas de nature à énerver la légalité de la décision prise par le ministre le 31 juillet 2013.

Par ailleurs, la circonstance que le demandeur a besoin, le cas échéant, de son permis de conduire pour l’exercice de sa profession n’est pas de nature à emporter l’illégalité de la décision. En effet, étant donné que la finalité d’un retrait d’un permis de conduire est celle de protéger pour le futur la sécurité des usagers de la route contre les personnes représentant un danger potentiel à leur égard, les considérations invoquées par le demandeur qu’il aurait besoin de son véhicule afin d’exercer son métier ne sont pas pertinentes en l’espèce, ni dans le cadre de l’examen de l’existence des faits à la base de la décision déférée ni dans le cadre du contrôle de proportionnalité à effectuer par le tribunal saisi d’un recours en annulation, étant donné que les faits constatés font relever un comportement général du demandeur qui a comme conséquence qu’il est à qualifier, en tout état de cause et indépendamment de la nature des trajets projetés, de personne représentant un risque potentiel pour les usagers de la route.

Par ailleurs, au regard de l’accumulation de diverses infractions à la législation sur la circulation routière, dans les conditions décrites ci-avant, la décision du ministre de ne pas aménager sa décision de retrait administratif ne relève pas non plus d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un excès de pouvoir.

Le demandeur soutient ensuite qu’il n’aurait jamais été averti du nombre de points lui retirés pour l’infraction commise et du solde résiduel de points dont est doté le capital de son permis de conduire. Il aurait ainsi été mis dans l’impossibilité de réagir pour éviter le retrait de son permis de conduire et serait ainsi privé d’un recours judiciaire effectif. Cette situation serait contraire aux articles 13 et 6, paragraphe 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ». A cet égard, il se prévaut d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 6 octobre 2011 (affaire Wagner c/ Etat) et plus particulièrement des considérants 28 à 32 dudit arrêt.

C’est à juste titre que le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen, étant donné qu’il est dépourvu de pertinence en l’espèce. En effet, force est de constater que la décision litigieuse porte sur le retrait du permis de conduire du demandeur au regard de son comportement général, dont le ministre a déduit qu’il est dépourvu du sens des responsabilités requis pour la conduite d’un véhicule, mais elle ne porte pas sur le retrait de points du capital dont est doté son permis de conduire. Il s’ensuit que les contestations du demandeur, tendant en substance à reprocher au ministre de ne pas l’avoir averti au préalable du nombre de points lui retiré et de l’avoir ainsi mis dans l’impossibilité de réagir pour éviter le retrait des points de son permis de conduire, sont sans pertinence en l’espèce, étant relevé par ailleurs que le retrait du permis de conduire n’est pas la conséquence nécessaire du retrait de points du capital dont est doté un permis de conduire, mais découle de l’appréciation faite par le ministre du comportement global de l’intéressé au regard du sens de responsbilité requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule. Le moyen est partant à rejeter, sans qu’il n’y ait lieu de s’interroger sur l’applicabilité des dispositions des articles 13 et 6, paragraphe 1 de la CEDH par rapport à ce moyen.

Le demandeur estime encore que le retrait de son permis de conduire, auquel s’ajouterait une amende pénale et une interdiction de conduire faisant l’objet de sa condamnation par jugement du 6 novembre 2012, constitueraient une triple peine, contraire à l’article 7 de la CEDH.

Il souligne que la notion de peine serait autonome telle qu’elle serait définie par la Cour européenne des droits de l’homme en matière notamment de circulation routière, en se référant à un arrêt du 23 septembre 1998 (Malige c/ France). Il en conclut qu’en l’espèce, le retrait de son permis de conduire sur base de condamnations judiciaires constituerait une peine accessoire.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen en donnant à considérer que les sanctions prononcées par le tribunal correctionnel et la mesure prise par le ministre viseraient en réalité deux comportements différents, le premier sanctionnant un comportement grave et unique et le second traitant, non seulement d’un point de vue répressif, mais également dans le but de protéger les autres usagers de la route, un comportement habituel se caractérisant par une accumulation d’infractions au code de la route dont la fréquence dénoterait dans son ensemble une inaptitude du conducteur de circuler sur les voies publiques sans constituer pour lui-même et les autres usagers de la route un danger, en se référant à cet égard à une jurisprudence du tribunal administratif du 7 juin 2005.

Le principe du non bis in idem est inscrit, non pas à l’article 7 de la CEDH, invoqué par le demandeur, mais à l’article 4 du Protocole n° 7 de la CEDH, aux termes duquel « 1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. […]. » Dans la mesure où ce principe n’est applicable qu’en matière pénale, il convient d’examiner si la mesure du retrait du permis de conduire sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3 de la loi du 14 février 1955, en vertu duquel le ministre peut retirer le permis de conduire si l’intéressé « est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule », relève de la matière pénale telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme et est susceptible d’être qualifiée de sanction pénale.

La Cour européenne des droits de l’homme retient que les termes de « procédure pénale» employés dans l’article 4 du Protocol n° 7 de la CEDH doivent être interprétés à la lumière des principes généraux applicables aux expressions « accusation en matière pénale » et « peines » figurant respectivement à l’article 6 et à l’article 7 de la CEDH (cf. affaire Sergueï Zolotouhkine c/ Russie du 10 février 2009, considérant n° 52). La Cour européenne des droits de l’homme retient que l’existence ou non d’une « accusation en matière pénale » au sens de l’article 6 de la CEDH doit s’apprécier sur base de trois critères (se dégageant des affaires Engel et autres c/ Pays Bas, arrêt du 8 juin 1976, et rappelés dans la suite dans différentes affaires, notamment dans l’affaire Ezeh et Connors c/ Royaume-Uni, arrêt du 9 octobre 2003 rendu par la Grande Chambre), le premier étant la qualification juridique de l’infraction en droit interne, critère qui n’est cependant pas considéré à lui seul comme étant suffisant, le second étant la nature même de l’infraction et le troisième étant la nature et le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé, étant relevé que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme retient par rapport à ce troisième critère qu’il convient de prendre en compte la peine maximale susceptible d’être prononcée. La Cour européenne des droits de l’homme a encore retenu que le deuxième et le troisième critère sont alternatifs et non pas nécessairement cumulatifs, tout en relevant que l’adoption d’une approche cumulative est possible si l’analyse séparée de chaque critère ne permet pas d’aboutir à une conclusion claire quant à l’existence d’une accusation en matière pénale (cf. affaire Zolotoukhine c/ Russie du 10 février 2009, considérant n° 53, affaire Pierre Bloch c/ France du 21 octobre 1997, affaire Ezeh et Connors c/ Royaume-Uni précitée). Néanmoins, elle a encore retenu que parmi les trois critères, le deuxième critère est celui qui est le plus important (cf. affaire Jussila c / Finlande du 23 novembre 2006, considérant n° 38).

S’agissant du premier critère, le tribunal relève qu’au regard des dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955, le retrait administratif d’un permis de conduire, qui peut intervenir pour les différentes hypothèses envisagées sous les points 1 à 6 de l’article 2 précité ne s’analyse en droit luxembourgeois pas comme une sanction pénale, mais comme une mesure administrative.

Quant au critère tenant à la nature de l’« infraction », le tribunal constate que l’application des critères de qualification de la matière pénale par la Cour européenne des droits de l’homme et donc aussi du deuxième critère est essentiellement casuistique, de sorte qu’il est difficile d’en dégager des règles d’ordre général (cf. EMRK Konvention zum Schutz der Menschenrechte und Grundfreiheiten Kommentar par Karpenstein/Mayer, édition de 2012).

Cependant, dans une note de jurisprudence publiée sur le site internet de la Cour européenne des droits de l’homme et intitulée « Guide de l’article 6-droit à un procès équitable », plusieurs facteurs sont énumérés qui sont susceptibles d’être pris en considération afin de déterminer la nature de l’« infraction », à savoir notamment :

« – le point de savoir si la règle juridique en question s’adresse exclusivement à un groupe spécifique ou s’impose à tous par nature (Bendenoun c. France, § 47) ;

– le point de savoir si l’instance est ouverte par une autorité publique en vertu de pouvoirs légaux d’exécution (Benham c. Royaume-Uni, § 56) ;

– le point de savoir si la règle juridique a une fonction répressive ou dissuasive (Öztürk c. Allemagne, § 53 ; Bendenoun c. France, § 47) ;

– le point de savoir si la condamnation à toute peine dépend du constat de culpabilité (Benham c. Royaume-Uni, § 56) ; […]» En l’espèce, il est certes vrai qu’à la base de la mesure de retrait telle qu’elle a été prise et du constat que l’intéressé est dépourvu du sens des responsabilités requis se trouvent diverses infractions commises par le demandeur à la circulation routière qui constituent des infractions pénales en relation avec des règles s’adressant à tous les citoyens, conducteurs d’un véhicule automoteur. Pareillement, la procédure de retrait du permis de conduire est ouverte par une autorité publique en vertu de pouvoirs légaux d’exécution. Néanmoins, force est de relever que, d’une part, le constat que l’intéressé est dépourvu du sens des responsabilités dans l’intérêt de la sécurité routière pour la conduite d’un véhicule ne se dégage pas automatiquement du non-

respect d’une règle de droit, mais constitue une appréciation du comportement global de l’intéressé au fil du temps, qui mène au constat qu’il constitue un danger pour les autres usagers de la route et pour lui-même. La règle juridique litigieuse n’a donc pas une fonction répressive ou dissuasive, mais un caractère préventif. D’autre part, la décision du ministre de retirer le permis de conduire sur le fondement du constat que l’intéressé est dépourvu du sens des responsabilités requis dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule, ne dépend pas du constat de culpabilité.

Il s’ensuit que l’examen du deuxième critère ne permet pas d’aboutir à une conclusion claire quant à l’existence d’une accusation en matière pénale, de sorte qu’il convient d’examiner le troisième critère tenant à la nature et à la gravité de la mesure litigieuse.

A cet égard, le tribunal relève qu’il est certes vrai que le retrait du permis de conduire, impliquant nécessairement des inconvénients tant au niveau de la vie sociale que de la vie professionnelle, peut être perçu par l’intéressé comme étant d’une certaine sévérité, tel que cela a été retenu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Malige c/France (arrêt du 23 septembre 1998) par rapport à la perte du permis de conduire suite à la perte des points du capital dont est doté le permis de conduire, et qu’il est encore vrai qu’une interdiction de conduire est prévue également en matière pénale à titre de sanction.

Néanmoins, force est de constater qu’un retrait administratif plus particulièrement décidé sur le fondement du paragraphe 3 de l’article 2 de la loi du 14 février 1955, à savoir l’hypothèse où l’intéressé est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule, n’est pas par nature punitif ou dissuasif, mais s’entend comme une mesure préventive, dans le but de protéger les usagers de la route afin de les responsabiliser et reposant sur la constat que l’intéressé, par un comportement habituel se caractérisant par une accumulation pendant un certain temps d’attitudes dont la fréquence dénote dans son ensemble une inaptitude du conducteur de circuler de manière responsable sur les voies publiques, constitue pour lui-même et les autres usagers de la route un danger. La mesure en question peut être mise en parallèle avec la procédure d’octroi du permis, dont le caractère administratif est incontestable et qui vise à s’assurer qu’une personne réunit les capacités et qualifications nécessaires pour circuler sur la voie publique (cf. dans cet ordre d’idées : Cour européenne des droits de l’homme, affaire Escoubet du 28 octobre 1999). Si, dans l’affaire Malige c/ France, la Cour européenne des droits de l’homme a retenu que le retrait de points du capital dont est doté le permis de conduire présente certes un caractère préventif, mais surtout un caractère punitif et dissuasif et s’apparente ainsi à une peine accessoire, pour en conclure que le troisième critère de qualification de la matière pénale était donné par rapport au retrait de points, le tribunal est amené à conclure que dans le cadre du retrait du permis de conduire sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3 de la loi du 14 février 1955, l’effet dissuasif n’est que marginal et que c’est le caractère préventif qui est largement prépondérant, dans la mesure où cette disposition requiert que le ministre apprécie un comportement global et évalue si ce comportement implique que l’intéressé est dépourvu du sens des responsabilités pour la conduite d’un véhicule, l’article 2, paragraphe 3 précité mentionnant d’ailleurs expressément que cette évaluation est à faire dans l’intérêt de la sécurité routière.

Le tribunal est partant amené à conclure que l’application des critères dégagés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en l’espèce ne permet pas de retenir que la mesure de retrait du permis de conduire en vertu de l’article 2 de la loi du 14 février 1955 relève de la matière pénale, de sorte que la mesure ainsi prise n’est pas à qualifier de sanction pénale, et que partant l’article 4 du Protocol n° 7 de la CEDH invoqué par le demandeur ne trouve pas application en l’espèce.

Le moyen afférent est partant à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Jackie Maroldt, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 19 novembre 2014 par le vice-président en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 novembre 2014 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 33553
Date de la décision : 19/11/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-11-19;33553 ?

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