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13/11/2014 | LUXEMBOURG | N°33701

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 novembre 2014, 33701


Tribunal administratif N° 33701 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 décembre 2013 2e chambre Audience publique du 13 novembre 2014 Recours formé par la société anonyme ….., contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33701 du rôle et déposée en date du 4 décembre 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae Igri, avocat à la Cour, inscrite au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme ….., établie et a...

Tribunal administratif N° 33701 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 décembre 2013 2e chambre Audience publique du 13 novembre 2014 Recours formé par la société anonyme ….., contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 33701 du rôle et déposée en date du 4 décembre 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae Igri, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme ….., établie et ayant son siège social à L-….., inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …., tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 4 septembre 2013 portant rejet de sa demande en remise gracieuse du 20 mars 2013 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 28 février 2014 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

Vu le courrier de Maître Sanae Igri du 11 juin 2014 informant le tribunal de son dépôt de mandat ;

Vu le courrier adressé le 24 septembre 2014 par le tribunal administratif à la société anonyme ….. et resté sans suites ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Sandro Laruccia en ses plaidoiries à l’audience publique du 20 octobre 2014.

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Le 15 janvier 2013, l’administration des Contributions directes adressa à la société anonyme ….., ci-après désignée par « la société …..» un extrait de compte relatif aux années d’imposition 2001 à 2012 et faisant apparaître un solde négatif de …. euros.

Par courrier de son mandataire du 20 mars 2013, la société …..fit introduire devant le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », une demande en remise gracieuse libellée comme suit :

« […] Ma mandante a fait l’objet de plusieurs taxations d’office alors que les déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial ont été déposées tardivement par la faute de la fiduciaire à l’époque chargée d’effectuer le suivi de la comptabilité.

Ces éléments seront corroborés par des pièces si vous jugez utile.

Au demeurant, le montant des arriérés d’impôts dû par la société …..de ….,- euros […] est inexact et ne correspond en rien à la réalité.

Pour cela nous vous prierons de bien vouloir faire une remise en grâce de ce montant alors que le bilan de l’année 2008 renseigne un résultat négatif de … euros, le bilan pour l’année 2009 renseigne un bilan avec un résultat négatif d’un montant de …. euros et enfin pour l’année 2010 le bilan de la société …..renseigne un résultat négatif d’un montant de …,-

euros.

Je tiens à vous informer que la fiduciaire qui était chargée de faire les publications en temps et heure a fait l’objet d’une faillite et que la responsabilité qui lui a été attachée ne permet pas de mettre hors de cause ma mandante.

Ainsi, ma mandante souffre d’une double injustice et risque de voir sa situation gravement compromise alors que depuis l’année 2009 de nombreuses démarches ont été effectuées auprès de vos services et notamment Madame …… Je vous prierais de bien vouloir accorder une suite favorable à la présente demande gracieuse alors que les taxations d’office sont complètement démesurées et risqueraient de conduire la société à un dépôt de bilan. […] ».

Par décision du 4 septembre 2013, le directeur rejeta la demande de la société …..en ces termes :

« […] Vu la demande présentée le 20 mars 2013 par Maître Sanae Igri au nom de la société anonyme ….., établie à L-…., ayant pour objet une remise d’impôts par voie gracieuse ;

Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu’il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;

Considérant que la demande tend à une reconsidération des bulletins d’imposition des années 2008 à 2010 en rétablissant une nouvelle taxation sur base des déclarations jointes et en plus elle fait état d’une situation financière difficile ;

Considérant qu’en vertu du paragraphe 131 AO, sur demande dûment justifiée endéans les délais du paragraphe 153 AO, le directeur de l’administration des contributions directes accordera une remise d’impôt ou même la restitution, dans la mesure où la perception de l’impôt dont la légalité n’est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant que pour les années d’imposition 2008 à 2010 la requérante, malgré rappel, sommation et fixation d’astreinte, n’a pas donné suite aux injonctions administratives de remettre la déclaration en cause ;

Considérant qu’une rigueur n’est pas à admettre dans la mesure où suivant les faits, des exigences particulières conditionnant le dépôt des déclarations fiscales ne se trouvent pas remplies ;

Considérant que le bureau d’imposition a procédé à bon droit à la taxation des revenus de la requérante sur base du paragraphe 217 AO, compte tenu des données de la cause ; que la requérante doit s’imputer à elle-même les conséquences éventuellement désavantageuses des taxations effectuées contre lesquelles elle n’a pas estimé opportun d’introduire dans les délais du paragraphe 245 AO une réclamation motivée (cf. Conseil d’Etat du 11 avril 1962 N° 5742 et Cour adm. du 30 janvier 2001, N° 12311C) ;

Force est de constater que le moyen invoqué s’analyse en une contestation de la légalité matérielle de l’imposition, étrangère en tant que telle à la matière gracieuse (cf. T.A.

N° 11196 du 27.10.99 et confirmé par C.A. N° 11703C du 30.03.2000) ;

Considérant que la remise des déclarations après imposition ne doit impliquer un redressement des bases d’imposition évaluées et des bulletins d’impôt coulés en force de chose décidée ;

Concernant la rigueur subjective, une remise gracieuse n’est justifiée que si la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l’impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables (cf. C.A. N° 11844C du 16 mai 2000) ;

Considérant que les arguments relatifs à la situation économique et financière afin de régler la dette fiscale n’ont pas été rapportés à suffisance de droit ;

Considérant que le simple fait qu’une société ne dispose pas de liquidités nécessaires pour payer les impôts ne constitue pas des raisons suffisantes de nature à établir dans son chef une rigueur subjective au sens du paragraphe 131 AO (cf. T.A. N° 22030 du 27 décembre 2007) étant donné qu’un contribuable ne peut valablement prétendre à une protection de l’intégralité de son actif investi contre l’exigence d’une réalisation en vue de satisfaire à ses obligations fiscales valablement fixées (cf. T.A. N° 20890 du 23.08.2006) ;

Considérant donc en ce qui concerne une rigueur objective et subjective, force est de constater que les motifs invoqués par la requérante ne permettent pas de retenir une iniquité ;

Considérant que partant les conditions pouvant légalement justifier une remise gracieuse ne sont pas remplies ; […] » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2013, la société …..a fait introduire un recours tendant, aux termes de son dispositif, à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur du 4 septembre 2013 portant rejet de sa demande en remise gracieuse du 20 mars 2013.

Etant donné que le paragraphe 131 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », en combinaison avec l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », prévoit en la matière un recours de pleine juridiction, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision du directeur du 4 septembre 2013 portant rejet de la demande en remise gracieuse de la société …..du 20 mars 2013. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour libellé obscur, étant donné que l’affirmation de la partie demanderesse selon laquelle sa demande de remise gracieuse aurait porté sur « l’impôt sur le revenu des années 2001 à 2012 » serait dépourvue de sens, dans la mesure où l’argumentation développée à l’appui tant de sa demande en remise gracieuse du 20 mars 2013 que du présent recours concernerait exclusivement les taxations d’office dont elle aurait fait l’objet pour les années 2008 à 2010, en ce qu’elle tendrait à une reconsidération, sur base des déclarations d’impôt jointes à sa demande et compte tenu de difficultés financières dans son chef, des bulletins d’impôt de ces années établis par voie de taxation, même si la société …..paraissait également critiquer de manière abstraite que le montant des arriérés d’impôts de ….,- euros ne serait pas exact et ne correspondrait en rien à la réalité, la société demanderesse semblant se référer à cet égard à l’extrait de compte du 15 janvier 2013 faisant apparaître un montant d’impôt dû de …. euros et portant sur une multitude d’impôts, tels que l’impôt sur les salaires, l’impôt sur la fortune et l’impôt sur le revenu, mais aussi sur des astreintes, concernant les années 2001 à 2012. A l’appui de ce moyen, le délégué du gouvernement soutient qu’un demandeur ne saurait se limiter à libeller une prétention seulement dans son résultat escompté en fait et qu’il n’appartiendrait pas au tribunal, en l’absence de moyens concrètement soumis, d’instruire de sa propre initiative une demande lui adressée.

Aux termes de l’article 1er, alinéa 2, de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », la requête introductive d’instance doit contenir notamment l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués, ainsi que l’objet de la demande.

Il appartient au tribunal saisi d’apprécier in concreto si l’exposé sommaire des faits et des moyens, ensemble les conclusions s’en dégageant, est suffisamment explicite ou non.

L’exception obscuri libelli, qui est d’application en matière de contentieux administratif, sanctionne d’une nullité l’acte y contrevenant, étant entendu que son but est de permettre au défendeur de savoir quelle est la décision critiquée et quels sont les moyens à la base de la demande, afin de lui permettre d’organiser utilement sa défense1.

S’il suffit que cet exposé soit sommaire, la requête introductive d’un recours ne doit cependant pas rester muette sur les moyens à son appui, elle ne doit pas être dépourvue des indications indispensables et elle doit contenir des conclusions.

En l’espèce, la requête introductive contient l’indication de l’objet de la demande, à savoir la réformation, sinon l’annulation de la décision directoriale du 4 septembre 2013, un exposé sommaire des faits, en l’occurrence des explications quant aux raisons du dépôt tardif des déclarations d’impôt de la société demanderesse, ainsi qu’un exposé certes sommaire et peu cohérent des moyens en droit invoqués à l’appui du recours, duquel il peut pourtant être déduit que la société demanderesse fait valoir l’existence, dans son chef, d’une part, d’une rigueur objective, du fait du caractère excessif des taxations d’office dont elle aurait fait l’objet, qui serait constitutif d’une violation du principe d’égalité des citoyens devant l’impôt, tel que consacré par l’article 101 de la Constitution, et, d’autre part, d’une rigueur subjective, en ce que le recouvrement de l’imposition litigieuse compromettrait son existence économique, compte tenu de l’absence d’activité génératrice de revenus dans son chef et de sa situation déficitaire qui s’en suivrait.

1 Trib. adm. 30 avril 2003, n° 15482 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 386 Il s’ensuit que la requête introductive d’instance répond aux exigences de l’article 1er de la loi du 21 juin 1999, précitée, de sorte que le moyen d’irrecevabilité afférent est à rejeter comme étant non fondé.

A titre subsidiaire, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en se prévalant de la tardiveté de la demande en remise gracieuse du 20 mars 2013 au regard des dispositions du paragraphe 153 AO, en ce qui concerne l’imposition de la société ….. pour les années 2001 à 2007, dans l’hypothèse où ladite demande n’aurait pas visé les seuls bulletins d’imposition relatifs aux années 2008 à 2010, tel que retenu par le directeur, mais l’ensemble des postes figurant à l’extrait de compte, précité, du 15 janvier 2013, tel que la partie demanderesse le prétendrait.

Force est au tribunal de constater que, dans le contexte du paragraphe 131 AO, le paragraphe 153 AO, dont se prévaut le délégué du gouvernement, fixe le délai endéans lequel une demande en remise gracieuse peut être présentée devant le directeur. Or, cette question est étrangère à celle de la recevabilité ratione temporis du recours contentieux dirigé contre une décision directoriale de rejet d’une demande de remise gracieuse, telle que la décision déférée. A cet égard, il y a lieu de se référer à l’article 8 (3), point 4 de la loi du 7 novembre 1996, d’après lequel le délai pour l’introduction d’un tel recours est de trois mois. Dans la mesure où la requête introductive d’instance a été déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2013 et que la décision déférée date du 4 septembre 2013, le tribunal est amené à retenir que le recours en réformation sous analyse a été introduit endéans le délai légal. Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité sous analyse n’est pas fondé.

A titre encore plus subsidiaire, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en ce qu’il aurait pour objet de contester la régularité de l’extrait de compte, précité, du 15 janvier 2013, qui ne serait en tant que tel pas susceptible d’un recours juridictionnel.

Dans la mesure où, aux termes du dispositif de la requête introductive d’instance, auquel le tribunal est seul tenu, le recours ne vise pas l’extrait de compte du 15 janvier 2013, mais tend à la réformation de la décision du directeur du 4 septembre 2013 portant rejet de la demande en remise gracieuse de la société ….. du 20 mars 2013, le moyen d’irrecevabilité sous analyse n’est pas fondé.

Il suit des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens que le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la société …..fait valoir que ce serait à tort que le directeur a rejeté sa demande en remise gracieuse « […] concernant l’impôt sur le revenu des années 2001 à 2012 […] », dans la mesure où le dépôt tardif de ses déclarations d’impôt s’expliquerait par le fait que sa fiduciaire aurait été déclarée en état de faillite, de sorte qu’elle n’aurait pu récupérer ses documents comptables que tardivement et qu’elle se serait partant trouvée, pendant un certain temps, dans l’impossibilité de publier ses comptes annuels au registre de commerce et des sociétés et d’effectuer ses déclarations d’impôts, ce qui serait constitutif d’un « […] cas de force majeure […] ».

Elle soutient que le recouvrement de l’imposition résultant « […] des bulletins du 15 janvier 2013 relatifs aux années d’imposition 2001 à 2012 […] », respectivement les taxations d’office dont elle aurait fait l’objet violeraient le principe d’égalité des citoyens devant l’impôt, tel que consacré par l’article 101 de la Constitution, en ce qu’elle serait imposée à un « […] taux qui [serait] bien supérieur au taux normalement appliqué à une autre société se trouvant dans la même situation financière […] ». Dans ce contexte, elle demande « […] à voir fixer l’impôt d’après [ses] déclarations fiscales […] », desquelles il résulterait que les bilans des années 2008, 2009 et 2010 renseigneraient des pertes respectivement de 10.208,18 euros, de 6.945,69 euros et de 156,- euros.

La demanderesse en déduit que le directeur aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il a retenu qu’aucune rigueur objective ne serait vérifiée en l’espèce.

Elle conclut encore à l’existence d’une rigueur subjective dans son chef, dans la mesure où « […] les taxations d’office pour les années 2001 à 2012 portant sur un montant de …. euros ainsi qu’un intérêt de ….. euros […] » compromettraient, par leur caractère excessif, son existence économique, étant donné qu’elle n’aurait aucune activité génératrice de revenus et que sa situation financière serait déficitaire, de sorte que le recouvrement de l’imposition litigieuse la priverait de ses moyens de subsistance indispensables.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Force est au tribunal de constater, à l’instar du délégué du gouvernement, que, dans sa requête, la partie demanderesse se réfère à l’imposition dont elle a fait l’objet pour les années 2001 à 2012.

Or, s’il est exact que, que dans sa demande en remise gracieuse du 20 mars 2013, la société demanderesse fait valoir que « […] le montant des arriérés d’impôts dû par [elle] de 49.000,- euros […] [serait] inexact et ne [correspondrait] en rien à la réalité […] » pour ensuite solliciter une remise gracieuse « […] de ce montant […] », suggérant ainsi que sa demande porterait sur l’ensemble des postes figurant sur l’extrait de compte du 15 janvier 2013 y joint, qui est relatif à une pluralité d’impôts différents, tels que l’impôt sur les salaires, l’impôt sur la fortune et l’impôt sur le revenu, mais aussi à des astreintes, des frais et des cotisations pour la chambre de commerce, concernant les années 2001 à 2012, il n’en reste pas moins que le directeur, dans sa décision du 4 septembre 2013, a clairement délimité l’objet de la demande en remise gracieuse, précitée, en ce qu’il a retenu qu’elle « […] [tendrait] à une reconsidération des bulletins d’imposition des années 2008 à 2010 en établissant une nouvelle taxation sur base des déclarations jointes […] », avant de conclure à son rejet.

Dès lors, l’objet de la décision directoriale de rejet du 4 septembre 2013 est limité à la seule question d’une remise gracieuse de l’imposition résultant des bulletins d’imposition des années 2008 à 2010, étant précisé qu’il ressort de l’extrait de compte du 15 janvier 2013, précité, que ces bulletins concernent l’impôt sur la fortune à charge de la société demanderesse pour les années en question.

Il s’ensuit que si la demande en remise gracieuse du 20 mars 2013 devait être interprétée comme ayant visé non seulement les bulletins d’imposition des années 2008 à 2010, tel que retenu par le directeur, mais l’ensemble des postes figurant à l’extrait de compte, précité, du 15 janvier 2013, ladite demande aurait, en ce qui concerne les postes de cet extrait de compte qui ne font pas l’objet de la décision directoriale déférée, en application des dispositions combinées de l’article 8 (3), point 3 de la loi du 7 novembre 1996 et du paragraphe 131 AO, donné lieu, à l’expiration d’un délai de six mois, à une décision implicite de refus susceptible d’un recours en réformation, d’ailleurs non soumis au délai de recours contentieux prévu à l’article 8 (3), point 4 de la loi du 6 novembre 1996. Or, faute pour le tribunal d’être saisi d’un recours contre une telle décision implicite de rejet, il devra limiter son analyse à l’imposition résultant des bulletins de l’impôt sur la fortune des années 2008 à 2010, telle que reprise à l’extrait de compte, précité, du 15 janvier 2013 et qui fait à elle seule l’objet de la décision déférée, tel que retenu ci-avant.

Aux termes du paragraphe 131 AO, une remise gracieuse se conçoit « dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ».

Il résulte de cette disposition qu’une remise gracieuse n’est envisageable que si, soit objectivement ratione materiae, soit subjectivement ratione personae dans le chef du contribuable concerné, la perception de l’impôt apparaît comme constituant une rigueur incompatible avec le principe d’équité2.

Une demande gracieuse s’analyse exclusivement en une pétition du contribuable d’être libéré, sur base de considérations tirées de l’équité, de l’obligation de régler une certaine dette fiscale et ne comporte par nature aucune contestation de la légalité de la fixation de cette même dette. La fonction de la remise en équité ne saurait être d’abolir les délais pour exercer un droit3.

Par ailleurs, la remise d’impôt n’est envisageable que si la légalité de l’impôt à sa base n’est point contestée. Ainsi, aucune contestation, tenant à la légalité de l’impôt à la base de la demande de remise gracieuse, ne saurait être utilement accueillie, pour fonder une quelconque rigueur objective ou subjective. Plus particulièrement, aucune contestation tenant au caractère excessif allégué dans le chef de l’imposition en question ne saurait être prise en considération comme telle au titre d’une remise gracieuse4.

Il s’ensuit que l’argumentation de la partie demanderesse ayant trait au caractère excessif des taxations d’office dont elle a fait l’objet, qui violerait le principe d’égalité devant l’impôt, tel que consacré à l’article 101 de la Constitution, et qui établirait l’existence d’une rigueur objective dans son chef, est à écarter.

S’agissant ensuite de l’argumentation de la société ….. selon laquelle le dépôt tardif de ses déclarations d’impôt s’expliquerait par la déclaration en état de faillite de sa fiduciaire, qui serait constitutive d’un cas de force majeure dans son chef, force est au tribunal de constater que, face aux contestations du délégué du gouvernement sur ce point, la partie demanderesse est restée en défaut de fournir le moindre élément de preuve à cet égard. Plus particulièrement, elle n’a ni identifié la fiduciaire en question, ni versé le jugement déclaratif de faillite afférent. A cela s’ajoute que le contribuable est personnellement tenu du respect des obligations lui imposées par la loi fiscale : il ne saurait dès lors s’en décharger en excipant de la faute d’un tiers, fût-il contractuellement chargé de ces obligations, un tel contrat n’étant pas 2 Trib. adm. 5 mars 1997, n° 9220 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n° 432 et les autres références y citées 3 Trib. adm. 17 octobre 2001, n° 13099 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n° 427 et les autres références y citées 4 Cour adm. 11 janvier 2007, n° 22033C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n° 428 et les autres références y citées opposable aux tiers ni a fortiori à l’administration5. Dès lors, le moyen sous examen est à rejeter.

Dans ces conditions, étant donné qu’il est constant en cause que pour les années d’imposition 2008 à 2010, la société demanderesse n’a pas déposé ses déclarations d’impôt endéans les délais lui imparti, l’administration des Contributions directes a valablement pu procéder à l’établissement de l’imposition litigieuse par voie de taxation, conformément au paragraphe 217 AO, sans porter atteinte au principe d’équité.

Il s’ensuit que les développements de la société ….. quant à l’existence d’une rigueur objective laissent d’être fondés.

Concernant la rigueur subjective, dont l’existence s’apprécie au jour où le tribunal est amené à statuer, une remise gracieuse n'est justifiée que si la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l'impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables6.

Or, les pièces dont la société ….. se prévaut à cet égard, à savoir ses déclarations pour l’impôt sur le revenu pour les années 2008 à 2010, ainsi que ses comptes annuels des années 2007 à 2010, en ce qu’elles concernent une période remontant à entre quatre et sept ans, ne sont pas de nature à rapporter la preuve qu’au moment où le tribunal est amené à statuer, la situation financière de la société demanderesse soit telle que le paiement des impôts litigieux compromettrait son existence économique et la priverait des moyens de subsistance indispensables. Il en est de même en ce qui concerne l’affirmation de la société ….. de ne pas avoir d’activité génératrice de revenus, dans la mesure où elle n’avance ni explications, ni pièces excluant l’existence actuelle d’actifs qui lui permettraient de payer sa dette fiscale, étant précisé à cet égard que, d’une manière générale, le simple fait qu’une société ne dispose pas des liquidités nécessaires pour procéder au paiement des impôts lui fixés par l’administration fiscale et le risque encouru par elle de tomber en faillite au cas où elle devrait procéder audit paiement ne constituent pas, à eux seuls, des raisons suffisantes de nature à établir dans son chef une rigueur subjective au sens de la loi, qui devrait entraîner une remise gracieuse des impôts qui ont légalement pu lui être fixés par l’administration fiscale7.

Dans ces conditions, c’est à juste titre que le directeur a conclu à l’absence de rigueur subjective dans le chef de la société demanderesse.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le directeur a valablement pu déclarer la demande en remise gracieuse de la société ….. du 20 mars 2013 comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

5 Trib. adm., 26 mars 2010, n° 25987 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n° 470 6 Trib. adm., 12 janvier 2000, n° 10661 du rôle, confirmé par Cour adm. 16 mai 2000, n° 11844C du rôle, Pas.

adm. 2012, V° Impôts, n° 433 et les autres références y citées 7 Trib. adm. 27 décembre 2007, n° 22030, www.jurad.etat.lu reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 4 septembre 2013 portant rejet de la demande en remise gracieuse de la société anonyme ….. du 20 mars 2013 ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Paul Nourissier, juge, Daniel Weber, juge, et lu à l’audience publique du 13 novembre 2014 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 novembre 2014 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 33701
Date de la décision : 13/11/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-11-13;33701 ?

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