Tribunal administratif N° 34379 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 avril 2014 Ire chambre Audience publique du 12 novembre 2014 Recours formé par Monsieur …et l’association sans but lucratif …(…) contre un arrêté du Gouvernement en conseil en matière d’élections pour la Chambre des Fonctionnaires et Employés publics
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JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 34379 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 avril 2014 par Maître François Moyse, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire, demeurant à L-… et au nom de l’association sans but lucratif …(…), établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, sinon par son organe statutaire dûment habilité actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro F …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un arrêté du Conseil de Gouvernement du 7 mars 2014 par lequel a été arrêté le résultat des élections pour le renouvellement de la Chambre des Fonctionnaires et Employés publics du mois de mars 2010 pour la catégorie A de la carrière supérieure, en attribuant deux sièges à la liste 1 de la Confédération Générale de la Fonction publique-Fédération Générale des Universitaires au Service de l’Etat (FEDUSE/CGFP) et en décidant que dans la mesure où aucun candidat sur la liste 6 de l’… ne remplit les conditions légales, le siège attribué à ladite liste reste vacant ;
Vu le courrier déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 mai 2014 par Maître Georges Pierret, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, par lequel il se constitue pour compte du « Gouvernement en Conseil » ;
Vu l’ordonnance du premier vice-président du tribunal administratif du 26 juin 2014 par laquelle ont été abrégés les délais légaux pour déposer les mémoires en réponse, en réplique et en duplique ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 juillet 2014 par Maître Georges Pierret pour compte du « Gouvernement en Conseil » ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 août 2014 par Maître François Moyse pour compte de Monsieur …et de l’… ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision gouvernementale critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître François Moyse et Maître Pierre Medinger, en remplacement de Maître Georges Pierret, en leurs plaidoiries respectives.
Par courrier du 13 avril 2010, Monsieur …et Monsieur …, déclarant agir tant à titre personnel en tant qu’électeurs qu’en tant que candidats de l’association sans but lucratif …, ci-
après dénommée « … », formulèrent une réclamation contre l’élection pour la Chambre des fonctionnaires et employés publics du mois de mars 2010, et plus précisément contre le résultat des élections dans la catégorie A (carrière supérieure), auprès du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, dénommé ci-après le « ministre ».
Par arrêté du 30 avril 2010, publié au Mémorial B n° 40 du 25 mai 2010, le Gouvernement en conseil valida les résultats des élections du mois de mars 2010 pour la Chambre des fonctionnaires et employés publics.
Par courrier du 17 mai 2010, la ministre déléguée à la Fonction publique et à la Réforme administrative, ci-après dénommée « la ministre », s’adressa à Messieurs … et… en les termes suivants :
« En réponse à votre courrier du 13 avril 2010, j'ai l'honneur de vous faire part des informations suivantes relatives à l'objet sous rubrique.
En application de l'article 15 de la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création de chambres professionnelles à base élective, votre réclamation contre le résultat des élections pour le renouvellement de la Chambre des Fonctionnaires et Employés publics a été soumise au Gouvernement en conseil à qui il appartient de statuer sur la validité d'une telle réclamation.
En date du 30 avril 2010, le Gouvernement en conseil a décidé de rejeter votre réclamation et de valider le résultat des élections tel qu'il fût arrêté par le bureau électoral en date du 8 avril 2010 et ce pour les raisons suivantes :
Dans votre courrier précité, vous avez tout d'abord fait valoir que la législation relative aux élections, et notamment l'article 43ter de la loi précitée, constituerait une «disposition farfelue (…) et totalement archaïque » qui priverait « l'… d'un siège arithmétiquement remporté » et qui viserait à « évincer tous les adversaires syndicaux de la CGFP ». Vous en contestez la constitutionnalité au motif que cette manière de procéder serait contraire au principe d'égalité devant la loi.
Ensuite, vous estimez qu'au vu du fait que Monsieur … …, premier élu de la Liste 1 (CGFP/FEDUSE), est retraité, il ne ferait plus partie de l'administration de l'enseignement de sorte que suite à l'attribution des deux premiers sièges à Monsieur … et à Monsieur …, l'un des deux mandats auxquels la catégorie de l'enseignement peut prétendre conformément à l'article 43ter prémentionné serait toujours vacant et devrait par conséquent être attribué au candidat enseignant élu de l'….
Tout d'abord, il y a lieu de rappeler la teneur exacte des dispositions légales et réglementaires en la matière.
L'article 43ter alinéa 5 de la loi précitée dispose que « la répartition des fonctionnaires dans les catégories supérieure, moyenne et inférieure se fait par règlement grand-ducal en tenant compte des trois grandes catégories de traitements déterminées à l'annexe D de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l'Etat. Au sein de la Chambre des fonctionnaires et employés publics aucune administration de l'Etat ni aucun établissement public ne peut occuper plus de deux mandats pour chacune des catégories A, B et C. Au sens des dispositions du présent article, l'enseignement secondaire, secondaire technique, supérieur et universitaire est à considérer comme formant une seule administration. » L'article 42 alinéa 8 du règlement grand-ducal modifié du 17 janvier 1984 portant réglementation de la procédure électorale pour la Chambre des Fonctionnaires et Employés publics prévoit que « toutefois, si par les opérations qui précèdent plus de deux sièges de membres effectifs étaient à attribuer dans une catégorie des candidats d'une même administration de l'Etat ou d'un même établissement public ou d’utilité publique, les deux candidats élus de cette administration ou de cet établissement, à quelque liste qu'ils appartiennent, qui ont obtenu le plus grand nombre de suffrages sont définitivement déclarés élus membres effectifs. En cas de parité de suffrages, l'élection est acquise au candidat le plus âgé. Le siège restant à pourvoir est attribué au premier suppléant de la liste qui n'est pas de la même administration ou du même établissement. Le membre élu écarté prendra rang comme premier suppléant de sa liste. » En premier lieu, il convient de remarquer que loin de correspondre à une disposition anti-constitutionnelle qui ne respecterait pas le principe d'égalité devant la loi, celle-ci est au contraire l'expression du souci d'assurer une représentativité la plus équilibrée possible de tous les intérêts en cause. En effet, et au vu du fait qu'une partie non négligeable du personnel de l'Etat est concentrée dans quelques grandes administrations, la volonté du législateur a été et reste d'éviter une influence unilatérale au sein de la chambre professionnelle.
Ensuite, et s'il est vrai que dans une approche purement arithmétique et à condition de faire abstraction des dispositions exposées ci-dessus, les trois sièges à attribuer au sein de la catégorie A l'ont été au nombre de deux à la Liste 1 (CGFP/FEDUSE) et au nombre de un à la Liste 6 (…), il n'en reste pas moins qu'en application des dispositions précitées, la Liste 6 n'a pas pu être prise en considération, de sorte que tous les trois sièges ont été attribués à la Liste 1.
En effet, les deux premiers élus de la Liste 1, à savoir Monsieur … … et Monsieur … …, étant issus de la même administration de l'État, à savoir celle de l’enseignement, cette dernière a de ce fait occupé les deux mandats auxquels elle a droit. Or, comme aucun des six candidats de la Liste 6 ne ressort d’une administration autre que celle de l’enseignement, il n’était plus possible d’attribuer le troisième siège à l’….
Il s'ensuit qu'il échet de retenir que le bureau électoral n'a fait qu'une application juste des dispositions légales et réglementaires en la matière en arrêtant l'attribution définitive des sièges dans la catégorie A de manière à ce que les trois sièges soient occupés de membres effectifs ou suppléants de la Liste 1. Il y a par ailleurs lieu de noter que la même règle a été appliquée au sein de la Liste 1.
Finalement, et quant à l'argument que Monsieur … … n'appartiendrait plus à l'enseignement en tant que fonctionnaire retraité, il y a lieu de relever les dispositions légales qui prévalent, à savoir que l'article 43quater de la loi précitée de 1924 dispose que « chaque catégorie d'électeurs forme un collège électoral spécial en vue de la désignation de ses délégués.
Sont qualifiés pour participer à l'élection des membres de la chambre, les fonctionnaires et employés publics qui au moment de l'établissement des listes électorales remplissent l'une des fonctions déterminées à l'article qui précède ou qui s'y préparent en tant que stagiaires ou qui jouissent d'une pension du chef de l'une de ces fonctions. » Il s'ensuit que les agents retraités, loin de former un collège électoral spécifique, restent affectés à la catégorie d'électeurs à laquelle ils appartenaient du temps de l'exercice actif de leurs fonctions avant l'obtention d'une pension de vieillesse. Il est donc permis d'en conclure que Monsieur … appartenait en tant qu'enseignant actif et continue à appartenir en tant qu'enseignant retraité à l'enseignement, de sorte que c'est à bon droit qu'il a été pris en considération en cette qualité lors de l'attribution des sièges.
Le résultat des élections tel que validé par le Gouvernement en conseil est donc parfaitement conforme aux dispositions légales et réglementaires applicables en la matière. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juillet 2010, Monsieur …et l’… introduisirent un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté précité du Gouvernement en conseil du 30 avril 2010 portant validation du résultat des élections, ainsi que d’une prétendue décision confirmative de la ministre du 17 mai 2010.
Par jugement du tribunal administratif du 12 octobre 2011, inscrit sous le numéro 27116 du rôle, le tribunal administratif a décidé de soumettre à la Cour constitutionnelle, avant tout autre progrès en cause, les deux questions préjudicielles suivantes :
« 1re question :
« L’article 43ter, alinéa 5, de la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création de chambres professionnelles à base élective, dans la mesure où son application permet de privilégier un syndicat représentant les intérêts de fonctionnaires appartenant à plusieurs administrations dans l'attribution de sièges à pourvoir au sein de la Chambre des fonctionnaires et employés publics par rapport à un syndicat ne représentant que les intérêts de fonctionnaires appartenant à une même administration, est-il conforme à l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution ? » 2ème question :
« L'article 43ter de la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création de chambres professionnelles à base élective, en définissant le nombre de mandats ouverts à l'élection dans chaque catégorie sans prendre en compte la réalité des effectifs représentés dans ces catégories, est-il conforme à l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution, dans la mesure où certaines catégories de fonctionnaires se trouveraient sous-représentées au sein de la Chambre des fonctionnaires et employés publics par rapport aux autres catégories ? » La Cour constitutionnelle a décidé par son arrêt du 9 mars 2012, inscrit sous le numéro 00070 du registre, en réponse aux questions ainsi posées par le jugement précité du tribunal administratif que l’article 43ter de la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création des chambres professionnelles à base élective, dénommée ci-après la « loi du 4 avril 1924 », dans ses alinéas 2 et 5, n’est pas contraire à l’article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution.
Par jugement du 30 avril 2013, inscrit sous le numéro 27116a du rôle, et au vu de l’arrêt précité de la Cour constitutionnelle du 9 mars 2012, le tribunal administratif, après avoir vidé le jugement précité du 12 octobre 2011, a déclaré non justifié le recours en annulation dirigé contre la décision du Gouvernement en conseil du 30 avril 2010, en décidant que les dispositions contenues à l’article 42, alinéa 8 du règlement grand-ducal du 17 janvier 1984 portant règlementation de la procédure électorale pour la Chambre des Fonctionnaires et Employés publics, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 17 janvier 1984 », ne sont pas contraires à l’article 10bis de la Constitution, en écartant également comme non fondée une prétendue violation de l’article 3 du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après dénommée la « CEDH », au motif que cette disposition de droit international ne vise que les élections législatives, et non pas les élections professionnelles. Enfin, le même jugement a retenu que contrairement aux allégations des parties demanderesses, un agent retraité resterait affecté à la catégorie d’électeurs à laquelle il a appartenu du temps de l’exercice actif de ses fonctions, avant l’obtention d’une pension de vieillesse, de sorte qu’il peut valablement être candidat à l’élection, à condition d’être inscrit sur la liste des électeurs.
Sur appel dirigé par Monsieur …et l’… contre les jugements précités du tribunal administratif des 12 octobre 2011 (n° 27116 du rôle) et 30 avril 2013 (n° 27116a du rôle), la Cour administrative a fait droit, dans son arrêt du 19 décembre 2013 (n° 32864C du rôle), à la demande de réformation des jugements entrepris en annulant l’arrêté du Gouvernement en conseil du 30 avril 2010 et la décision du ministre-délégué du 17 mai 2010 dans la limite de la validation des résultats des élections du mois de mars 2010 pour la Chambre des Fonctionnaires et Employés Publics concernant la catégorie A) de la carrière supérieure de la fonction publique, en renvoyant l’affaire en prosécution de cause devant le Gouvernement en conseil. Dans son arrêt, la Cour s’est basée sur le principe démocratique, d’essence fondamentale, en décidant que ce principe ne vaut pas seulement pour les élections des représentants de la Nation à la Chambre des Députés, assemblée législative, mais également pour l’élection des membres des chambres professionnelles, organes professionnels représentatifs intervenant notamment dans le processus législatif, telle que prévue par la loi.
Ainsi, suivant la Cour, doit être déclaré incompatible avec le principe démocratique inscrit à l’article 1er de la Constitution, un système qui, au niveau de l’attribution définitive des mandats, ne respecte pas la clé de répartition des sièges à dominante proportionnelle arrêtée à partir du nombre des suffrages valablement émis.
Après avoir rappelé que suivant l’application de l’article 95 de la Constitution, les Cours et tribunaux n’appliquent les règlements généraux et locaux que pour autant qu’ils sont conformes aux lois, en rappelant également que les lois doivent s’entendre comme incluant la loi fondamentale, la Cour a décidé que l’application qui a été faite des règles prévues à l’article 42, alinéa 8 du règlement grand-ducal du 17 janvier 1984, en aboutissant à une altération du nombre des sièges attribués suivant les règles de proportionnalité, a été effectuée en violation du principe démocratique dégagé par la Cour de l’article 1er de la Constitution dont la prééminence a ainsi été retenue. La Cour a ainsi décidé d’annuler dans la limite de la seule catégorie A) de la carrière supérieure de la fonction publique, en raison d’une application non conforme des dispositions de l’article 42, alinéa 8 du règlement grand-ducal du 17 janvier 1984 par rapport à l’article 1er de la Constitution, l’arrêté du Gouvernement en conseil précité du 30 avril 2010, et ce en raison d’une violation par le Gouvernement en conseil de l’article 1er de la Constitution.
En date du 7 mars 2014, le Conseil de gouvernement prit l’arrêté suivant :
« Vu la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création de chambres professionnelles à base élective et plus particulièrement les articles 15, 43ter et 43quater ;
Vu le règlement grand-ducal modifié du 17 janvier 1984 portant réglementation de la procédure électorale pour la Chambre des Fonctionnaires et Employés publics et plus particulièrement l'article 42 ;
Vu l'arrêt de la Cour administrative du 19 décembre 2013 annulant l'arrêté du Gouvernement en conseil du 30 avril 2010 et la décision du ministre-délégué du 17 mai 2010 dans la limite de la validation des résultats des élections du mois de mars 2010 pour la Chambre des Fonctionnaires et Employés publics concernant la catégorie A) de la carrière supérieure de la Fonction publique ;
Considérant qu'après les opérations électorales de mars 2010 précitées, les trois sièges à répartir dans la catégorie A de la carrière supérieure auraient dû revenir à la Liste 1 CGFP-Confédération Générale de la Fonction publique — Fédération Générale des Universitaires au Service de l'État FEDUSE / CGFP, en ce qui concerne les deux premiers sièges, et à la Liste 6 …, en ce qui concerne le troisième siège ;
Considérant qu'une telle distribution des sièges aurait abouti à attribuer les trois sièges dans la catégorie A de la carrière supérieure à trois fonctionnaires issus de l'enseignement ;
Considérant que l'article 43ter, alinéa 5, 2ème et 3ème phrases de la loi précitée du 4 avril 1924 disposent qu' «Au sein de la Chambre des Fonctionnaires et Employés publics aucune administration de l'État ni aucun établissement public ne peut occuper plus de deux mandats pour chacune des catégories A, B et C. Au sens des dispositions du présent article, l'enseignement secondaire, secondaire technique, supérieur et universitaire est à considérer comme formant une seule administration » ;
Considérant que l'article 43ter, alinéa 5 précité s'oppose donc à ce que le troisième siège dans la catégorie A de la carrière supérieure soit attribué à un fonctionnaire issu de l'enseignement ;
Considérant que l'article 42, alinéa 8 du règlement grand-ducal du 17 janvier 1984 précité envisage une redistribution des sièges dans le cas où, par le jeu normal des règles électorales prévues par les dispositions légales et réglementaires applicables, plus de deux sièges seraient à attribuer à des fonctionnaires issus d'une seule administration ;
Considérant que l'article 42, alinéa 8 en question dispose que «Toutefois, si par les opérations qui précèdent plus de deux sièges de membres effectifs étaient à attribuer dans une catégorie à des candidats d'une même administration de l'État ou d'un même établissement public ou d'utilité publique, les deux candidats élus de cette administration ou de cet établissement, à quelque liste qu'ils appartiennent, qui ont obtenu le plus grand nombre de suffrages sont définitivement déclarés élus membres effectifs. En cas de parité de suffrages, l'élection est acquise au candidat le plus âgé. Le siège restant à pourvoir est attribué au premier suppléant de la liste qui n'est pas de la même administration ou du même établissement. Le membre élu prendra rang comme premier suppléant de sa liste. » ;
Considérant qu'en application de cette disposition, les deux premiers sièges étaient revenus à la CGFP alors que les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages étaient issus de la Liste 1 CGFP ;
Considérant que les deux candidats ainsi élus étaient également issus de l'enseignement ;
Considérant que dans la mesure où la Liste 6 … ne comprenait que des candidats issus de l'enseignement, le troisième siège n'avait pas pu être attribué à l'…, mais à un autre membre de la CGFP appartenant à une autre administration ;
Considérant que l'annulation prononcée par la Cour administrative à l'encontre de l'arrêté du Gouvernement en conseil du 30 avril 2010 est basée sur une application non conforme des dispositions de l'article 42, alinéa 8 du règlement grand-ducal du 17 janvier 1984 précité par rapport à l'article 1er de la Constitution, et en définitive, en raison d'une application non conforme des dispositions dudit article 1er de la Constitution ;
Considérant que d'après la Cour administrative l'application non conforme de l'article 42, alinéa 8 résulterait de l'absence de disposition spécifique réglant le cas où une liste entière est écartée parce qu'elle ne comprend que des candidats issus d'une seule et même administration de sorte que les règles à la base du système électoral prévu pour la répartition des mandats à la Chambre des Fonctionnaires et Employés publics suivant le système de la représentation proportionnelle ne sont pas respectées ;
Considérant que la Cour administrative a renvoyé l'affaire en prosécution de cause devant le Gouvernement en conseil ;
Considérant qu'il appartient au Gouvernement en conseil de prendre une nouvelle décision à la suite de l'annulation de son arrêté du 30 avril 2010 précité ;
Considérant que si cette nouvelle décision doit respecter la chose jugée, il n'en reste pas moins qu'elle ne peut pas aboutir à créer une situation illégale ;
Considérant qu'il demeure acquis que les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages sont ceux qui ont précédemment été élus sur la liste 1 CGFP ;
Considérant qu'il appert également que ces deux candidats sont issus de l'enseignement ;
Considérant que le troisième siège revient à la liste 6 … ;
Considérant que l'article 43ter, alinéa 5 de la loi modifiée du 4 avril 1924 s'oppose toutefois à ce qu'une seule administration, en l'occurrence l'enseignement, soit représentée par trois mandataires ;
Arrêtent :
Article unique.- Le résultat des élections pour le renouvellement de la Chambre des Fonctionnaires et Employés publics du mois de mars 2010, tel qu'il fut arrêté par le bureau électoral en date du 8 avril 2010 pour la catégorie A de la carrière supérieure, est validé dans le sens suivant :
Nombre de sièges attribués à la liste 1 CGFP : 2 Sont donc élus sur la liste 1 :
Membres effectifs :
… … … … Membres suppléants :
… … Nombre de sièges attribués à la liste 6 … : 1 Dans la mesure où aucun candidat sur la liste 6 ne remplit les conditions de l'article 43ter, alinéa 5 de la loi modifiée du 4 avril 1924 précitée, le siège attribué à la liste 6 … reste vacant. ».
Cette décision gouvernementale fut portée à la connaissance de Monsieur …par courrier du ministre du 17 mars 2014, avec l’indication que l’arrêté en question a été pris en exécution de l’arrêt précité de la Cour administrative du 19 décembre 2013.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 avril 2014, Monsieur …et l’… ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté précité du Gouvernement en conseil du 7 mars 2014, tel que notifié par le courrier précité du ministre du 17 mars 2014.
Il y a tout d’abord lieu de relever que même si le mandataire de la partie défenderesse s’est constitué au nom et pour le compte du « Gouvernement en Conseil », sinon du ministre, il y a lieu de retenir qu’en l’espèce, la partie défenderesse n’est autre que l’Etat, agissant par le truchement de ses organes légalement compétents.
Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision litigieuse du Gouvernement en conseil du 7 mars 2014. Il s’ensuit que le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.
Le recours subsidiaire en annulation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
A l’appui de leur recours, les demandeurs reprochent au Gouvernement en conseil de ne pas avoir respecté l’arrêt précité de la Cour administrative du 19 décembre 2013, en décidant de laisser vacant le siège qui reviendrait à l’… et qui devrait être occupé par Monsieur …. Ils estiment qu’en application de la loi du 4 avril 1924, il aurait été possible pour le gouvernement de désigner une personne qui n’est pas issue de l’administration de l’enseignement pour représenter le syndicat CGFP pour un des deux sièges en cause, afin de se conformer ainsi à l’arrêt précité de la Cour administrative. Ils estiment que dans la mesure où, suivant l’arrêt précité de la Cour administrative du 19 décembre 2013, l’article 43ter de la loi du 4 avril 1924 ne prévoit pas de règlement d’application valable de nature à déterminer l’attribution des sièges à l’issue des élections du mois de mars 2010, la nomination de Monsieur … se justifierait en application de l’article 1er de la Constitution. Ils rappellent dans ce contexte que la Cour a reproché à l’arrêté du Gouvernement en conseil précité du 30 avril 2010 d’avoir fait une application concrète de la loi du 4 avril 1924 en violation du principe démocratique et partant en violation de l’article 1er de la Constitution. La Cour aurait ainsi retenu la valeur supérieure du « principe constitutionnel du respect des suffrages exprimés », tel qu’il serait inscrit à l’article 1er de la Constitution, par rapport « au principe de la pluralité de représentation des administrations », tel que prévu par l’article 43ter de la loi du 4 avril 1924. Ainsi, dans un souci de cohérence, il y aurait lieu d’écarter dans le cas d’espèce l’application de l’article 43ter de la loi du 4 avril 1924, sinon de le déclarer réputé non écrit en l’espèce.
Les demandeurs reprochent finalement au gouvernement d’avoir retenu une représentation « monopolistique d’un seul syndicat pour la catégorie A) » de la Chambre des fonctionnaires et employés publics et, du fait de laisser vacant le poste qui reviendrait à l’…, et plus particulièrement à Monsieur …, d’avoir violé l’interdiction du monopole de représentation d’une seule administration, contrairement à la volonté exprimée par le législateur, ce qui aurait été expressément condamné par la Cour administrative dans son arrêt précité du 19 décembre 2013.
En définitive, le Gouvernement en conseil, en prenant la décision sous examen, n’aurait pas exécuté l’arrêt précité de la Cour administrative du 19 décembre 2013.
L’Etat estime que les demandeurs feraient une « interprétation subjective et personnelle des considérants constituant le corps de l’arrêt rendu par la Cour administrative en date du 19 décembre 2013 », et qu’ils concluraient au respect d’un « devoir de cohérence », non prévu par la loi, en souhaitant obliger le gouvernement à faire une application contraire à la loi du 4 avril 1924, constitutive d’un excès de pouvoir, dans la mesure où ce serait la solution préconisée par eux qui serait contraire au « résultat des urnes ».
Après avoir rappelé qu’en application de l’article 43ter, alinéa 5 de la loi du 4 avril 1924, une administration ne peut occuper plus de deux mandats pour chacune des catégories de la Chambre des fonctionnaires et employés publics et que le résultat des opérations électorales litigieuses aurait abouti à l’attribution des trois sièges à répartir dans la catégorie A) de la carrière supérieure de manière à en attribuer deux sièges à la liste 1 de la CGFP-
FEDUSE et un siège à la liste 6 de l’…, avec comme conséquence que les trois sièges en question seraient occupés par des fonctionnaires issus de l’enseignement, solution à laquelle s’oppose la disposition légale précitée, l’Etat fait soutenir qu’il n’aurait eu d’autre solution que celle de laisser vacant le troisième siège de la catégorie A) en question, qui serait attribué à l’… sans toutefois pouvoir être occupé par l’un de ses membres. Le délégué du gouvernement fait encore état de ce que la Cour administrative aurait suggéré, dans son arrêt précité, d’échafauder une réforme afin de pouvoir garantir une application conforme des dispositions litigieuses du règlement grand-ducal du 17 janvier 1984 par rapport à l’article 1er de la Constitution, afin que le principe de la proportionnalité de l’attribution des sièges puisse être respectée à la suite des élections sociales. Ainsi, suite à cette recommandation contenue dans l’arrêt précité de la Cour administrative du 19 décembre 2013, le gouvernement aurait élaboré un projet de loi de nature à modifier la loi du 4 avril 1924 ainsi que le règlement grand-ducal du 17 janvier 1984.
En conclusion à ces développements, l’Etat soutient que le Gouvernement en conseil aurait parfaitement respecté l’arrêt de la Cour administrative du 19 décembre 2013 en attribuant le troisième siège de la catégorie A) à l’…, sans toutefois qu’il ne puisse être occupé, puisque le fait de le faire occuper par un membre de l’… n’aurait pu se faire qu’en violation des dispositions applicables de la loi du 4 avril 1924.
De même que la Cour administrative l’a retenu dans le cadre de son examen de la décision du Gouvernement en conseil du 30 avril 2010, il échet de constater, comme l’ont relevé à bon droit les demandeurs, que le Gouvernement en conseil a, à nouveau, violé le principe démocratique retenu par la Cour administrative dans son arrêt précité. En effet, l’application que le gouvernement a fait de la combinaison des articles 43ter, alinéa 5 de la loi du 4 avril 1924 et 42, alinéa 8 du règlement grand-ducal du 17 janvier 1924 a conduit à la violation des résultats des suffrages émis dans le cadre de l’élection pour la Chambre des fonctionnaires et employés publics du mois de mars 2010, en refusant à l’… le droit de faire occuper par Monsieur … le poste lui attribué, et ce en violation du résultat desdites élections, dont le but est justement de désigner les représentants pouvant utilement siéger au sein de la chambre professionnelle en question. La solution ainsi retenue par le gouvernement se trouve être en violation de l’article 1er de la Constitution, par la violation du principe démocratique s’en dégageant, de sorte à ce que l’arrêté gouvernemental précité du 7 mars 2014 encourt l’annulation dans la limite de la validation des résultats concernant la catégorie A) de la carrière supérieure de la fonction publique. Il échet également de constater dans ce contexte que le gouvernement, en adoptant la solution actuellement litigieuse, n’a pas correctement exécuté l’arrêt de la Cour administrative précité du 19 décembre 2013.
Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 € sollicitée par l’Etat en application de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant à l'égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour connaitre du recours principal en réformation ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié, partant annule l’arrêté du Gouvernement en conseil du 7 mars 2014, dans la limite de la validation des résultats des élections du mois de mars 2010 pour la Chambre des fonctionnaires et employés publics concernant la catégorie A) de la carrière supérieure de la fonction publique en ce que le gouvernement a décidé de laisser vacant le siège attribué à la liste 6 de l’… ;
revoie l’affaire en prosécution de cause devant le Gouvernement en conseil ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par l’Etat ;
condamne l'Etat aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Laurent Lucas, juge, Olivier Poos, juge, et lu à l'audience publique du 12 novembre 2014 par le premier vice-président, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 novembre 2014 Le greffier du tribunal administratif 11