Tribunal administratif N° 33136 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 juillet 2013 3e chambre Audience publique du 12 novembre 2014 Recours formé par la société … S.A., … contre des décisions du Ministre du Développement Durable et des Infrastructures en matière d’aides financières pour des véhicules à faible émissions de CO2
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 33136 du rôle et déposée le 29 juillet 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Kerger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société … S.A., ayant son siège social à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de 31 décisions du directeur du Développement Durable et des Infrastructures du 26 mars 2013 refusant de faire droit à des demandes d’aides financières pour des véhicules à faibles émissions de CO2, et contre une décision de refus implicite, ainsi qualifiée, résultant du silence gardé par le ministre suite à un recours gracieux du 2 avril 2013 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 2013 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 4 décembre 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Kerger au nom et pour compte de la société … S.A. ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 décembre 2013 ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marc Kerger et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth Pesch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 avril 2014 ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Marc Kerger et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 mai 2014 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 27 juin 2014 ayant prononcé la rupture du délibéré ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 11 juillet 2014 autorisant le dépôt de mémoires supplémentaires ;
Vu le mémoire additionnel déposé le 24 juillet 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Kerger au nom et pour compte de la société … S.A. ;
Vu l’avis du 17 septembre 2014 autorisant l’Etat à produire un mémoire additionnel ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Marc Kerger et Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 octobre 2014.
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Par 31 décisions individuelles datées chacune du 26 mars 2013, le ministre du Développement durable et des Infrastructures, ci-après désigné par « le ministre », informa la société anonyme … S.A., ci-après désignée par « la société … », de ce que les demandes respectives en obtention d’une aide financière pour voitures à faibles émissions de CO2 sont rejetées, s’agissant des véhicules suivants :
- véhicule immatriculé… ;
- véhicule immatriculé… ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé …;
- véhicule immatriculé … ;
- véhicule immatriculé ….
Ces décisions sont chacune fondées sur les motifs et considérations suivantes :
« […] Je me réfère à votre demande d'aide financière du […] introduite en date du […] pour une voiture à faibles émissions de CO2, portant le numéro d'immatriculation […] et portant le numéro de châssis […].
Après examen de votre dossier de demande, j'ai le regret de vous informer que, selon le règlement grand-ducal modifié du 5 décembre 2007, vous ne pouvez pas bénéficier de l'aide financière de […] EUR pour la voiture sus-indiquée et ceci pour la raison suivante :
«Art. 3.
(1) Le présent règlement concerne les voitures mises en circulation pour la première fois entre:
- le 1er juin 2008 et le 31 décembre 2011 inclusivement lorsque le propriétaire de la voiture est une personne morale (…) Les demandes en vue de l'obtention de l'aide financière et / ou de la prime à la casse sont à introduire au plus tôt sept mois après la date à laquelle la voiture a été immatriculée au nom du requérant de l'aide financière et / ou de la prime à la casse, et au plus tard le 31 décembre 2012 (…)» Or, dans votre cas, la demande d'aide financière pour une voiture à faibles émissions de CO2, immatriculée la première fois en 2011, a été introduite en date du […] et n'est donc pas éligible selon des directives du présent règlement. […] ».
Par un courrier du 2 avril 2013, la société … fit introduire un recours gracieux contre ces décisions.
Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 juillet 2013, la société … a fait introduire un recours principalement en réformation et subsidiairement en annulation contre les 31 décisions de refus d’octroi des aides, ainsi que contre une décision implicite de refus du fait du silence du ministre pendant plus de trois mois suite au recours gracieux du 2 avril 2013.
Quant à la portée exacte du recours, le tribunal constate que si dans la requête introductive d’instance la partie demanderesse a expressément indiqué qu’elle entend déférer 31 décisions de refus du ministre visant différents véhicules, elle n’en a énuméré que 30, celle visant le véhicule portant le numéro d’immatriculation … n’y figurant pas. Néanmoins, dans la mesure où la requête introductive d’instance indique clairement que le recours est dirigé contre 31 décisions et que ces 31 décisions figurent parmi les pièces versées en cause, étant d’ailleurs identiques à celles produites par la partie étatique dans le dossier administratif, de sorte que celle-ci n’a pas pu se méprendre sur la portée exacte du recours, il y a lieu d’admettre que l’omission de mentionner la décision relative au véhicule précité dans la motivation de la requête introductive d’instance relève d’une simple erreur matérielle et que le recours est également dirigé contre cette décision.
Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Il est en revanche compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation.
Le tribunal a, à l’audience des plaidoiries du 21 mai 2014, soulevé d’office la question de la recevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé contre une décision implicite de refus résultant du silence gardé par le ministre pendant plus de trois mois suite au recours gracieux du 2 avril 2013.
Les parties se sont rapportées à prudence de justice quant à cette question.
Aux termes de l’article 13 (3) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives : « Si un délai de plus de trois mois s’est écoulé depuis la présentation du recours gracieux sans qu’une nouvelle décision ne soit intervenue, le délai du recours contentieux commence à courir à partir de l’expiration du troisième mois.
[…] » Il se dégage de cette disposition que, contrairement à l’hypothèse visée à l’article 4, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives, où l’administration n’a pas répondu à une demande initiale endéans trois mois, engendrant une décision de refus implicite, le silence administratif suite à l’introduction d’un recours gracieux contre une décision administrative ne crée pas de nouvelle décision et n’a qu’une incidence sur le délai pour introduire le recours contentieux. Partant, le recours est irrecevable pour défaut d’objet pour autant qu’il est dirigé contre une prétendue décision implicite de refus du ministre se dégageant du silence gardé pendant plus de trois mois suite au recours gracieux du 2 avril 2013.
Le recours est en revanche recevable en ce qu’il est dirigé contre les 31 décisions du 26 mars 2013 refusant d’accorder une aide financière pour voitures à faibles émissions de CO2.
A l’appui de son recours, la demanderesse invoque le règlement grand-ducal modifié du 5 décembre 2007 concernant l’octroi d’une aide financière et d’une prime à la casse aux personnes physiques et aux personnes morales de droit privé pour la promotion des voitures à personnes à faibles émissions de CO2, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 5 décembre 2007 », en soutenant que dans la mesure où il s’agirait en l’espèce de voitures de location sans chauffeur au sens de l’article 3, paragraphe 1er, dudit règlement grand-ducal, et telles que définies par l’article 2.2.7 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après dénommé « l’arrêté grand-
ducal du 23 novembre 1955 », et comme les demandes auraient été introduites au plus tard le 1er mars 2013, date référencée au règlement grand-ducal du 5 décembre 2007 s’agissant de voitures de location sans chauffeur, les demandes seraient éligibles pour l’obtention de l’aide financière litigieuse.
Subsidiairement, la demanderesse fait valoir que le règlement grand-ducal du 5 décembre 2007 prévoirait certes des délais impératifs, sans toutefois expressément préciser que ces délais soient à observer sous peine de déchéance. En effet, le règlement grand-ducal du 5 décembre 2007 ne prévoyant pas de sanction en cas d’inobservation de ces délais, le ministre ne pourrait appliquer une telle sanction en l’absence de tout texte.
La partie étatique répond en se référant à l’article 3, paragraphe 1er, du règlement grand-
ducal du 5 décembre 2007 et en faisant valoir que dans son recours gracieux, la demanderesse aurait admise elle-même avoir introduit par erreur les demandes de subventions hors délai.
Le délégué du gouvernement ajoute qu’aucune des cartes grises jointes aux dossiers des demandes ne contiendrait l’inscription « véhicule de location sans chauffeur », tandis que cette inscription se trouverait normalement dans la partie « remarques » des cartes grises, afin de faire en sorte que ces voitures soient conformes aux exigences de contrôle technique plus strictes. En effet, l’article 4bis de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désignée par « la loi du 14 février 1955 », exigerait un contrôle technique périodique au moins tous les douze mois notamment pour les véhicules donnés en location sans chauffeur. Si dès lors les véhicules litigieux étaient des véhicules de location sans chauffeur, la demanderesse aurait dû les faire soumettre au contrôle technique entre-temps, ce qui ne serait pas le cas. Les véhicules ne constitueraient partant pas des voitures de location sans chauffeur..
Ce serait partant à bon droit que les demandes litigieuses auraient été refusées.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse fait valoir que la circonstance qu’elle avait admise dans son recours gracieux avoir introduit par erreur les demandes hors délai serait sans relevance. Une renonciation à ses droits ne pourrait se présumer et une erreur d’interprétation d’un texte ne serait en toute hypothèse pas constitutive d’une renonciation claire et non équivoque à un droit.
D’autre part, la demanderesse fait valoir que l’intégralité des véhicules en cause qu’elle donne en location respectivement en leasing à ses clients répondrait à la définition des véhicules de location sans chauffeur inscrite à l’article 2.2.7 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955.
Aux termes de l’article 3, paragraphe 1er, du règlement grand-ducal du 5 décembre 2007, tel qu’il a été modifié par le règlement grand-ducal du 17 décembre 2010, modification pertinente en l’espèce, « (1) L’aide financière prévue au paragraphe 1 de l’article 1er est allouée dans les conditions y visées pour les voitures mises en circulation pour la première fois entre :
- le 1er juin 2007 et le 31 décembre 2011 inclusivement lorsque le propriétaire de la voiture est une personne physique, - le 1er juin 2008 et le 31 décembre 2011 inclusivement lorsque le propriétaire de la voiture est une personne morale.
La prime à la casse prévue au paragraphe 3 de l’article 1er est allouée pour les voitures mises en circulation pour la première fois entre le 1er janvier 2009 et le 31 juillet 2010 inclusivement.
Les demandes en vue de l’obtention de l’aide financière et/ou de la prime à la casse sont à introduire au plus tôt sept mois après la date à laquelle la voiture a été immatriculée au nom du requérant de l’aide financière et/ou de la prime à la casse, et au plus tard le 1er octobre 2012.
Pour les voitures de location sans chauffeur, les demandes sont à introduire au plus tôt douze mois après la date à laquelle la voiture a été immatriculée au nom du requérant de l’aide financière et/ou de la prime à la casse, et au plus tard le 1er mars 2013. Au cas où l’aide financière et/ou la prime à la casse est sollicitée par les détenteurs de la voiture, les demandes sont à introduire au plus tôt sept mois après la date à laquelle le contrat de leasing a débuté, et au plus tard le 1er octobre 2012. » Il se dégage de la première phrase du dernier alinéa de l’article 3, paragraphe 1er précité, que l’octroi de l’aide financière, respectivement de la prime à la casse est notamment subordonné à une période de détention minimale du véhicule. Ainsi, en principe, les demandes en vue de l’obtention de l’aide financière, respectivement de la prime à la casse sont à introduire au plus tôt sept mois après la date à laquelle la voiture a été immatriculée au nom du requérant de l’aide.
D’autre part, les demandes sont à introduire au plus tard le 1er octobre 2012.
Par exception à ce principe, s’il s’agit de voitures de location sans chauffeur, la durée de détention minimale du véhicule est prolongée à douze mois, cette différence étant justifiée par des considérations tenant au « renouvellement très rapide du parc des sociétés concernées »1.
Dès lors, aux termes de la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article 3, paragraphe 1er précité, pour ces types de véhicules, les demandes sont à introduire au plus tôt douze mois après la date à laquelle la voiture a été immatriculée au nom du requérant, la date limite pour l’introduction de la demande étant prolongée en conséquence, à savoir jusqu’au 1er mars 2013.
La dernière phrase du dernier alinéa de l’article 3, paragraphe 1er précité prévoit enfin une hypothèse particulière, à savoir celle où la demande est introduite, non pas comme en principe par le propriétaire du véhicule, par le détenteur du véhicule et où il s’agit d’un contrat de leasing, étant précisé que le règlement grand-ducal du 19 décembre 2008 a) modifiant le règlement grand-
ducal du 5 décembre 2007 concernant l’octroi d’une aide financière aux personnes physiques pour la promotion des voitures à personnes à faibles émissions de CO2 b) portant introduction d’une aide financière pour la promotion des appareils électroménagers réfrigérants à basse consommation d’énergie (A++) a introduit la possibilité pour le détenteur du véhicule, dans l’hypothèse spécifique d’un contrat de leasing, de bénéficier de l’aide. Dans une telle hypothèse, la durée de détention minimale est, tel que cela est le cas dans l’hypothèse où la demande est faite par le propriétaire, de sept mois, mais non pas à partir de l’immatriculation du véhicule, mais à partir de la date à laquelle le contrat de leasing a débuté et la date limite pour l’introduction de la demande est, à l’identique du cas où la demande est introduite par le propriétaire, le 1er octobre 2012.
Ainsi, si l’aide, respectivement la prime à la casse, sont réservées aux personnes propriétaires d’une des voitures automobiles à personnes mentionnées à l’article 1er du règlement grand-ducal du 5 décembre 2007 et immatriculées au Luxembourg, dans le cas d’un contrat de leasing, elles peuvent être allouées au détenteur de la voiture inscrit sur le certificat d’immatriculation ou identifié sur le contrat de leasing.
1 Cf. exposé des motifs du règlement grand-ducal du 19 décembre 2008 a) modifiant le règlement grand-ducal du 5 décembre 2007 concernant l’octroi d’une aide financière aux personnes physiques pour la promotion des voitures à personnes à faibles émissions de CO2 b) portant introduction d’une aide financière pour la promotion des appareils électroménagers réfrigérants à basse consommation d’énergie (A++).
Le formulaire de demande tel qu’annexé au règlement grand-ducal du 17 décembre 2010 tient aussi compte de cette distinction, en ce qu’il y est expressément mentionné à diverses reprises que l’aide peut être, dans l’hypothèse d’un contrat de leasing, sollicitée par le détenteur du véhicule (« L’aide financière et/ou la prime à la casse sont destinées aux personnes propriétaires d’une voiture à faibles émissions de CO2 immatriculée au Grand-Duché. Dans le cas d’un contrat de leasing, elles peuvent être allouées au détenteur de la voiture inscrit sur le certificat d’immatriculation ou identifié sur le contrat de leasing à condition que la voiture soit immatriculée au Grand-Duché »). Le même formulaire prévoit encore expressément une déclaration de renonciation à l’aide et d’accord à ce que l’aide soit octroyée au détenteur, qui est à signer par le propriétaire du véhicule, et qui porte la mention : « à remplir uniquement si le requérant de l’aide et/ou de la prime n’est pas le propriétaire de la voiture - cas d’un contrat de leasing ».
Si dans ses décisions du 26 mars 2013 le ministre a fondé son refus sur la première phrase du dernier alinéa de l’article 3, paragraphe 1er, précité suivant le dernier état de ses conclusions, la partie étatique s’appuie sur la dernière phrase du même alinéa pour conclure que les demandes auraient été introduites hors délai.
La demanderesse, pour sa part, tel que relevé ci-avant, conteste, suivant le dernier état de ses conclusions, que les contrats, à travers lesquels elle a mis ses véhicules à disposition de ses clients, sont à qualifier de contrats de leasing et elle estime par ailleurs que les véhicules litigieux constitueraient des véhicules de location sans chauffeur, de sorte qu’elle devrait bénéficier du délai allant jusqu’au 1er mars 2013 visé à la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article 3, paragraphe 1er précité.
Le tribunal est de prime abord amené à retenir que c’est à tort que la partie étatique conclut au rejet du recours du seul fait que la demanderesse aurait admis dans son recours gracieux que les demandes ont été introduites hors délai. S’il est vrai que la partie étatique est fondée à déduire des termes de ce courrier des conséquences s’agissant de la prise de position de la demanderesse sur des éléments de fait, elle n’est pas fondée à en déduire une renonciation par la demanderesse à ses droits ou encore des conséquences sur la qualification en droit de la situation de la demanderesse, qui relève en définitive du tribunal. En effet, même à admettre que la demanderesse ait admis que les demandes avaient été introduites hors délai, la qualification juridique de sa situation et plus particulièrement la question de savoir quelles dispositions légales lui sont applicables au regard des contestations des parties, appartient au tribunal, sans que son appréciation soit liée par une qualification antérieurement faite par la demanderesse.
D’autre part, le tribunal constate qu’il se dégage des formulaires de demande des aides respectives, versés aux débats par la partie étatique sur question afférente du tribunal, que les aides ont toutes été sollicitées par la demanderesse en tant que propriétaire des véhicules, sans qu’elle n’ait rempli la case du formulaire mentionnée ci-avant, visant la renonciation du propriétaire au bénéfice de l’aide en faveur du détenteur. Il s’ensuit, et cela indépendamment de la question de la qualification des contrats visant les véhicules litigieux de contrats de leasing, que l’argumentation de la partie étatique, qu’en l’espèce ce serait la troisième phrase du dernier alinéa de l’article 3, paragraphe 1er précité et le délai y prévu qui trouveraient application, n’est pas susceptible de justifier les décisions litigieuses, les aides n’étant pas sollicitées par les détenteurs respectifs des véhicules.
Se pose ensuite la question de savoir si, en l’espèce, la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article 3, paragraphe 1er du règlement grand-ducal du 5 décembre 2007 trouve application, comme le soutient la demanderesse, ou si c’est la troisième phrase du même article invoqué par le ministre dans sa décision qui s’applique.
Aux termes de l’article 2.7. de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, invoqué par la demanderesse pour conclure que la date limite pour l’introduction de la demande devrait être celle du 1er mars 2013, la voiture de location sans chauffeur est définie comme « véhicule routier destiné à être donné en location à un tiers pour être conduit par celui-ci ou sous sa responsabilité », tandis qu’aux termes de l’article 2.6. du même arrêté grand-ducal est définie comme voiture de location la « voiture automobile à personnes destinée à être donnée en location avec chauffeur pour servir au transport rémunéré ou gratuit de personnes. Les termes « voitures de location avec chauffeur » et « véhicules de location avec chauffeur » sont utilisés avec la même signification que le terme « voitures de location ». Les taxis, les ambulances, les corbillards et les véhicules de secours ne sont pas considérés comme des voitures de location ».
L’article 3, paragraphe 1er du règlement grand-ducal du 5 décembre 2007, dans sa version pertinente pour le cas de l’espèce, distingue, s’agissant du délai d’introduction des demandes, qui découle en substance de la durée minimale de détention des véhicules telle que fixée par cette disposition, entre trois cas de figure, à savoir le premier qui est l’hypothèse de principe, où la demande est introduite par le propriétaire, le deuxième qui vise les voitures de location et le troisième qui est celui où la demande est introduite par le détenteur du véhicule lorsqu’il s’agit d’un contrat de leasing. L’article 3 précité prévoit ainsi deux exceptions au cas de figure ordinaire où la durée minimale de détention est de sept mois à partir de la date à laquelle le véhicule a été immatriculé au nom du propriétaire et où la date limite pour l’introduction de la demande est le 1er octobre 2012, à savoir, d’une part, celle des voitures de location sans chauffeur, hypothèse où la durée de détention minimale est prolongée à douze mois et où la date limite pour l’introduction de la demande est reportée en conséquence au 1er mars 2013, et, d’autre part, l’hypothèse où la demande est introduite par le détenteur de la voiture dans le cas de figure d’un contrat de leasing, hypothèse dans laquelle la durée de détention minimale est également de sept mois, mais commence à courir à partir de la date à laquelle le contrat de leasing a débuté, et dans laquelle la date limite pour l’introduction de la demande est également le 1er octobre 2012.
Le tribunal est amené à retenir que, contrairement à ce qui est soutenu par la demanderesse, la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article 3, paragraphe 1er du règlement grand-ducal du 5 décembre 2007 ne trouve pas application s’il s’agit d’une voiture couverte par un contrat de leasing. En revanche, en présence d’un véhicule couvert par un contrat de leasing, il y a lieu de distinguer selon que la demande est introduite par le propriétaire, auquel cas le délai prévu par la première phrase du dernier alinéa de l’article 3, paragraphe 1er précité trouve application, ou par le détenteur, auquel cas le délai prévu par la troisième phrase du même article trouve application.
En effet, un contrat de leasing n’est pas à assimiler à un simple contrat de location au sens de l’article 1709 du Code civil et partant une voiture couverte par un contrat de leasing n’est pas à assimiler à une voiture de location sans chauffeur au sens de l’article 3, dernier alinéa, paragraphe 1er deuxième phrase du règlement grand-ducal du 5 décembre 2007. Un contrat de leasing est en effet un contrat sui generis qui ne correspond pas entièrement à la définition classique d’un contrat de location puisqu’il s’agit d’une technique contractuelle de crédit à moyen ou à long terme. S’il est vrai qu’après avoir acquis le véhicule sur demande d’un client, la société de leasing met ce véhicule à la disposition de ce client en contrepartie de redevances ou de loyers, le contrat de leasing comporte néanmoins des particularités qui peuvent varier en fonction du type de leasing choisi, allant au-delà d’une location classique. En fonction du type de leasing choisi, la propriété fiscale et la propriété économique ne revient d’ailleurs pas forcément au propriétaire juridique du bien, ce qui n’est pas le cas d’une location classique.
Un contrat de leasing peut ainsi se présenter sous différentes formes en vertu des stipulations prévues, tel que le leasing financier - qui s’entend sur une période de location de base déterminée, pendant laquelle le contrat ne peut pas être résilié, période qui se recoupe en général avec la durée usuelle d’utilisation du bien faisant l’objet du contrat et en vertu duquel, au terme de cette période, le preneur de leasing a payé au donneur de leasing le prix d’acquisition ou de revient intégral du bien, y compris les frais accessoires et les frais de financement à charge du donneur -, ou encore le leasing opérationnel - qui constitue un contrat conclu en général à court terme pouvant être résilié à tout moment, et pour lequel, d’un point de vue économique, le risque de l’investissement incombe au bailleur qui va louer le bien plusieurs fois pour se faire rembourser le prix d’acquisition ou le prix de revient intégral -, ou encore d’autres formes de leasing, tel que le non full-pay-out leasing - ne prévoyant pas le paiement intégral du prix d’acquisition ou de revient du bien par l’utilisateur au cours de la période de location de base -, le sale-and-lease-back leasing - se caractérisant par le fait que le preneur du leasing achète lui-
même un bien qu’il vend ensuite à une société de leasing pour le reprendre en location -, le contrat de location-vente - en vertu duquel le locataire a le droit d’acquérir à un moment quelconque le bien loué et en vertu duquel le prix d’acquisition est fixé en tenant compte des versements de loyer effectués par le locataire jusqu’au moment de la réalisation de l’option d’achat. En conclusion, vu les différentes sortes de contrats de leasing variant en fonction des stipulations des parties, une définition générale précise est difficile. Néanmoins, il convient de retenir que le leasing est une technique de financement à court ou à moyen terme et qu’en général le leasing implique un transfert de tout ou partie des risques et avantages du bailleur au locataire.
Le donneur de leasing donne en location des biens mobiliers ou immobiliers qu’il achète ou fabrique selon les besoins et conceptions du locataire et il se refinance en règle générale à 100 %, ce qui le distingue des autres bailleurs (cf. études fiscales n° 80 de mars 1989 « Le leasing en droit fiscal » par Monsieur Carlo Mack).
La conclusion ci-avant retenue que la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article 3, paragraphe 1er du règlement grand-ducal du 5 décembre 2007 n’est pas applicable aux voitures couvertes par un contrat de leasing, est confortée par l’agencement des trois hypothèses prévues dans ledit paragraphe.
En effet, si la notion de voiture de location sans chauffeur au sens de l’article 3, paragraphe 1er, dernier alinéa, deuxième phrase précité visait aussi l’hypothèse d’un contrat de leasing, tel que la demanderesse l’entend, le législateur aurait pris le soin d’envisager la même durée de détention minimale de douze mois dans l’hypothèse où la demande est introduite par le détenteur et il n’aurait pas, dans cette hypothèse, aligné la durée de détention minimale et la date limite pour l’introduction de la demande à ceux prévus à la première phrase du dernier alinéa de l’article 3, paragraphe 1er précité. Le tribunal constate encore qu’il se dégage de l’exposé des motifs à la base du règlement grand-ducal du 19 décembre 2008 que l’introduction des dispositions spécifiques pour les voitures de location sans chauffeur, en ce que la durée de détention minimale de sept mois, qui est de principe, est prolongée à douze mois, est justifiée par la considération tenant au renouvellement très rapide du parc des voitures des sociétés concernées. Par cette référence le législateur a nécessairement visé les locations classiques de véhicules à court terme successivement à divers clients. En revanche, les contrats de leasing visent en général une durée de mise à disposition du véhicule plus longue, allant d’ailleurs en l’espèce jusqu’à quatre ans pour le même client.
Reste à savoir si, en l’espèce, les contrats visant les véhicules litigieux sont susceptibles d’être qualifiés de contrats de leasing.
Le tribunal relève que si, dans son mémoire en réplique, la demanderesse n’a pas contesté que les véhicules litigieux sont couverts par des contrats de leasing, elle a contesté cette qualification dans son mémoire additionnel, en soutenant que cette qualification serait à exclure puisqu’elle donnerait les véhicules à des tiers en location pour être conduits sous la responsabilité de ceux-ci, de sorte qu’il s’agirait d’une location de véhicule sans chauffeur et a, par ailleurs, fait plaider, en termes de plaidoiries orales, que puisque les contrats ne prévoiraient pas d’option d’achat ils ne seraient pas susceptibles d’être qualifiés de contrats de leasing.
S’il est vrai qu’à l’exception du contrat portant sur le véhicule immatriculé 71320, les contrats cadres ne prévoient pas une option d’achat à la fin du contrat, force est de constater qu’une option d’achat à la fin du contrat ne constitue pas une condition essentielle d’un contrat de leasing, mais est uniquement la caractéristique d’une des catégories de contrat de leasing, tel que cela se dégage de ce qui a été retenu ci-avant, de sorte que l’argumentation afférente de la demanderesse tendant à exclure la qualification de contrat de leasing à défaut de clause prévoyant une option d’achat n’est pas de nature à remettre en cause la qualification de contrat de leasing.
D’autre part, tel que cela a été retenu ci-avant, la circonstance que les véhicules sont mis à disposition par la demanderesse à ses clients pour être utilisés par ces derniers constitue certes une caractéristique commune aux contrats de leasing et aux contrats de location classique, mais ne permet pas de départager les deux types de contrats, de sorte que cette argumentation de la demanderesse tombe également à faux.
Sans vouloir entrer dans le détail des différentes clauses des contrats de base versés par la demanderesse à la demande du tribunal, au regard des stipulations des différents contrats, qui ne sont pas identiques pour chaque véhicule, en ce que certains contrats prévoient une option d’achat et d’autres ne la prévoient pas, le tribunal est néanmoins amené à retenir que c’est à tort que la demanderesse conteste la qualification de contrat de leasing, puisque les contrats prévoient des clauses allant au-delà d’un simple contrat de location au sens de l’article 1709 du Code civil et comportent par ailleurs les caractéristiques propres aux contrats de leasing telles que décrites ci-
avant. En effet, le tribunal constate que les différents contrats portant sur une durée se recoupant en substance avec la durée d’utilisation normale d’un véhicule et le « loyer », ne comprend pas seulement la contrepartie de la mise à disposition proprement dite, mais également l’amortissement du capital, les intérêts et frais financiers et autres frais de gestion à charge du bailleur, tels que la taxe de la circulation, les provisions pour réparation et assistance, les pneumatiques etc. La plupart des contrats prévoient encore une clause de sale-and-lease-back.
Le tribunal relève encore que la demanderesse, en introduisant ses demandes, s’est clairement placée dans l’hypothèse de la première phrase de l’article 3, paragraphe 1er, dernier alinéa, du règlement grand-ducal du 5 décembre 2007, en ce qu’il se dégage des différents formulaires de demandes des aides respectives sub 7 « validation (demandeur) » qu’elle a déclaré être propriétaire des véhicules respectifs au moins pendant sept mois après la date d’immatriculation des véhicules à son nom, et non pas pendant une durée de douze mois tel que cela est le cas des voitures de location sans chauffeur. A cet égard, il convient de relever que, tel que cela a été retenu ci-avant, la partie étatique n’est pas fondée à conclure au rejet du recours par la simple considération que la demanderesse a admis elle-même avoir introduit tardivement les demandes respectives, le tribunal peut néanmoins prendre en considération l’objet des demandes en obtention des aides litigieuses tel que décrit par la demanderesse elle-même qui a fait état d’une durée de détention de sept mois seulement.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen de la demanderesse suivant lequel les véhicules donnés par elle en location répondraient à la définition de l’article 2.7 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, et que partant la date limite pour l’introduction de la demande devrait être celle du 1er mars 2013, prévue pour les véhicules de location sans chauffeur, est rejetée comme n’étant pas fondée, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner l’argumentation de la partie étatique fondée sur les inscriptions figurant sur la carte grise des véhicules litigieux.
S’agissant de l’argumentation de la demanderesse relativement au caractère contraignant du délai indiqué à l’article 3, paragraphe 1er du règlement grand-ducal du 5 décembre 2007 et de la sanction en cas de non-respect de ce délai, le tribunal relève qu’il est certes vrai que l’article 3, paragraphe 1er précité ne précise pas expressément que les délais d’introduction des demandes y indiqués sont à respecter sous peine de déchéance. Néanmoins, en raison de l’emploi du terme « sont à introduire » le délai litigieux est à qualifier de délai impératif, de sorte que le non-
respect implique nécessairement le rejet de la demande. Admettre le contraire, reviendrait à enlever au texte en question toute portée utile.
Il s’ensuit que c’est à tort que la demanderesse soutient qu’à défaut de sanction spécifique prévue dans le règlement grand-ducal du 5 décembre 2007, le ministre ne pourrait fonder un refus d’octroi de l’aide litigieuse sur le non-respect du délai d’introduction des demandes.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens que le recours est à rejeter comme étant non fondé.
Eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros formulée par la demanderesse est rejetée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;
déclare irrecevable le recours subsidiaire pour autant qu’il est dirigé contre une prétendue décision implicite de refus se dégageant du silence gardé par le ministre suite au recours gracieux du 2 avril 2013 ;
pour le surplus, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la pure forme ;
au fond le déclare non justifié et en déboute ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 5.000 euro formulée par la demanderesse ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par:
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Jackie Maroldt, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 12 novembre 2014 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 novembre 2014 Le greffier du tribunal administratif 12