Tribunal administratif N° 33963 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 janvier 2014 Ire chambre Audience publique du 22 octobre 2014 Recours formé par Monsieur …et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse
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JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 33963 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 janvier 2014 par Maître James Juncker, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur .., dirigeant de société, et de son épouse, Madame …, salariée, demeurant ensemble à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision implicite de refus de faire droit à leur demande de remise gracieuse adressée au directeur de l’administration des Contributions directes en date du 6 mars 2013, se dégageant du silence gardé par lui pendant un délai de plus de six mois après l’introduction de ladite demande ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 31 mars 2014 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 avril 2014 par Maître James Juncker pour compte des époux …;
Vu les pièces versées en cause ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître James Juncker et Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en leurs plaidoiries respectives.
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En date du 14 janvier 2009, le bureau d’imposition d’Ettelbruck de la section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-après « le bureau d’imposition », émit, pour l’année 2007, un bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés à charge d’une « copropriété terrains » dénommée « … & consorts », dénommée ci-après « la copropriété », fixant à …€ le montant du bénéfice commercial (total des revenus nets), réparti entre les trois co-
intéressés, à savoir Monsieur …, Monsieur …et Monsieur …, en attribuant à chacun d’eux une quote-part dans les revenus collectifs de …€.
Par bulletin de l’impôt commercial communal du même jour et portant sur l’année 2007, le bureau d’imposition, en prenant en considération le bénéfice commercial soumis à l’impôt commercial de …€, fixa le montant de l’impôt commercial à …€.
Par courrier du 17 février 2009, Messieurs …, … et …, déclarant agir au nom de la copropriété introduisirent une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-après le « directeur », dirigée contre le bulletin de l’impôt commercial communal précité du 14 janvier 2009, en soutenant que la plus-value réalisée lors de la cession d’un immeuble devrait être considérée comme « plus-value réalisée sur un terrain détenu en patrimoine privé ».
En date du 8 juillet 2009, le bureau d’imposition émit à l’égard de Monsieur …, au titre de l’année d’imposition 2007, le bulletin de l’impôt sur le revenu sur lequel figure, au titre du bénéfice commercial soumis à l’impôt sur le revenu la somme de …€, ledit bulletin mentionnant que l’imposition diffère de la déclaration notamment en considération de l’imposition de la copropriété.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 janvier 2010, inscrite sous le numéro 26480 du rôle, Monsieur …, Monsieur …et Monsieur … introduisirent un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision implicite de rejet du directeur de leur réclamation dirigée contre le bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés ainsi que contre le bulletin de la base d’assiette globale et de l’impôt commercial communal de l’année 2007. Par requête séparée, déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2010, y inscrite sous le numéro 26904 du rôle, Messieurs …, …et … introduisirent un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation du bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés ainsi que du bulletin de la base d’assiette globale et de l’impôt commercial communal de l’année 2007.
Par jugement du tribunal administratif du 1er décembre 2010, inscrit sous les numéros 26480 et 26904 du rôle, les deux rôles ont été joints, le recours introduit sous le numéro 26480 du rôle a été déclaré irrecevable, au motif qu’aux termes des dispositions légales applicables, une prétendue décision implicite de refus du directeur n’existe pas, le recours en réformation, en ce qu’il a été introduit sous le numéro 26904 du rôle, a été déclaré recevable en la pure forme, le tribunal le déclarant cependant irrecevable dans la mesure où il a été dirigé contre le bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2007, au motif qu’aucune réclamation n’avait été dirigée au directeur en ce qui concerne ce bulletin. Pour le surplus, le tribunal déclare ledit recours en réformation recevable et justifié, en réformant le bulletin d’imposition de l’impôt commercial communal de l’année 2007 au motif que la plus-value dégagée de l’opération immobilière litigieuse relative à un terrain sis à … ne constitue pas un bénéfice commercial au sens de l’article 14 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, dénommée ci-après « LIR ». Pour le surplus, le tribunal a, par le jugement précité du 1er décembre 2010, renvoyé l’affaire devant le directeur en vue de sa transmission au bureau d’imposition compétent.
En exécution du jugement précité du 1er décembre 2010, le bureau d’imposition rectifia le bulletin de l’impôt commercial communal pour l’année 2007, en émettant un nouveau bulletin en date du 23 février 2011, concernant l’année 2007, au titre duquel « l’assiette de l’impôt commercial communal ne donne pas lieu à une cote d’impôt ».
A la suite d’une demande adressée au directeur par le mandataire des époux …-…, …-…l et …, en date du 17 mai 2011, par laquelle fut sollicitée la rectification du bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour l’année 2007 ainsi que des bulletins de l’impôt sur le revenu de l’année 2007 des époux en question, à la suite de la rectification, en exécution du jugement précité du tribunal administratif du 1er décembre 2010, du bulletin de l’impôt commercial communal de la même année, le directeur informa ledit mandataire de ce qui suit, par courrier du 8 juillet 2011 :
« Dans votre missive datée du 17 mai 2011, vous me priez d'intervenir auprès du bureau d'imposition compétent afin que soient redressés, suite au jugement sous rubrique, le bulletin d'établissement séparé et en commun de 2007 de vos mandants ainsi que leurs bulletins de l'impôt sur le revenu de cette même année. Le tribunal ayant retenu que l'activité exercée par vos mandants n'était pas à qualifier de nature commerciale pour 2007, vous estimez que, sur base du § 218 alinéa 4 de la loi générale des impôts (AO), le bulletin d'établissement séparé et en commun et les bulletins personnels de vos mandants seraient à redresser d'office.
Or, si le tribunal s'est prononcé, en ce qui concerne le bulletin de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2007, en jugeant, quant au fond, que l'activité déployée par vos mandants n'a pas dépassé le cadre de la gestion du patrimoine privé, de sorte qu'aucun impôt commercial n'était dû, il n'en reste pas moins qu'il a également retenu, quant à la forme, que le recours, dans la mesure où il a été introduit contre le bulletin de l'établissement séparé et en commun des revenus d'entreprises collectives et de copropriétés de l'année 2007, était irrecevable omisso medio, ainsi que le documentent sans équivoque les extraits suivants :
« … seul le bulletin d'imposition de l'impôt commercial communal était visé par les réclamants, ceux-ci n'y ayant mentionné ni explicitement, ni implicitement le bulletin d'établissement des revenus d'entreprises collectives et de copropriétés. » (page 5) « Dès lors, un recours dirigé contre un bulletin d'imposition déterminé est irrecevable omisso medio si ledit bulletin et les contestations formulées n'ont pas été soumis préalablement pour examen et décision au directeur. En l'espèce, le recours tel que dirigé contre le bulletin d'établissement des revenus d'entreprises collectives et de copropriété, bulletin n'ayant pas été préalablement soumis au directeur, doit être déclaré irrecevable. » (page 6) « …le déclare cependant irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre le bulletin d'établissement des revenus d'entreprises collectives et de copropriété de l'année 2007 » (dispositif, page 10) Il en résulte que le bulletin d'établissement séparé et en commun de l'année 2007 a acquis autorité de la chose décidée et n'est soumis à aucun redressement sur base du jugement précité.
Le paragraphe 218 alinéa 4 AO, énonce le principe que : « Ist die in einem Feststellungsbescheid enthaltene Feststellung durch Rechtsmittelentscheidung … geändert worden, so werden Bescheide (Steuerbescheide … ), die auf dem bisherigen Feststellungsbescheid beruhen, von Amts wegen durch neue Bescheide ersetzt, die der Änderung Rechnung tragen. (…) ». Or, le tribunal a précisément retenu l'irrecevabilité du recours contre le « Feststellungsbescheid » (bulletin d'établissement séparé et en commun) qui n'est donc pas à rectifier sur base d'une « Rechtsmittelentscheidung » (jugement du tribunal administratif). Le paragraphe 218 alinéa 4 AO ne saurait dès lors sortir ses effets en l'espèce et les bulletins de l'impôt sur le revenu de l'année 2007 respectifs de vos mandants n'encourent partant aucune modification. ».
A la suite de l’introduction, en date du 7 octobre 2011, sous le numéro 29255 du rôle, d’un recours contentieux dirigé contre la décision directoriale précitée du 8 juillet 2011, le tribunal administratif, par jugement du 21 juin 2012, a déclaré ledit recours irrecevable, au motif que la lettre précitée du 8 juillet 2011 n’avait qu’un caractère purement informatif et explicatif de la portée du jugement précité du 1er décembre 2010, du fait que le bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2007 était revêtu de l’autorité de la chose décidée, à la suite du jugement précité du 1er décembre 2010.
Dans son arrêt du 20 décembre 2012, (n° 30889C du rôle), la Cour administrative, sur appel dirigé contre le jugement précité du 21 juin 2012, a déclaré ne pas partager l’analyse des premiers juges en ce que ceux-ci ont dénié tout contenu décisionnel au courrier directorial du 8 juillet 2011, en estimant au contraire que le simple fait qu’un recours contentieux dirigé contre un bulletin soit déclaré irrecevable « n’empêche pas l’autorité compétente de procéder à des modifications ou rectifications de ce même bulletin par application d’autres dispositions légales les prévoyant expressément dans certaines hypothèses ». Par le même arrêt, la Cour a retenu que la demande adressée par le courrier précité du 17 mai 2011 au directeur était à qualifier de recours hiérarchique au sens du paragraphe 46 (2) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après désignée par « AO », de sorte que le courrier directorial précité du 8 juillet 2011 était à analyser dans le même cadre comme refus du directeur de faire usage de son pouvoir d’injonction prévu par cette disposition pour les motifs énoncés dans ledit courrier. La Cour a encore retenu dans ledit arrêt que dans la mesure où une décision directoriale, telle que celle en l’espèce datée du 8 juillet 2011, portant refus de donner suite à un recours hiérarchique au sens du paragraphe 46 (2) AO, ne rentre dans le champ d’application ni du paragraphe 228 AO ni du paragraphe 237 AO, elle serait susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux sur la seule base de l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, de sorte que seul un recours en annulation pourrait être dirigé à l’encontre d’une telle décision directoriale. La Cour a partant retenu que le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire par les demandeurs était à déclarer recevable, contrairement aux conclusions retenues par les premiers juges. Quant au fond, la Cour, par évocation de l’affaire, a décidé que la demande de redressement adressée au directeur par le courrier précité du 17 mai 2011 ne rentre pas dans les prévisions du paragraphe 218 (4) AO et qu’aucune autre disposition de l’AO ou d’une autre législation applicable n’impose un tel redressement, de sorte que c’est à bon droit que le directeur n’a pas imposé un redressement des bulletins visés par les demandeurs. La Cour a encore retenu que le directeur a valablement pu constater qu’au vu de l’absence d’une réclamation dirigée contre le bulletin d’établissement précité du 14 janvier 2009 et de la déclaration d’irrecevabilité du recours contentieux dirigé contre ledit bulletin tel que retenu par le jugement précité du 1er décembre 2010, ledit bulletin avait acquis autorité de chose décidée, de sorte que le directeur avait à bon droit pu refuser de faire droit au recours hiérarchique introduit pour compte des époux …par le courrier précité du 17 mai 2011. La requête d’appel dirigée contre le jugement précité du 21 juin 2012 a partant été déclarée non fondée.
Une solution identique a été retenue par la Cour administrative dans son arrêt du 20 décembre 2012 (n° 30888C du rôle), sur recours introduit par Messieurs …, …et … dirigé contre la décision directoriale précitée du 8 juillet 2011 par lequel ceux-ci ont entendu obtenir une décision d’injonction de la part du directeur afin de faire rectifier le bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés.
Par lettre de leur litismandataire, Monsieur …, et son épouse, Madame …, ont fait introduire, par courrier du 6 mars 2013, une demande de remise gracieuse adressée au directeur au sujet de leur bulletin d’impôt sur le revenu de l’année 2007. Dans le cadre de ladite demande de remise gracieuse, les demandeurs critiquent le fait qu’il n’a pas été procédé au redressement du bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2007 de la copropriété ni de leur bulletin d’impôt sur le revenu de la même année, à la suite du jugement précité du 1er décembre 2010 ayant retenu qu’il n’y avait pas lieu de retenir un bénéfice commercial à charge de la copropriété pour l’année 2007, ce jugement ayant entraîné la rectification du bulletin de l’impôt commercial communal de ladite copropriété pour l’année 2007, suivant le bulletin rectificatif précité du 23 février 2011. Ils concluent ainsi à une contrariété de qualification sous l’impôt sur le revenu et sous l’impôt commercial communal pour l’année 2007 qui aurait une incidence directe sur les cotes d’impôts dues dans leur chef au titre de l’impôt sur le revenu pour la même année, alors que le bulletin de l’impôt commercial communal aurait retenu une cote d’impôt zéro et le bulletin de l’impôt sur le revenu un bénéfice commercial de …€. Ils estiment que cette contradiction serait contraire à l’équité et résulterait essentiellement du fait qu’alors même que l’administration fiscale redresserait d’office des bulletins « subordonnés » en cas de succès d’une voie de recours contre un bulletin d’imposition « de base », elle ne ferait pas de même en cas de succès d’une voie de recours dirigée contre un bulletin d’imposition « subordonné » qui n’entraînerait pas d’office le redressement des bulletins « de base » et « subordonnés » y rattachés.
En l’absence d’une décision directoriale prise à la suite de l’introduction de ladite demande de remise gracieuse du 6 mars 2013, Monsieur …et son épouse, Madame … ont fait introduire le 31 janvier 2014 un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision implicite de refus du directeur de faire droit à leur demande de remise gracieuse précitée du 6 mars 2013, du fait de son silence gardé pendant plus de six mois à la suite de l’introduction de ladite demande.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 131 AO, et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur portant rejet d’une demande de remise gracieuse d’impôts. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Par ailleurs, en ce qui concerne la recevabilité du recours en réformation ainsi introduit, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 8 (3) 3. de la loi précitée du 7 novembre 1996, au cas où « aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande » introduite en application du paragraphe 131 AO « le requérant [peut] considérer (…) la demande comme rejetée (…) et interjeter recours devant le tribunal administratif (…) contre la décision implicite de refus ».
En l’espèce, la demande de remise gracieuse a été adressée au directeur en date du 6 mars 2013 et le recours sous examen a été introduit devant le tribunal administratif en date du 31 janvier 2014, partant plus de six mois à partir de l’introduction de la demande afférente, de sorte qu’un recours contentieux a valablement pu être introduit contre la décision implicite de refus du directeur à la suite de la demande lui soumise.
Ceci étant relevé, il échet encore de constater que dans la mesure où le recours principal en réformation a été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de leur recours, les demandeurs, tout en ne contestant plus la légalité de l’impôt leur réclamé au titre de l’année d’imposition 2007, estiment néanmoins être en droit d’obtenir une remise gracieuse sur base du paragraphe 131 AO pour cause de rigueur objective. Ils soutiennent qu’il serait en effet inéquitable que le paragraphe 218 (4) AO ne prévoirait que le redressement de tous les bulletins subordonnés en cas de succès d’une voie de recours contre un bulletin d’imposition de base, alors que le contraire ne serait pas prévu, en ce qu’en cas de succès d’une voie de recours dirigée contre un bulletin d’imposition subordonné, une telle situation n’emporterait pas le redressement des bulletins de base et subordonnés y rattachés. Ils ajoutent qu’une contrariété de qualification sous l’impôt sur le revenu, d’une part, et sous l’impôt commercial communal, d’autre part, aurait une incidence quant à leur cote d’impôt due au titre de l’année d’imposition 2007, en augmentant considérablement l’impôt à payer sur leurs revenus pour l’année 2007 en question. Ainsi, ils rappellent qu’alors que le bulletin d’impôt sur le revenu de l’année 2007 retiendrait dans leur chef un bénéfice commercial en relation avec la vente d’un immeuble de …€, le tribunal administratif a retenu, dans son jugement précité du 1er décembre 2010, inscrit sous les numéros 26480 et 26904 du rôle, qu’il n’y a pas lieu de retenir un bénéfice commercial au titre de la vente d’immeuble en question, au motif que la vente en question relèverait de la gestion de leur patrimoine privé. Leur demande de remise gracieuse aurait partant pour objet de corriger l’iniquité résultant de cette contrariété entre le jugement précité et la qualification de bénéfice commercial par le bulletin d’impôt sur le revenu.
Le délégué du gouvernement conclut dans son mémoire en réponse au rejet du recours sous examen comme n’étant pas fondé, en ce que les arguments invoqués par les demandeurs ne permettraient pas de retenir une iniquité. Le représentant étatique conclut tout d’abord à l’absence d’une rigueur subjective de nature à justifier une remise gracieuse d’impôt, et il conclut également à l’absence d’une rigueur objective, en soutenant que les moyens invoqués dans le recours s’analyseraient en une contestation de la légalité de l’impôt qui, en tant que telle, serait étrangère à la matière gracieuse. Ainsi, les dispositions du paragraphe 131 AO ne permettraient pas de remettre en question la détermination de l’impôt qui serait soumise à d’autres voies de recours. Par ailleurs, la demande gracieuse ne devrait pas non plus servir à contourner la forclusion attachée aux délais en matière de procédure administrative contentieuse, voire déclencher un réexamen d’office pour suppléer à la carence des demandeurs d’avoir exposé leurs contestations de manière complète et contre l’intégralité des bulletins d’impôt dans le cadre de leur réclamation introduite au cours de la phase précontentieuse.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs contestent avoir l’intention de remettre en question la légalité de l’impôt qui leur a été réclamé au titre de l’année 2007.
Ils insistent à nouveau sur le fait que leur demande de remise gracieuse aurait simplement pour objet de réparer une iniquité, c’est-à-dire une injustice qui résulterait des circonstances de l’espèce suivant ce qui a été exposé dans le cadre de leur requête introductive d’instance, en se référant à l’arrêt précité de la Cour administrative du 20 décembre 2012, inscrit sous le n° 30888C du rôle qui, d’après eux, les aurait invités à introduire une demande de remise gracieuse.
Aux termes du paragraphe 131 AO, une remise gracieuse se conçoit « dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ».
Il résulte de cette disposition qu’une remise gracieuse n’est envisageable que si, soit objectivement ratione materiae, si objectivement l’application de la législation fiscale conduit à un résultat contraire à l’intention du législateur, soit subjectivement ratione personae dans le chef du contribuable concerné, si la perception de l’impôt apparaît comme constituant une rigueur incompatible avec le principe d’équité, sa situation personnelle étant telle que le paiement de l’impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables.
Il convient de relever qu’aux termes de la requête, les demandeurs ne font valoir qu’un élément de nature à faire admettre une rigueur objective dans leur chef, en excluant toute rigueur de nature subjective, de sorte qu’il y a lieu de faire abstraction des développements du représentant étatique quant à l’absence de toute rigueur subjective qui existerait dans le chef des demandeurs.
En ce qui concerne la rigueur objective mise en avant par les demandeurs, qui résulterait en substance du fait, d’une part, qu’alors même que par le jugement précité du tribunal administratif du 1er décembre 2010, inscrit sous les numéros 26480 et 26904 du rôle, le bulletin d’imposition de l’impôt commercial communal de l’année 2007 a été réformé en considération de ce que la plus-value dégagée lors de l’opération immobilière litigieuse relative à un terrain sis à … ne constitue pas un bénéfice commercial au sens de l’article 14 LIR, ladite qualification de la plus-value n’a été retenue ni par leur bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2007 ni par leur bulletin de l’impôt sur le revenu de la même année, ainsi que, d’autre part, que le paragraphe 218 (4) AO ne permettrait que la rectification des bulletins subordonnés au cas où un bulletin de base a fait l’objet d’une correction et qu’une telle correction ne serait pas prévue au cas où un bulletin subordonné est corrigé, de sorte qu’une telle correction ne serait pas de nature à entraîner la correction d’un bulletin de base voire d’un autre bulletin subordonné, il échet de se rapporter audit paragraphe 218 (4) AO qui prévoit effectivement ce qui suit : « Ist die in einem Feststellungsbescheid enthaltene Feststellung durch Rechtsmittelentscheidung, durch Berichtigungsfestellung oder durch Fortschreibung (§§ 225a) geändert worden, so werden Bescheide (Steuerbescheide, Steuermessbescheide, Feststellungsbescheide), die auf dem bisherigen Festellungsbescheid beruhen, von Amts wegen durch neue Bescheide ersetzt, die der Änderung Rechnung tragen. Dies gilt auch dann, wenn ein zu ersetzender Bescheid bereits unanfechtbar geworden war. (…) ».
Il échet tout d’abord de constater que la situation dans laquelle se trouvent les demandeurs, et qu’ils estiment leur être préjudiciable, est due au fait, d’une part, comme l’a relevé le tribunal administratif dans son jugement précité du 1er décembre 2010, inscrit sous les numéros 26480 et 26904 du rôle, qu’ils n’avaient pas introduit de réclamation contre le bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2007, de sorte que le recours contentieux dirigé contre ledit bulletin a été déclaré irrecevable omisso medio et qu’aucune réclamation n’a été introduite par eux à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2007. Il échet partant de conclure des faits ainsi relevés que la situation prétendument inéquitable dans laquelle les demandeurs déclarent se trouver est due à leur propre négligence, étant donné qu’ils auraient pu exercer contre lesdits bulletins les voies de recours légalement prévues. Ainsi, le tribunal ne saurait déceler dans l’application de la loi une quelconque rigueur objective qui plaiderait en faveur de la remise gracieuse sollicitée par les demandeurs, laquelle consiste en fait à réclamer la réouverture des délais de recours contentieux afin de permettre aux demandeurs de remettre en question tant le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2007 que le bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour l’année 2007, malgré la forclusion desdits délais légalement prévus, et ce pour l’unique raison que les demandeurs ont omis, tel que relevé ci-avant, d’exercer les voies de recours qui étaient à leur disposition. Cette conclusion ne saurait être énervée par l’argumentation développée par les demandeurs suivant laquelle l’iniquité objective résulterait de l’application du paragraphe 218 (4) AO tel que repris ci-avant, étant donné que cette possibilité ainsi réservée à l’administration de rectifier d’office des bulletins subordonnés, en cas de correction d’un bulletin de base, n’est pas de nature à enlever à un contribuable son droit d’exercer les voies de recours légalement prévues.
Dans ces circonstances, et à défaut de tout autre moyen soulevé en cause, aucune rigueur objective ne peut être dégagée des éléments du dossier soumis au tribunal, de sorte que le recours sous analyse est à déclarer non fondé.
Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 1.500 € sollicitée par les demandeurs sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Laurent Lucas, juge, Olivier Poos, juge, et lu à l’audience publique du 22 octobre 2014 par le premier vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.
s. Goreti Pinto s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22.10.2014 Le greffier du tribunal administratif 9