Tribunal administratif Numéro 31972 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 janvier 2013 2e chambre Audience publique du 29 septembre 2014 Recours formé par Monsieur ….., contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 31972 du rôle et déposée le 23 janvier 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain Steichen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des Avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., demeurant à L-….., tendant à l’annulation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 17 décembre 2012, répertoriée sous le numéro ….. du rôle, déclarant non fondée un recours hiérarchique formel contre la décision du bureau d’imposition de refus d’octroi d’un sursis à exécution ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 avril 2013 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 14 mai 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain Steichen au nom de Monsieur ….. ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, Maître Alain Steichen, et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en leurs plaidoiries à l’audience publique du 2 juin 2014.
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Par courrier du 28 août 2012, le bureau d’imposition de Grevenmacher, ci-après désigné par « le bureau d’imposition » informa Monsieur ….. qu’il avait l’intention de redresser les bulletins de l’impôt émis en date du 13 juillet 2011 en ces termes « Aufgrund neuer Erkenntnisse beabsichtige ich die am 13.07.2011 ergangenen Bescheide gemäss § 222 Abs1 no 1 AO zu ändern. Damit Sie gemäss § 205 Abs 3 AO, die Möglichkeit haben Ihre Einwände vorzubringen, teile ich Ihnen die vorgesehenen Änderungen mit. -2008 : nicht deklarierte Einkünfte aus Vermietung und Vepachtung 4.247.498.99 € (Lizenzgebühren) -2009 : nicht deklarierte Einküfte aus Vermietung und Verpachtung 907.600 € (Lizenzgebühren) ».
Par courrier du 11 septembre 2012 de son litismandataire adressée au bureau d’imposition, Monsieur ….. introduisit une demande d'information quant aux faits nouveaux invoqués à la base du redressement de ses déclarations fiscales pour les années 2008 et 2009 afin d’être en mesure d’y apporter une réponse circonstanciée.
Par courrier daté du 13 septembre 2012, le bureau d’imposition informa Monsieur ….. que « les faits nouveaux consistent dans des informations transmises par les autorités fiscales allemandes, tel que prévu à l’article 23 de la convention avec l’Allemagne pour éviter les doubles impositions (…) ».
Par courrier électronique de son litismandataire du 17 septembre 2012, Monsieur ….. sollicita de la part du bureau d’imposition de se voir transmettre les documents communiqués par les autorités fiscales allemandes ainsi qu’une entrevue avec le préposé.
En date du 10 octobre 2012, le bureau d’imposition émit le bulletin de l’impôt sur le revenu pour les années 2008 et 2009 desquels il ressort que Monsieur ….. était redevable d’un montant de 1.669.715,- € au titre de l'impôt sur le revenu 2008 et d’un montant de 354.244,- € au titre de l'impôt sur le revenu 2009, soit un total de 2.023.959,- € sur lesquels il y avait lieu d’imputer des montants déjà versés laissant une charge d'impôt de 2.006.599,- €.
Monsieur ….. introduisit par courrier du 12 novembre 2012 de son litismandataire une réclamation contre les bulletins d'imposition sus-visés auprès du directeur de l'administration des Contributions Directes tendant principalement à l'annulation desdits bulletins d'imposition pour non-
respect du principe du contradictoire et subsidiairement au réajustement du montant de l'impôt.
Monsieur ….. introduisit par courrier séparé du 12 novembre 2012 de son litismandataire une demande pour l’obtention d’un sursis à exécution de l’impôt pour les années 2008 et 2009 auprès du directeur de l'administration des Contributions Directes.
Par courrier du 15 novembre 2012, le bureau d’imposition informa le litismandataire de Monsieur ….. qu’il lui semblait peu probable que son mandant puisse obtenir gain de cause quant au fond de sorte qu’il rejetait sa demande en obtention d’un sursis à exécution. Nonobstant ce refus, il informa le litismandataire qu’il serait néanmoins disposé à accorder à Monsieur ….. un délai de paiement s’étalant sur deux années et payable par mensualités, sous condition de la signature d’une renonciation à la prescription.
Monsieur ….. introduisit par courrier du 3 décembre 2012 de son litismandataire auprès du bureau d’imposition, une contestation à l’encontre du prédit refus d’octroi d’un sursis à exécution communiqué par le courrier précité du 15 novembre 2012.
Cette demande fut rejetée par une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », du 17 décembre 2012, répertoriée sous le numéro ….. du rôle, libellée comme suit :
« Vu la requête introduite le 5 décembre 2012 par Me Alain STEICHEN, au nom du sieur Christoph….., L……, contre une décision du bureau d'imposition Grevenmacher du 15 novembre 2012 refusant de faire droit à la demande en obtention d'un sursis à l'exécution des bulletins de l'impôt sur le revenu des années 2008 et 2009;
Vu le dossier fiscal;
Quant à la recevabilité Considérant qu'en vertu du § 237 de la loi générale des impôts (AO) la voie de recours ouverte contre une telle décision est le recours hiérarchique formel du § 303 AO (Beschwerde) dont le délai de trois mois court à partir de la notification, qui, en cas de simple pli postal, est accomplie le troisième jour ouvrable après la mise à la poste;
Considérant que le recours contre la décision du bureau d'imposition a été introduit par qui de droit (§303 AO) dans les formes et délai de la loi ;
qu'il est partant recevable;
Quant au fond Considérant que par lettre de son mandataire datée du 12 novembre 2012, le recourant a introduit des réclamations, enrôlées sous le no 18090 du rôle, contre les bulletins ci-avant spécifiés, à travers lesquelles il fait valoir principalement que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté par le bureau d'imposition ;
Considérant que le § 251 AO autorise le bureau d'imposition à accorder un sursis à exécution à condition que la réclamation sur laquelle se greffe la demande de sursis ait des chances sérieuses de prospérer;
qu'en vertu de cette disposition, le bureau d'imposition dispose d'un pouvoir discrétionnaire et doit donc, de cas en cas, mesurer la décision en raison et en équité, conformément au § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) ;
Considérant qu'en l'espèce, le bureau d'imposition a estimé après un examen sommaire des réclamations au fond, que la réformation des bulletins entrepris était peu probable et par conséquent a refusé d'accorder un sursis à exécution ;
Considérant que l'instruction n'ayant pas révélé de violation de la loi ni d'erreur manifeste d'appréciation de la part du bureau d'imposition, le recours contre la décision du bureau d'imposition du 15 novembre 2012 n'est pas fondé, sans préjudice du sort des réclamations pendantes ;
PAR CES MOTIFS reçoit le recours en la forme ;
le rejette comme non fondé. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 janvier 2013, Monsieur ….. a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision directoriale précitée du 17 décembre 2012.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 237 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 2. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif à l’encontre d’une décision du directeur portant rejet d’une demande visant à contester le refus d’un sursis à exécution.
Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
En droit, le demandeur soulève en substance l’illégalité externe de la décision déférée qui serait caractérisée par un défaut de motivation au motif qu’elle ne lui permettrait pas de connaître les raisons du refus du directeur ni de se défendre de manière efficace. Il estime que la circonstance invoquée par le directeur à savoir que la réformation des bulletins d'imposition serait «peu probable» ne constituerait pas une motivation idoine. Il donne à considérer que toute décision contentieuse ou précontentieuse devrait en vertu du § 258 AO être motivée, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet le recours pour ne pas être fondé.
Le § 258 AO dispose que : « (1) Bei Zurückweisung des Rechtsmittels soll die Entscheidung das tatsächlich und rechtliche Vorbringen und die Beweisergebnisse würdigen. Hinzugefügt werden soll eine Belehrung, welches Rechtsmittel weiter zulässig ist und binnen welcher Frist und wo es einzulegen ist ».
Ainsi, le contenu de la décision directoriale de refus doit avoir pris en compte les moyens de fait et de droit ainsi que les éléments de preuve et doit comporter une information quant aux voies de recours ouverts à son encontre.
En l’espèce, il ressort du libellé même de la décision déférée que le directeur a invoqué à l’appui de son refus le § 251 AO qui permettrait au bureau d’imposition d’accorder un sursis à exécution à un demandeur à condition que la réclamation sur laquelle se greffe la demande de sursis ait des chances sérieuses de prospérer. Le directeur s’est encore référé au § 2 de la loi d’adaptation fiscale, ci-après désignée par « Steueranpassungs-Gesetz », en abrégé « StAnpG » qui accorderait ce pouvoir au bureau d’imposition sur une base discrétionnaire de sorte à prendre la décision en raison et en équité. Il a ensuite indiqué qu’en l’espèce, le bureau d’imposition avait considéré, après un examen sommaire des réclamations au fond, que la réformation des bulletins entrepris était peu probable et a, par conséquent, refusé d’accorder un sursis à exécution. Il a enfin conclut que l’instruction n’aurait pas révélé de violation de la loi ni d’erreur manifeste d’appréciation de la part du bureau d’imposition, de sorte à rejeter le recours.
Aux termes du § 251 AO :« Durch Einlegung eines Rechtsmittels wird die Wirksamkeit des angefochtenen Bescheids nicht gehemmt, insbesondere die Erhebung einer Steuer nicht aufgehalten.
Die Behörde, die den Bescheid erlassen hat, kann die Vollziehung aussetzen, geeignetenfalls gegen Sicherheitsleistung ».
Le principe inscrit dans cette disposition est celui selon lequel l'introduction d'une réclamation n'est pas suspensive de l’obligation du paiement de l’impôt contesté. Il existe néanmoins une exception à ce principe d’exigibilité de l’impôt qui est laissée ouverte à l’appréciation du bureau d’imposition ayant émis le bulletin. Ce dernier doit agir, ainsi que le rappelle le délégué du gouvernement, dans les limites du § 2 StAnpG qui dispose que « (1) Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessens-Entscheidungen), müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessens-
Entscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen. ».
Ainsi, l’administration qui use d’un pouvoir discrétionnaire doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité dans le cadre des limites légales.
En l’espèce, il ressort de la décision déférée que le directeur a estimé que le bureau d’imposition a considéré, après un examen sommaire dans le cadre de la demande de sursis à l’exécution du paiement de l’impôt dû en vertu des bulletins litigieux que la réformation de ces derniers seraient peu probable et que l’instruction n’avait pas révélé de violation de la loi ni d’erreur manifeste d’appréciation de la part du bureau d’imposition.
Force est ainsi de constater de concert avec le délégué du gouvernement que la motivation ci-
avant énoncée par le directeur dans le cadre de la décision déférée est conforme au prescrit du § 2 StAnpG en ce qu’elle indique que le bureau d’imposition a estimé de manière discrétionnaire après un examen sommaire de la demande de sursis en exécution du paiement de l’impôt dû en vertu des bulletins litigieux que leur chance de réformation serait peu probable et qu’aucune disposition légale n’avait été violée. Cette motivation répond également au prescrit du § 258 AO dont la teneur a été rappelée plus en avant en ce que les moyens de fait et de droit ainsi que les éléments de preuve ont été pris en considération, certes de manière sommaire, par le directeur.
Il s’ensuit que le moyen d’illégalité externe de la décision est à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant au moyen tenant à l’irrégularité de la procédure fiscale qui n’aurait pas permis au demandeur de se voir communiqué les pièces et éléments ayant justifié le supplément d’imposition contesté, outre le fait qu’il y a lieu de constater que ce moyen est imprécis, et qu’il ne spécifie pas la disposition légale qui aurait été violée de sorte à être écarté1, il est étranger à la décision déférée mais a trait au bien-fondé des bulletins de l’impôt attaqués par la contestation devant le directeur.
Partant, il y a lieu de le rejeter pour ne pas être fondé.
Enfin, il y a également lieu de rejeter le moyen tiré du préjudice grave et difficilement réparable dans le chef du demandeur soulevé. Outre le fait qu’il n’est que simplement évoqué et qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base des conclusions de la demanderesse, doit également être rejeté pour être relatif à un préjudice de nature pécuniaire qui s’analyse en une question de responsabilité civile échappant à la compétence du tribunal.
1 trib. adm. 17 juillet 2002 n° 14253 du rôle c. par Cour adm. 27 février 2003, n° 15225C du rôle, Pas. adm.
2012, V° Procédure contentieuse, n° 388 et les autres références y citées.
Au vu des développements qui précèdent, le recours en annulation doit être rejeté pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le rejette pour ne pas être fondé ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président Anne Gosset, premier juge, Andrée Gindt, juge et lu à l’audience publique du 29 septembre 2014 par le vice-président, en présence du greffier Goreti Pinto.
s. Goreti Pinto s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3/10/2014 Le Greffier du Tribunal administratif 6