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10/09/2014 | LUXEMBOURG | N°35136

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 septembre 2014, 35136


Tribunal administratif Numéro 35136 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er septembre 2014 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 10 septembre 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35136 du rôle et déposée le 1er septembre 2014 au greffe du tribunal administratif par Maît

re Nour Hellal, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg,...

Tribunal administratif Numéro 35136 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er septembre 2014 chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 10 septembre 2014 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35136 du rôle et déposée le 1er septembre 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Nour Hellal, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 26 août 2014, ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 septembre 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nour Hellal et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 10 septembre 2014.

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Par un arrêté du 26 août 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », ordonna la prorogation du placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, sur le fondement des articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 ». Le prédit arrêté, notifié le 29 août 2014, est fondé sur les considérations suivantes :

«Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 31 juillet 2014, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 31 juillet 2014 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’éloignement de l’intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 2014, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle de prorogation de la mesure de placement en rétention précitée du 26 août 2014.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir qu’il se trouverait en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois alors qu’il aurait été sur le point de contracter mariage avec une ressortissante portugaise résidant légalement au Luxembourg depuis des années.

En droit, il estime en substance que la décision ministérielle ordonnant son placement en rétention ne serait pas motivée à suffisance étant donnée qu’elle reproduirait une formule stéréotypée et qu’il n’existerait aucun risque de fuite dans son chef de sorte que le ministre aurait dû opter pour une mesure moins coercitive que le placement en rétention, en l’occurrence, une assignation à résidence.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

L’analyse de la légalité externe d’une décision administrative devant précéder celle de son bien-fondé, il appartient de prime abord au tribunal d’examiner le moyen tiré d’une indication insuffisante de la motivation à la base de la décision déférée.

Dans la mesure où aucune disposition de la loi du 29 août 2008 n’impose en la présente matière une décision motivée, le tribunal est amené à retenir qu’il y a lieu de se référer aux termes de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des Communes, qui n’est certes pas invoqué en l’espèce mais auquel le demandeur s’est implicitement et nécessairement référé qui disposent que :

« Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.

La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle :

- refuse de faire droit à la demande de l’intéressé ;

- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit ;

- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle ;

-intervient après procédure consultative, lorsqu’elle diffère de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elle accorde une dérogation à une règle générale. (…) ».

En vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit dès lors reposer sur des motifs légaux et elle doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, dans les seules hypothèses énumérées de manière limitative à l’alinéa 2 dudit article 6. Or, le cas d’espèce ne tombe dans aucune des hypothèses ainsi énumérées, de sorte qu’une violation de l’article 6 alinéa 2 précité ne saurait être retenue. Au-delà de ce constat, force est au tribunal de constater que la décision déférée, indique la cause juridique ainsi que les circonstances de fait à sa base, en se référant aux articles 111, 120 à 123 et renvoie à la décision de placement du 31 juillet 2014 qui fait elle-même référence à la décision de retour du 31 juillet 2014, laquelle précise que le demandeur est démuni de tout document d’identité et de voyage valable, de toute autorisation de séjour ou de travail valables ainsi que l’existence d’un risque de fuite dans son chef, la décision de placement du 31 juillet 2014 faisant encore référence au rapport de police portant le n° 250/2014 dont le demandeur a fait l’objet. Le moyen du demandeur tiré d’une insuffisance de motivation de la décision déférée est à rejeter pour ne pas être fondé dès lors que le demandeur est clairement informé des raisons de son placement en rétention.

Enfin, quant au moyen du demandeur selon lequel il n’existerait pas de risque de fuite dans son chef, il échet de se référer à l’article 125 de la loi du 29 août 2008 aux termes duquel :

« 1) Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3). […] ».

L’article 111, paragraphe (3) auquel se réfère l’article 125 précité dispose que : « […] Le risque de fuite est présumé dans les cas suivants:

1. si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34;

2. si l’étranger se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire;

3. si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement;

4. si une décision d’expulsion conformément à l’article 116 est prise contre l’étranger;

5. si l’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage;

6. si l’étranger ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, ou qu’il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu’il n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective, ou qu’il s’est soustrait aux obligations prévues aux articles 111 et 125.

Le risque de fuite est apprécié au cas par cas. ».

Ainsi, force est de constater que selon les articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, le ministre dispose de la faculté, soit de placer en rétention, soit d’assigner à résidence l’étranger en vue de son éloignement étant relevé à cet égard que si les conditions à une assignation à résidence sont remplies le ministre est dans l’obligation d’y recourir par priorité.

En l’espèce, force est de constater que le demandeur ne dispose ni d’un passeport en cours de validité étant donné qu’il n’a transmis au ministère des Affaires étrangères qu’une copie de son passeport, ni d’un visa en cours de validité qu’il a, par ailleurs, omis de solliciter de la part des autorités tunisiennes pour se rendre en Europe, ni d’une autorisation de séjour ou de travail. Il échet encore de constater, de concert avec le délégué du gouvernement, que le demandeur a omis de suivre la procédure idoine pour contracter mariage au Luxembourg après avoir rencontré une ressortissante portugaise résidant légalement au Luxembourg sur internet ainsi que cela ressort du procès-verbal n° 250/2014 du 31 juillet 2014 et qu’il a encore manifesté un refus catégorique à se voir prendre ses empreintes digitales. Ainsi, à défaut par le demandeur de soumettre des éléments concluants visant à convaincre le tribunal du caractère approprié en l’espèce d’une décision d’assignation à résidence, en particulier eu égard au dépôt d’une plainte par la fille majeure de la future épouse du demandeur, pour harcèlements et injures, en présence d’un risque de fuite conformément à l’article 125 de la loi du 29 août 2008, qui est, par ailleurs, présumé dans son chef, dans la mesure où il tombe sous les prévisions de l’article 111 (3) c) de la loi du 29 août 2008, le constat du ministre, contenu dans la décision du 31 juillet 2014, selon lequel il existe un risque de fuite dans le chef du demandeur et partant la décision de procéder à son placement au Centre de rétention et celle de proroger ce placement n’encourent aucun reproche, de sorte que le moyen afférent est à son tour à rejeter.

Aucun autre moyen n’ayant été invoqué en cause, le demandeur est à débouter de son recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 10 septembre 2014 à 17.30 heures, par Claude Fellens, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 septembre 2014 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 35136
Date de la décision : 10/09/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-09-10;35136 ?

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