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10/09/2014 | LUXEMBOURG | N°34864

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 septembre 2014, 34864


Tribunal administratif N° 34864 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juillet 2014 chambre de vacation Audience publique de vacation du 10 septembre 2014 Recours formé par Monsieur … et Madame … et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34864 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juillet 201

4 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats ...

Tribunal administratif N° 34864 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juillet 2014 chambre de vacation Audience publique de vacation du 10 septembre 2014 Recours formé par Monsieur … et Madame … et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34864 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juillet 2014 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Monténégro), de son épouse, Madame …, née le … à … (Monténégro), agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, née le … à … (Monténégro), …, né … à …, …, née le … à …, …, née le … à …, …, née le … à … et …, née le … à …, tous de nationalité monténégrine, demeurant ensemble à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 juin 2014, erronément attribuée au ministre des Affaires étrangères et européennes, de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 27 juin 2014 refusant de faire droit à leur demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Marcel Marigo, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 3 septembre 2014.

Le 22 août 2013, Monsieur … et son épouse Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs …, …, …, …, … et …, ci-après dénommés «les consorts …», tous de nationalité monténégrine introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Monsieur … et Madame … furent entendus les 12 février 2014 et 5 mars 2014, respectivement le 16 mai 2014 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.

Par décision du 27 juin 2014, expédiée par lettre recommandée du même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa les consorts … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juillet 2014, les consorts … ont introduit un recours tendant 1) à l’annulation de la décision du ministre du 27 juin 2014 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 27 juin 2014 refusant de faire droit à leur demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

S’il apparait à la lecture de la prédite requête, que les demandeurs ont omis d’indiquer agir au nom de leur fille mineure …, née le … à … (Monténégro),force est au tribunal de constater qu’il s’agit d’une erreur matérielle commise par le mandataire des demandeurs, de sorte que la partie étatique n’a pas pu se méprendre quant au fait que la requête est notamment faite au nom de …, qui est d’ailleurs également visée par la décision déférée.

A l’appui de leur recours et en fait, les consorts … expliquent que Monsieur … aurait travaillé en tant qu’indépendant au Monténégro et qu’en raison de la corruption y régnant, il aurait fait l’objet de contrôles réguliers par les autorités monténégrines et il aurait, à chaque fois, été obligé de leur payer des amendes injustifiées et de verser des pots-de-vin, ce qui l’aurait finalement contraint à fermer son entreprise. Ils soulignent n’avoir bénéficié d’aucune aide sociale suite à la fermeture de l’entreprise de Monsieur … du fait que ce dernier n’était membre d’aucun parti politique. Ils avancent encore que Monsieur … aurait été injustement condamné et emprisonné suite à un incident avec leurs voisins. Ils arguent finalement que Monsieur … aurait été mis à la porte par une entreprise au sein de laquelle il aurait travaillé de manière clandestine, sans néanmoins avoir droit au chômage.

Les consorts … auraient donc décidé de quitter leur pays d’origine, le Monténégro, alors qu’ils n’y disposaient pas des moyens nécessaires pour y subvenir à leurs besoins.

1) Quant au recours visant la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale des consorts … dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours concernant ce volet de la décision, les consorts … estiment que ce serait à tort que le ministre, pour traiter leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, aurait conclu au défaut de pertinence des faits invoqués, en donnant à cet égard à considérer que le comportement des autorités monténégrines, ayant entraîné la fermeture de l’entreprise de Monsieur …, constituerait des méthodes administratives violant les droits de l’homme et notamment la liberté d’entreprendre. Il s’agirait de persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006 et de la Convention relative au statut des réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951, modifiée par le Protocole de New York du 31 janvier 1967 ci-après dénommée « la Convention de Genève », pour avoir créé des pressions psychologiques et des traumatismes dans leur chef. Ils soulignent encore qu’après la fermeture de son entreprise, Monsieur … a dû travailler clandestinement et ceci sans bénéficier d’aucune protection sociale quelconque. Les consorts … en concluent que les conditions d’obtention du statut de réfugié seraient réunies, de sorte que les conditions de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 ne seraient pas remplies en l’espèce et que la décision déférée serait à annuler pour être infondée et disproportionnée.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée.

Le tribunal rappelle que les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

En l’espèce, la décision ministérielle déférée est basée sur les points a), b) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, aux termes desquels :

« (1) Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;

(…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit s’il apparaît clairement que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons de nature à justifier dans son chef dans son pays de provenance une crainte fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social, respectivement un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la même loi, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.

Concernant plus particulièrement les points a) et b) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. » et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) » Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par l’un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, le statut de réfugié n’est octroyé que si le demandeur ne dispose pas de protection dans son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

En l’espèce, l’examen de leur situation personnelle décrite par les consorts … lors de leurs auditions, ne permet pas au tribunal, - appelé dès lors à apprécier la légalité de la décision déférée en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, de sorte à ne pas pouvoir tenir compte des faits nouveaux invoqués dans le seul recours en annulation sous analyse - d’en dégager des éléments suffisants pour conclure à l’illégalité de la décision ministérielle.

En ce qui concerne les amendes et pots-de-vin payés aux autorités administratives monténégrines, ayant entraîné la fermeture de l’entreprise de Monsieur …, force est de relever que les consorts … n’allèguent pas et restent partant en défaut de démontrer que ces agissements seraient fondées sur un des critères de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir leur race, leur religion, leur nationalité, leurs opinions politiques ou leur appartenance à un certain groupe social.

Ils n’allèguent pas non plus que le fait que Monsieur … n’aurait trouvé aucun travail régulier après la fermeture de son entreprise et aurait dû travailler clandestinement auprès de plusieurs firmes serait fondé sur un des critères précités de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006.

Monsieur … explique d’ailleurs lors de son audition qu’il est de manière générale impossible de trouver un travail régulier au Monténégro et souligne qu’en travaillant clandestinement auprès d’une entreprise dénommée …, il aurait plus gagné que ces collègues, malgré le fait qu’il était la seule personne de confession islamique y travaillant1.

Si les consorts … estiment que Monsieur … n’aurait reçu aucune aide sociale suite à la fermeture de son entreprise, du fait qu’il n’aurait été membre d’aucun parti politique, il ressort néanmoins de la législation monténégrine, citée dans la décision ministérielle déférée que Monsieur … n’aurait pas pu prétendre à des aides sociales en raison de son statut d’indépendant et parce qu’il est propriétaire d’un immeuble2, ce qui a d’ailleurs été confirmé par la demanderesse lors de son audition3.

Les demandeurs font encore valoir dans leur récit que Monsieur … ait été injustement condamné et emprisonné, alors qu’une voisine aurait prétendu mensongèrement qu’il l’aurait attaquée à l’aide d’un marteau.

Il appartient néanmoins au tribunal de constater que Monsieur … explique dans le cadre de son audition qu’il aurait été condamné dans le cadre d’une procédure pénale régulière, respectant les droits de la défense.4 En effet, le jugement de condamnation ne serait intervenu qu’après une audience publique contradictoire, ainsi que sur base de l’expertise d’un médecin et des dires d’un témoin. Les consorts … n’allèguent d’ailleurs pas et restent partant en défaut de démontrer que le prédit jugement et donc l’emprisonnement de Monsieur … aurait été motivé par un des critères de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir sa race, sa religion, sa nationalité, ses opinions politiques ou son appartenance à un certain groupe social.

Il s’ensuit qu’à défaut de motifs fondés sur un des critères de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, les faits invoqués par les demandeurs sont à considérer comme dénués de pertinence dans le cadre de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

En ce qui concerne l’analyse du ministre selon laquelle les demandeurs n’auraient présenté que des faits sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante dans le cadre de leur demande de protection subsidiaire, respectivement que les éléments présentés permettraient de conclure qu’ils ne rempliraient clairement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

1 Page 4/8 du rapport d’audition de Monsieur … 2 Page 4 de la décision ministérielle du 27 juin 2014 3 Page 2/5 du rapport d’audition de Madame … 4 Pages 5/8 et 6/8 du rapport d’audition de Monsieur … L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Si le fait d’avoir dû injustement payer des amendes et des pots-de-vin aux autorités administratives monténégrines doit certes s’analyser en un comportement hautement corrompu des autorités locales, il n’en demeure pas moins que ces agissements ne représentent pas le niveau de gravité requis par l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, les demandeurs restant en défaut de prouver qu’ils auraient risqué la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international, en cas de non-exécution des injonctions de paiements desdites amendes et pots-de-vin.

Par ailleurs, la situation économique et sociale mise en avant par les demandeurs, à elle seule, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire qu’elle aurait été infligée ou qu’elle résulterait d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constitue pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006.

En effet, l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 précité, se réfère à des traitements ou des sanctions « infligés », tandis que l’article 28 de la même loi énumère les acteurs des persécutions et des atteintes graves, de sorte à nécessiter une intervention, une responsabilité humaine et à exclure de son champ d’application l’éventualité d’ « atteintes graves » lorsqu’aucun auteur ne peut être tenu responsable.

Il en résulte que le fait d’avoir été obligé de travailler clandestinement afin de subvenir aux besoins de sa famille et le reproche de n’avoir bénéficié d’aucune aide sociale au Monténégro, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire que cette situation économique et sociale aurait été infligée ou qu’elle aurait résulté d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constitue pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de la loi du 5 mai 2006.

Les consorts … ne soulevant finalement aucune anormalité ayant entouré le procès pénal dont Monsieur … a fait l’objet, alors qu’au contraire ses droits de la défense semblent avoir été suffisamment respectés, ce procès et la sanction en découlant ne sont non plus de nature à pouvoir tomber dans l’une des catégories d’atteintes graves énumérées à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

Il suit des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu considérer, au vu des éléments lui soumis, que les demandeurs n’ont soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, respectivement qu’il apparaît clairement qu’ils ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de leur demande.

Partant le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter sans qu’il n’y ait lieu de procéder à l’analyse des conditions retenues à l’article 20 (1) c).

2. Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation, ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de ce volet du recours, les consorts … estiment que le Monténégro ne saurait être considéré comme un pays sûr en raison de la violation récurrente des droits de l’Homme et de l’instabilité des institutions étatiques se traduisant par un manque d’indépendance du système judiciaire. Ils invoquent à ce sujet deux jugements du tribunal administratif. 5 Pour le surplus, les consorts … invoquent les mêmes faits que ceux avancés dans le cadre du recours dirigé contre la décision ministérielle de statuer sur leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et font plaider que ces faits devraient être considérés comme des persécutions d’ordre physique et mentale et qu’il en ressortirait que la liberté d’entreprendre de Monsieur … aurait été violée.

Les demandeurs estiment encore qu’ils rempliraient les exigences de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, de sorte qu’il y aurait lieu de leur accorder le statut de la protection subsidiaire.

Le délégué du gouvernement pour sa part estime que ce serait à bon droit que le ministre a refusé le statut de protection internationale aux demandeurs.

Tel que le tribunal vient de le rappeler ci-avant, tant la notion de « réfugié » que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent, outre nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine, une absence de protection dans le pays d’origine, soit que la personne concernée refuse d’accepter la protection des autorités du pays dont elle a la nationalité, soit qu’elle n’y a pas accès.

Comme le tribunal vient ci-avant de retenir dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée que le ministre a valablement pu considérer que les éléments produits lui ont permis de conclure qu’il apparaît clairement que les demandeurs ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de leur demande, et que les demandeurs n’ont fourni, dans le cadre de la procédure contentieuse, aucun élément 5 trib. adm. 16 août 2012, n°1299 du rôle trib.adm. 1er juillet 2013, n°32988 du rôle complémentaire permettant d’étayer leur demande en obtention de la protection internationale, le tribunal, statuant par rapport à ce volet en tant que juge de la réformation, ne saurait que réitérer son analyse précédente au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande en obtention d’une protection internationale dans le cadre de leurs auditions ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que les consorts … ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

3. Quant au recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse.

Le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. r) de la loi du 5 mai 2006 la notion de «décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire».

En l’espèce, les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire, au motif que la décision portant refus de reconnaissance d’une protection internationale devrait être réformée.

Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale des demandeurs comme non justifiée, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 27 juin 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale des consorts … dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 27 juin 2014 portant refus d’une protection internationale aux consorts …;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 27 juin 2014 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Anne Gosset, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, Laurent Lucas, juge, et lu à l’audience publique de vacation du 10 septembre 2014 par le premier juge, en présence du greffier Anne-Marie Wiltzius.

s. Anne-Marie Wiltzius s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 septembre 2014 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 34864
Date de la décision : 10/09/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-09-10;34864 ?

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