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27/08/2014 | LUXEMBOURG | N°34817

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 août 2014, 34817


Tribunal administratif N° 34817 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 juillet 2014 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 27 août 2014 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34817 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 juillet 2014 par Maître Julio STUPPIA, av

ocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ...

Tribunal administratif N° 34817 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 juillet 2014 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 27 août 2014 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34817 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 juillet 2014 par Maître Julio STUPPIA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Albanie), agissant en son nom personnel ainsi qu’au nom et pour compte de ses enfants mineurs …, né le … à … et …, née le … à …, tous de nationalité albanaise, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, erronément attribuée au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, du 11 juin 2014 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du même ministre du 11 juin 2014 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2014 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Julio STUPPIA déposé au greffe du tribunal administratif le 14 août 2014 pour compte de la demanderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Stéphanie BASTIN, en remplacement de Maître Julio STUPPIA, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 27 août 2014.

Le 1er octobre 2013, Madame …, agissant en son nom personnel ainsi qu’au nom et pour le compte de ses deux enfants mineurs, … et …, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection internationale, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

En date du même jour, elle fut entendue par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Madame … fut également entendue les 8 janvier et 14 avril 2014 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 11 juin 2014, envoyée par lettre recommandée le 17 juin 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Madame … qu’il avait été statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1), a) et c) de la loi du 5 mai 2006, laquelle avait été refusée comme non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 juillet 2014, Madame … a introduit un recours tendant 1) à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 11 juin 2014, attribuée erronément au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du même ministre du 11 juin 2014 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1) Quant au recours visant la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale de la demanderesse dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours concernant ce volet de la décision, la demanderesse reproche au ministre d’avoir retenu à tort que l’Albanie figurerait sur la liste des pays d’origine sûr établie par le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant la liste des pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, ci-après « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », pour traiter sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée. Elle estime en effet que la qualification de pays sûr ne serait pas applicable à sa situation. Ainsi, elle serait originaire de la ville de Shkodër située dans le Nord-ouest de l’Albanie qui serait connue pour être « le berceau de la coutume ancestrale dénommée « Kanun » », la demanderesse se référant à cet égard plus particulièrement à un certain nombre d’articles de presse et de rapports qui mettraient en évidence « l’application en masse du Kanun » et « l’inefficacité du système judiciaire pour y remédier » et qui invalideraient la thèse du ministre suivant laquelle la vendetta ne s’appliquerait qu’aux hommes et exclurait d’office les femmes et les enfants.

L’Albanie serait donc un pays dans lequel le Kanun s’exercerait en toute impunité sans qu’il n’existe de moyens de s’en protéger du fait de l’impuissance des autorités albanaises face à ce phénomène et le Kanun y serait appliqué sans aucune règle de protection vis-à-vis des enfants, la demanderesse insistant encore sur le fait que la médiation ne serait pas une garantie de résolution du conflit et qu’aucune solution face à ce problème ne serait envisagée par l’Etat albanais.

La demanderesse donne à considérer qu’au vu des articles et rapports invoqués par elle, il serait impossible de conclure à l’existence d’un système de recours efficace contre l’application de la pratique du Kanun, de sorte qu’il y aurait lieu d’écarter, par la voie de l’exception, l’application du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 précité en ce qu’il désigne l’Albanie comme pays d’origine sûr.

Dans la mesure où le ministre n’aurait pas correctement procédé à ses propres investigations non seulement quant à la situation générale de l’Albanie mais également quant à sa situation particulière, notamment au vu de la vendetta dont elle serait la cible, il y aurait lieu d’annuler la décision ministérielle ayant abouti à statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le fondement de l’article 20 (1), c) de la loi du 5 mai 2006.

La demanderesse estime encore que ce serait à tort que le ministre se serait fondé sur l’article 20 (1), a) de la loi du 5 mai 2006 pour statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée puisqu’elle aurait prouvé à suffisance les faits, craintes et persécutions allégués, et ce sur base d’un récit crédible et cohérent et en soumettant au ministre les documents et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations.

La demanderesse insiste par ailleurs sur le fait qu’elle aurait rapporté la preuve de la vendetta dont sa famille aurait fait l’objet en versant un jugement du 9 mars 2010 rendu par le tribunal du district de Shkodër ayant condamné son mari pour tentative d’assassinat sur la personne d’… le 3 octobre 2009.

La vendetta dont sa famille serait victime aurait par ailleurs été reconnue, ce dont attesterait le document émis par le commissariat de police de Shkodër du 31 août 2010 faisant suite à sa plainte du 26 août 2010.

En ce qui concerne encore les divergences ayant trait à « des détails insignifiants » que le ministre aurait invoqués pour remettre en cause la crédibilité de son récit relatif à l’incident qui aurait déclenché la vendetta, la demanderesse donne à considérer que ces divergences ne porteraient pas à conséquence quant à la véracité de ses déclarations, ce d’autant plus qu’elle aurait apporté les précisions nécessaires pour établir l’existence, la réalité et la gravité dudit incident. La demanderesse souligne à cet égard que les dénommés … et … seraient régulièrement venus dans le restaurant exploité par son mari pour lui soutirer de l’argent. Le dénommé …, qui aurait été policier, aurait été licencié suite à l’altercation l’ayant opposé lui et … au mari de la demanderesse et lors de laquelle ce dernier aurait tiré sur le dénommé …. Le dénommé … n’aurait quant à lui ni été arrêté, ni inquiété suite à la proclamation de vendetta dirigée contre le fils de la demanderesse.

La demanderesse donne à cet égard à considérer que dans la mesure où le dénommé … aurait été policier, le rapport de police qui aurait servi de base au jugement ayant condamné son mari serait nécessairement vicié puisque le dénommé … aurait manifestement tiré avantage de sa relation avec … pour obtenir une version des faits qui lui serait favorable. Dans son mémoire en réplique, la demanderesse insiste encore sur le fait que le jugement ayant condamné son mari contiendrait nécessairement des faits altérés et non conformes à la réalité, de sorte que ce serait à tort que la partie étatique mettrait en doute son récit en se basant sur ce jugement.

La demanderesse critique encore la décision ministérielle dans la mesure où ce serait à tort que la crédibilité de son récit tenant à la tentative d’homicide dont aurait été victime son fils serait remise en cause. Elle insiste à cet égard sur le fait qu’elle aurait versé les attestations testimoniales de cinq témoins oculaires présents au moment de l’accident et qui auraient non seulement tous confirmé les circonstances de l’accident mais également le conflit existant entre son mari et le dénommé …. La demanderesse donne à cet égard à considérer que la circonstance que dans les attestations testimoniales le nom de l’auteur de l’accident serait orthographié « … » au lieu de « … », ne porterait pas préjudice à la véracité de son récit et que dès lors aucune confusion ne serait possible quant à son identité.

En ce qui concerne toujours cet incident, la demanderesse insiste sur le fait que si son fils avait pu identifier le dénommé … comme étant son agresseur, ce serait parce qu’il aurait eu l’occasion de le voir auparavant, notamment au procès de son père. Par ailleurs, si la demanderesse admet que lors de son audition par l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes elle a qualifié l’infraction dont aurait été victime son fils de kidnapping, elle insiste sur le fait que cette mauvaise qualification, qu’elle impute à une faute de traduction, ne contredirait pas sa version des faits, ce d’autant plus qu’elle aurait reconnu par la suite que son fils aurait été transporté à l’hôpital par ses professeurs, ce qui impliquerait une agression physique. Il serait dès lors établi à suffisance que le dénommé … aurait mis ses menaces à exécution en tentant de porter atteinte à l’intégrité physique de son fils. Dans son mémoire en réplique, la demanderesse insiste encore sur le fait que cette contradiction dans son récit ne porterait pas à conséquence puisqu’il ressortirait clairement de ses déclarations que la vie de son fils serait en danger.

La demanderesse met par ailleurs en exergue que si son fils avait pu être renversé par la voiture du dénommé …, ce serait parce que sa maison aurait été sous surveillance constante et que son fils n’aurait dès lors jamais été en sécurité, ce qui exclurait également toute possibilité de fuite interne dans le chef de sa famille.

En tout état de cause, les pièces versées par la demanderesse et plus particulièrement les attestations testimoniales qu’elle aurait collectées en fournissant une traduction certifiée conforme dans une des trois langues officielles du pays, ainsi que ses déclarations lors de son audition par l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, seraient de nature à établir qu’elle serait personnellement exposée sur le territoire de Shkodër à la loi du Kanun, pratique ancestrale, ayant toujours cours dans son pays et constituant un traitement inhumain ou dégradant visé par l’article 37, b) de la loi du 5 mai 2006.

Ce serait en tout état de cause à tort que le ministre aurait mis en doute la véracité du témoignage concernant les faits mis en avant par elle et ce alors même que les itératives menaces à l’encontre de son fils seraient connues à Shkodër et formulées au vu et au su de tous les habitants.

Ensuite, la demanderesse fait encore valoir qu’elle et son beau-père auraient informé le 26 août 2010 la police de Shkodër de la menace dont elle aurait été victime, suite à quoi ils se seraient vus remettre le 31 août 2010 une attestation faisant foi de leurs problèmes de vengeance avec la famille du dénommé …. La demanderesse ne se serait toutefois pas vue offrir la moindre mesure de protection de la police qui n’aurait fait que constater le problème en dressant un certificat attestant du problème de vengeance, la demanderesse reprochant plus particulièrement à la police de n’avoir entrepris aucune démarche pour faire cesser le conflit, notamment en procédant à l’arrestation du dénommé …, ce qui aurait permis de faire cesser la vendetta ou de le dissuader de la continuer. Dans son mémoire en réplique, la demanderesse donne par ailleurs à considérer qu’aucune mesure suffisamment efficace pour maintenir un certain degré de dissuasion n’aurait été entreprise en vue de la poursuite ou de la répression du dénommé …, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir porté plainte. Elle reproche à cet égard encore à la police de ne lui avoir délivré qu’une attestation lorsqu’elle aurait dénoncé les problèmes de vengeance de sa famille et ce alors même que la simple évocation du Kanun aurait dû déclencher la mobilisation des autorités albanaises. La demanderesse explique encore la prétendue inaction de la police par la circonstance qu’en Albanie et plus particulièrement à Shkodër, les problèmes de dette de sang seraient considérés comme relevant de la compétence des associations de réconciliation et non pas de la police.

De manière générale, la demanderesse reproche à la police de Shkodër d’avoir affiché une attitude passive face à sa situation et ce alors même qu’elle aurait été parfaitement au courant du conflit de vengeance existant. Elle estime par ailleurs que comme le dénommé … aurait des relations au sein de la police et du gouvernement albanais, il ne serait jamais appréhendé. A cela s’ajouterait que dans la mesure où le dénommé … serait lié au dénommé …, ancien membre de la police, il serait impossible à la demanderesse d’échapper à une vendetta puisque même si elle devait s’installer ailleurs, elle serait facilement localisée et son enfant agressé, voire même tué.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse insiste encore sur le fait que comme l’Etat albanais serait tellement impuissant face au phénomène du Kanun, le recours aux médiateurs serait la seule alternative face à l’inaction des autorités. De ce fait, elle aurait sollicité une conciliation par l’intermédiaire des personnes âgées faisant office de médiateurs, conciliation qui se serait toutefois soldée par un échec.

En ce qui concerne la pratique du Kanun en général, la demanderesse insiste dans son mémoire en réplique sur le fait que ce phénomène connaîtrait une recrudescence violente depuis 1991 et qu’il s’appliquerait désormais sans distinction à toutes les catégories de personnes. Ce ne serait en tout état de cause pas parce que cette pratique serait réprimée par le Code pénal albanais que les citoyens en seraient protégés, surtout à Shkodër qui serait le « berceau du Kanun ».

Au vu des développements qui précèdent, la demanderesse est en tout état de cause d’avis que les faits invoqués par elle à la base de sa demande de protection internationale sont d’une pertinence manifeste au regard des conditions à réunir pour prétendre au bénéfice de la protection subsidiaire, notamment compte tenu des menaces répétées d’atteintes graves à l’intégrité physique dont son fils aurait fait l’objet. A cela s’ajouterait qu’en statuant sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le ministre aurait statué de manière discrétionnaire sans tenir compte du principe de proportionnalité, ce qui serait de nature à constituer une violation de la loi, sinon un excès de pouvoir.

Finalement, la demanderesse donne encore à considérer que d’un point de vue formel son rapport d’entretien serait incomplet puisqu’il serait composé de 13 pages mais que la dernière page se terminerait par la page 11/13 de sorte qu’il manquerait deux pages.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur la demande de protection internationale de la demanderesse dans le cadre d’une procédure accélérée.

En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, aux termes desquels : « (1) Le ministre peut statuer sur le bien-

fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

(…) c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;

(…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Plus particulièrement, tout d’abord, en ce qui concerne le point c) de l’article 20 (1), précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, et plus spécifiquement le moyen de la demanderesse consistant à voir écarter, par voie d’exception, le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, en ce qu’il désigne l’Albanie comme pays d’origine sûr, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 21 de la loi précitée du 5 mai 2006 : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécutions au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international de droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ses droits et libertés. » En l’espèce, il est constant en cause que par règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, l’Albanie a été reconnue comme étant un pays d’origine sûr, de sorte qu’il y a lieu de conclure que c’est a priori à bon droit que le ministre a pu conclure que la demanderesse, qui a la nationalité albanaise et qui a habité en Albanie avant de venir au Luxembourg, provient d’un pays d’origine sûr. Cependant, dans la mesure où la demanderesse exige que ledit règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 soit écarté en l’espèce par voie d’exception, il y a lieu d’analyser si le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 est conforme à sa loi habilitante, à savoir la loi du 5 mai 2006, contrôle effectué en vertu de l’article 95 de la Constitution qui impose aux cours et tribunaux de n’appliquer les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois.

A cet égard, force est au tribunal de constater que les moyens et arguments invoqués par la demanderesse ne sont pas suffisants pour énerver le constat du règlement grand-ducal critiqué, à savoir que l’Albanie est réputée être un pays d’origine sûr, et que ledit règlement a dès lors respecté les conditions fixées par la loi habilitante à savoir que les droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international de droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont observés en Albanie et que ce pays respecte le principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ou encore que la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ses droits et libertés y est mis en place. En effet, afin de voir écarter l’application du prédit règlement grand-

ducal, la demanderesse invoque la prétendue inexistence en Albanie d’un système de recours efficace contre la pratique du Kanun. A l’appui de ce moyen, la demanderesse invoque toutefois comme seules pièces un article du journal albanais « Klan » publié le 23 août 2010 intitulé « Albanie, une bien triste marque de fabrique : la vendetta », un rapport de l’association ESPOIR D’ASILE concernant le Kanun daté de 2013, ainsi qu’une copie de l’article du journal « Regard sur l’Est », publié le 15 février 2013, intitulé « Vendetta en Albanie : Crimes et châtiments d’un autre temps », contenant un extrait d’un entretien avec le maître de conférences, Monsieur …, pièces qui ne sont toutefois pas de nature à énerver le statut de « pays d’origine sûr » de l’Albanie au sens de l’article 21 (4) de la loi modifiée du 5 mai 2006.

En effet, en ce qui concerne tout d’abord l’article du journal albanais « Klan », force est de relever que ce dernier, au vu de sa date de publication éloignée dans le temps, à savoir 4 ans, ne saurait refléter la situation actuelle en Albanie et doit dès lors être écarté pour défaut de pertinence. En ce qui concerne l’article du journal « Regard sur l’Est » et le rapport de l’association ESPOIR D’ASILE, le tribunal relève que ces documents comportent surtout un descriptif de l’évolution historique de la pratique ancestrale du Kanun et de sa résurgence au début des années 1990 sous une forme parfois contraire aux règles ancestrales. Si ces documents font certes encore état d’une certaine impuissance en général des autorités albanaises face au phénomène du Kanun, il n’en ressort toutefois pas que les autorités policières et judiciaires albanaises seraient incapables ou refuseraient d’assurer une quelconque protection aux victimes du Kanun, lesdits documents ne faisant d’ailleurs pas état de quelconques incidents concrets lors desquels des victimes de vendetta se seraient vus refuser tout accès à la police. Il ressort au contraire de l’article du journal « Regard sur l’Est » que malgré certaines « défaillances du système judiciaire où règnent la corruption et l’incompétence », la police effectue son travail. La volonté des autorités albanaises à assurer une protection adéquate à la population, notamment en termes de vendetta, se trouve d’ailleurs confirmée par la décision ministérielle dont il ressort, sources internationales à l’appui, que les autorités albanaises ont déjà pris un certain nombre de mesures pour protéger leurs ressortissants contre les atteintes dont ils pourraient faire l’objet du fait de leur implication dans une vendetta. Ainsi, outre l’existence de lois sanctionnant les vendettas et les menaces de vengeance, des mesures concrètes ont également été mises en place au sein de la police albanaise pour lutter efficacement contre ce phénomène. En effet, d’après les informations délivrées par le CEDOCA, les membres de la police albanaise ont suivi des formations spéciales sur la prévention et l’élucidation des meurtres en général, ainsi que dans le cadre de représailles et de la vendetta en particulier. Une unité spécialisée de la police a par ailleurs été créée à Shkodër, ville dont la demanderesse est originaire, pour mener des enquêtes sur les crimes et pour offrir une protection aux familles vivant dans l’isolement, le ministre ayant encore précisé que cette unité spéciale aurait entretemps été réintégrée dans les services réguliers de la police. Il ressort d’ailleurs encore de la décision ministérielle que les autorités albanaises auraient rouvert divers dossiers de crimes et délits non résolus dans le cadre de vendettas et ce afin de mettre un terme à l’impunité des actes de vengeance.

A cela s’ajoute que depuis des changements législatifs intervenus en 2008 et en 2012, le code pénal albanais interdit strictement tout acte lié à une dette de sang, alors que la sanction encourue pour un homicide à titre de vengeance est une peine d’emprisonnement de 25 ans ou à vie et que celle pour une menace sérieuse de vengeance, est une amende ou peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans. Si la pénalisation des actes de vengeance ne permet certes pas d’éradiquer complètement le phénomène de la pratique du Kanun, il s’agit là néanmoins d’une étape fondamentale en ce sens et qui démontre la détermination des autorités albanaises à lutter effectivement contre cette pratique.

Il ressort encore de la décision ministérielle que suite à une loi adoptée en 2007, les autorités de police albanaises ont fait l’objet d’une réorganisation et que depuis lors la police est organisée centralement et localement et qu’elle dispose d’une direction générale chargée notamment de superviser l’exécution des fonctions et des tâches policières par les directions régionales de la police et de coordonner la mise en œuvre de stratégies pour la prévention et la réduction du crime et le maintien de l’ordre public.

Le tribunal est en tout état de cause amené à retenir qu’alors même que le système judiciaire et policier en Albanie ne rencontre pas nécessairement l’intégralité des standards européens, il n’est certainement pas déficient au point qu’une partie puisse raisonnablement renoncer à le saisir au motif qu’il n’y a aucune chance de voir un résultat positif.

Au vu de ce qui précède, et dans la mesure où il ressort plus particulièrement des explications de l’Etat dans la décision ministérielle déférée que l’Albanie peut se prévaloir d’un système judiciaire et policier, en ce compris dans le contexte d’affaires de vengeance, et qu’il ne ressort pas des pièces à disposition du tribunal que les personnes victimes de vendetta ne pourraient pas avoir accès à une protection étatique, le tribunal est amené à retenir que les éléments soumis par la demanderesse ne sont a priori pas de nature à établir l’inexistence en Albanie d’un système de recours efficace contre les violations des droits de l’Homme et des libertés fondamentales en général, ni contre l’application du Kanun en particulier, qui serait de nature à énerver son statut de « pays d’origine sûr » au sens de l’article 21 (1) de la loi du 5 mai 2006.

Il s’ensuit que le tribunal se doit d’appliquer le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 précité.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant, il est constant en cause que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 retient l’Albanie comme constituant un pays d’origine sûr et il se dégage des éléments du dossier que la demanderesse a la nationalité albanaise et qu’elle a habité en Albanie avant de venir au Luxembourg.

Comme l’énumération d’un pays d’origine sûr dans la liste du prédit règlement grand-

ducal modifié du 21 décembre 2007 ne constitue qu’une présomption que ce pays est à considérer comme un pays d’origine sûr et qu’aux termes de l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006 un examen de la situation individuelle du demandeur de protection internationale est indispensable pour pouvoir considérer que concrètement pour le demandeur de protection internationale considéré individuellement, le pays de provenance est à considérer comme pays d’origine sûr, il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si le demandeur lui soumet, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l’espèce, indépendamment de la question de la crédibilité du récit de la demanderesse ou encore des divergences dans l’orthographe du nom du dénommé « … », l’examen de la situation personnelle décrite par la demanderesse lors de son audition ne permet pas au tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation - appelé dès lors à apprécier la légalité de la décision déférée en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, de sorte à ne pas pouvoir tenir compte des faits nouveaux invoqués dans le seul recours en annulation sous analyse - d’en dégager des éléments suffisants pour conclure à l’illégalité de la décision ministérielle.

En effet, lors de son audition par l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, la demanderesse a déclaré que son mari, qui aurait exploité un restaurant, aurait régulièrement été racketté et menacé par deux personnes, à savoir un dénommé « … » et un dénommé …1. Le 5 octobre 2009, la situation aurait dégénéré puisque le mari de la demanderesse aurait été blessé à la tête et à la gorge et que pour se défendre, il se serait emparé du pistolet du dénommé … - qui aurait fait partie de la police au moment des faits mais qui aurait été licencié depuis lors -, pour tirer sur le dénommé …2.

Depuis cet incident, la famille de la demanderesse aurait été la cible de la vengeance du dénommé … et le fils de la demanderesse serait resté cloîtré à la maison de peur d’être victime d’un acte de vengeance. Après être ainsi resté enfermé pendant des années, le fils de la demanderesse serait finalement sorti de chez lui en juillet 2013. Lorsqu’il aurait voulu se rendre à l’école, le dénommé … aurait tenté de l’écraser avec sa voiture. Lors de cet incident, le fils de la demanderesse aurait été blessé et il aurait dû être hospitalisé pendant quelques jours3. Le tribunal relève à cet égard qu’il ressort clairement du récit de la demanderesse que son fils aurait été blessé lorsqu’il aurait été heurté par la voiture du dénommé …, de sorte que la circonstance qu’elle ait qualifié erronément cette incident de tentative de kidnapping au lieu de tentative d’homicide, respectivement que cette qualification erronée serait imputable à une erreur de traduction, ne porte pas à conséquence.

Or, force est en tout état de cause de constater qu’alors même que la demanderesse a déclaré avoir été menacée par les dénommés … et … suite à l’altercation les ayant opposés à son mari4, et que son fils aurait été victime d’une tentative de meurtre, elle n’a jamais porté plainte contre ces deux personnes auprès des autorités policières de son pays5. Si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection, s’il n’a pas lui-même tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de menaces et d’une tentative d’assassinat, communément la forme d’une plainte.

Si la demanderesse tente certes de justifier son inaction par le fait que cela n’aurait servi à rien de s’adresser à la police qui n’accorderait aucune protection aux citoyens victimes de 1 Pages 3/13 et 4/13 du rapport d’audition de Madame ….

2 Page 3/13 du rapport d’audition.

3 Pages 5/13, 7/13 et 8/13 du rapport d’audition.

4 Page 6/13 du rapport d’audition.

5 Page 8/13 du rapport d’audition.

vendetta, cette affirmation non autrement corroborée n’est en tout état de cause pas de nature à justifier son inaction à recourir à l’aide de la police.

Le tribunal est en effet amené à constater que la demanderesse ne s’est jamais vu refuser l’accès à la police et qu’elle n’a pas fait état d’expériences négatives qu’elle aurait personnellement vécues avec la police, la demanderesse ayant d’ailleurs déclaré elle-même lors de son audition qu’après que son fils aurait été heurté par une voiture devant son école, la police se serait déplacée à l’école pour prendre les dépositions des professeurs6. Comme la demanderesse n’a toutefois pas déposé de plainte auprès de la police suite à l’incident avec son fils, ni même demandé à recevoir une copie du rapport de police7 et qu’elle n’a dès lors même pas essayé de chercher l’aide de la police pour élucider les circonstances exactes de cet incident, il ne saurait être reproché une quelconque inaction volontaire ou incapacité de la police à poursuivre le ou les coupables de la prétendue tentative d’assassinat de son fils. Force est à cet égard également de relever qu’il ne ressort pas des attestations que la demanderesse a remises à la direction de l’Immigration que les personnes présentes lors de l’accident ont clairement identifié le dénommé … comme étant le coupable. En effet, toutes les personnes se déclarant « témoin oculaire de l’incident » ont seulement déclaré « soupçonner » le dénommé « … » d’avoir conduit la voiture qui a heurté le fils de la demanderesse et ce en raison de la vendetta prétendument existant entre la famille du dénommé … et la famille de la demanderesse.

Le tribunal relève encore que la demanderesse a déclaré qu’après que son mari avait tiré sur le dénommé …, il aurait été arrêté dès le lendemain et condamné, aux termes d’un procès pendant lequel il aurait été assisté par un avocat, à une peine d’emprisonnement de huit ans8, ce qui témoigne en tout état de cause en faveur de l’existence d’un système policier et judiciaire d’une certaine efficacité, ce d’autant plus que le mari de la demanderesse a également pu interjeter appel contre le jugement qui l’a condamné, ce qu’il a fait le 30 juin 2010.

Si la demanderesse considère certes que ce serait injuste que les dénommés … et … n’auraient quant à eux pas été condamnés en justice, force est au tribunal de relever qu’il ressort du jugement ayant condamné le mari de la demanderesse en première instance que ce dernier, qui aurait été en état d’ébriété au moment des faits, se serait bagarré avec le dénommé … et qu’il aurait fini par tirer sur lui avec un pistolet qu’il aurait non pas enlevé au dénommé … mais dont il aurait été en possession de manière illégale, pour finalement s’enfuir de la scène de crime. Il est donc difficilement concevable sur quelle base ces deux personnes auraient pu être inculpées et condamnées elles-aussi.

Par ailleurs, l’affirmation tout à fait générale et non autrement corroborée de la demanderesse suivant laquelle les dénommés … et … n’auraient pas été condamnés parce qu’ils auraient des connaissances auprès de la police et du gouvernement, reste à l’état de pure allégation et se trouve contredite par les circonstances de l’incident telles qu’actées dans le jugement du tribunal ayant condamné le mari de la demanderesse. Il ressort en effet dudit jugement que lors du procès, le tribunal a non seulement entendu la version des faits du dénommé … mais également celle de cinq autres témoins présents lors de l’incident, étant encore 6 Page 8/13 du rapport d’audition.

7 Page 9/13 du rapport d’audition.

8 Page 7/13 du rapport d’audition.

relevé que le mari de la demanderesse a lui-même avoué les faits en plaidant toutefois en vain la légitime défense. Le tribunal relève à cet égard encore que le mari de la demanderesse a été assisté pendant son procès par un avocat qu’il aurait pu mandater pour porter plainte pour faux témoignage contre les personnes qui d’après la demanderesse auraient menti quant à la manière dont se seraient déroulés les faits sur lesquels le tribunal s’est basé pour le condamner.

A cela s’ajoute que la demanderesse a déclaré lors de son audition que le dénommé … aurait été licencié suite à l’altercation l’ayant opposé au mari de la demanderesse9. Or, si ce licenciement devait effectivement avoir eu un lien avec le comportement affiché par le dénommé … lors de cet incident, la sanction disciplinaire prononcée à son encontre est en tout état de cause de nature à témoigner en faveur du bon fonctionnement des autorités albanaises.

La demanderesse reproche encore aux policiers de Shkodër d’être restés inactifs - encore que, tel que relevé ci-dessus, elle admet n’avoir jamais formellement requis leur aide en portant plainte - et ce au motif qu’alors même qu’ils auraient été au courant de l’affaire de vengeance dans laquelle sa famille était impliquée, ils n’auraient pas arrêté le dénommé …. Le tribunal est à cet égard amené à constater que la demanderesse a déposé à l’appui de sa demande de protection internationale une copie d’un document émis par le Commissariat de police de Shkodër en date du 31 août 2010 dont il ressort que le beau-père de la demanderesse aurait sollicité le 26 août 2010 de la part de la police l’établissement d’un document attestant que la famille de la demanderesse rencontrerait des problèmes de vengeance avec la famille du dénommé « … » et que la police serait au courant de cette affaire de vengeance. La police a donc accédé à la demande de la famille de la demanderesse en établissant rapidement l’attestation sollicitée. Ce document ne saurait toutefois être considéré comme étant constitutif d’une plainte déposée en bonne et due forme contre le dénommé …, étant encore relevé que cette attestation a été établie presque trois ans avant l’incident au cours duquel le fils de la demanderesse aurait été délibérément blessé par ….

Par ailleurs, si la demanderesse avait eu le sentiment que ses doléances n’avaient pas été accueillies avec le sérieux nécessaire par les policiers locaux, respectivement que ces derniers n’auraient pas traité avec le sérieux nécessaire les problèmes de vengeance rencontrés par sa famille, il lui aurait été possible de s’adresser à d’autres policiers, faisant par exemple partie de l’unité spéciale de lutte contre la vendetta, ou de protester contre le comportement des policiers auprès d’une autorité supérieure et plus particulièrement auprès de la direction générale de la police qui est notamment chargée de superviser l’exécution des fonctions et des tâches policières par les directions régionales de la police, ce qu’elle n’a toutefois pas fait.

Finalement, il y a encore lieu de rappeler que la notion de protection n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants d’un pays contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ou une atteinte grave ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée.

9 Page 5/13 du rapport d’audition.

Or, au vu de ce qui précède, le tribunal est amené à retenir qu’il ne résulte en tout état de cause ni du récit de la demanderesse tel qu’acté dans son rapport d’entretien, ni des explications de son litismandataire concernant ce volet du recours, que les autorités albanaises ne sont pas capables ou pas disposées à l’aider, voire qu’elles encourageraient ou toléreraient les affaires de vengeance. Ce constat ne se trouve d’ailleurs pas ébranlé par le seul fait que la demanderesse se serait adressée sans succès à des personnes âgées agissant en qualité de médiateurs10. En effet, tel que relevé ci-avant, l’Albanie peut se prévaloir d’un système policier et judiciaire, en ce compris dans le contexte d’affaires de vengeance, de sorte que face à l’échec de ses tentatives de conciliation, la demanderesse aurait pu et dû requérir formellement l’aide des autorités policières de son pays en déposant une plainte, ce qu’elle n’a toutefois pas fait.

La demanderesse n’a donc pas fourni d’éléments de nature à renverser le constat du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 précité, selon lequel l’Albanie est à considérer comme pays d’origine sûr.

Il suit des considérations qui précèdent que la demanderesse n’invoque pas de faits démontrant que l’Albanie ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr dans son chef, de sorte que c’est à bon droit que le ministre, après analyse de sa situation concrète, a conclu qu’elle est originaire d’un pays d’origine sûr, et qu’il a à bon droit pu statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20 de la loi du 5 mai 2006.

Pour être tout à fait complet, le tribunal est encore amené à relever que si le litismandataire de la demanderesse se plaint certes du fait que le rapport d’audition de la demanderesse serait incomplet, il n’en tire toutefois aucun moyen, étant par ailleurs relevé qu’au plus tard lors du dépôt du dossier administratif au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ensemble avec le mémoire en réponse, le litismandataire de la demanderesse a pu prendre connaissance du document complet et le cas échéant prendre position par rapport à d’éventuels éléments manquants à travers son mémoire en réplique, ce qu’il n’a toutefois pas fait. Le tribunal constate à cet égard d’ailleurs que la retranscription de l’audition de la demanderesse se termine à la page 11/13 et que les pages 12/13 et 13/13 ne contiennent que les signatures de tous les participants à l’entretien, ainsi que les mentions légales obligatoires.

2. Quant au recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation, ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

10 Pages 6/13 et 7/13 du rapport d’audition.

A l’appui de ce volet du recours, la demanderesse invoque en substance les mêmes faits et moyens que ceux invoqués dans le cadre du recours dirigé contre la décision ministérielle de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée pour insister sur le fait qu’en cas de retour en Albanie sa vie et celle de son fils seraient gravement en danger, ce d’autant plus que les autorités albanaises seraient impuissantes face au problème de vengeance auquel sa famille serait confrontée. Elle insiste à cet égard encore une fois sur le fait qu’elle aurait fait le nécessaire pour remédier à la situation en informant la police, qui n’aurait toutefois entrepris aucune démarche pour assurer sa protection, ou encore en tentant en vain une conciliation par l’intermédiaire de médiateurs. Ce serait en tout état de cause à tort que le ministre aurait refusé d’accorder à la demanderesse un statut de protection internationale, ce d’autant plus qu’il n’aurait pas procédé aux investigations nécessaires, ni tenu compte de l’ensemble des éléments qu’elle lui aurait fournis. Dans son mémoire en réplique, la demanderesse fait encore valoir qu’elle serait sans nouvelles de son beau-père depuis plusieurs semaines et qu’elle serait d’avis que cette « disparition inquiétante » serait sans aucun doute liée à la vendetta dont chaque membre de sa famille serait la cible. En tout état de cause, la demanderesse et ses enfants encourraient un danger imminent d’atteinte à leur intégrité physique en cas de retour en Albanie.

Le délégué du gouvernement pour sa part estime que ce serait à bon droit que le ministre a refusé le statut de protection internationale des demandeurs.

En vertu de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et que cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère comme atteintes graves, sous ses points a), b) et c), «la peine de mort ou l'exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine ; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l’espèce, indépendamment de la question de la qualification des faits invoqués par la demanderesse à la base de sa demande de protection internationale ou encore de celle de savoir si les actes invoqués sont d’une gravité suffisante pour être qualifiés de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la loi du 5 mai 2006, force est au tribunal de relever que l’auteur des représailles craintes par la demanderesse est personne privée, sans lien avec l’Etat. La demanderesse ne saurait dès lors faire valoir un risque réel de subir des persécutions ou des atteintes graves que si les autorités albanaises ne veulent ou ne peuvent lui fournir une protection effective contre ces persécutions ou atteintes graves, en application de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006.

En effet, tant la notion de « réfugié » que celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent, outre nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine, une absence de protection dans le pays d’origine, soit que la personne concernée refuse d’accepter la protection des autorités du pays dont elle a la nationalité, soit qu’elle n’y a pas accès.

Dès lors, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale11. En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut12.

L’essentiel est en effet d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. En cas de persécution ou d’atteinte grave infligée par des entités non étatiques, la crainte d’être persécuté ou de subir des atteintes graves est considérée comme fondée si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas fournir une protection effective au demandeur ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection : c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution ou de l’atteinte grave infligée. A cet égard, il y a lieu de rappeler l’article 29 (2) de la loi du 5 mai 2006 qui définit la protection comme suit : « La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1), points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection ». Si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions - cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint 11 Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, UNHCR, décembre 2011, p.21, n° 100.

12 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

En effet, tel que relevé ci-avant, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ou une atteinte grave ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par une personne ou un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée.

Le tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation, vient ci-avant de retenir dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée que le ministre a valablement pu considérer que la demanderesse est originaire d’un pays d’origine sûr au sens de la loi, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de sa demande.

Actuellement, le tribunal, statuant par rapport au volet du rejet de la demande en obtention d’une protection internationale en tant que juge de la réformation, ne saurait que réitérer son analyse précédente au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que Madame … ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale pris en son double volet, la demanderesse n’ayant en effet fourni, dans le cadre de la procédure contentieuse, aucun élément complémentaire pertinent permettant de conclure que les autorités albanaises seraient dans l’incapacité de lui fournir une protection au sens de l’article 29 (2) de la loi du 5 mai 2006.

Ce constat ne se trouve d’ailleurs pas ébranlé par la seule nouvelle affirmation non autrement corroborée suivant laquelle la demanderesse n’aurait plus de nouvelles de son beau-père depuis quelques semaines, la demanderesse ne faisant au stade actuel que présumer un lien entre l’absence de nouvelles de la part de son beau-père et les problèmes de vengeance existants avec le dénommé ….

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, l’Albanie n’étant pas seulement à considérer abstraitement comme pays d’origine sûr du fait de son énumération sur la liste des pays d’origine sûrs, mais également concrètement, compte tenu de la situation individuelle de la demanderesse et des moyens contenus dans sa requête introductive d’instance, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

3. Quant au recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse.

Le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire».

A cet égard, la demanderesse fait valoir que dans la mesure où ce serait à tort que le ministre n’aurait pas reconnu le danger de mort réel et imminent auquel serait exposé son fils en cas de retour en Albanie, l’ordre de quitter le territoire serait à annuler.

Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale de la demanderesse comme non justifiée, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 11 juin 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Madame … dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 11 juin 2014 portant refus d’une protection internationale à Madame … ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 11 juin 2014 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, juge, Laurent Lucas, juge, Hélène Steichen, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 27 août 2014 par le juge Alexandra Castegnaro en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 août 2014 Le greffier du tribunal administratif 18


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 34817
Date de la décision : 27/08/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-08-27;34817 ?

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