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20/08/2014 | LUXEMBOURG | N°34996

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 août 2014, 34996


Tribunal administratif N° 34996 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er août 2014 Chambre de vacation Audience publique de vacation du 20 août 2014 Recours formé par Monsieur …et Madame …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 15, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34996 du rôle et déposée le 1er août 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud RANZEN

BERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de...

Tribunal administratif N° 34996 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er août 2014 Chambre de vacation Audience publique de vacation du 20 août 2014 Recours formé par Monsieur …et Madame …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 15, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34996 du rôle et déposée le 1er août 2014 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud RANZENBERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Biélorussie), et de son épouse, Madame …, née le … 1970 à …, tous les deux de nationalité biélorusse, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 juillet 2014 par laquelle ledit ministre s’est déclaré incompétent sur base de l’article 15 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection et de l’article 18, paragraphe 1b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, pour connaître de la demande de protection internationale de Madame …;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 août 2014 ;

Vu l’ordonnance du 6 août 2014, n° 34997 du rôle ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Sandrine FRANCIS, en remplacement de Maître Arnaud RANZENBERGER, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de vacation du 20 août 2014.

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Le 17 septembre 2013, Monsieur …introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Le 20 mars 2014, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006.

Par décision du 7 juillet 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Madame… que le Grand-Duché de Luxembourg n’était pas compétent pour examiner sa demande en reconnaissance d’un statut de protection internationale, en se référant aux dispositions de l’article 15 de la loi du 5 mai 2006 et à celles de l’article 18, paragraphe 1er, point b), du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, au motif que ce serait le Royaume des Pays-Bas qui serait responsable du traitement de sa demande d’asile, du fait qu’elle y aurait précédemment déposé une demande d’asile, en l’occurrence en date du 23 octobre 2013. Ladite décision fait encore état de ce que le Royaume des Pays-Bas aurait accepté, en date du 23 mai 2014, de reprendre en charge l’examen de sa demande d’asile. Dans la même décision, le ministre annonce à Madame… que son transfert vers les Pays-Bas serait organisé dans les meilleurs délais.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er août 2014, inscrite sous le numéro 34996 du rôle, Monsieur …et son épouse Madame … ont introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 7 juillet 2014.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er août 2014, inscrite sous le numéro 34997 du rôle, les époux introduisirent encore une demande en institution d’une mesure provisoire tendant à voir autoriser Madame … à séjourner provisoirement sur le territoire luxembourgeois jusqu'au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de leur recours au fond, demande dont ils furent déboutés par ordonnance du 6 août 2014, n° 34997 du rôle.

Etant donné que l’article 17 de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre la décision d’incompétence, une requête sollicitant l’annulation de la décision d’incompétence déférée a pu valablement être déposée.

Le recours en annulation, par ailleurs déposé dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de leur recours au fond et en fait, les demandeurs expliquent être mariés depuis le 11 juin 2013 et, suite à leurs demandes respectives de protection internationale, vivre ensemble dans un foyer à …, les demandeurs soulignant que par ailleurs l’instruction de la demande de protection internationale de Monsieur …serait toujours en cours.

Dès lors, outre qu’il aurait été pour le moins opportun que l’autorité administrative ait accordé à la demanderesse un droit de séjour temporaire sur le territoire luxembourgeois dans l’attente de l’issue de la procédure de son époux, les demandeurs estiment que la décision déférée, en ce qu’ils n’auraient de son fait et du transfert de la demanderesse aux Pays-Bas, plus la possibilité de se retrouver et de vivre ensemble rapidement au Luxembourg, les priverait de l’exercice de leur droit à la vie privée et familiale, tel que consacré par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-

après désignée par « CEDH ».

De même, mettant en exergue le fait que leur lien matrimonial existait avant leur arrivée au Luxembourg, de sorte que ce lien était clairement effectif, d’une part, et que la demande de protection internationale formée par Monsieur …au Luxembourg, s’opposerait à la prise en charge de son dossier par les autorités néerlandaises, d’autre part, ils affirment encore qu’il y aurait une impossibilité pour eux en droit et en fait de s’établir, même temporairement, aux Pays-Bas.

Ils en concluent que la décision ministérielle du 7 juillet 2014 constituerait une ingérence dans leur vie familiale au sens de l’article 8 CEDH, de sorte qu’elle devrait être annulée pour erreur manifeste d’appréciation, sinon pour erreur de droit, sinon pour excès de pouvoir, les demandeurs invoquant encore à l’appui de leur argumentation un jugement du tribunal administratif du 26 février 2007, n° 22490 du rôle.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur la demande de protection internationale de Madame … en se déclarant incompétent pour en connaître.

Il conteste en particulier toute vie familiale dans le chef des demandeurs, laquelle serait « tout sauf établie », de sorte qu’il n’y aurait pas de violation de l'article 8 CEDH.

Dans ce contexte, il souligne le fait que Monsieur …aurait omis de signaler dans le cadre du dépôt de sa demande de protection internationale le fait qu’il serait marié, la partie étatique affirmant que le demandeur n’aurait dans sa fiche de données personnelles rien écrit au verbo « conjoint/partenaire », mais qu’il se serait contenté de barrer la page en question, « ce qui qui équivaut à se déclarer soit célibataire soit séparé de son conjoint ».

S’emparant ensuite des fiches EURODAC des demandeurs, le délégué du gouvernement affirme que les demandeurs auraient voyagé depuis plusieurs années en Europe, mais séparément et qu’il semblerait qu’ils se seraient mariés entre deux voyages :

c’est ainsi que Monsieur …avait déposé des demandes d'asile le 2 mars 2009 en Suisse et le 5 février 2010 ainsi que le 21 février 2011 en Suède, le 19 mars 2013 à nouveau en Suisse et le 14 mars 2013 en Allemagne avant de rentrer en Biélorussie pour s'y marier le 11 juin 2013 et quitter son épouse trois mois plus tard pour venir au Luxembourg, tandis que Madame… avait déposé des demandes d'asile le 20 avril 2009 en Suisse, le 9 mai 2011en Suède et finalement le 20 octobre 2013 aux Pays-Bas, pour en conclure que si les parcours des demandeurs se croisent certes, en sens ce qu’ils se seraient trouvés aux mêmes endroits, ils y auraient toutefois été à des moments différentes.

Partant, comme les époux n'auraient vécu ensemble que du 11 juin au 13 septembre 2013, soit pendant trois mois à peine, il ne saurait être soutenu qu’ils puissent se prévaloir d'un lien familial effectif.

Le tribunal, comme relevé ci-avant, constate que la décision litigieuse repose en droit sur les dispositions de l’article 15 de la loi du 5 mai 2006 et sur celles de l’article 18, paragraphe 1er, point b), du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, et en fait sur le motif que ce serait le Royaume des Pays-Bas qui serait responsable du traitement de sa demande d’asile, le Royaume des Pays-Bas ayant d’ailleurs accepté, en date du 23 mai 2014, de reprendre en charge l’examen de la demande d’asile de Madame….

Or, force est de constater à cet égard que les demandeurs n’avancent aucun moyen susceptible d’énerver la légalité en droit ou en fait de la décision ministérielle dans ce cadre déterminé, de sorte que la décision litigieuse du 7 juillet 2014 est a priori motivée à suffisance de droit et de fait sur ces bases.

Il y a cependant encore lieu d’analyser les moyens basés sur la violation alléguée de CEDH, dont les dispositions ont priorité sur les normes juridiques nationales1.

En effet, s’il est de principe, en droit international, que les Etats ont le pouvoir souverain de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers, il n’en reste pas moins que les Etats qui ont ratifié la CEDH ont accepté de limiter le libre exercice de cette prérogative dans la mesure des dispositions de la Convention.

L’étendue de l’obligation des Etats contractants d’admettre des non nationaux sur leur territoire dépend de la situation concrète des intéressés mise en balance avec le droit de l’Etat à contrôler l’immigration. A cet égard, en ce qui concerne l’invocation de l’article 8 de la CEDH, celui-ci est libellé comme suit :

« 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2) Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

La protection de l’article 8 CEDH ne saurait cependant être admise qu’à condition que la vie familiale invoquée soit effective, et qu’elle ait été a priori préexistante à l’entrée sur le territoire national. En effet, l’article 8 CEDH n’est pas absolu et ne confère pas directement aux étrangers un droit de séjour dans un pays précis - l’article 8 ne garantissant en particulier pas le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée 1 Voir Cour d’appel Bruxelles (réf), 21 février 1996, J.D.J., 1996, n° 155, p.27.

et familiale2 - et un étranger séjournant de manière irrégulière sur le territoire luxembourgeois n’est pas sans ignorer la relative précarité de sa situation. Or, si un étranger en situation irrégulière demeurant sur le territoire luxembourgeois et y ayant créé une vie privée et familiale peut certes alléguer qu’une décision de refus de lui accorder un autre titre de séjour constitue une ingérence dans sa vie privée, il n’en reste pas moins que le caractère précaire de sa présence sur le territoire n’est pas sans pertinence dans l’analyse de la conformité de la décision litigieuse avec notamment la condition de proportionnalité inscrite au second paragraphe de l’article 8 CEDH.

Par ailleurs, en vertu de l’article 8.2 CEDH, le droit au respect de la vie privée et familiale n’est pas illimité. L’ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit peut bel et bien être justifiée si elle est « prévue par la loi », motivée par l’un ou plusieurs des buts légitimes énumérés, et « nécessaire dans une société démocratique », c’est-à-dire proportionnée au but légitime poursuivi. Pour qu’une mesure soit « prévue par la loi », elle doit avoir un fondement dans le droit interne, être accessible et être prévisible, c’est-à-dire « ne pas être dépourvue de toutes les garanties contre l’arbitraire ».

Le tribunal retient, d’un côté, à ce égard et dans le cadre du contrôle de la proportionnalité de la mesure, que la décision attaquée a été prise en application de la loi du 5 mai 2006 dont les dispositions doivent être considérées comme constituant des mesures qui, dans une société démocratique, sont nécessaires pour contrôler l’entrée des non-nationaux sur le territoire national3.

D’un autre côté, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, la notion de vie familiale est un concept autonome4. Par conséquent, la question de l’existence ou de la non-existence d’une « vie familiale » est essentiellement une question de fait qui dépend de l’existence réelle dans la pratique de liens personnels étroits5. Le tribunal examinera dès lors, à l’instar de la Cour européenne des droits de l’Homme6, les liens familiaux de facto, tels que la vie commune des demandeurs, au-delà du seul constat de leur mariage contracté en date du 11 juin 2013, étant souligné que la Cour européenne des droits de l’Homme privilégie en premier lieu les attaches familiales effectives et solides7.

2 Voir Cour eur. D.H., Abdulaziz, Cabales and Balkandali c. Royaume-Uni, du 28 mai 1985, et Ahmut c. Pays-

Bas, du 28 novembre 1996.

3 Voir notamment l’arrêt Cruz Varas et autres du 20 mars 1991.

4 Marckx c.Belgique, arrêt du 13 juin 1979, Série A no. 31, p. 11, §. 31, rapport de la Commission du 10 décembre 1977, Série B-29, p.44, § 69.

5 K. c. Royaume-Uni, n° 11468/85, décision de la Commission du 15 octobre 1986, Décisions et Rapports (DR) 50, pp. 199, 207.

6 Voir : Johnston et autres c. Irlande, arrêt du 18 décembre 1986, Série A no. 112, p. 19, § 56.

7 Voir, par exemple, Bouchelkia c. France, arrêt du 29 janvier 1997, Mehemi c. France, arrêt du 26 septembre 1997, Nasri c. France, arrêt du 13 juillet 1995 et Radovanovic c. Autriche, arrêt du 22 avril 2004.

Dès lors il convient de vérifier l’existence d’une vie privée et familiale effective ainsi que, cumulativement, l’impossibilité pour les intéressés de s’installer et de mener une vie privée et familiale normale dans un autre pays8.

Or, à cet égard, il résulte des explications de Monsieur …, telles qu’actées lors de son audition par le ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration en date du 24 mars 2014, que les demandeurs sont en fait mariés - partant en couple - depuis 1994, les époux ayant ensuite divorcés pour des raisons fiscales en 2003 pour se remarier en date du 11 mars 20139. Il résulte encore des explications des deux époux que si leur parcours à travers l’Europe n’est pas chronologiquement identique, ce fait s’explique par la circonstance que Monsieur …se rendait en premier dans le pays concerné pour y déposer une demande de protection internationale, et qu’il faisait ensuite y venir son épouse10 : c’est ainsi plus particulièrement que Monsieur …est arrivé en septembre 2013 au Luxembourg pour y déposer une itérative demande de protection internationale, et qu’il s’est rendu ensuite aux Pays-Bas y chercher sa femme, qu’un passeur avait abandonnée aux Pays-Bas au lieu de la conduire comme convenu au Luxembourg11; toutefois, ayant fait l’objet d’un contrôle de police aux Pays-Bas, ils décidèrent d’y déposer une demande conjointe de protection internationale12, origine de la décision actuellement litigieuse.

Il convient d’ailleurs de relever que les demandeurs, s’ils ont certes biffé sans la remplir la page de leur fiche respective de données personnelles consacrée à leur conjoint ou partenaire, ils ont tous les deux indiqué être mariés, tandis qu’ils ont tous les deux précisé lors de leur audition respective l’identité de leur conjoint, de sorte que leur statut marital et ses spécificités étaient nécessairement connus du ministre.

Le tribunal ne saurait dès lors, au vu des explications fournies, non énervées par l’Etat, réduire la vie familiale des époux …… à une période ayant seulement débuté le 11 mars 2013, mais doit constater l’existence d’une vie de couple effective et préexistante à cette date.

Quant à l’impossibilité actuelle pour les époux de mener une vie privée et familiale normale dans un autre pays, celle-ci est patente, et ce, d’une part, au vu du refus actuel et litigieux des autorités luxembourgeoises de traiter la demande protection internationale de Madame… au Luxembourg, et, d’autre part, du refus corrélatif des autorités néerlandaises, documenté par un courrier du 10 juin 2014, de prendre de leur côté Monsieur …en charge.

8 Cour adm., 12 octobre 2004, n° 18241C, Pas. adm. 2012, V° Etrangers, n° 354.

9 Rapport d’audition de Monsieur KRASAKOV du 24 mars 2014, p.2/5.

10 Rapport d’audition de Madame ZAPEKA du 1er avril 2014, p.3/4.

11 Rapport d’audition de Monsieur KRASAKOV du 24 mars 2014, p.3/5.

12 Rapport n° SPJ/15/2014/31405.1 HA de la police des étrangers et des jeux.

Dans la mesure où la décision d’incompétence a pour conséquence le transfert de la demanderesse, entraînant ainsi la séparation de la demanderesse et de son époux, elle entraîne une ingérence injustifiée ou disproportionnée au sens de l’article 8 CEDH, et ce d’autant plus que le ministre aurait pu fin de se conformer à l’article 8 CEDH, faire usage de la clause discrétionnaire inscrite de l’article 17, paragraphe 12 (CE) du règlement n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 précité, selon lequel chaque Etat membre peut examiner une demande d’asile qui lui est présentée, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par ce règlement, et accepter l’examen au fond de la demande d’asile de la demanderesse par les autorités luxembourgeoises, le tribunal tenant à souligner qu’il ne s’agissait en l’espèce, en tout état de cause, pas d’accorder à la demanderesse un quelconque droit de séjour permanent sur le sol luxembourgeois, mais de lui permettre de demeurer à titre précaire sur le territoire luxembourgeois le temps que sa demande de protection internationale ainsi que celle de son époux y soient traitées Ainsi, en se déclarant incompétent pour connaître de la demande de protection internationale de la demanderesse, entraînant ainsi de manière disproportionnée la séparation des époux et la rupture de leur vie commune effective, le ministre a commis une erreur manifeste d’appréciation.

Partant, le recours est fondé et la décision d’incompétence litigieuse encourt l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant annule la décision ministérielle déférée du 7 juillet 2014 et renvoie le dossier en prosécution de cause devant le ministre de l’Immigration et de l’Asile ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 20 août 2014 par :

Marc Sünnen, premier vice-président, Alexandre Castegnaro, juge, Hélène Steichen, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

Hoffmann Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20/8/2014 Le Greffier du Tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 34996
Date de la décision : 20/08/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-08-20;34996 ?

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