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20/08/2014 | LUXEMBOURG | N°34792

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 août 2014, 34792


Tribunal administratif N° 34792 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2014 Chambre de vacation Audience publique de vacation du 20 août 2014 Recours formé par Monsieur …et Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34792 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2014 par Maître Marc LENTZ,

avocat à la Cour, assisté de Maître Sam RIES, avocat, tous les deux inscrits au tableau de ...

Tribunal administratif N° 34792 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2014 Chambre de vacation Audience publique de vacation du 20 août 2014 Recours formé par Monsieur …et Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 34792 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2014 par Maître Marc LENTZ, avocat à la Cour, assisté de Maître Sam RIES, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Albanie), de nationalité albanaise, et de son épouse Madame …, née le … à … (Monténégro), de nationalité monténégrine, agissant tant en leurs noms propres qu’en leurs qualités de représentants légaux de leur enfant mineur …, née le à …, de nationalité monténégrine, demeurant tous ensemble à L-… tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 12 juin 2014 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 12 juin 2014 refusant de faire droit à leur demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juillet 2014 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Sam RIES et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 août 2014.

Le 15 avril 2014 Monsieur …et son épouse, Madame …, accompagnés de leur enfant mineur …, introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».

Le même jour, Monsieur …et Madame …, ci-après « les époux …», furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Monsieur …fut entendu les 22 avril et 14 mai 2014 par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, Madame … ayant de son côté été entendue les 22 avril et 21 mai 2014.

Par décision du 12 juin 2014, expédiée par lettre recommandée le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa les époux …qu’il avait été statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1), a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2014, les époux …ont fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 12 juin 2014 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à leur demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

A l’appui de leur recours et en fait, les époux …exposent les faits et rétroactes de leur demande en obtention d’une protection internationale. Ainsi, et en substance, ils expliquent avoir été expsés au Monténégro à des menaces et à des agressions, essentiellement de la part de la famille de Madame…, et cela en raison des nationalités différentes des deux époux, alors que Monsieur est de nationalité albanaise, tandis que Madame… possède la nationalité monténégrine.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale des époux …dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Les époux …reprochent au ministre par rapport à ce volet de la décision déférée d’avoir retenu à tort que leur récit rentrerait dans l’une des hypothèses énumérées à l’article 20 (1), a) b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et d’avoir statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.

En ce qui concerne les points a) et b) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 tels qu’invoqués par le ministre, les demandeurs contestent n’avoir soulevé que des faits sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante, voire qu’il apparaîtrait clairement qu’ils ne rempliraient pas les conditions requises pour obtenir la protection internationale, alors qu’ils auraient fait valoir qu’ils auraient été victimes de menaces graves, voire des menaces de mort, ainsi que d’agressions physiques en relation avec leurs nationalités distinctes, de sorte qu’ils auraient énoncé des problèmes et des persécutions exclusivement en relation avec leur nationalité respective, les demandeurs soulignant tout particulièrement le fait qu’ils auraient dû faire face à des menaces de mort et des agressions physiques.

En ce qui concerne le point c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 invoqué par le ministre, les demandeurs contestent l’appréciation ministérielle selon laquelle le Monténégro, tout comme l’Albanie, seraient à considérer comme des pays d’origine sûrs, les demandeurs en particulier relevant que selon un document établi par Amnesty International en date du 19 novembre 2012 proposant une liste de recommandations à faire notamment par le Monténégro, suggérant en particulier de notamment prendre des mesures pour mettre en oeuvre la loi monténégrine de 2011 contre la discrimination dans son intégralité, ce qui témoignerait de l’existence entre autres d’un certain nombre de discriminations.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur la demande de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée.

En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a), b) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, aux termes desquels : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants : a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a) b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande -

le tribunal, comme indiqué ci-dessus, statuant par rapport à ce volet en tant que juge de l’annulation appelé à apprécier la légalité de la décision administrative au jour où l’autorité compétente a statué et non au moment où le tribunal est le cas échéant amené à prononcer son jugement -, sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit s’il apparaît clairement que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons de nature à justifier dans son chef dans son pays de provenance une crainte fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social, respectivement un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la même loi, soit enfin si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire et qu’en vertu de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « réfugié » est définie comme tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, tandis qu’aux termes de l’article 2, f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est de constater que tant la notion de « réfugié » que celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent, outre nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine, une absence de protection dans le pays d’origine, soit que la personne concernée refuse d’accepter la protection des autorités du pays dont elle a la nationalité, soit qu’elle n’y a pas accès.

Dès lors, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale1. En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut2.

Plus précisément, compte tenu du fait que les auteurs des actes dénoncés par les demandeurs sont en l’espèce des personnes privées - à savoir des membres de la famille de Madame… -, sans lien avec l’Etat, les demandeurs ne sauraient faire valoir un risque réel de subir des persécutions ou des atteintes graves que si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas leur fournir une protection effective contre ces persécutions ou ces atteintes graves ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection.

L’essentiel est en effet d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. En cas de persécutions ou d’atteintes graves par des entités non étatiques, la crainte d’être persécuté est considérée comme fondée si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas fournir une protection effective au demandeur ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection : c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution ou des atteintes graves. A cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 reconnaît la possibilité pour des personnes persécutées ou victimes d’atteintes graves par des acteurs non étatiques d’obtenir une protection internationale si l’Etat ne veut ou ne peut lui accorder une protection, tandis que l’article 29 (2) définit la protection comme suit : « La protection contre les persécutions et 1 Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, UNHCR, décembre 2011, p.21, n° 100.

2 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. ». Cela inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, d’identifier, de poursuivre et de punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou des atteintes graves sans cependant que cette exigence n’impose pour autant un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100%, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policières et judiciaires les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux. A cet égard, le tribunal rappelle également que la notion de protection n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants d’un pays contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par une personne ou un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée.

Or, il appert que les demandeurs, qui mettent en avant en tant que seules persécutions subies des menaces verbales et des tentatives d’intimidation de la part de la famille de Madame…, hostile au mariage de celle-ci avec un Albanais - encore que l’époux ait prétendu ne plus avoir été menacé après leur mariage, et ignorer si son épouse faisait encore l’objet de menaces (« Et après le mariage receviez-vous encore des menaces ? - Moi personnellement non. Ma femme sûrement oui, mais elle ne me dit pas tout »3), ce qui jette un doute sur la persistance des menaces alléguées - ainsi qu’une seule agression physique subie par Monsieur …, sans lien apparent avec les problèmes familiaux allégués, le demandeur pensant seulement que cette agression, perpétrée par des Albanais inconnus, serait liée à son mariage imminent avec une Monténégrine, affirment n’avoir jamais requis ni officiellement et formellement, ni d’une quelconque autre manière, la protection des autorités albanaises en déposant une plainte à l’encontre de la famille de Madame… et des agresseurs de Monsieur …. Si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection, s’il n’a pas lui-même tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence d’agressions ou de menaces physiques, communément la forme d’une plainte.

Une persécution ou atteinte grave ne saurait en effet être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par une personne ou un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. A cet égard, il aurait appartenu aux demandeurs, avant de baisser tout simplement les bras et de requérir la protection d’un Etat étranger, de rechercher activement la protection offerte par leurs propres autorités et institutions nationales.

Les demandeurs n’ayant dès lors pas eu recours aux moyens à leur disposition pour 3 Page 3/7 du rapport d’audition du 14 mai 2014 de Monsieur POPOVIQ.

bénéficier effectivement de la protection des autorités compétentes, le ministre a valablement pu considérer, au vu des éléments lui soumis, qu’il apparaît clairement que les époux …ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, prise en son double volet, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de leur demande.

Partant le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait besoin d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de ce volet du recours, les demandeurs invoquent les mêmes faits que ceux avancés dans le cadre du recours dirigé contre la décision ministérielle de statuer sur leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, en soutenant que les persécutions dont ils risqueraient de faire l’objet en cas de retour, à savoir des atteintes à leur intégrité physique et morale, notamment des menaces de mort et des agressions physiques justifieraient l’obtention de la protection internationale.

En effet, leur éventuel déménagement ne changerait rien à leur situation, alors qu’il y aurait toujours un d’eux qui vivrait dans un pays dont il ne possèderait pas la nationalité, mais où il risquerait toujours de subir des discriminations et où l’éloignement géographique ne serait pas suffisant pour garantir l’absence d’agressions et de menaces de la part de la famille…. S’ils admettent que l’on pourrait leur reprocher de ne pas avoir dénoncé ces faits aux autorités monténégrines, ils expliquent toutefois cette absence de dénonciation par la crainte d’aggraver leur situation et le manque de confiance dans les autorités policières monténégrines, d’autant plus qu’un membre de la famille de Madame… serait membre des forces de l’ordre.

Ils affirment encore que la gravité suffisante des actes subis ne saurait être mise en doute, alors que le fait de devoir subir des menaces de mort et des agressions physiques, sans qu’une autorité policière ou judiciaire daigne intervenir ne pourrait être qualifié autrement que de traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, de sorte que ces persécutions présenteraient le niveau de gravité requis par l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, sinon celui requis par l’article 37 de la même loi.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours.

Le tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation, vient ci-avant de retenir dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée que le ministre a valablement pu considérer que les éléments produits lui ont permis de conclure qu’il apparaît clairement que les demandeurs ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, ne s’étant pas, de façon valable, prévalu d’une absence de protection dans leur pays d’origine, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de leur demande Actuellement, le tribunal, statuant par rapport au volet du rejet de la demande en obtention de la protection internationale en tant que juge de la réformation, ne saurait que réitérer son analyse précédente au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande en obtention d’une protection internationale dans le cadre de leurs auditions respectives ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que les époux …ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, les demandeurs n’ayant en effet jamais, à quelque niveau que ce soit, tenté d’obtenir la protection des autorités monténégrines, les demandeurs n’ayant en particulier pas porté plainte à l’encontre des agissements de la famille….

Par ailleurs, il ne ressort d’aucun élément probant fourni en cours de procédure contentieuse que les demandeurs puissent théoriquement ou concrètement se prévaloir d’un dysfonctionnement du système policier et judiciaire du Monténégro : ainsi, le document cité - mais non versé en cause - par les demandeurs dans leur requête introductive d’instance, qui traite notamment des mesures concrètes d’application d’une loi contre la discrimination, du renforcement de l’institution du médiateur, de la protection de la liberté d’expression et de la loi réprimant la diffamation au civil au Monténégro, ne permet pas de tirer de quelconques conclusions relatives au fonctionnement des autorités policières et judiciaires monténégrines, tandis que les demandeurs restent en défaut de faire état de la moindre expérience négative personnellement vécue en termes d’inefficacité du système policier et judiciaire du Monténégro. Enfin, l’allégation essentiellement vague et apparue pour la première fois en cours de procédure contentieuse selon laquelle un membre de la famille de Madame… ferait partie des forces de l’ordre, n’est pas de nature à établir un défaut généralisé de protection.

Dès lors, les demandeurs n’ont fourni, dans le cadre de la procédure contentieuse, aucun élément complémentaire pertinent permettant de conclure que les autorités compétentes seraient actuellement dans l’incapacité de leur fournir une protection au sens de l’article 29 (2) de la loi du 5 mai 2006, de sorte qu’ils ne sauraient, à travers la protection internationale, réclamer la protection d’un autre Etat ; il s’ensuit que les demandeurs ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, pris en son double volet.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. r) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire».

Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale des demandeurs comme non justifiée, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 12 juin 2014 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale des époux …dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 12 juin 2014 portant refus d’une protection internationale aux époux …;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 12 juin 2014 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 20 août 2014 par :

Marc Sünnen, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, juge, Hélène Steichen, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20/8/2014 Le Greffier du Tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 34792
Date de la décision : 20/08/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2014-08-20;34792 ?

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